Walf Grand-Place : L'alternance fête ses dix ans vendredi (l'entretien a été réalisé dimanche dernier). Pouvez-vous nous raconter votre journée du 19 mars 2000 ?
Abdoulaye Bathily : Il faut rappeler que cette journée avait commencé avec un grand espoir. Parce qu'après le vote du premier tour, nous étions certains de gagner les élections. Puisque le camp d'en face était découragé et le pays bouillonnait d'impatience. Il y avait donc un immense espoir. Mais, d'un autre coté, il y’avait aussi une certaine peur, comme on dit, une petit sur la ville. Parce qu'on ne savait pas comment cela allait se terminer.
Et vous-vous êtes réveillés à quelle heure ce jour et qu'avez-vous fait ?
Je me suis réveillé comme d'habitude à six heures. A cette heure déjà, on commençait à s'impatienter parce que c'était des moments fébriles. On ne pouvait pas savoir, malgré tout, ce qui allait se passer même si on avait la certitude quelque part que la victoire était là. Quelque chose pouvait faire basculer les choses.
Il y avait à l’intérieur de moi-même une pression: Mais, je ne baissais pas les bras. J'ai voté à Dakar avec mon épouse (Ndlr : Il s'agit de la défunte, Anna Sarr Bathily décédée, en mai 2002), ici au bureau du quartier Liberté. Ensuite, je suis venu à la maison avant d'aller chez Abdoulaye Wade. J'ai fait le tour de quelques bureaux avec Abdoulaye Wade. Par la suite, chacun est allé dans son quartier général suivre les événements. Et Abdoulaye Wade, lui, est parti à Kébémer. C'était avant le repas. Et lorsque je suis arrivé à la permanence, j'ai fait un petit tour de quelques bureaux de vote parce que moi j'ai suivi les évènement à partir de notre permanence.
Lorsque Me Wade est parti à Kébémer, vous vous êtes parlé au téléphone ?
Non ! On ne s'est pas parler au téléphone. Chacun était pris et suivait les événements de son côté. On s'est vu à la mi-journée. Et vers 19 heures 30 ou 20 heures, je suis allé cher lui avec mon épouse. Chaque parti avait son état-major électoral qui recevait les informations au niveau national pour croiser avec les informations reçues des autres partis. C'est comme cela qu'on était organisé. Notre parti est un parti national, sur toute l'étendue du territoire, on a nos structures. D'autant plus qu'à l'époque, le Pds n'était pas aussi important. Il y avait toute un région du pays où le Pds était absent. Dès que vous dépasser Dagana par exemple, tout le Podor, le Matam le Kédougou, le Backel... le Pds n'y existait pas, il n'avait rien dans toutes ces zones. Le Pds n'avait pas grand chose. Il y a des zones où c'est la Ld qui avait
pris la campagne et qui suivait les élections. Il y a des zones où c'était Aj/Pads ou le Pit. Le Pds n'avait pas cette envergure, mais bon après l'alternance, il ya eu toute cette transhumance. Dans neuf départements du pays, on peut dire que n'eût été la Ld, on n'aurait pas eu de gens dans les bureaux de vote. En d'autres endroits, c'est Aj/Pads qui assurait. C'est le cas de Bignona par exemple. Dans le Kédougou, c'est la Ld et le Pit. Les partis alliés se complétaient, avec 1'Afp de Moustapha Niasse qui était en puissance. Chacun suivait très nettement dans ses bastions puisque chacun avait un fief où il représentait à lui seul l'alliance du Sopi.
Vous aviez pris le repas quand même... ?
Oui ! Out ! J'avais pris le repas à la maison après avoir fait le tour de quelques bureaux de vote..
Qu'avez-vous mangé ce jour-là ?
Je ne sais plus ce que j'ai mangé ce jour là. Je ne me rappelle plus. Après le repas, on est resté à la maison pour suivre le déroulement des événements. Et quand les résultats ont commencé à tomber, c'est là que la tension a commencé à monter.
