leral.net | S'informer en temps réel

ANALYSE - Coalition politique contre la vérité et pour l’impunité : Le double jeu du Front Siggil Sénégal

En lieu et place d’un vrai jugement dans le naufrage du bateau Le Joola, une partie de la classe politique nationale s’est engagée dans une langue de bois qui s’oppose au châtiment judiciaire des coupables.


Rédigé par leral.net le Lundi 22 Septembre 2008 à 21:09 | | 0 commentaire(s)|

ANALYSE - Coalition politique contre la vérité et pour l’impunité : Le double jeu du Front Siggil Sénégal
Lorsque les circonstances l’exigent, les politiques savent être sur une ligne d’unité grâce au très fort degré de corporatisme dont ils sont capables. L’on vient de voir, en effet, avec les mandats d’arrêt internationaux dirigés contre neuf autorités sénégalaises présumées impliquées dans la catastrophe du Joola, que de beaux principes sacrés comme l’impunité, la responsabilité dans les fonctions publiques, le respect des morts, peuvent ne rien valoir à certains moments. La première salve du dérapage des politiques a été lancée par le président de la République, officiellement soucieux, paraît-il, de «riposter» aux «actes illégaux» posés par un juge, Jean-Wilfried Noël, dorénavant coupable de «forfaiture» et d’«atteinte à la dignité» du Sénégal et de ses institutions. Le bataillon d’avocats prestigieux qu’il a commis, en corrompant les mots et les concepts juridiques dans le sens du dessein présidentiel, a publiquement politisé un dossier simplement judiciaire et humain en demandant un «consensus national» là-dessus. D’une certaine manière, on peut «comprendre» que le Président Abdoulaye Wade, moralement responsable de la mort de 1 863 personnes, n’ait aucune envie de voir ressusciter cette affaire du Joola, traumatisante devant l’éternité.


Mais, ce qui paraît autrement plus désolant, c’est le malaise incompréhensible qui s’est emparé de l’opposition qui pivote autour du Front Siggil Senegaal. Quand le juge largue ses bombes au-dessus de notre pays, le Fss n’a pas tardé à réagir de la manière la plus laconique au sortir d’une de ses rencontres hebdomadaires. En attendant que les partis politiques membres s’expriment de manière souveraine, le mot d’ordre sur lequel s’entendent ses composantes est dérisoire : il exprime sa «circonspection» au regard des relations franco-sénégalaises, et trouve «délicate» l’opération lancée par le magistrat d’Evry. Madieyna Diouf, qui a fait office de porte-parole sur la question, ne se prive pas de rappeler que «les Sénégalais demandent toujours que la lumière soit faite sur ce dossier, en situant les responsabilités même au plus haut niveau». Si tant est que les partis du Front Siggil Senegaal souhaitaient franchement que cette lumière fût, c’était alors le bon moment de rappeler, en le condamnant, le refus des autorités sénégalaises d’accepter les commissions rogatoires du juge français. Pour un scandale qui engage la responsabilité politique et publique des tenants du pouvoir - avec, il est vrai, une chaîne d’imputations remontant à bien avant l’alternance de mars 2000 - les Sénégalais, en général, et les familles de victimes, en particulier, espéraient un engagement beaucoup plus direct de leur part. Mais les calculs politiciens ont la vie dure.


Cette sorte de trahison des principes de bonne gouvernance à propos d’une affaire gravissime est tellement flagrante que le Parti socialiste se retrouve dans une posture plus qu’ambiguë. Dans une déclaration très généraliste, il pourfend - non sans raison – les manquements du régime de Me Wade en toute quiétude. Or, sa porte-parole principale, Me Aïssata Tall Sall, est l’une des animatrices du pool d’avocats recrutés par le chef de l’Etat pour traîner le juge Jean-Wilfried Noël devant les juridictions sénégalaises pour «forfaiture». Où est la cohérence dans le positionnement ? Et dans le même sillage, Robert Sagna, maire de Ziguinchor et secrétaire général du Rsd, étale sa grande impuissance en s’opposant à la «riposte» de l’Etat sénégalais, mais également en incitant au «mépris» contre le juge français.


Finalement, l’on se surprend à penser que les politiques semblent tous alignés, sans le dire, derrière l’option du Président Wade. Celle-ci vise l’objectif fondamental de parvenir à l’extinction du dossier du Joola en passant par pertes et profits les 1 863 morts du naufrage. Tous, ils peuvent bien s’apitoyer sur le sort de la très respectable Mame Madior Boye. Mais ceux qui sont restés au fond de l’Atlantique méritent un autre type d’égard.
le quotidien


leral .net