Le thiébou dieune est le plat national au Sénégal dont la composition tient dans le nom. En wolof, thiébou signifie «riz au» et dieune «poisson». C'est donc un plat de riz cassé tomaté accompagné de poisson farci frit et de légumes.
A l'origine, il était servi aux «signare», du nom de ces femmes africaines qui vivaient avec un Européen. Ultérieurement, le terme a été appliqué à leurs enfants métissés. Des femmes et des enfants d'un certain statut, avec suffisamment de moyens pour pouvoir acheter tant du poisson que des légumes variés.
Océan
Au Sénégal, c'est l'océan qui fournit la principale source de protéines, poissons et crustacés, consommés frais ou séchés. Le poisson du thiébou dieune est de préférence du mérou blanc ou de la daurade. Aujourd'hui, la plupart des mérous pêchés est exportée hors du pays, raréfiant la base de ce plat, et obligeant les moins aisés à se rabattre sur d'autres poissons moins nobles, mais aussi moins chers.
Deux autres ingrédients incontournables du thiébou dieune sont le guedj (ou guedjef), un poisson salé et séché très fort en goût qu'on met en toute petite quantité pour parfumer le plat, et le yete, un coquillage traditionnellement séché sur les plages, dont les arômes puissants vont relever les saveurs.
Riz historique et affectif
La présence du riz au Sénégal est expliquée par l'agronome Marc Dufumier. Le riz cassé, c'est-à-dire les brisures de riz, a été proposé aux Sénégalais pour qu'ils ne cultivent plus leurs plantes traditionnelles, comme le mil et le sorgho, et se consacrent à l'arachide, dont le colonisateur français avait grand besoin.
«Un bon thiébou dieune ne peut être fait qu'avec le riz sénégalais, le gros riz parfumé importé du Togo (propos comiques sur l'origine improbable du riz parfumé, sachant que le Togo ne produit quasiment pas de riz, NDLR) n'attachant pas au fond de la casserole comme il faut», affirme avec humour Golbert Diagne (lien en wolof), comédien très apprécié au Sénégal. Le fait de conserver le principe du riz brisé permet en effet que quelques petits grains attachent au fond du plat lors de la cuisson. Gratter et manger ce fond grillé-collé est un privilège, une petite attention, souvent réservés par sa femme au chef de famille.
Riz géographique et concentré de tomate
Le Sénégal tire son nom des 1700 km de sa frontière Nord, à savoir le fleuve Sénégal. Il y trouve une abondante source d'eau douce qui permet tant la culture du riz que bien d'autres plantes. C'est aussi dans cette zone du fleuve Sénégal que se trouvent les plantations de tomates et plusieurs usines de concentré de tomate, lequel sera utilisé pour donner au riz du thiébou dieune cette couleur rouge.
Légumes
L'arrière-pays côtier, le nord et l'est du pays fournissent les légumes. Le pays est en effet doté d’un climat et de vastes étendues propices à ce type de cultures, comme la zone qui s’étire de Dakar à Saint-Louis (large de 10 à 15 km), ou encore la vallée du fleuve Sénégal. Ces légumes sont cuits à part, puis rajoutés, une fois le riz cuit.
Le thiébou dieune, entre signares et poissons chers, a toujours été un plat, dans sa version puriste, onéreux. Des variations sur les éléments, qualité des poissons, origine du riz, quantité des légumes, etc. lui permettent de garder son statut de «plat national» et d'être partagé par tous. Il est une véritable vitrine publicitaire des possibilités de productions du Sénégal.
La recette et à table !
Préparation 40 minutes Cuisson 1h30 Difficulté *** Pour 6 Personnes
INGREDIENTS
1 kg de thiof (mérou)
1 kg de riz cassé
1 morceau de yete (50g)
1 morceau de guedj (100g)
4 grosses carottes
2 grosses aubergines
1 petit chou
2 tubercules de manioc
2 gros oignons
200 g de giraumon
30 g de tamarin
2 navets
4 cubes de bouillon
2 piments frais
huile d’arachide
1 citron vert
Sel
Pour le rof (la farce du poisson)
4 gousses d’ail
1 bouquet de persil
3 piments oiseau
20 grains de poivre noir
2 bouillons de cube (épices-oignon)
PREPARATION
Epluchez le manioc, les carottes, les navets et le giraumon. Retirez les pédoncules des aubergines, enlevez les premières feuilles du chou.
Coupez le manioc et les aubergines en gros tronçons, les carottes et le chou en deux, le giraumon en gros morceaux et les navets en deux dans la longueur. Réservez tous les légumes dans une bassine d’eau.
Epluchez et coupez grossièrement les 2 oignons.
Rincez le riz à grande eau puis mettez-le à cuire à la vapeur dans le haut d’un couscoussier pendant 30 minutes.
Préparez le rof: mixez l’ail, le persil préalablement équeuté, le poivre noir, les piments oiseau et deux cubes de bouillon.
Ecaillez, lavez et coupez le thiof en gros morceaux pour qu’il ne se défasse pas en cours de cuisson. Salez très peu, creusez deux trous dans chaque morceau de poisson avec votre index, remplissez de rof. Faites chauffer de l’huile dans une grande marmite puis mettez-y les morceaux de poisson à frire. Réservez.
Ensuite dans la même marmite mettez les oignons, le yete, le guedj, les deux cubes de bouillon restants, un peu de sel et le reste de rof puis laissez fondre 5 à 10 minutes.
Incorporez tous les légumes et les piments entiers. Couvrez d’eau et portez à ébullition pendant 25 minutes avant d’ajoutez les morceaux de poisson et le tamarin, laissez bouillir à feu moyen encore 15 minutes.
Sortez les légumes et le poisson avec une écumoire et réservez-les dans un plat couvert avec le citron vert coupé en deux.
Passez la sauce au chinois et remettez-la dans la marmite. Ajoutez le riz précuit, laissez-le cuire à couvert et à feu doux jusqu’à cuisson complète. Remuez en fin de cuisson.
Dressez le riz sur un plat, posez dessus les légumes et les morceaux de poissons, accompagnez de quartiers de citron vert.