J'étais en haut là (Ndlr : l'entretien a été réalisé cher lui). Au bout d'une heure, une tendance commençait à se dessiner dans plusieurs bureaux.
Donc, vous avez suivi les résultats chez vous ?
Oui ! Oui ! Oui ! Parce qu'à l'époque, c'était avec les radios. Sud fm et Walf fm ont joué un rôle extraordinaire aux élections de 2000. On était en direct sur ces deux radios. Il y avait ma défunte épouse qui avait un carnet. Quand on disait bureau numéro tel, elle écrivait. Et moi, j'étais accroché au téléphone avec les camarades des régions de Kaolack, Kolda, Bakel... Ceux qui avaient déjà leurs résultats dans leurs villes appelaient. Et ils disaient : « camarade, ça va très bien ici, ça se passe très bien ici ! Ils sont tombés !» Je leur répondais : «Ah bon ! Ah bon ! »Et à chaque fois, on écrivait les résultats. Je dictais à ma femme ce que je recevais au téléphone. Elle, aussi, faisait la même chose. On avait deux téléphones. Elle avait le fixe et moi le portable. Vers 20 heures, les tendances commençaient vraiment à s'affirmer. Je lui ai dit qu'on va aller chez Wade pour essayer d'organiser la résistance. Et puis, faire un meeting pour que les gens ne nous volent pas notre victoire.
Lorsque vous êtes arrivés chez Me Wade comment vous a-t-il accueilli ?
Je l'ai trouvé a la piscine, lui aussi, il était en train d'écouter les résultats. Il avait l'air radieux, très content. Dans le salon, je lui ai dit «On va gagner maintenant, il faut qu'on commence à s'organiser.» Et je lui ai proposé d'appeler tous les chefs de partis alliés pour qu'ils viennent au Point E et qu'on fasse un meeting, s'il le faut toute la nuit parce que les gens risquent de voler notre victoire. On a appelé Ameth (Ndlr : Dansokho du Pit), Moustapha Niasse... En moins d'une heure, avant 21 heures, tous les leaders étaient dans le salon de Wade au Point E. Et chacun continuait de recevoir les informations au niveau de son état-major particulier.
Vous aviez fait combien de temps cher Me Wade ?
On est resté là-bas jusqu'à minuit passé. Et quand les gens sont venus, je revois encore cette image, j'ai vu les larmes d'Amath Dansokho couler sur ses joues. Il pleurait. Je lui ai dit :«Mais Ameth pourquoi lu pleures ?» Il a dit : «Abdoulaye, même si je meurs aujourd’hui, je suis satisfait, c’est vraiment la fin de tous mes combats pour la victoire, pour la démocratie.» Et il prend un mouchoir pour essuyer ses larmes. Je lui ai dit : «Amath, pas de problème. C'est vrai qu'on a gagné. Pour notre génération, c'est le couronnement, de toute une vie.» On était vraiment tous enthousiastes, heureux parce que cela a été un dur combat.
Après quand les gens sont venus, on a dit qu'il fallait improviser un meeting et on est tous sorti. Les radios Sud fm et Walf fm avaient commencé à diffuser que tous les leaders du Fal (Front pour l'alternance) se sont retrouvés cher Wade et la population a commencé à déferler. Les jeunes, en très grand nombre, toutes les allées Seydou Nourou Tall, la rue du Point E qui passe devant chez Wade, c'était plein de monde déjà. À partir de 21 heures, c'était plein à craquer. On est sorti, il n'y avait pas de podium, il y avait rien, on a improvisé. Il y avait une voiture stationnée, je crois que c'était pour Wade et on est tous monté dedans.
Donc, vous n'avez pas dîné cette nuit-là ?
Non ! Non ! On n'avait pas envie de manger. Personne ne voulait manger ce jour-là. Ce qu'on avait dans le cœur était suffisant.
Et Karim Wade, il était avec vous ?
