En quoi consistait votre mission lui demande le journaliste. Il répond : « Nous étions partis expliquer pourquoi la candidature de Wade est anticonstitutionnelle ». Rien à dire selon moi dès lors qu’il admet qu’il doit aller expliquer aux Américains ce qui ne va pas chez nous. Mais il va plus loin : ‘Nous leur avons expliqué pourquoi ils ne doivent pas attendre qu’on ait une situation comme en Côte d’Ivoire ou en Libye pour enfin intervenir’ (c’est moi qui souligne). Plus loin, répondant à une autre question, il enfonce le clou : ‘Nous avons insisté auprès d’eux pour leur dire : « il ne faut pas attendre que les gens meurent, il ne faut pas attendre qu’il y ait du sang. C’est maintenant qu’il faut agir. Parce que vous avez agi trop tard en Côte d’Ivoire ».
Ces propos, Alioune Tine les a repris devant une foule clairsemée, dont la presse a souligné le caractère peu représentatif, le vendredi 23 septembre 2011 sur la place de l’Obélisque. Donc il les assume avec beaucoup de fierté. Et c’est précisément de cette propension à appeler à la violence, à proférer des menaces, bref de cette volonté manifeste d’installer le désordre et la chienlit que je veux parler.
Alioune Tine a déjà migré de sa posture d’équidistance entre les protagonistes politiques en tant qu’élément de la société civile, à celle d’opposant radical au régime en place. Je respecte son choix et pense qu’il va en tirer toutes les conséquences de droit et d’éthique. Par contre, ce que je ne peux pas comprendre, c’est qu’un intellectuel de sa trempe, avec un patriotisme aussi ardent en bandoulière, puisse appeler ouvertement à une intervention extérieure dans son propre pays sur la base d’une démarche aussi fallacieuse que comparer le Sénégal à la Côte d’Ivoire en guerre ou encore, le Sénégal à la Libye ou l’Egypte ou la Tunisie ?
Et comme l’appétit vient en mangeant, Alioune Tine balance, du haut de sa tribune, ses oukases et ses ultimatums. Je cite : ’Au Président on va lui donner un ultimatum. Il faut que d’ici octobre, il se détermine clairement…’ non sans avoir au préalable martelé ceci : « nous sommes prêts à mourir (pour empêcher la candidature de Wade) ». Autrement dit, Alioune Tine appelle au rejet de l’institution dont le peuple s’est librement doté pour dire, le moment venu, quels sont ceux et/ou celles, parmi les candidats déclarés, dont la candidature est recevable ou pas. Le Conseil constitutionnel est donc dessaisi par Monsieur Tine qui urge les Américains de débarquer en attendant d’ameuter les Français et, pourquoi pas l’Otan.
Pour faire quoi ? Pour des frappes aériennes ? Pour installer un Conseil national de transition avec Alioune Tine comme chef de file ? De toute façon rêver debout est un droit démocratique. Mais, plus sérieusement, au nom de qui parle Alioune Tine lorsqu’il dit ‘nous’ ? Au nom du peuple sénégalais ? Si oui, depuis quand le peuple l’a-t-il investi de cette mission de parler en son nom et par quelle procédure ? Surtout lorsqu’il s’agit d’appels à la violence, à verser le sang, à la mort.
Dès lors que Tine rejette les institutions pertinentes de notre pays en cette matière, rejette la loi aussi ostensiblement et se déclare prêt à mourir pour empêcher Wade de se présenter, a-t-il alors pensé aux millions d’autres Sénégalais qui soutiennent Wade et qui, eux aussi, dans ces conditions-là, sont prêts à mourir pour que Wade soit candidat ?
La stratégie de ceux qui veulent la violence et le désordre au Sénégal est désormais claire et limpide. Il leur manque trois facteurs qu’ils cherchent fébrilement à réunir comme catalyseur pour mettre le feu :
• Premier facteur manquant à créer : Antagoniser les rapports entre les communautés de notre pays. En Côte d’Ivoire, des apprentis pyromanes ont pu se servir des différences (pourtant source de richesse) entre les communautés du pays, qu’ils ont transformées en antagonismes à travers des théories de toutes sortes. Ils ont pu obtenir, in fine, que le peuple frère de Côte d’Ivoire ou certaines de ses franges, finisse par se soumettre à leur logique de violence, leur logique de guerre civile. Ici au Sénégal, toutes les tentatives de ce genre ont, du moins jusqu’au moment présent, lamentablement échoué. Le peuple sénégalais reste soudé, par-delà la diversité de ses choix politiques assumés dans la sérénité et même le cousinage à plaisanterie, et ne semble pas décidé à prêter attention aux sirènes de la haine et de la division.
