Mais les historiens de la guerre de l’OTAN contre la Libye en 2011 auront à coup sûr remarqué certaines des confirmations les plus explosives contenues dans ces nouveaux emails: des aveux de crimes de guerres commis par des rebelles, des instructeurs des opérations spéciales à l’intérieur du territoire libyen presque dès le début des manifestations, al-Qa’ida infiltrée dans l’opposition soutenue par les USA, des nations européennes jouant des coudes pour l’accès au pétrole libyen, les origines infâmes de l’allégation absurde de viol en masse au Viagra, et l’inquiétude que constituait les réserves de Qaddafi an or et en argent pour la monnaie européenne.
Un bulletin de renseignements daté du 27 mars 2011 sur la Libye, envoyé par le proche conseiller de longue date des Clinton et fournisseur officieux d’informations à Hillary,Sydney Blumenthal, contient des indications claires de crimes de guerre perpétrés par les rebelles soutenus par l’OTAN. Citant comme source un commandant rebelle « parlant strictement confidentiellement », Blumenthal rapporte à Hillary que [l’emphase est mienne]:
Sous l’assaut des forces aériennes et navales alliées, des troupes de l’armée libyenne ont commencé à déserter pour rallier les rebelles en nombre croissant. Les rebelles font un effort pour accueillir ces troupes en tant que camarades libyens, dans le but d’encourager des défections supplémentaires.
(Commentaire de la source: Parlant strictement confidentiellement, un commandant rebelle a déclaré que ses troupes continuent d’exécuter sommairement tous les mercenaires étrangers capturés lors des combats…)
Alors que l’illégalité d’exécutions extra-judiciaires est facile à constater (des groupes s’adonnant à ces pratiques sont conventionnellement définis comme des « escadrons de la mort »), la sinistre réalité derrière la référence aux « mercenaires étrangers » n’est sans doute pas évidente pour la plupart des gens.
Tandis qu’au fil des décennies Kaddafi a été connu pour faire appel à des entreprises européennes, entre autres, de sécurité et d’infrastructure, il n’y a aucun indice pour suggérer que ceux-ci aient été ciblés par les rebelles libyens.
Il y a par contre une abondante documentation de la part de journalistes, de chercheurs et de groupes de défense des droits de l’homme qui démontre que les civils libyens noirs et les travailleurs sous contrat du sud du Sahara, une population favorisée par Kaddafi dans ses politiques en faveur de l’Union Africaine, ont été les cibles d’un « nettoyage ethnique » aux mains des rebelles qui voyaient les Libyens noirs comme étroitement liés au régime. [1]
Les Libyens noirs étaient fréquemment désignés comme des « mercenaires étrangers » par l’opposition rebelle pour leur loyauté généralement présumée envers Kaddafi en tant que communauté et soumis à la torture, aux exécutions, leurs villes étant « libérées » par le nettoyage ethnique. Ceci est démontré par l’exemple amplement documenté de Tawerqha, toute une ville de 30 000 Libyens noirs et « à la peau sombre » qui, en août 2011, avaient disparu après que la ville ait été prise par les brigades de Misrata du CNT libyen, soutenu par l’OTAN.
Ces attaques étaient bien connues, aussi tard qu’en 2012 et souvent filmées, comme le confirme cet article du Telegraph:
Après que Mouammar Kaddafi ait été tué, des centaines de travailleurs migrants de pays voisins ont été emprisonnés par les combattants alliés aux nouvelles autorités intérimaires. Ils accusent les Noirs africains d’avoir été des mercenaires à la solde de l’ancien dirigeant. Des milliers d’Africains du sud du Sahara ont été regroupés depuis la chute de Kaddafi, en août.
Il semble que Clinton se faisait personnellement informer des crimes sur le champ de bataille des ses combattants anti-Kaddafi adorés, et longtemps avant qu’une partie du pire de ces crimes génocidaires ait eu lieu.
Le même de renseignements de Sydney Blumenthal confirme également ce qui est devenu un thème bien connu des insurrections soutenues par l’Occident au Moyen-Orient: la contradiction de la présence de forces spéciales entraînant des milices qui sont en même temps suspectées de liens avec al-Qa’ida.
Blumenthal rapporte qu’une « source extrêmement sensible » a confirmé que des unités des opérations spéciales britanniques, françaises et égyptiennes entraînaient des militants libyens le long de la frontière entre l’Égypte et la Libye, ainsi que dans la banlieue de Benghazi.
Pendant que des spécialistes ont longuement spéculé sur le « quand et le comment » de la présence de troupes occidentales sur le terrain au cours de la guerre libyenne, cet email sert de preuve définitive que des forces spéciales y étaient dans le mois suivant les premières manifestations qui ont commencé entre mi- et fin février 2011 à Benghazi.
Au 27 mars, dans ce qui était communément considéré être un simple « soulèvement populaire », des agents spéciaux extérieurs étaient déjà en train de "superviser le transfert d’armes et de matériel aux rebelles », y compris « une provision apparemment infinie de fusils d'assaut AK 47 et de munitions" .
Seulement quelques paragraphes après cet aveu, la prudence est recommandée à propos de ces milices que les forces spéciales instruisent, à cause de l’inquiétude que « des groupes radicaux/terroristes comme les Groupes Combattants Libyens et al-Qa’ida au Maghreb Islamique (AQMI) soient infiltrés dans le CNT et son commandement militaire ».