Non ! Moi, je ne l'avais pas vu parmi l'assistance. Il n'y était pas du tout. Vous savez avec l'alternance, les absents sont devenus présents. Et ceux qui étaient présents, sont absents aujourd'hui
Réalisé par Sophie BARRO
Source Walf Grand Place
Abdoulaye Bathily : Il faut rappeler que cette journée avait commencé avec un grand espoir. Parce qu'après le vote du premier tour, nous étions certains de gagner les élections. Puisque le camp d'en face était découragé et le pays bouillonnait d'impatience. Il y avait donc un immense espoir. Mais, d'un autre coté, il y’avait aussi une certaine peur, comme on dit, une petit sur la ville. Parce qu'on ne savait pas comment cela allait se terminer.
Et vous-vous êtes réveillés à quelle heure ce jour et qu'avez-vous fait ?
Je me suis réveillé comme d'habitude à six heures. A cette heure déjà, on commençait à s'impatienter parce que c'était des moments fébriles. On ne pouvait pas savoir, malgré tout, ce qui allait se passer même si on avait la certitude quelque part que la victoire était là. Quelque chose pouvait faire basculer les choses.
Il y avait à l’intérieur de moi-même une pression: Mais, je ne baissais pas les bras. J'ai voté à Dakar avec mon épouse (Ndlr : Il s'agit de la défunte, Anna Sarr Bathily décédée, en mai 2002), ici au bureau du quartier Liberté. Ensuite, je suis venu à la maison avant d'aller chez Abdoulaye Wade. J'ai fait le tour de quelques bureaux avec Abdoulaye Wade. Par la suite, chacun est allé dans son quartier général suivre les événements. Et Abdoulaye Wade, lui, est parti à Kébémer. C'était avant le repas. Et lorsque je suis arrivé à la permanence, j'ai fait un petit tour de quelques bureaux de vote parce que moi j'ai suivi les évènement à partir de notre permanence.
Lorsque Me Wade est parti à Kébémer, vous vous êtes parlé au téléphone ?
Non ! On ne s'est pas parler au téléphone. Chacun était pris et suivait les événements de son côté. On s'est vu à la mi-journée. Et vers 19 heures 30 ou 20 heures, je suis allé cher lui avec mon épouse. Chaque parti avait son état-major électoral qui recevait les informations au niveau national pour croiser avec les informations reçues des autres partis. C'est comme cela qu'on était organisé. Notre parti est un parti national, sur toute l'étendue du territoire, on a nos structures. D'autant plus qu'à l'époque, le Pds n'était pas aussi important. Il y avait toute un région du pays où le Pds était absent. Dès que vous dépasser Dagana par exemple, tout le Podor, le Matam le Kédougou, le Backel... le Pds n'y existait pas, il n'avait rien dans toutes ces zones. Le Pds n'avait pas grand chose. Il y a des zones où c'est la Ld qui avait
pris la campagne et qui suivait les élections. Il y a des zones où c'était Aj/Pads ou le Pit. Le Pds n'avait pas cette envergure, mais bon après l'alternance, il ya eu toute cette transhumance. Dans neuf départements du pays, on peut dire que n'eût été la Ld, on n'aurait pas eu de gens dans les bureaux de vote. En d'autres endroits, c'est Aj/Pads qui assurait. C'est le cas de Bignona par exemple. Dans le Kédougou, c'est la Ld et le Pit. Les partis alliés se complétaient, avec 1'Afp de Moustapha Niasse qui était en puissance. Chacun suivait très nettement dans ses bastions puisque chacun avait un fief où il représentait à lui seul l'alliance du Sopi.
Vous aviez pris le repas quand même... ?
Oui ! Out ! J'avais pris le repas à la maison après avoir fait le tour de quelques bureaux de vote..
Qu'avez-vous mangé ce jour-là ?
Je ne sais plus ce que j'ai mangé ce jour là. Je ne me rappelle plus. Après le repas, on est resté à la maison pour suivre le déroulement des événements. Et quand les résultats ont commencé à tomber, c'est là que la tension a commencé à monter.
J'étais en haut là (Ndlr : l'entretien a été réalisé cher lui). Au bout d'une heure, une tendance commençait à se dessiner dans plusieurs bureaux.
