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Rapports Majorité à l’Assemblée nationale et Exécutif : Des parlementaires appellent à la concertation

Mettre balle à terre, c'est ce que conseille le député Seydou Diouf à l'Exécutif. Lui, comme l'expert en droit parlementaire Alioune Souaré appelle l'Exécutif à engager le dialogue avec la majorité à l'Assemblée nationale.


Rédigé par leral.net le Mercredi 24 Avril 2024 à 13:46 | | 0 commentaire(s)|

Rapports Majorité à l’Assemblée nationale et Exécutif : Des parlementaires appellent à la concertation
Doudou Wade, ancien président du groupe parlementaire Libéral (PDS) : "Il est tout à fait possible de connaître une deuxième motion de censure, 62 ans, après celle de 1962"

Pour dire vrai, personne ne s'attendait à une déclaration si offensante et offensive envers l'institution parlementaire et particulièrement, son groupe majoritaire. Nous venons de sortir d'une Présidentielle remportée brillamment par le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, les candidats défaits se sont emmurés dans un silence assourdissant, sous le coup d'une défaite sans équivoque.

C'est ce moment que choisit le porte-parole du gouvernement, pour s'attaquer à des députés et au groupe majoritaire, tout en les menaçant sur l'utilisation de la motion de censure, outil parlementaire de contrôle du gouvernement. Il faut reconnaître que cette déclaration est inopportune, inélégante, menaçante et très grave pour un gouvernement minoritaire à l'Assemblée nationale et qui n'a pas fini de s'installer.

Son éviction du gouvernement pourrait être envisagée pour faire comprendre que nous ne sommes pas dans une fête foraine, mais dans un gouvernement avec un chef, le Premier ministre et tout tourne autour de lui. Il est prématuré de parler de dissolution du parlement . Présentement, il s'agit de parler d'une éventualité de recourir aux dispositions relatives à l'article 86 de la Constitution, pour démettre le gouvernement par la motion de censure. Le débat est ainsi posé par le porte-parole du gouvernement, qui envisage lui-même une motion de censure contre le gouvernement auquel il appartient.

D'après le journal "Point Actu", le parlementaire a soutenu que la dissolution de l'Assemblée nationale est une prérogative du président de la République. Le risque, c'est de reconvoquer le collège électoral pour élire une nouvelle assemblée, où on peut être minoritaire. Il est possible de faire passer une motion de censure. Au regard de la répartition des députés, il est dangereux pour le gouvernement de faire dans la provocation.. Il est tout à fait possible de connaître une deuxième motion de censure, 62 ans après celle de 1962. Au sujet des ministres qui demanderont à reprendre leur siège, on peut dire qu'ils mettront le président de l'Assemblée nationale en difficulté.

Seydou Diouf, député Benno : "Il faut mettre balle à terre"

Je déplore et regrette de la déclaration du porte-parole du gouvernement, est que nul ne peut se prévaloir de l'apanage du peuple. C'est le peuple sénégalais qui a donné au Président Bassirou Diomaye Faye et à son équipe une nouvelle majorité, qui a élu les députés de Benno, Wallu, Taxawu, etc. Le peuple a fait ce qu'il doit faire. Nous sommes dans un jeu de relations entre institutions de la République.

Le gouvernement est une institution de la République au même titre que l'Assemblée nationale. Et chaque institution a ses prérogatives. J'estime que le Parlement peut bel et bien mettre en oeuvre ses prérogatives en proposant l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement. Tout comme le Premier ministre, à la suite de sa déclaration de politique générale, peut lui-même prendre l'initiative de poser une question de confiance sur sa Déclaration de politique générale. Et dans ces deux cas de figure, la majorité absolue des députés peut censurer le gouvernement ou accorder sa confiance au gouvernement. Voilà ce dont dispose la Constitution.

Mais jusqu'à cette déclaration du porte-parole du gouvernement, personne n'a posé le débat de la motion de censure. Vous-même, aviez entendu qu'à la suite de l'élection du Président Bassirou Diomaye Faye, les responsables de Benno Bokk Yakaar ont fait des déclarations pour inscrire leur action dans une démarche républicaine. Etre républicain a un sens. On ne rejette pas pour rejeter, on ne bloque pas pour bloquer, parce que les Sénégalais ont fait un choix, mais nous sommes dans une posture responsable. On ne peut pas de but en blanc, se lever et dire que nous allons faire une motion de censure.

