La grande mosquée de Dakar a son histoire. Loin d'être un long fleuve tranquille, celle-ci a toujours été parsemée de scandales et de querelles intestines au sein des différents foyers religieux du pays et à l'intérieur de la communauté lébou. Selon l'ancien ministre des Affaires religieuses sous Abdoulaye Wade, Mouhamadou Bamba Ndiaye, "juste après l'inauguration de la Grande mosquée de Dakar, certains avaient proposé Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh comme Imam, d'autres Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma, Thierno Mountaga Tall ou encore Cheikh Al Islam, Ibrahima Niasse".
Finalement, souligne-t-il, "la communauté lébou s'est battue bec et ongles pour imposer son candidat, Amadou Lamine Diène qui était du reste un homme de consensus doublé d'un bon talibé Tidiane". Mais pour l'historien El Hadji Oumar Ngala Guèye, la crise était plus profonde qu'elle n'en avait l'air. Puisqu'elle transposait au sein de cette mosquée la dualité entre Serigne Babacar Sy et son demi-frère Serigne Mansour Sy.
"Il y a eu une "tidianisation" de la grande mosquée et les différentes querelles qui ont marqué l'histoire de cette institution opposaient le plus souvent les talibés Tidianes, avec une transposition en son sein de la dualité entre Serigne Babacar Sy qui supportait la candidature de Amadou Lamine Diène et son demi-frère Serigne Mansour Sy qui voulait imposer son frère Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh", explique-t-il.
"Au finish, Amadou Lamine Diène a fini par être choisi au détriment du candidat de Serigne Mansour Sy qui a préféré se retirer à la mosquée de la rue Blanchot", rappelle El Hadji Oumar Ngala Guèye. Selon l'historien, dans l'une comme dans l'autre mosquée, seuls les Imams issus de la communauté lébou étaient choisis. Après le décès de l'imam Diène en 1971, il a été remplacé par son neveu El Hadji Maodo Sylla, alors Cadi du tribunal musulman de Dakar et président de l'Association des Imams et Oulémas du Sénégal.
Après son décès en 2001, le même problème d'héritage s'est également posé dans la communauté lébou et opposait à l'époque le camp de Bassirou Diagne Marième et celui d'Alioune Moussa Samb. Après trois ans de mésentente et de cacophonie sur la question, ils finissent par trouver un consensus en la personne de Alioune Moussa Samb. Mais à une seule condition : que l'imamat soit rotatif entre Alioune Moussa Samb qui dirige les prières pendant six mois et passe la main à Baye Dame Diène qui doit en faire de même avec El Hadji Malick Diagne.
Selon Mame Matar Guèye, cette condition n'est pas jusqu'ici respectée. C'est la raison pour laquelle quand Bassirou Diagne Marième est décédé, son fils qui a hérité a voulu poser sur le tapis le même problème. Mais selon Mame Matar Guèye, les dignitaires lébous l'en ont déconseillé pour ne pas créer encore des brouilles qui peuvent pousser l'autorité étatique à fermer la mosquée. Mais, dit-il, "nous regrettons de ne pas avoir insisté dans ce sens". "Nous allons reprendre le combat. Déjà, nous avons informé le ministère de l'Intérieur de l'affaire et nous lui avons remis tous les documents en notre possession. Nous allons prendre toutes les dispositions nécessaires pour faire appliquer l'imamat tournant", déclare Mame Matar Guèye.
Les raisons d'un statut bien spécial
Mais si cette réalité a la peau dure, elle trouve ses racines dans l'histoire même de la mosquée.
