Cette année, il est particulièrement sombre. La crise syrienne qui s'est enlisée constitue un échec cinglant pour l'ONU. Blocages, inertie, vetos à répétition et, au total, des dizaines de milliers de morts en dix-huit mois, dont cinq mille rien qu'au mois d'août dans les villes syriennes bombardées. Une paralysie que François Hollande a dénoncée mardi dans son discours, comme Nicolas Sarkozy l'avait fait avant lui. Insuffisante mais indispensable, dit-on souvent de l'ONU. En cette annus horribilis, le premier qualificatif semble avoir largement surpassé le second.
Certes, les succès ne manquent pas. C'est le cas, par exemple, au Liberia, en Sierra Leone, en République démocratique du Congo et ailleurs, ou les Casques bleus ont pu contribuer à préserver une certaine stabilité. «Les Nations unies ont toujours connu des hauts et des bas, c'est cyclique», invoquent les diplomates onusiens. Il n'empêche, le spectre du Rwanda et de la Bosnie plane toujours sur la Maison de verre.
Surmonter les blocages
En Syrie, dans des conditions très différentes, l'ONU est réduite à l'impuissance. Les véritables responsables sont les États eux-mêmes. Rien n'est plus éclairant que l'aveu désabusé de Kofi Annan, démissionnant de son poste d'envoyé spécial pour la Syrie, en août dernier: «Je ne peux pas vouloir la paix davantage que les protagonistes, davantage que le Conseil de sécurité ou que la communauté internationale.» Conservatoire de valeurs universelles façonné sur les décombres de 1945, l'ONU a toujours été un terrain d'affrontement des puissances. On l'a vu dernièrement en Libye, lorsque la Russie et la Chine, après avoir donné leur aval à l'intervention militaire contre Mouammar Kadhafi, ont crié au hold-up sur leur vote. Dans cette affaire, on a aussi compté une victime collatérale, la «responsabilité de protéger».
Adopté par l'ONU en 2005, ce principe enjoint à la communauté internationale de réagir si un pays inflige à sa population les crimes les plus graves. La France a des idées pour tenter de redonner vie à cette idée qui suppose de pouvoir surmonter les blocages au Conseil de sécurité. Il faudrait, en cas de crise humanitaire grave, que les membres permanents renoncent à utiliser leur veto dès lors que leur souveraineté n'est pas engagée. Mais dans le contexte plombé de l'ONU, ce projet n'apparaît guère réaliste.
Réformer, tel est pourtant l'enjeu. François Hollande a repris ce mot d'ordre mardi. Laurent Fabius le développe dans nos colonnes. Toutes ces avancées ne pourront être accomplies que si chacun admet qu'il est de son intérêt de jouer le jeu du multilatéralisme. Elles nécessitent une approche «bottom up», comme disent les Anglo-Saxons, c'est-à-dire partant de la base et de défis concrets: la lutte contre réchauffement climatique, la réduction des pandémies, le combat contre le terrorisme qui menace l'intégrité des communautés et des États. C'est la prise en compte de ces préoccupations qui peuvent redonner du souffle à l'ONU.
La mise sur pied d'une force africaine pour intervenir dans le nord du Mali avec un mandat du Conseil de sécurité serait un peu de lumière au bout du tunnel. La Russie, qui dresse l'oreille dès qu'elle entend le mot djihadistes, et la Chine, «grande amie de l'Afrique», cette fois pourraient ne pas s'y opposer.
Par Alain Barluet
Certes, les succès ne manquent pas. C'est le cas, par exemple, au Liberia, en Sierra Leone, en République démocratique du Congo et ailleurs, ou les Casques bleus ont pu contribuer à préserver une certaine stabilité. «Les Nations unies ont toujours connu des hauts et des bas, c'est cyclique», invoquent les diplomates onusiens. Il n'empêche, le spectre du Rwanda et de la Bosnie plane toujours sur la Maison de verre.
Surmonter les blocages
En Syrie, dans des conditions très différentes, l'ONU est réduite à l'impuissance. Les véritables responsables sont les États eux-mêmes. Rien n'est plus éclairant que l'aveu désabusé de Kofi Annan, démissionnant de son poste d'envoyé spécial pour la Syrie, en août dernier: «Je ne peux pas vouloir la paix davantage que les protagonistes, davantage que le Conseil de sécurité ou que la communauté internationale.» Conservatoire de valeurs universelles façonné sur les décombres de 1945, l'ONU a toujours été un terrain d'affrontement des puissances. On l'a vu dernièrement en Libye, lorsque la Russie et la Chine, après avoir donné leur aval à l'intervention militaire contre Mouammar Kadhafi, ont crié au hold-up sur leur vote. Dans cette affaire, on a aussi compté une victime collatérale, la «responsabilité de protéger».
Adopté par l'ONU en 2005, ce principe enjoint à la communauté internationale de réagir si un pays inflige à sa population les crimes les plus graves. La France a des idées pour tenter de redonner vie à cette idée qui suppose de pouvoir surmonter les blocages au Conseil de sécurité. Il faudrait, en cas de crise humanitaire grave, que les membres permanents renoncent à utiliser leur veto dès lors que leur souveraineté n'est pas engagée. Mais dans le contexte plombé de l'ONU, ce projet n'apparaît guère réaliste.
Réformer, tel est pourtant l'enjeu. François Hollande a repris ce mot d'ordre mardi. Laurent Fabius le développe dans nos colonnes. Toutes ces avancées ne pourront être accomplies que si chacun admet qu'il est de son intérêt de jouer le jeu du multilatéralisme. Elles nécessitent une approche «bottom up», comme disent les Anglo-Saxons, c'est-à-dire partant de la base et de défis concrets: la lutte contre réchauffement climatique, la réduction des pandémies, le combat contre le terrorisme qui menace l'intégrité des communautés et des États. C'est la prise en compte de ces préoccupations qui peuvent redonner du souffle à l'ONU.
La mise sur pied d'une force africaine pour intervenir dans le nord du Mali avec un mandat du Conseil de sécurité serait un peu de lumière au bout du tunnel. La Russie, qui dresse l'oreille dès qu'elle entend le mot djihadistes, et la Chine, «grande amie de l'Afrique», cette fois pourraient ne pas s'y opposer.
Par Alain Barluet