Nous allons d'abord écouter le Premier ministre. Si sa déclaration nous satisfait au sujet de la meilleure prise en charge des préoccupations des populations et des engagements pris, il n'y a pas alors de problème. Je ne vois pas pourquoi le porte-parole du gouvernement peut se lancer gratuitement sur des menaces. ça ne sert à rien. Et invoquer le peuple devrait amener à inviter le Premier ministre à solliciter la confiance des députés. S'ils sont sûrs d'avoir la majorité, ils n'ont qu'à demander la confiance des parlementaires. Je pense qu'il faut mettre balle à terre, gérer un Etat, c'est être en responsabilité. Et être en responsabilité, c'est d'éviter de s'épancher sur des questions qui ne ne sont pas encore posées. C'est une recommandation que je voudrais faire au porte-parole du gouvernement. Qu'on évite de parler de choses qui ne sont pas d'actualité.

Le moment venu, Benno appréciera, les députés aussi. Depuis deux jours, le débat porte sur la motion de censure, alors que ceux qui sont censés poser la question, ne se sont jamais prononcés là-dessus. Il n'y a aucun risque à dissoudre l'Assemblée. Après deux ans, le président de la République a le droit de dissoudre les Parlement. C'est son droit le plus absolu. On ne peut pas se prévaloir du droit de sanctionner le gouvernement si on apprécie l'opportunité de le faire et refuser au président de la République de dissoudre l'Assemblée si le délai imparti est épuisé et s'il apprécie de l'opportunité de le faire.

Du point de vue juridique, il n'y a aucun problème. Toutefois, il sera difficile de dissoudre l'Assemblée nationale et de respecter les délais du vote de la loi des Finances en octobre. Voilà pourquoi il faut nécessairement composer avec l'actuel Parlement. Je pense que nous restions dans l'élégance. Ce pays nous dépasse tous. Si Benno veut voter une motion de censure, elle se donnera les moyens.

Alioune Souaré, expert en droit parlementaire : "Le mieux est de dissoudre le Parlement au début de l'année 2025"

Le ministre porte-parole du gouvernement aurait dû éviter de telles déclarations. La dernière Présidentielle a donné la majorité à son camp, mais il est minoritaire à l'Assemblée nationale.

Les responsables des deux camps dans le Parlement, devraient privilégier la concertation et voir comment s'accorder dans l'intérêt supérieur du pays. Il faut se garder des enfantillages au niveau des institutions. Ces dernières sont sacrées et c'est pourquoi il faut agir en toute responsabilité. Cette situation n'est pas une première. Quand Me Wade est arrivé au pouvoir en 2000, il a dû s'entendre avec la majorité socialiste à l'Assemblée nationale. Il y a bien des risques à dissoudre l'Assemblée nationale en septembre prochain, même si l'article 87 de la constitution autorise le chef de l'Etat, après concertation avec le président de l'Assemblée, à le faire. Le problème, c'est qu'on sera à un mois du vote de la loi des Finances.

Le mieux est de dissoudre le Parlement au début de l'année 2025. La motion de censure est consacrée par l'article 86 de la Constitution. Deux cas de figure permettent aux députés de faire une motion de censure. Le premier cas, c'est dans la Déclaration de politique générale. D'ailleurs, nous sommes habitués à cette pratique. Le deuxième cas est consécutif à la volonté du Premier ministre, d'engager la responsabilité du gouvernement dans le vote du budget, sans solliciter le vote des députés. C'est un outil qui permet à l'Assemblée nationale de contrôler.

Au sujet des ministres sortants dont on agite la possibilité de revenir à l'Assemblée nationale, il faut pas aller vite en besogne. L'article 54 de la Constitution évoque cette possibilité. Mais à l'alinéa 3 de cette loi, on dit que les modalités d'application de ces dispositions sont organisées par une loi organique. En 2019, la question a été évoquée, mais jusque-là, il n'y a pas de loi organique qui complète l'alinéa 3 de l'article 54. Donc, je ne vois pas comment des ministres peuvent retrouver leurs sièges de députés.

Ousmane Wade