C'est sur un cimetière géré à l'époque par les Lébous que la grande mosquée de Dakar est érigée, renseigne Mame Makhtar Guèye, membre de la communauté lébou. La pose de la première pierre a eu lieu le 19 juin 1960, soit deux mois après l'indépendance nationale, en présence du président Léopold Sédar Senghor, du président de l'Assemblée nationale Lamine Guèye, de Mamadou Dia et de Modibo Keïta, alors chef du gouvernement de la Fédération du Mali. "Après la pose de la première pierre, il était surtout question d'envisager le montage financier devant servir à sa construction. Une quête fut ainsi initiée. Mais celle-ci n'a pas été fructueuse malgré les 10 millions de F CFA donnés par le Khalife général des
Mourides de l'époque, Serigne Fallou Mbacké. C'est alors que le Maroc a pris en charge tout le financement de la mosquée et a dépêché sur les lieux un architecte français du nom de Gustave Collé qui devait, sur les ordres du roi Hassan 2, construire la mosquée sous la forme d'une architecture islamique". Toujours selon la même source, les travaux ont été lancés le 3 mai 1961 après le premier coup de pioche donné par Seydou Nourou Tall. Après les travaux, un gros problème éclate pour la direction.
Pressenti pour diriger la mosquée, Abdoul Aziz Sy Dabakh a été récusé par les Lébous. Malgré tout, c'est lui qui a dirigé la prière dans cette mosquée en présence de Senghor et du roi Hassan 2 à la tête d'une forte délégation composée pour l'essentiel de dignitaires marocains appelés Kabyles. Mais après la première prière, la question de l'imamat s'est posée avec acuité. Deux camps s'affrontent avant qu'ils n'arrivent à trouver un consensus autour d'Amadou Lamine Diène.
Mame Matar Guèye : "Le consensus a toujours prévalu dans l'imamat de la Grande mosquée"
Dans tous les cas, renseigne Mouhamadou Bamba Ndiaye, "cette tradition de succession d'Imams lébous à la tête de ces mosquées n'est pas près de disparaître si on sait comment se passe l'héritage dans cette communauté". "Dans le milieu lébou, l'héritage se transmet toujours de père en fils ou de l'oncle au neveu. Il sera donc très difficile qu'une personne n'appartenant pas à la communauté lébou préside la grande mosquée", croit-il savoir.
Allant plus loin, le journaliste spécialiste des questions islamiques, El Hadji Cheikh Oumar Tall confie : "Pape Alioune Samb, l'actuel Imam, a déclaré publiquement à la télévision Canal 7, lors du festival culturel de la communauté lébou qui a eu lieu il y a deux ans, que la grande mosquée de Dakar ne sera jamais présidée par un Imam qui n'est pas Lébou...". Bamba Ndiaye estime de son côté que "l'imamat étant une fonction publique, même s'il concerne la communauté musulmane, l'Imam étant payé sur le budget de l'Etat, on ne doit pas consacrer cela à une seule ethnie", avance-t-il sans passion.
Se démarquant de ceux qui pensent que seule une communauté est habilitée à diriger la grande Mosquée de Dakar, Mame Matar Guèye estime que n'importe qui, pourvu qu'il soit musulman, peut prétendre à la charge. "Nous contestons cela si c'est Imam Samb qui a tenu ces propos. Il n'est écrit nulle part que seuls les Lébous doivent diriger la grande Mosquée qui peut être demain dirigée par un Manjak, un Sérère, un Socé", défend le chargé de communication de la communauté lébou pour qui "il faut se garder de créer des velléités de stigmatisation basée sur l'ethnie, c'est dangereux". "Il ne faut pas dire que telle mosquée ne sera jamais dirigée par une telle ou une telle ethnie. Vous ne verrez jamais dans le Coran Dieu prononcer le mot lébou", insiste-t-il. Mais Mame Matar Guèye ne manque pas de faire remarquer qu"'il y a eu dès le départ, un consensus au lendemain de son inauguration concernant la gestion de l'imamat". D'ailleurs, poursuit-il, "le consensus a toujours prévalu dans la désignation des Imams de la Grande mosquée".