• Deuxième facteur manquant à créer : Déstabiliser les instances de légitimation et de régulation du pays. Pour brûler le Sénégal, il faut que ces instances de légitimation, qui œuvrent en permanence dans notre société pour la paix dans les cœurs et pour la tranquillité, soient débordées par les pyromanes et perdent l’écoute du peuple. Des efforts immenses y sont consacrés pour y arriver. Mais ils sont restés vains jusqu’ici.
• Troisième facteur manquant à créer : Discréditer l’Etat et le pousser à la faute. Un Etat déstabilisé et discrédité, incapable de réfréner les logiques de violence perd le contrôle de ses nerfs et, comme en Libye ou ailleurs dans le monde arabe, d’après ce qu’on en rapporte, devient lui-même producteur de violence massive contre le peuple souverain. Cet objectif est également recherché avec acharnement par les apprentis pyromanes au travers d’initiatives aussi nombreuses que variées. A cet égard, la désinformation et la manipulation des consciences, par presse interposée, sont devenues des leviers extrêmement importants et quotidiennement actionnés. Il s’agit ici de travailler d’une main les opinions en les menant, par des artifices, à l’indignation et à la révolte et, de l’autre, à pousser l’Etat à la faute. Mais l’Etat reste d’une grande sérénité sans cesser d’être vigilant.
Rendons grâce à Dieu ! Au Sénégal, nous sommes encore loin de tout cela. Mais naturellement, nous ne devrions pas dormir sur nos lauriers. Les pyromanes ne désarmeront pas quelle que soit l’ampleur de leur défaite ou celle de leur déroute momentanée.
J’inviterais plutôt Alioune Tine, dont je connais par ailleurs l’attachement à la paix et à la stabilité du Sénégal, à avoir une lecture plus pointue de ce que ses interlocuteurs américains lui ont dit et qu’il nous a rapporté. Je le cite : ‘les Etats-unis ont des liens privilégiés avec le Sénégal depuis l’indépendance’. Ils lui ont dit qu’ ‘ils ont, avec le Sénégal, des relations de coopération privilégiées parmi tous les pays africains francophones.’ Et ils lui ont dit qu’ ‘ils tiennent beaucoup à ce que le Sénégal soit un pays stable’.
Si les Américains pensent ainsi et agissent ainsi, c’est parce que, d’après leur système autonome d’appréciation et d’évaluation, ils n’ont aucune raison de percevoir le Sénégal tel que Tine s’est évertué à le leur présenter. Je passe sur les dépêches révélées par la presse et indiquant que pour les Américains, la candidature de Wade ne posait aucun problème. Si je peux personnellement me féliciter de tous ces avis, j’ajouterai, concernant le dernier, que le seul point de vue décisif sur cette question reste celui du Conseil constitutionnel du Sénégal. Les avis que Tine est allé chercher Outre Atlantique ont été très clairs pour qui sait écouter et comprendre, mais ils restent de simples avis, comme du reste ceux de Tine ou les miens propres.
Le Sénégal n’est pas sorti de la cuisse de Jupiter tant s’en faut, mais nous avons notre propre trajectoire historique, à la construction de laquelle, chaque génération de leaders et de simples citoyens a contribué. C’est cette trajectoire et cette culture, pour tout dire cette civilisation, qui font que nous sommes ce que nous sommes : des Sénégalais. Personne ne pourra prendre ce peuple par le collet pour l’engager dans les voies de la violence.
Les vrais patriotes, soucieux de l’indépendance et de la souveraineté de notre pays, et de la dignité de son peuple, peuvent avoir la position politique qu’ils veulent (pour ou contre Abdoulaye Wade, pour ou contre quelqu’un d’autre), mais sans jamais oublier qui nous sommes et ce que nous sommes : Un peuple épris de paix, de liberté et de dignité auquel on ne dicte pas sa conduite et qu’on ne mène pas Manu militari à l’abattoir. Hélas ! Ce n’est pas de ce Sénégal-là qu’Alioune Tine est allé parler aux Américains.
Pourtant les chiffres de la presse devraient faire réfléchir : De 50 mille personnes venues écouter le M23 le 23 juillet dernier, on est passé à moins de 1 000 (2 %) deux mois après. Interrogeons-nous sur ce désintérêt à la fois massif et rapide des secteurs de la population qui manifestaient de l’intérêt au projet. Quel est l’impact de slogans comme ‘Daas Fanaanal’ (aiguiser son arme et attendre le moment propice), ou celui des appels au sang et à la mort dans le comportement de rejet des populations ?Non ! Que ceux qui le veulent prennent date ! Ce pays qui s’appelle le Sénégal ne brûlera pas.
