Leral.net - S'informer en temps réel

A la découverte de Somone : Par la grâce de la lagune et de « Baye Sang »

Rédigé par leral.net le Dimanche 10 Septembre 2023 à 19:26 | | 0 commentaire(s)|

La lagune de Somone est, depuis 2020, érigée en aire marine protégée. Ce qui donne à ce bras de mer un statut particulier et à la localité une certaine renommée. Ainsi, un comité dynamique veille à sa sauvegarde en appliquant un règlement intérieur strict. Après tout, il est bon de faire un tour ou juste […]

La lagune de Somone est, depuis 2020, érigée en aire marine protégée. Ce qui donne à ce bras de mer un statut particulier et à la localité une certaine renommée. Ainsi, un comité dynamique veille à sa sauvegarde en appliquant un règlement intérieur strict. Après tout, il est bon de faire un tour ou juste prendre le thé dans l’antre de « Baye Sang », déformation de « Baye Jean », le curieux génie protecteur « Toubab » de ce cours d’eau…

Par El Hadji Ibrahima THIAM, Fatou Diéry DIAGNE (Textes) et Moussa SOW (Photos)

En cette fin de journée de mercredi fin août, le soleil inflige ses rayons aux âmes en quête de fraîcheur sur la magnifique bande de sable blanc de Somone, frontière naturelle entre l’océan et la lagune. Les villégiateurs ont l’option entre une baignade placide sans vague et une autre dans les eaux mouvantes de la mer. Le choix est vite fait, les estivants préfèrent les ondes calmes et doucereuses de la lagune. Tout à leur insouciance, ces jeunes, tous en tenue de plage, sont loin d’imaginer qu’ils prennent du bon temps dans le gîte même de « Baye Sang », déformation du nom Jean, le génie protecteur de la lagune. Il n’y trouve sûrement point de souci puisqu’il est un esprit à la peau blanche ou plus clairement « un Toubab ». Une pirogue est d’ailleurs baptisée en son honneur. Nous ne l’avons pas rencontré, mais le Somonois Saliou Mbodj en a la certitude. « Lorsque Jean se manifeste dans une famille, la personne possédée se met à parler français et à avoir des habitudes de Blanc », confie-t-il.
D’ailleurs la présence de « Jean » dans la lagune est symbolisée par un baobab nain, situé sur une partie émergée de ce bras de mer. Il faut braver la rive de coquillages très pointus pour découvrir l’espace de Baye Jean. L’arbre de petite taille est soigneusement recouvert de coquillages. Ces derniers ont été déposés par les visiteurs ayant effectué un vœu. Le rituel est simple : ramasser un coquillage avec la main gauche et faire un vœu dans sa tête et le déposer sur le baobab nain en attendant que Jean l’exauce. À Jean, ne déplaise ! Un groupe de jeunes ivoiriens en petite tenue se prêtent au jeu mystique en toute innocence. L’une des filles a préféré observer de loin le rituel de ces amis fuyant, d’après elle, le massage douloureux des coquillages au contact avec les pieds. La bande de copains prend des photos et des vidéos souvenirs de leur passage à ce mythique coin de Jean, dont le baobab est entouré de mangroves.
Non loin, des bandes de pélicans et de cormorans trônent fièrement sur une partie émergée de la lagune. Les espèces ornithologiques forment une jolie cohabitation avec les crabes baladeurs. Quelques habitations sont érigées sur la rive droite délimitée par un mur. Parmi elles, la concession non achevée de l’ancien Président Abdoulaye Wade, se dresse. Une dizaine de mètres après, sont établis des étals de femmes disposés en points de dégustation des produits halieutiques comme les huîtres. En effet, les espaces ostréicoles sont bien visibles sur une partie de la lagune.