Le cas de l'Imam Moustapha Guèye
Des problèmes de succession, il y en a toujours eu à la direction de la grande mosquée de Dakar. Mais celui qui a fait le plus de bruit, c'est après le rappel à Dieu de l'Imam Maodo Sylla. Celui qui était son secrétaire général immédiat et son successeur à la tête de l'Association des imams et oulémas du Sénégal, en l'occurrence imam Moustapha Guèye, a été tout simplement réprouvé par la communauté lébou.
"On avait tenu un congrès au sein de l'Association des Imams du Sénégal et j'ai été choisi comme successeur de Maodo Sylla à la tête de ladite association mais aussi à la direction de la grande mosquée de Dakar. C'est le président de la République à l'époque, Abdoulaye Wade, qui en avait fait le premier la déclaration ; mais les Lébous s'y étaient opposés. Alors j'ai décliné l'offre pour éviter tout conflit religieux qui est dangereux pour un Etat comme le Sénégal", confie Imam Moustapha Guèye.
Jusqu'ici, rien n'est édicté dans les textes de cette institution qui définit les critères de celui qui doit diriger la grande mosquée de Dakar ou qui doit succéder à l'Imam en cas de décès ou de démission. Une telle situation est d'autant plus préoccupante que Bamba Ndiaye préconise, pour désigner un Imam, que les choses soient clarifiées. Déjà, souligne-t-il, "le directeur général de l'Institut islamique qui coiffe la grande mosquée n'a pas les moyens suffisants pour jouer le rôle qui devait être le sien".
"Quand j'ai été ministre chargé des Affaires religieuses, j'étais en même temps PCA de l'Institut islamique. Donc je sais très bien de quoi je parle. J'ai présidé les conseils d'administration, j'ai même contribué à assainir un peu l'institut islamique qui n'était pas bien géré. Il faut des critères bien établis pour désigner un Imam", déclare-t-il. Avant d'appeler l'Etat à veiller à ce que la grande mosquée soit dirigée par un imam qui a un niveau d'étude élevé dès lors que tous les hôtes musulmans du Sénégal prient là-bas durant leur séjour.
"La grande mosquée de Dakar doit avoir un Imam de haut niveau dès lors qu'il représente l'image du pays quand on sait que si le président de la République a un hôte, il l'amène prier à la grande mosquée de Dakar", rumine Bamba Ndiaye qui pense également qu"il y a trop de problèmes dans la communauté musulmane et qu'il faut instaurer un ministère des Affaires religieuses". "Il est temps que le Sénégal mette sur pied cette institution pour décanter la situation", fulmine-t-il.
Croyances, superstitions et peurs
"L'Imamat est exclusivement laissé à la collectivité lébou et le ministère de l'Intérieur ne fait que constater et entériner la décision en cas de désignation", dénonce Imam Moustapha Guèye. Selon l'ancien secrétaire général de El Hadji Maodo Sylla, "quand on a créé la grande mosquée, il y a eu de dangereux tiraillements entre les foyers religieux et la communauté lébou qui ont engendré une rude bataille mystique qui a fait rage pendant un moment".
"La famille Tall s'était beaucoup battue pour diriger la grande mosquée mais en vain", se remémore-t-il. Cette situation, selon Mouhamadou Bamba Ndiaye, va à l'encontre des textes qui régissent notre pays. Cela, dit-il, "notre constitution refuse absolument que quelqu'un prévale son ethnie, sa région ou sa religion pour s'accaparer d'une fonction".
Ainsi, l'ancien ministre des Affaires religieuses préconise que l'Imam de la grande mosquée soit choisi sur la base de critères clairement établis. "Pour moi, l'Imam de la grande mosquée de Dakar doit être désigné par un comité ou une commission de musulmans sur la base de critères objectifs indépendamment d'une appartenance ethnique ou confrérique", estime-t-il.
Selon l'ancien ministre Mouhamadou Bamba Ndiaye, "même si les Marocains nous ont aidés dans la construction de cette mosquée, on a demandé à tous les Sénégalais d'y contribuer". Cela fait que cette mosquée symbolise aujourd'hui l'unité de la communauté musulmane sénégalaise et le lien solide qu'il y a entre l'Etat et la communauté islamique sénégalaise. Ce qui, selon Bamba Ndiaye, "veut dire que l'Etat doit toujours jouer son rôle pour faire marcher cette institution sur la base des principes qui régissent notre République".
