Président honoraire de la Fédération internationale des droits de l'Homme, Sidiki Kaba estime que la condamnation d'homosexuels sénégalais à huit ans de prison est contraire aux conventions internationales signées par Dakar.
FRANCE 24 - Le tribunal de Dakar a condamné neuf jeunes Sénégalais à huit ans de prison pour homosexualité. En tant que président honoraire de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH), quel regard portez-vous sur ce verdit ?
Sidiki Kaba - Cette décision est grave et extrêmement sévère. Elle montre qu’il existe une vive répression de l’homosexualité au Sénégal. La sévérité du jugement est d’autant plus surprenante que le procureur avait requis cinq années d’emprisonnement. Ce qui, en soi, constitue déjà une lourde condamnation. En prononçant une telle sanction, le tribunal a voulu frapper pour l’exemple et faire peur aux autres.
Au Sénégal, il existe une forme de pression sociale qui pousse la justice à sévir fortement. Elle est notamment le fait des islamistes et d’une partie de l’opinion publique hostile aux personnes ayant des orientations sexuelles différentes.
FRANCE 24 - Le Sénégal se targue d’être le pays le plus démocratique de la région. N’estimez-vous pas que cela est contradictoire avec le verdict prononcé aujourd’hui par la justice ?
Sidiki Kaba - Il y a une contradiction entre l’image démocratique et d'Etat de droit que le Sénégal cherche à projeter dans le monde et la réalité du terrain. S’il veut être crédible et en conformité avec les conventions internationales des droits de l’Homme qu’il a lui-même signées et ratifiées, le gouvernement doit changer d’urgence la nouvelle loi qui condamne les homosexuels.
Il faut savoir qu’au Sénégal, l’article 319 du code pénal ne mentionne pas directement l’homosexualité mais parle plutôt d’"actes contre nature". Autrement dit, d’actes entre deux personnes du même sexe et de zoophilie. En réalité, c’est une qualification "fourre-tout" qui permet à la justice de condamner les homosexuels plus facilement.
FRANCE 24 - Que font les organisations de défense des droits de l’Homme pour éviter que les homosexuels ne fassent l’objet d’un acharnement judicaire et social au Sénégal ?
Sidiki Kaba - Les Sénégalais ne découvrent pas l’homosexualité. Elle existe depuis longtemps. D’ailleurs, on qualifie cette catégorie de personnes de "gor djiguen", ce qui signifie "homme-femme".
Les Ligues des droits de l’Homme sont plus que jamais interpellées. Elles doivent être le fer de lance de la reconnaissance des droits des homosexuels qui vivent des moments durs. Certaines personnes sont même contraintes de quitter le Sénégal pour échapper à la loi et à la vindicte populaire.
Les députés doivent également se saisir de cette question au nom de la liberté sexuelle. Quant à l’État, qui se targue de défendre la démocratie et les droits de l’Homme, il vaudrait mieux qu'il s’engage sur le chemin de la dépénalisation de l’homosexualité.
FRANCE 24
FRANCE 24 - Le tribunal de Dakar a condamné neuf jeunes Sénégalais à huit ans de prison pour homosexualité. En tant que président honoraire de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH), quel regard portez-vous sur ce verdit ?
Sidiki Kaba - Cette décision est grave et extrêmement sévère. Elle montre qu’il existe une vive répression de l’homosexualité au Sénégal. La sévérité du jugement est d’autant plus surprenante que le procureur avait requis cinq années d’emprisonnement. Ce qui, en soi, constitue déjà une lourde condamnation. En prononçant une telle sanction, le tribunal a voulu frapper pour l’exemple et faire peur aux autres.
Au Sénégal, il existe une forme de pression sociale qui pousse la justice à sévir fortement. Elle est notamment le fait des islamistes et d’une partie de l’opinion publique hostile aux personnes ayant des orientations sexuelles différentes.
FRANCE 24 - Le Sénégal se targue d’être le pays le plus démocratique de la région. N’estimez-vous pas que cela est contradictoire avec le verdict prononcé aujourd’hui par la justice ?
Sidiki Kaba - Il y a une contradiction entre l’image démocratique et d'Etat de droit que le Sénégal cherche à projeter dans le monde et la réalité du terrain. S’il veut être crédible et en conformité avec les conventions internationales des droits de l’Homme qu’il a lui-même signées et ratifiées, le gouvernement doit changer d’urgence la nouvelle loi qui condamne les homosexuels.
Il faut savoir qu’au Sénégal, l’article 319 du code pénal ne mentionne pas directement l’homosexualité mais parle plutôt d’"actes contre nature". Autrement dit, d’actes entre deux personnes du même sexe et de zoophilie. En réalité, c’est une qualification "fourre-tout" qui permet à la justice de condamner les homosexuels plus facilement.
FRANCE 24 - Que font les organisations de défense des droits de l’Homme pour éviter que les homosexuels ne fassent l’objet d’un acharnement judicaire et social au Sénégal ?
Sidiki Kaba - Les Sénégalais ne découvrent pas l’homosexualité. Elle existe depuis longtemps. D’ailleurs, on qualifie cette catégorie de personnes de "gor djiguen", ce qui signifie "homme-femme".
Les Ligues des droits de l’Homme sont plus que jamais interpellées. Elles doivent être le fer de lance de la reconnaissance des droits des homosexuels qui vivent des moments durs. Certaines personnes sont même contraintes de quitter le Sénégal pour échapper à la loi et à la vindicte populaire.
Les députés doivent également se saisir de cette question au nom de la liberté sexuelle. Quant à l’État, qui se targue de défendre la démocratie et les droits de l’Homme, il vaudrait mieux qu'il s’engage sur le chemin de la dépénalisation de l’homosexualité.
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