Jàmm rekk, ag salaam.
PAR Mamadou DIOP « Decroix » Sg AJ/Pads
Ces propos, Alioune Tine les a repris devant une foule clairsemée, dont la presse a souligné le caractère peu représentatif, le vendredi 23 septembre 2011 sur la place de l’Obélisque. Donc il les assume avec beaucoup de fierté. Et c’est précisément de cette propension à appeler à la violence, à proférer des menaces, bref de cette volonté manifeste d’installer le désordre et la chienlit que je veux parler.
Alioune Tine a déjà migré de sa posture d’équidistance entre les protagonistes politiques en tant qu’élément de la société civile, à celle d’opposant radical au régime en place. Je respecte son choix et pense qu’il va en tirer toutes les conséquences de droit et d’éthique. Par contre, ce que je ne peux pas comprendre, c’est qu’un intellectuel de sa trempe, avec un patriotisme aussi ardent en bandoulière, puisse appeler ouvertement à une intervention extérieure dans son propre pays sur la base d’une démarche aussi fallacieuse que comparer le Sénégal à la Côte d’Ivoire en guerre ou encore, le Sénégal à la Libye ou l’Egypte ou la Tunisie ?
Et comme l’appétit vient en mangeant, Alioune Tine balance, du haut de sa tribune, ses oukases et ses ultimatums. Je cite : ’Au Président on va lui donner un ultimatum. Il faut que d’ici octobre, il se détermine clairement…’ non sans avoir au préalable martelé ceci : « nous sommes prêts à mourir (pour empêcher la candidature de Wade) ». Autrement dit, Alioune Tine appelle au rejet de l’institution dont le peuple s’est librement doté pour dire, le moment venu, quels sont ceux et/ou celles, parmi les candidats déclarés, dont la candidature est recevable ou pas. Le Conseil constitutionnel est donc dessaisi par Monsieur Tine qui urge les Américains de débarquer en attendant d’ameuter les Français et, pourquoi pas l’Otan.
Pour faire quoi ? Pour des frappes aériennes ? Pour installer un Conseil national de transition avec Alioune Tine comme chef de file ? De toute façon rêver debout est un droit démocratique. Mais, plus sérieusement, au nom de qui parle Alioune Tine lorsqu’il dit ‘nous’ ? Au nom du peuple sénégalais ? Si oui, depuis quand le peuple l’a-t-il investi de cette mission de parler en son nom et par quelle procédure ? Surtout lorsqu’il s’agit d’appels à la violence, à verser le sang, à la mort.
Dès lors que Tine rejette les institutions pertinentes de notre pays en cette matière, rejette la loi aussi ostensiblement et se déclare prêt à mourir pour empêcher Wade de se présenter, a-t-il alors pensé aux millions d’autres Sénégalais qui soutiennent Wade et qui, eux aussi, dans ces conditions-là, sont prêts à mourir pour que Wade soit candidat ?
La stratégie de ceux qui veulent la violence et le désordre au Sénégal est désormais claire et limpide. Il leur manque trois facteurs qu’ils cherchent fébrilement à réunir comme catalyseur pour mettre le feu :
• Premier facteur manquant à créer : Antagoniser les rapports entre les communautés de notre pays. En Côte d’Ivoire, des apprentis pyromanes ont pu se servir des différences (pourtant source de richesse) entre les communautés du pays, qu’ils ont transformées en antagonismes à travers des théories de toutes sortes. Ils ont pu obtenir, in fine, que le peuple frère de Côte d’Ivoire ou certaines de ses franges, finisse par se soumettre à leur logique de violence, leur logique de guerre civile. Ici au Sénégal, toutes les tentatives de ce genre ont, du moins jusqu’au moment présent, lamentablement échoué. Le peuple sénégalais reste soudé, par-delà la diversité de ses choix politiques assumés dans la sérénité et même le cousinage à plaisanterie, et ne semble pas décidé à prêter attention aux sirènes de la haine et de la division.
• Deuxième facteur manquant à créer : Déstabiliser les instances de légitimation et de régulation du pays. Pour brûler le Sénégal, il faut que ces instances de légitimation, qui œuvrent en permanence dans notre société pour la paix dans les cœurs et pour la tranquillité, soient débordées par les pyromanes et perdent l’écoute du peuple. Des efforts immenses y sont consacrés pour y arriver. Mais ils sont restés vains jusqu’ici.