EnQuête
Finalement, souligne-t-il, "la communauté lébou s'est battue bec et ongles pour imposer son candidat, Amadou Lamine Diène qui était du reste un homme de consensus doublé d'un bon talibé Tidiane". Mais pour l'historien El Hadji Oumar Ngala Guèye, la crise était plus profonde qu'elle n'en avait l'air. Puisqu'elle transposait au sein de cette mosquée la dualité entre Serigne Babacar Sy et son demi-frère Serigne Mansour Sy.
"Il y a eu une "tidianisation" de la grande mosquée et les différentes querelles qui ont marqué l'histoire de cette institution opposaient le plus souvent les talibés Tidianes, avec une transposition en son sein de la dualité entre Serigne Babacar Sy qui supportait la candidature de Amadou Lamine Diène et son demi-frère Serigne Mansour Sy qui voulait imposer son frère Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh", explique-t-il.
"Au finish, Amadou Lamine Diène a fini par être choisi au détriment du candidat de Serigne Mansour Sy qui a préféré se retirer à la mosquée de la rue Blanchot", rappelle El Hadji Oumar Ngala Guèye. Selon l'historien, dans l'une comme dans l'autre mosquée, seuls les Imams issus de la communauté lébou étaient choisis. Après le décès de l'imam Diène en 1971, il a été remplacé par son neveu El Hadji Maodo Sylla, alors Cadi du tribunal musulman de Dakar et président de l'Association des Imams et Oulémas du Sénégal.
Après son décès en 2001, le même problème d'héritage s'est également posé dans la communauté lébou et opposait à l'époque le camp de Bassirou Diagne Marième et celui d'Alioune Moussa Samb. Après trois ans de mésentente et de cacophonie sur la question, ils finissent par trouver un consensus en la personne de Alioune Moussa Samb. Mais à une seule condition : que l'imamat soit rotatif entre Alioune Moussa Samb qui dirige les prières pendant six mois et passe la main à Baye Dame Diène qui doit en faire de même avec El Hadji Malick Diagne.
Selon Mame Matar Guèye, cette condition n'est pas jusqu'ici respectée. C'est la raison pour laquelle quand Bassirou Diagne Marième est décédé, son fils qui a hérité a voulu poser sur le tapis le même problème. Mais selon Mame Matar Guèye, les dignitaires lébous l'en ont déconseillé pour ne pas créer encore des brouilles qui peuvent pousser l'autorité étatique à fermer la mosquée. Mais, dit-il, "nous regrettons de ne pas avoir insisté dans ce sens". "Nous allons reprendre le combat. Déjà, nous avons informé le ministère de l'Intérieur de l'affaire et nous lui avons remis tous les documents en notre possession. Nous allons prendre toutes les dispositions nécessaires pour faire appliquer l'imamat tournant", déclare Mame Matar Guèye.
Les raisons d'un statut bien spécial
Mais si cette réalité a la peau dure, elle trouve ses racines dans l'histoire même de la mosquée.
C'est sur un cimetière géré à l'époque par les Lébous que la grande mosquée de Dakar est érigée, renseigne Mame Makhtar Guèye, membre de la communauté lébou. La pose de la première pierre a eu lieu le 19 juin 1960, soit deux mois après l'indépendance nationale, en présence du président Léopold Sédar Senghor, du président de l'Assemblée nationale Lamine Guèye, de Mamadou Dia et de Modibo Keïta, alors chef du gouvernement de la Fédération du Mali. "Après la pose de la première pierre, il était surtout question d'envisager le montage financier devant servir à sa construction. Une quête fut ainsi initiée. Mais celle-ci n'a pas été fructueuse malgré les 10 millions de F CFA donnés par le Khalife général des
Mourides de l'époque, Serigne Fallou Mbacké. C'est alors que le Maroc a pris en charge tout le financement de la mosquée et a dépêché sur les lieux un architecte français du nom de Gustave Collé qui devait, sur les ordres du roi Hassan 2, construire la mosquée sous la forme d'une architecture islamique". Toujours selon la même source, les travaux ont été lancés le 3 mai 1961 après le premier coup de pioche donné par Seydou Nourou Tall. Après les travaux, un gros problème éclate pour la direction.