La lagune de Somone, une réserve régénérée 

La lagune de Somone, formellement appelée « Aire marine protégée intercommunautaire », a été repiquée en 1999. Tout est parti du constat sinistre de la situation de la lagune qui perdait ses ressources, mais aussi sa mangrove. Ainsi, renseigne l’éco-garde Saliou Mbodj, non moins président du Comité de gestion de la réserve naturelle, « le bois de la mangrove était coupé par les populations, car elles vivaient dans des cases et ce bois était le seul qui résistait aux termites et il était très solide. À force de le couper sans régénération, la mangrove avait disparu ».
Par la suite, les Gie des femmes de Keur Cupaam (Popenguine) ont émis l’idée de restaurer la lagune après avoir obtenu la gestion de la Réserve naturelle communautaire de Popenguine. C’est ainsi qu’Adja Oulimata Thiaw mobilisa les villages environnants pour repiquer la mangrove à la Somone. Le lieutenant Khatab Diop, Conservateur des lieux, salue le rôle de ces femmes de Keur Cupaam qui, « en véritables amazones, sous l’encadrement de la Direction des Parcs nationaux (Dpn), ont commencé à reboiser la mangrove ». Par la suite, les populations somonoises se sont impliquées avec l’appui des agents techniques de l’État. « Nous avons été des volontaires depuis le début et nous nous sommes constitués en équipe d’éco-garde », se rappelle Saliou.
Plus d’une dizaine d’années après le repiquage, les acteurs impliqués ont pensé à une sauvegarde pérenne à travers une bonne organisation. Le président du conseil rural d’alors a signé une délibération pour faire de la lagune une réserve naturelle au nom de « Keur Sang » qui veut dire Jean, le nom du génie de la lagune. Ainsi, dans l’organisation, il y a un conservateur et son staff, il y a aussi les éco-gardes qui représentent les populations sur le terrain en tant que comité de gestion. Les Gie des femmes des quatre villages environnants que sont Somone, Guéréo, Thiafoura, Sorokhassap, les associations de jeunes ainsi que les hôteliers et restaurateurs sont aussi impliqués dans la gestion. La lagune reste partagée entre deux communes : celle de Sindia et celle de Somone.

La préservation de la lagune d’abord
Pour faire le tour de cette merveille somonoise, il faut débourser au moins 6.500 FCfa. De ce montant est tiré le permis de visite de 2000 FCfa que le comité de gestion récupère. Saliou Mbodj explique le dispatching des pourcentages : les 13 éco-gardes reçoivent 20% des recettes, 20 % sont pour les Gie des femmes des quatre villages, 10 % pour la commune de Sindia et de Somone, 40 % sont affectés aux activités d’aménagement et les 10 % restants sont pour les agents techniques de l’État. Ce qui a inspiré cette organisation est tiré du règlement intérieur élaboré. Ainsi, le coût même de la balade n’est pas fortuit puisqu’il est fait exprès afin de ne pas user la lagune avec un trop-plein de fréquentation.
La lagune revêt aussi un caractère de réserve ornithologique. « Lorsque la mangrove s’est développée à nouveau, les ressources halieutiques sont revenues. Il y a aussi les oiseaux migrateurs qui reviennent séjourner », explique Saliou. Le Lieutenant Khatab Diop se veut plus précis en informant que près de 80 espèces d’oiseaux y séjournent en plus des 60 espèces d’arbres.
Depuis 2020, il est aussi noté un retour des tortues marines qui pondent sur la plage. D’ailleurs, deux nids identifiés sont actuellement protégés et ils restent en observation pour 60 jours. « La faune terrestre est représentée par le chacal, le varan du Nil, le singe vert, le singe rouge, la mangouste… Les arches, les moules, les huîtres forment les mollusques et près de 28 espèces de poissons y survivent », note le conservateur de l’Amp.
La vocation de la lagune ne s’arrête pas seulement à une réserve. Elle contribue aussi, selon le conservateur Khatab Diop, à promouvoir la recherche scientifique, mais aussi à encourager la participation des populations locales aux activités de conservation, de restauration et de valorisation de la biodiversité. Il indique que cinq unités écologiques sont comprises dans cette aire : le plan d’eau permanent (lagune, lit et chenaux), la zone de mangrove à dominante Rhizophora (couverte par les hautes marées), l’estran sableux, la tanne (tanne nue et tanne à arbustes, la bordure (cordon littoral et zone d’interface entre l’estuaire et la terre ferme).

 