Bien que la résolution 1973 de l’ONU proposée par les Français ait affirmé que la zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye était conçue pour protéger les civils, un email envoyé à Hillary en avril 2011 dont le titre en adresse est « Le client de la France et l’or de Kaddafi » évoque des intentions beaucoup moins nobles.
L’email identifie le Président français Nicolas Sarkozy comme étant le meneur de l’attaque contre la Libye, avec cinq objectifs spécifiques en tête: obtenir le pétrole libyen, assurer l’influence de la France dans la région, augmenter la réputation domestique de Sarkozy, affirmer la puissance militaire française et couper l’influence de Kaddafi dans ce qui est considéré comme la « Françafrique ».
La partie la plus étonnante est la longue section décrivant l’immense menace que les réserves d’or et d’argent massifs de Kaddafi faisait peser sur la circulation du Franc français (CFA), l’une des principales monnaies africaines. En lieu et place de la doctrine aux nobles consonances de la « Responsabilité de Protéger » (R2P) donnée en pâture au public, il y a cette explication « confidentielle » de ce qui motivait réellement la guerre [l’emphase est mienne]:
Cet or avait été accumulé avant la rébellion actuelle et était prévu pour servir à l’établissement d’une monnaie pan-africaine basée sur le Dinar-or libyen. Ce projet était destiné à fournir aux pays africains francophones une alternative au Franc français (CFA).
(Commentaire de la source: Selon des individus bien informés cette quantité d’or et d’argent est estimée à plus de $7 milliards. Des officiers des renseignements français ont découvert ce projet peu de temps après que la rébellion actuelle ait commencé, et c’est l’un des facteurs ayant influencé le Président Nicolas Sarkozy pour engager la France dans l’attaque contre la Libye).
Bien que cet email interne vise à résumer les facteurs motivant l’intervention de la France (et par extension de l’OTAN) en Libye, il est intéressant de noter l’absence flagrante de mention du sauvetage des vies de civils innocents dans ce bulletin.
Au contraire, la grande frayeur rapportée est que la Libye puisse mener l’Afrique vers un haut degré d’indépendance économique grâce à une nouvelle monnaie pan-africaine.
Les renseignements français « ont découvert » une initiative libyenne pour rivaliser librement avec la monnaie européenne par l’intermédiaire d’une alternative locale, et ceci devait être stoppé par l’agression militaire.
Aux premiers temps du conflit libyen la Secrétaire d’État Clinton a formellement accusé Qaddafi et son armée d’utiliser le viol en masse comme outil de guerre. En dépit du fait que des organisations internationales, comme Amnesty International, aient rapidement démonté ces allégations, ces charges furent répétées sans discernement par des politiciens et des médias occidentaux.
C’était comme si la bizarrerie de la théorie du complot n’avait pas d’importance: tant qu’elle dépeignait Kaddafi et ceux qui le soutenaient comme des monstres, et tant qu’elle appuyait la cause d’une action militaire prolongée en Libye, elle était jugée crédible par les médias de masse.
Deux exemples criants sont évoqués dans le lot d’emails le plus récent: l’affirmation sensationnelle selon laquelle Kaddafi avait distribué du Viagra à ses troupes pour des viols en masse, et l’affirmation que des corps avaient été « mis en scène » par le gouvernement libyen sur des sites de bombardements de l’OTAN pour faire croire au bombardement de civils par la coalition occidentale.
Dans un email en fin mars, Blumenthal confesse à Hillary que:
J’ai parlé de cette histoire il y a plus d’une semaine – Kaddafi plaçant des cadavres pour créer des opérations de relations publiques présentant de prétendues victimes civiles résultant de bombardements alliés – tout en soulignant que c’était une rumeur. Mais désormais, comme vous le savez, Robert Gates y donne foi (voir histoire ci-dessous).
Maintenant des sources disent, et c’est encore une rumeur (c’est à dire que cette information provient des rebelles et n’est pas indépendamment confirmée par les renseignements occidentaux), que Kaddafi a adopté une politique de viol et a même distribué du Viagra à ses troupes. L’incident à la conférence de presse de Tripoli impliquant une femme qui affirmait avoir été violée fait peut-être partie d’un outrage bien plus vaste. Chercherai davantage d’informations.
Non seulement le Ministre de la Défense Robert Gates a-t-il fait la promotion de la théorie bizarre de « corps mis en scène » pendant l’émission « Face The Nation » de CBS News, mais la fiction encore plus étrange du Viagra atteignit les gros titres internationaux quand l’Ambassadrice US à l’ONU Susan Rice en accusa formellement la Libye devant le Conseil de Sécurité de l’ONU.
Ce que confirme ce nouvel email est que non seulement le Département d’État était conscient de la nature contrefaite de ce que Blumenthal présentait comme des « rumeurs » dont la seule source était les rebelles, mais qu’il ne fit rien pour empêcher que de fausses informations atteignent des responsables de haut rang qui leur donnèrent ensuite de la « crédibilité ».
En outre, il apparaît que le canular de viol en masse au Viagra trouve probablement son origine chez Sydney Blumenthal lui-même.
Traduit par Lawrence Desforges