Pressenti pour diriger la mosquée, Abdoul Aziz Sy Dabakh a été récusé par les Lébous. Malgré tout, c'est lui qui a dirigé la prière dans cette mosquée en présence de Senghor et du roi Hassan 2 à la tête d'une forte délégation composée pour l'essentiel de dignitaires marocains appelés Kabyles. Mais après la première prière, la question de l'imamat s'est posée avec acuité. Deux camps s'affrontent avant qu'ils n'arrivent à trouver un consensus autour d'Amadou Lamine Diène.
Mame Matar Guèye : "Le consensus a toujours prévalu dans l'imamat de la Grande mosquée"
Dans tous les cas, renseigne Mouhamadou Bamba Ndiaye, "cette tradition de succession d'Imams lébous à la tête de ces mosquées n'est pas près de disparaître si on sait comment se passe l'héritage dans cette communauté". "Dans le milieu lébou, l'héritage se transmet toujours de père en fils ou de l'oncle au neveu. Il sera donc très difficile qu'une personne n'appartenant pas à la communauté lébou préside la grande mosquée", croit-il savoir.
Allant plus loin, le journaliste spécialiste des questions islamiques, El Hadji Cheikh Oumar Tall confie : "Pape Alioune Samb, l'actuel Imam, a déclaré publiquement à la télévision Canal 7, lors du festival culturel de la communauté lébou qui a eu lieu il y a deux ans, que la grande mosquée de Dakar ne sera jamais présidée par un Imam qui n'est pas Lébou...". Bamba Ndiaye estime de son côté que "l'imamat étant une fonction publique, même s'il concerne la communauté musulmane, l'Imam étant payé sur le budget de l'Etat, on ne doit pas consacrer cela à une seule ethnie", avance-t-il sans passion.
Se démarquant de ceux qui pensent que seule une communauté est habilitée à diriger la grande Mosquée de Dakar, Mame Matar Guèye estime que n'importe qui, pourvu qu'il soit musulman, peut prétendre à la charge. "Nous contestons cela si c'est Imam Samb qui a tenu ces propos. Il n'est écrit nulle part que seuls les Lébous doivent diriger la grande Mosquée qui peut être demain dirigée par un Manjak, un Sérère, un Socé", défend le chargé de communication de la communauté lébou pour qui "il faut se garder de créer des velléités de stigmatisation basée sur l'ethnie, c'est dangereux". "Il ne faut pas dire que telle mosquée ne sera jamais dirigée par une telle ou une telle ethnie. Vous ne verrez jamais dans le Coran Dieu prononcer le mot lébou", insiste-t-il. Mais Mame Matar Guèye ne manque pas de faire remarquer qu"'il y a eu dès le départ, un consensus au lendemain de son inauguration concernant la gestion de l'imamat". D'ailleurs, poursuit-il, "le consensus a toujours prévalu dans la désignation des Imams de la Grande mosquée".
Le cas de l'Imam Moustapha Guèye
Des problèmes de succession, il y en a toujours eu à la direction de la grande mosquée de Dakar. Mais celui qui a fait le plus de bruit, c'est après le rappel à Dieu de l'Imam Maodo Sylla. Celui qui était son secrétaire général immédiat et son successeur à la tête de l'Association des imams et oulémas du Sénégal, en l'occurrence imam Moustapha Guèye, a été tout simplement réprouvé par la communauté lébou.
