La population abidjanaise continue de vaquer tranquillement à ses occupations, mais dans la crainte de la survenue d’actes de violences, au moment où les résultats provisoires du premier tour de l’élection présidentielle sont compilés au compte-gouttes par la Commission électorale indépendante (CEI).
Depuis dimanche, la CEI a entamé la publication des résultats du premier tour du scrutin qui s’est déroulé samedi dans un contexte tendu, avec des violences signalées dans plusieurs endroits du pays.
Les résultats de 26 départements parmi les 108 du territoire ivoirien sont déjà connus et sont largement favorables au président sortant. La CEI poursuit la publication des résultats, ce lundi.
En attendant, les Abidjanais vaquent à leurs occupations, espérant qu’il ‘’ne se passera rien’’. ‘’On a eu peur, mais Dieu merci. Pour le moment, c’est calme. Les gens n’ont pas à vivre ce qu’ils ont vécu en 2010. On espère qu’il ne se passera rien cette fois-ci’’, soutient Mamadou Thiam, un ressortissant sénégalais installé à Treichville, une commune située à la périphérie du Plateau.
En raison du climat d’incertitude, l’activité a été parfois réduite, rendant désertes les rues habituellement animées.
‘’Nous avons réduit un peu notre activité durant ces derniers jours, en raison du contexte électoral. Il fallait prendre les devants pour ne pas être surpris. Pour le moment, ça va, tout se passe bien, mais on reste prudent’’, confie le gérant d’une pâtisserie, sur la rue 16 de la commune de Treichville.
C’est sur cette principale artère que Hawa, une Sénégalaise, tient son restaurant. Elle dit vivre dans la crainte. Hawa a vécu les troubles postélectoraux de 2010. ‘’J’étais ici pendant la guerre civile. Personne ne veut revivre cela. Les gens sont inquiets, ils sont prudents, car ils savent ce qui peut arriver à tout moment. C’est pour cela que nous avons réduit nos activités. On fait très attention’’, confie-t-elle.
Alexandre, un taximan, se plaint de la rareté des passagers. ‘’Les gens ne sont pas encore sortis. C’est difficile. Là, j’ai envie de retourner à la maison parce qu’il n’y a pas de clients. Mes revenus ont baissé. Je pouvais gagner jusqu’à 50.000 francs CFA par jour. Maintenant, je gagne difficilement moins de 30.000’’, confie-t-il, espérant qu’avant lundi prochain, ‘’tout reviendra normal’’.
Plus loin, dans la commune de Yopougou, réputée fief de l’opposition, des jeunes du village Ebrié de Kouté montent la garde devant l’une des entrées de la localité, sous la houlette d’un ‘’chef’’ qui se fait appeler Maître d’acier. Sous le regard des policiers, lui et ses hommes laissent entrer les véhicules.
Des jeunes ont tenté d’empêcher la tenue du scrutin, samedi, obligeant les responsables de la commission électorale à se retirer.
La veille du scrutin, des jeunes armés de machettes ont pris Ebrié de Kouté pour cible, rapporte Maître d’acier, accusant les ‘’microbes’’, terme désignant en Côte d’Ivoire des bandes de jeunes délinquants, agressifs, qui sèment la peur dans certains quartiers.
‘’Nous assurons la protection de notre village. Nous avons été envahis, la veille du scrutin, par une bande de jeunes armés de machettes. Nous sommes parvenus à les repousser. Vous comprenez, c’est pourquoi nous voulons protéger notre village’’, explique Maître d’acier.
Dimanche, peu avant la publication des premiers résultats, les partis et groupements politiques de l’opposition ivoirienne ont remis en question la transparence de l’élection présidentielle et ont appelé à ‘’l’ouverture d’une transition civile’’.
‘’Les partis et groupements politiques de l’opposition appellent à l’ouverture d’une transition civile, afin de créer les conditions d’une élection présidentielle juste, transparente et inclusive’’, a déclaré le leader du FPI, Pascal Affi N’Guessan à la fin d’une réunion organisée chez Henri Konan Bédié, candidat comme lui au scrutin.
Ces partis ont dénoncé le ‘’simulacre d’élection’’ organisé samedi ‘’en violation flagrante de la Constitution, du code électoral et de la loi portant composition de la Commission électorale indépendante, avec la participation d’Alassane Ouattara dont la candidature est jugée anticonstitutionnelle et illégale.
Ils estiment que le scrutin a été entaché de ‘’nombreuses irrégularités’’ caractérisées par ‘’la non-opérationnalité de nombreuses commissions électorales locales et de bureaux de vote, la suppression irrégulière de nombreux lieux de vote, la non-participation de 90% des électeurs, les morts d’hommes, au moins une trentaine…’’
Les partis et groupements politiques remettant en cause la fiabilité du scrutin ‘’constatent la fin du mandat du président Alassane Ouattara (…) et invitent la communauté internationale à en prendre acte’’.
Le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), par la voix de son directeur exécutif, Adama Bictogo, a invité ‘’le gouvernement à mettre fin aux violences constatées à Abidjan et dans plusieurs villes de l’intérieur du pays, lors du déroulement du scrutin présidentiel du 31 octobre 2020’’.
Selon la plateforme Indigo, qui a pris part à la supervision du scrutin, 73% des bureaux de vote ont fonctionné le jour du scrutin.
La mission d’observation de la CEDEAO a pour sa part prévu de faire une ‘’déclaration préliminaire’’ sur le processus électoral.
La mission internationale conjointe d’observation électorale de l’Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique et du Centre Carter a également prévu de faire une déclaration dans la journée.
Près de 7,5 millions d’électeurs ivoiriens étaient appelés aux urnes, samedi, pour un scrutin présidentiel marqué par de profondes divergences entre la majorité et l’opposition.
Quatre candidats étaient en lice pour cette élection : le président sortant, Alassane Ouattara, candidat du RHDP, Pascal Affi N’Guessan, du Front populaire ivoirien, l’ancien chef de l’Etat Henri Konan Bédié, du PDCI-RDA, et le candidat indépendant Kouadio Konan Bertin dit KKB.
Seuls deux de ces candidats, le président sortant et Kouadio Konan Bertin, ont véritablement battu campagne, les deux autres étaient dans une logique de ‘’désobéissance civile’’ consistant à contester la candidature d’Alassane Ouattara.
Henri Konan Bédié et Pascal Affi N’Guessan ont maintenu, durant toute la campagne, leur mot d’ordre de ‘’désobéissance civile’’ pour ‘’le retrait de la candidature anticonstitutionnelle et illégale d’Alassane Ouattara’’.
Ils réclament en même temps ‘’la réforme de la Commission électorale indépendante et du Conseil constitutionnel’’, ‘’l’audit international de la liste électorale’’, ‘’le retour des exilés et la libération des prisonniers politiques’’.
Source : http://www.senemedia.com/annonce-31869-abidjan-dan...