• Troisième facteur manquant à créer : Discréditer l’Etat et le pousser à la faute. Un Etat déstabilisé et discrédité, incapable de réfréner les logiques de violence perd le contrôle de ses nerfs et, comme en Libye ou ailleurs dans le monde arabe, d’après ce qu’on en rapporte, devient lui-même producteur de violence massive contre le peuple souverain. Cet objectif est également recherché avec acharnement par les apprentis pyromanes au travers d’initiatives aussi nombreuses que variées. A cet égard, la désinformation et la manipulation des consciences, par presse interposée, sont devenues des leviers extrêmement importants et quotidiennement actionnés. Il s’agit ici de travailler d’une main les opinions en les menant, par des artifices, à l’indignation et à la révolte et, de l’autre, à pousser l’Etat à la faute. Mais l’Etat reste d’une grande sérénité sans cesser d’être vigilant.
Rendons grâce à Dieu ! Au Sénégal, nous sommes encore loin de tout cela. Mais naturellement, nous ne devrions pas dormir sur nos lauriers. Les pyromanes ne désarmeront pas quelle que soit l’ampleur de leur défaite ou celle de leur déroute momentanée.
J’inviterais plutôt Alioune Tine, dont je connais par ailleurs l’attachement à la paix et à la stabilité du Sénégal, à avoir une lecture plus pointue de ce que ses interlocuteurs américains lui ont dit et qu’il nous a rapporté. Je le cite : ‘les Etats-unis ont des liens privilégiés avec le Sénégal depuis l’indépendance’. Ils lui ont dit qu’ ‘ils ont, avec le Sénégal, des relations de coopération privilégiées parmi tous les pays africains francophones.’ Et ils lui ont dit qu’ ‘ils tiennent beaucoup à ce que le Sénégal soit un pays stable’.
Si les Américains pensent ainsi et agissent ainsi, c’est parce que, d’après leur système autonome d’appréciation et d’évaluation, ils n’ont aucune raison de percevoir le Sénégal tel que Tine s’est évertué à le leur présenter. Je passe sur les dépêches révélées par la presse et indiquant que pour les Américains, la candidature de Wade ne posait aucun problème. Si je peux personnellement me féliciter de tous ces avis, j’ajouterai, concernant le dernier, que le seul point de vue décisif sur cette question reste celui du Conseil constitutionnel du Sénégal. Les avis que Tine est allé chercher Outre Atlantique ont été très clairs pour qui sait écouter et comprendre, mais ils restent de simples avis, comme du reste ceux de Tine ou les miens propres.
Le Sénégal n’est pas sorti de la cuisse de Jupiter tant s’en faut, mais nous avons notre propre trajectoire historique, à la construction de laquelle, chaque génération de leaders et de simples citoyens a contribué. C’est cette trajectoire et cette culture, pour tout dire cette civilisation, qui font que nous sommes ce que nous sommes : des Sénégalais. Personne ne pourra prendre ce peuple par le collet pour l’engager dans les voies de la violence.
Les vrais patriotes, soucieux de l’indépendance et de la souveraineté de notre pays, et de la dignité de son peuple, peuvent avoir la position politique qu’ils veulent (pour ou contre Abdoulaye Wade, pour ou contre quelqu’un d’autre), mais sans jamais oublier qui nous sommes et ce que nous sommes : Un peuple épris de paix, de liberté et de dignité auquel on ne dicte pas sa conduite et qu’on ne mène pas Manu militari à l’abattoir. Hélas ! Ce n’est pas de ce Sénégal-là qu’Alioune Tine est allé parler aux Américains.
Pourtant les chiffres de la presse devraient faire réfléchir : De 50 mille personnes venues écouter le M23 le 23 juillet dernier, on est passé à moins de 1 000 (2 %) deux mois après. Interrogeons-nous sur ce désintérêt à la fois massif et rapide des secteurs de la population qui manifestaient de l’intérêt au projet. Quel est l’impact de slogans comme ‘Daas Fanaanal’ (aiguiser son arme et attendre le moment propice), ou celui des appels au sang et à la mort dans le comportement de rejet des populations ?Non ! Que ceux qui le veulent prennent date ! Ce pays qui s’appelle le Sénégal ne brûlera pas.
Jàmm rekk, ag salaam.
PAR Mamadou DIOP « Decroix » Sg AJ/Pads