"On avait tenu un congrès au sein de l'Association des Imams du Sénégal et j'ai été choisi comme successeur de Maodo Sylla à la tête de ladite association mais aussi à la direction de la grande mosquée de Dakar. C'est le président de la République à l'époque, Abdoulaye Wade, qui en avait fait le premier la déclaration ; mais les Lébous s'y étaient opposés. Alors j'ai décliné l'offre pour éviter tout conflit religieux qui est dangereux pour un Etat comme le Sénégal", confie Imam Moustapha Guèye.
Jusqu'ici, rien n'est édicté dans les textes de cette institution qui définit les critères de celui qui doit diriger la grande mosquée de Dakar ou qui doit succéder à l'Imam en cas de décès ou de démission. Une telle situation est d'autant plus préoccupante que Bamba Ndiaye préconise, pour désigner un Imam, que les choses soient clarifiées. Déjà, souligne-t-il, "le directeur général de l'Institut islamique qui coiffe la grande mosquée n'a pas les moyens suffisants pour jouer le rôle qui devait être le sien".
"Quand j'ai été ministre chargé des Affaires religieuses, j'étais en même temps PCA de l'Institut islamique. Donc je sais très bien de quoi je parle. J'ai présidé les conseils d'administration, j'ai même contribué à assainir un peu l'institut islamique qui n'était pas bien géré. Il faut des critères bien établis pour désigner un Imam", déclare-t-il. Avant d'appeler l'Etat à veiller à ce que la grande mosquée soit dirigée par un imam qui a un niveau d'étude élevé dès lors que tous les hôtes musulmans du Sénégal prient là-bas durant leur séjour.
"La grande mosquée de Dakar doit avoir un Imam de haut niveau dès lors qu'il représente l'image du pays quand on sait que si le président de la République a un hôte, il l'amène prier à la grande mosquée de Dakar", rumine Bamba Ndiaye qui pense également qu"il y a trop de problèmes dans la communauté musulmane et qu'il faut instaurer un ministère des Affaires religieuses". "Il est temps que le Sénégal mette sur pied cette institution pour décanter la situation", fulmine-t-il.
Croyances, superstitions et peurs
"L'Imamat est exclusivement laissé à la collectivité lébou et le ministère de l'Intérieur ne fait que constater et entériner la décision en cas de désignation", dénonce Imam Moustapha Guèye. Selon l'ancien secrétaire général de El Hadji Maodo Sylla, "quand on a créé la grande mosquée, il y a eu de dangereux tiraillements entre les foyers religieux et la communauté lébou qui ont engendré une rude bataille mystique qui a fait rage pendant un moment".
"La famille Tall s'était beaucoup battue pour diriger la grande mosquée mais en vain", se remémore-t-il. Cette situation, selon Mouhamadou Bamba Ndiaye, va à l'encontre des textes qui régissent notre pays. Cela, dit-il, "notre constitution refuse absolument que quelqu'un prévale son ethnie, sa région ou sa religion pour s'accaparer d'une fonction".
Ainsi, l'ancien ministre des Affaires religieuses préconise que l'Imam de la grande mosquée soit choisi sur la base de critères clairement établis. "Pour moi, l'Imam de la grande mosquée de Dakar doit être désigné par un comité ou une commission de musulmans sur la base de critères objectifs indépendamment d'une appartenance ethnique ou confrérique", estime-t-il.
Selon l'ancien ministre Mouhamadou Bamba Ndiaye, "même si les Marocains nous ont aidés dans la construction de cette mosquée, on a demandé à tous les Sénégalais d'y contribuer". Cela fait que cette mosquée symbolise aujourd'hui l'unité de la communauté musulmane sénégalaise et le lien solide qu'il y a entre l'Etat et la communauté islamique sénégalaise. Ce qui, selon Bamba Ndiaye, "veut dire que l'Etat doit toujours jouer son rôle pour faire marcher cette institution sur la base des principes qui régissent notre République".
EnQuête