Donc, vous avez suivi les résultats chez vous ?
Oui ! Oui ! Oui ! Parce qu'à l'époque, c'était avec les radios. Sud fm et Walf fm ont joué un rôle extraordinaire aux élections de 2000. On était en direct sur ces deux radios. Il y avait ma défunte épouse qui avait un carnet. Quand on disait bureau numéro tel, elle écrivait. Et moi, j'étais accroché au téléphone avec les camarades des régions de Kaolack, Kolda, Bakel... Ceux qui avaient déjà leurs résultats dans leurs villes appelaient. Et ils disaient : « camarade, ça va très bien ici, ça se passe très bien ici ! Ils sont tombés !» Je leur répondais : «Ah bon ! Ah bon ! »Et à chaque fois, on écrivait les résultats. Je dictais à ma femme ce que je recevais au téléphone. Elle, aussi, faisait la même chose. On avait deux téléphones. Elle avait le fixe et moi le portable. Vers 20 heures, les tendances commençaient vraiment à s'affirmer. Je lui ai dit qu'on va aller chez Wade pour essayer d'organiser la résistance. Et puis, faire un meeting pour que les gens ne nous volent pas notre victoire.
Lorsque vous êtes arrivés chez Me Wade comment vous a-t-il accueilli ?
Je l'ai trouvé a la piscine, lui aussi, il était en train d'écouter les résultats. Il avait l'air radieux, très content. Dans le salon, je lui ai dit «On va gagner maintenant, il faut qu'on commence à s'organiser.» Et je lui ai proposé d'appeler tous les chefs de partis alliés pour qu'ils viennent au Point E et qu'on fasse un meeting, s'il le faut toute la nuit parce que les gens risquent de voler notre victoire. On a appelé Ameth (Ndlr : Dansokho du Pit), Moustapha Niasse... En moins d'une heure, avant 21 heures, tous les leaders étaient dans le salon de Wade au Point E. Et chacun continuait de recevoir les informations au niveau de son état-major particulier.
Vous aviez fait combien de temps cher Me Wade ?
On est resté là-bas jusqu'à minuit passé. Et quand les gens sont venus, je revois encore cette image, j'ai vu les larmes d'Amath Dansokho couler sur ses joues. Il pleurait. Je lui ai dit :«Mais Ameth pourquoi lu pleures ?» Il a dit : «Abdoulaye, même si je meurs aujourd’hui, je suis satisfait, c’est vraiment la fin de tous mes combats pour la victoire, pour la démocratie.» Et il prend un mouchoir pour essuyer ses larmes. Je lui ai dit : «Amath, pas de problème. C'est vrai qu'on a gagné. Pour notre génération, c'est le couronnement, de toute une vie.» On était vraiment tous enthousiastes, heureux parce que cela a été un dur combat.
Après quand les gens sont venus, on a dit qu'il fallait improviser un meeting et on est tous sorti. Les radios Sud fm et Walf fm avaient commencé à diffuser que tous les leaders du Fal (Front pour l'alternance) se sont retrouvés cher Wade et la population a commencé à déferler. Les jeunes, en très grand nombre, toutes les allées Seydou Nourou Tall, la rue du Point E qui passe devant chez Wade, c'était plein de monde déjà. À partir de 21 heures, c'était plein à craquer. On est sorti, il n'y avait pas de podium, il y avait rien, on a improvisé. Il y avait une voiture stationnée, je crois que c'était pour Wade et on est tous monté dedans.
Donc, vous n'avez pas dîné cette nuit-là ?
Non ! Non ! On n'avait pas envie de manger. Personne ne voulait manger ce jour-là. Ce qu'on avait dans le cœur était suffisant.
Et Karim Wade, il était avec vous ?
Non ! Moi, je ne l'avais pas vu parmi l'assistance. Il n'y était pas du tout. Vous savez avec l'alternance, les absents sont devenus présents. Et ceux qui étaient présents, sont absents aujourd'hui
Réalisé par Sophie BARRO
Source Walf Grand Place