Somone, zone balnéaire mais pas que…

Les épicuriens, friands de fêtes, de soirées arrosées ou même de jeux casino n’iront certainement pas à Somone. Le village maintient un cadre attractif reposant sur ses ressources naturelles. C’est de là qu’il se différencie de Saly, destination fêtarde. Somone fait tout pour préserver son statut d’éco tourisme. Il accueille tous les touristes intéressés par la tranquillité, la nature entre autres. Avant le système de tarification actuel, il y a dix ans, Saliou rappelle que les promoteurs et guides touristiques de Saly vendaient bien la destination somonoise à travers des visites à bord de quads, de voitures 4X4… « Les autres commençaient à bénéficier des retombées de notre repiquage. Ils faisaient venir des touristes et Somone n’en tirait rien. C’est ainsi qu’on a décidé de fixer des tarifs. La balade en pirogue et le stationnement des petits bateaux sont tous soumis à un système de tarification », informe Saliou. Le stationnement des bateaux coûte jusqu’à 100.000 Fcfa.
Par contre, pour les petites pirogues, rien ne leur est demandé, car le comité de gestion estime que c’est une aubaine pour les jeunes somonois qui ne seront pas tentés par l’émigration clandestine. De ce fait, la trentaine de barques stationnée fait vivre plusieurs familles autochtones. Cheikh Tidiane Ndoye, président des piroguiers, informe qu’ils peuvent avoir plus de cent clients par jour. Et comme à quelque chose malheur est bon, la Covid a renforcé la destination somonoise. « Depuis la Covid, nous avons plus de clients. Nous en avons tellement qu’il n’y a plus de basse ou de haute saison. Pendant toute l’année, nous avons des clients », informe l’ancien pêcheur qui a troqué sa barque de pêche contre une pirogue de plaisance.
Les piroguiers se sont organisés en Gie avec des badges. Ils maintiennent certes leur activité, ils mais souhaitent préserver cette lagune. Elle est de 700 ha, mais la superficie de l’Aire a été renforcée. L’Aire marine protégée de Somone comprend une partie terrestre composée de la lagune de Somone et de la mangrove qui la borde et une partie marine qui s’étend sur cinq kilomètres à partir de la côte avec une superficie de 4098 ha. C’est le décret 2020-1132 portant création de l’Aire marine protégée de Somone qui fixe ses caractéristiques. La lagune observe, durant cette période, un repos biologique, toute activité de pêche est interdite jusqu’au mois de décembre. C’est le prix à payer pour la pérennité de cette lagune.

 

CHEF DE VILLAGE PUIS MAIRE DE SOMONE

Salif Diouf, une exception

Chef de village puis maire de Somone depuis janvier 2022, Salif Diouf peut se prévaloir d’une trajectoire singulière dans le milieu politique sénégalais. Si l’on y ajoute son parcours professionnel qui l’a vu gravir les échelons les plus bas à l’un des plus hauts du secteur hôtelier, son histoire en prend du relief.
Avec lui, on était parti pour un entretien classique sur l’histoire de Somone et sur les enjeux et défis qui interpellent cette localité. Finalement, on se retrouve à brosser son portrait. C’est que quand on lui a demandé de se présenter sommairement, histoire de camper le débat, on s’est vite rendu compte que Salif Diouf était un sujet intéressant par son parcours. Imaginez un peu, celui qui est maire de Somone depuis seulement janvier 2022, dans sa vie professionnelle a commencé comme porteur de bagages dans un hôtel (équipier dans le jargon hôtelier) avant de finir Directeur de restauration à l’hôtel Hippocampe qui est devenu aujourd’hui Hôtel Baobab de Somone. « En tant qu’équipier, je gagnais 100 FCfa la journée. Mais même si l’on me demandait de travailler sans être payé, j’allais le faire parce que je m’étais fixé des objectifs. Par la grâce de Dieu, avant de partir de l’hôtel j’étais devenu le chef de mes chefs », avance-t-il. Mais avant d’arriver à ce poste de responsabilité, il est passé par différents services comme plongeur (laveur de vaisselle) en cuisine et maître d’hôtel.
On est au milieu des années 1970 et le jeune homme chétif né en 1956 à Somone commence à se faire une petite belle réputation dans le milieu de l’hôtellerie, malgré son niveau d’étude court. Il a juste le Cfee décroché à l’école primaire de Ngaparou, localité voisine de Somone. Alors, lorsque son patron de l’hôtel Hippocampe décède au début des années 1980, des concurrents en profitent pour s’attacher ses services. Il fait quelque temps dans un hôtel de Kaolack et à Toubacouta avant d’être embauché par la Sapco. Il prend donc la direction de Saly Portudal dont la station balnéaire était à ses premiers balbutiements.
« Quand j’y suis allé en 1982, il n’y avait que le Palm Beach qui existait. J’ai vu Saly évoluer et grandir », se souvient Salif Diouf. Il passera trente ans à la Sapco d’où il prendra sa retraite en 2012.
Entre-temps, Salif Diouf est devenu chef de village de Somone, en 2005, lorsque son père est décédé. Chef de village puis maire de la même localité, en voilà une autre singularité dans le parcours de ce père de famille de nature calme et posée. « Ce n’est pas pour m’en vanter, mais être chef de village puis maire, ça ne court pas la scène politique sénégalaise. Une exception », admet-il, lui, dont le grand-père fut aussi chef de village. Une tradition chez les Diouf depuis au moins trois générations. C’est pour toutes ces raisons que Salif Diouf dit se battre pour la Somone qui lui a tout donné. « Aujourd’hui, je ne demande plus quoi que ce soit à la Somone, mais c’est moi qui demande plutôt à la Somone ce que je dois faire pour elle. C’est mon quotidien, mon combat de tous les jours », indique-t-il. Une envie de rendre à cette localité ce qu’elle lui a donné sur le plan électoral en l’élisant haut la main, sous la bannière du Parti socialiste, en janvier 2022, comme son premier magistrat face au maire sortant et candidat de Bby et la vague de Yewwi Askan wi. Et pourtant, Salif Diouf est loin d’être un politicien dans l’âme, même s’il précise qu’il n’est pas un novice. « Depuis 2009, je milite au Ps, mais je n’étais pas trop engagé », dit-il. Décrit comme un homme « intelligent », « enthousiaste », « efficace » et « plein de chaleur humaine », Salif Diouf a montré qu’il compte servir sa cité plutôt que de se servir. Sa décision de reverser l’intégralité de son salaire de l’année 2022 aux femmes de sa commune, soit 3,3 millions de Fcfa est une belle illustration.

