La Biennale de l'art africain contemporain est l'occasion, outre d'admirer des œuvres venues des quatre coins du continent et de la diaspora, de découvrir ou de redécouvrir des artistes sénégalais. Pour notre part, nous avons découvert Joe Ouakam. Découvert dans le sens artistique. Nous connaissions déjà le personnage, mais pas l'homme qui devient artiste et l'artiste qui devient homme.
Il faut dire que le Dak'Art est une manifestation tellement vaste qu'une petite semaine ne suffit pas pour tout voir et qu'il faudrait se dupliquer pour pouvoir apprécier tout à sa juste valeur, d'autant plus que cette année, avec les vingt ans de la Biennale, nous avons droit au top du top.
C'est rue Jules Ferry que se trouve la cour de Joe Ouakam. Arrivant-au centre de celle-ci, nous avons eu un véritable choc. C'était mon univers, un univers jouant entre la vie et la mort, jouant plus sur le passé que sur l'avenir, qui se trouvait devant moi qui s'offrait à moi !
J'avais quitté Dakar par la pensée et je me trouvais dans le monde de Joe Ouakam. Un monde qui me plaît de par son fouillis organisé. Car pour le visiteur qui n'adhère pas au monde de l'artiste, cette cour représente un grand fouillis à la limite du dépotoir. En fait non, les personnes désordonnées retrouvent leur ordre dans leur désordre. Et seules peuvent les comprendre les personnes désordonnées comme elles. C'est peut-être pour cela que j'ai vite adhéré à l'univers de Joe Ouakam ; un monde qui est mien.
Dans cette cour, j'ai été marquée par trois installations. La première est ce cimetière dont les croix sont agencées comme si l'endroit avait été abandonné depuis longtemps. Je pense que pour Joe Ouakam, c'est comme si c'était un exorcisme mais aussi pour parler d'une double mort. En effet, un cimetière, quelle que soit la religion (monothéiste ou polythéiste), représente la fin de la vie mais, toujours, selon les rites et croyances, une certaine continuation (la réincarnation, la vie après 1a mort, et le souvenir). Donc quand le cimetière est bien entretenu, c'est que les vivants pensent aux morts. Mais le cimetière reproduit par Joe Ouakam, lui, est en ruine. Donc, il y a double mort : la mort physique et la mort du «souvenir». L'artiste redoute-t-il de passer de vie à trépas et surtout d'être oublié ? On a tous peur de la mort car, même en étant croyants, on ne sait pas ce qu'il y a de l'autre coté. Cependant, certaines personnes appréhendent le moment de cette mort physique. L'oubli est une seconde mort. Les personnes qui ont peur d'être oubliées ont généralement une sensibilité à fleur de peau, mais ne le montrent pas. Joe Ouakam possède cette sensibilité à fleur de peau, mais préfère jouer au fou. Une sorte de protection et non pas pour se montrer. J'avais envie de prendre une chaise, de m'asseoir et de rester là à contempler cette installation(…)
La dernière installation qui fait appel à une certaine mort est celle de cette bibliothèque où les livres, les journaux, les revues... sont à l'abandon. Est-ce pour signifier que la lecture n 'a plus le droit de cité dans nos différents pays ? Est-ce pour dire qu'une œuvre ne peut être éternelle que si on en prend soin ? Nombre de personnes disent que les œuvres sont pérennes. Certes matériellement, mais si on ne se souvient plus de cela, elle est comme l'être humain, elle meurt.
La notion, donc, de la mort est omniprésente cher Joe Ouakam. Mais, ce n'est pas une mort morbide. C'est un appel à la réflexion. Pour continuer à vivre, il faut continuer à se souvenir.
Zouhour HARBAOUI
Source Walf Grand Place
Il faut dire que le Dak'Art est une manifestation tellement vaste qu'une petite semaine ne suffit pas pour tout voir et qu'il faudrait se dupliquer pour pouvoir apprécier tout à sa juste valeur, d'autant plus que cette année, avec les vingt ans de la Biennale, nous avons droit au top du top.
C'est rue Jules Ferry que se trouve la cour de Joe Ouakam. Arrivant-au centre de celle-ci, nous avons eu un véritable choc. C'était mon univers, un univers jouant entre la vie et la mort, jouant plus sur le passé que sur l'avenir, qui se trouvait devant moi qui s'offrait à moi !
J'avais quitté Dakar par la pensée et je me trouvais dans le monde de Joe Ouakam. Un monde qui me plaît de par son fouillis organisé. Car pour le visiteur qui n'adhère pas au monde de l'artiste, cette cour représente un grand fouillis à la limite du dépotoir. En fait non, les personnes désordonnées retrouvent leur ordre dans leur désordre. Et seules peuvent les comprendre les personnes désordonnées comme elles. C'est peut-être pour cela que j'ai vite adhéré à l'univers de Joe Ouakam ; un monde qui est mien.
Dans cette cour, j'ai été marquée par trois installations. La première est ce cimetière dont les croix sont agencées comme si l'endroit avait été abandonné depuis longtemps. Je pense que pour Joe Ouakam, c'est comme si c'était un exorcisme mais aussi pour parler d'une double mort. En effet, un cimetière, quelle que soit la religion (monothéiste ou polythéiste), représente la fin de la vie mais, toujours, selon les rites et croyances, une certaine continuation (la réincarnation, la vie après 1a mort, et le souvenir). Donc quand le cimetière est bien entretenu, c'est que les vivants pensent aux morts. Mais le cimetière reproduit par Joe Ouakam, lui, est en ruine. Donc, il y a double mort : la mort physique et la mort du «souvenir». L'artiste redoute-t-il de passer de vie à trépas et surtout d'être oublié ? On a tous peur de la mort car, même en étant croyants, on ne sait pas ce qu'il y a de l'autre coté. Cependant, certaines personnes appréhendent le moment de cette mort physique. L'oubli est une seconde mort. Les personnes qui ont peur d'être oubliées ont généralement une sensibilité à fleur de peau, mais ne le montrent pas. Joe Ouakam possède cette sensibilité à fleur de peau, mais préfère jouer au fou. Une sorte de protection et non pas pour se montrer. J'avais envie de prendre une chaise, de m'asseoir et de rester là à contempler cette installation(…)
La dernière installation qui fait appel à une certaine mort est celle de cette bibliothèque où les livres, les journaux, les revues... sont à l'abandon. Est-ce pour signifier que la lecture n 'a plus le droit de cité dans nos différents pays ? Est-ce pour dire qu'une œuvre ne peut être éternelle que si on en prend soin ? Nombre de personnes disent que les œuvres sont pérennes. Certes matériellement, mais si on ne se souvient plus de cela, elle est comme l'être humain, elle meurt.
La notion, donc, de la mort est omniprésente cher Joe Ouakam. Mais, ce n'est pas une mort morbide. C'est un appel à la réflexion. Pour continuer à vivre, il faut continuer à se souvenir.
Zouhour HARBAOUI
Source Walf Grand Place