A
Au départ, étaient les « Somono Somono »

Sur la Petite-Côte, s’il y a un endroit touristique qui a une bonne cote actuellement sur le plan touristique, c’est bien Somone. Sa lagune, une des plus belles du Sénégal, sinon la plus belle, contribue beaucoup à la notoriété de cet ancien petit village coincé entre Ngaparou et Sindia. « La Lagune fait la renommée de Somone. Tout l’engouement qu’il y a ici c’est grâce à ce bras de mer. La Somone est devenue même une destination internationale grâce à ce cours d’eau et sa bande de sable blanc qui la séparent de la mer jusqu’à l’embouchure. On ne retrouve pareil site nulle part ailleurs au Sénégal », assure le maire Salif Diouf. Les prémices d’une future destination touristique de Somone ont commencé à se dessiner dans les années 1950, si l’on en croit son maire qui en fut aussi chef de village tout comme son père et grand-père. À l’époque, quelques Européens commençaient à le fréquenter. Au départ, c’était pour y passer une journée ou un week-end avant d’acheter, plus tard, des terrains pour se faire construire des résidences secondaires. C’est dans ce sens que le nommé Georges Blanc, promoteur de l’Hôtel Hippocampe qui est devenu aujourd’hui Hôtel Baobab, a décidé d’y construire un restaurant. « Lui et ses amis allaient en amont de la lagune pour chasser des crocodiles. C’est comme cela que l’idée lui est venue d’ouvrir un restaurant puis l’hôtel », explique Salif Diouf. Mais, se référant à la tradition orale, le maire de Somone souligne que les premiers habitants de la localité se seraient installés dans la zone entre 1.600 et 1.700. « C’était des Socés qu’on appelait ‘’Somono Somono’’ d’où serait venu le nom ‘’Somone’’ », confie-t-il.

Petite commune, gros potentiel

Depuis, Somone a beaucoup changé. Aujourd’hui, la population est estimée entre 12.000 et 15.000 habitants. Un boom démographique qui s’explique par l’afflux d’expatriés et de gens qui viennent pour chercher du travail dans le secteur touristique. « Entre les réceptifs hôteliers et les résidences, on est entre 30 et 40. On a encore beaucoup de niches inexploitées d’où le manque de recettes dans la commune. Par ailleurs, Somone est devenu cher. On ne peut pas trouver un appartement ou une chambre la nuitée à moins de 80.000 ou 100.000 FCfa », souligne le maire. Conscient des potentialités dont regorge sa commune, Salif Diouf veut s’inspirer de ce qui se fait de mieux dans les pays arabes, en Europe et en Turquie pour en tirer le maximum. « Dans ces pays que j’ai visités, on voit des communes qui ont beaucoup d’autonomie parce qu’elles ont des structures qui leur appartiennent. À notre niveau, nous allons essayer de voir comment gérer le peu de foncier que nous avons encore pour nouer des partenariats gagnant-gagnant et avoir des édifices qui vont appartenir à la commune à travers des partenariats. Ce qui créera davantage d’emplois. Si Somone ne connaît pas l’émigration clandestine par les pirogues, c’est parce qu’ici, les gens arrivent à trouver du travail sur place. Nous voulons aider l’État à fixer les jeunes », soutient Salif Diouf.



Source : https://lesoleil.sn/a-la-decouverte-de-somone-par-...