Monsieur le président, votre monument de la Renaissance africaine suscite des critiques. Comment y répondez-vous ? Connaissant les passions soulevées en son temps par la tour Eiffel, je me doutais bien qu'en créant une statue de cette dimension, j'aurais à faire face à des incompréhensions. Les gens ont mal compris le financement. Je n'ai jamais dépensé un franc du budget pour la réalisation de cette statue. J'ai dit aux (constructeurs) Coréens que je n'avais pas d'argent mais que je pouvais les payer en terrains.
UNE ÉTOILE PÂLISSANTE
Né en 1926, Abdoulaye Wade est avocat et économiste de formation. En 1974, il crée le Parti démocratique sénégalais (PDS), principale formation d'opposition au Parti socialiste des présidents Léopold Sédar Senghor puis Abdou Diouf. Battu quatre fois à la présidentielle, il sera finalement élu en 2000 lors d'une alternance démocratique saluée dans le monde entier. Réélu en 2007 lors d'un scrutin contesté, il lance des grands travaux, soutient l'agriculture, améliore le taux de scolarité. Mais son impuissance à réduire une pauvreté massive et son insistance à placer son fils Karim comme successeur ont fait pâlir son étoile. M. Wade a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2012.
Cet argent n'aurait-il pas pu être dépensé plus utilement ? Il y avait de l'opposition au départ mais au fur et à mesure que j'ai expliqué qu'il n'y avait pas d'argent (public), les gens ont compris.
Cinquante après l'indépendance, votre monnaie reste le franc CFA contrôlé par Paris. N'est-ce pas une anomalie ?
Il faut revoir la gestion monétaire (...). Nous sommes un certain nombre d'Africains à être déçus de l'évolution de notre projet continental. Nous réfléchissons à la possibilité de revenir à un projet régional avec sa propre monnaie. Les autorités françaises le savent.
Si nous récupérons notre pouvoir monétaire, nous gérerons mieux. Pourquoi le Ghana a-t-il sa propre monnaie et la gère bien ? La Mauritanie a l'ouguiya (sa monnaie) et finance son économie. La Gambie, qui est notre voisine, a aussi sa monnaie.
Nous, malgré tous nos atouts, nous n'arrivons pas à mener une politique monétaire.
Le Sénégal aurait-il l'intention d'abandonner le franc CFA ?
Ah non ! Je ne peux pas le dire comme ça. Il faut quand même être responsable, ne pas provoquer la débandade du franc CFA. Je fais pression pour que l'on revoie la gestion monétaire.
La France a décidé de fermer sa base militaire de Dakar. Le 19 février, le Sénégal a annoncé qu'il signerait un accord de défense avec la France le 4 avril. Nous y sommes et cet accord n'est pas signé...
Il n'est pas signé, mais en réalité, on n'en a plus besoin. Vous vous rappelez que M. Sarkozy est allé en Afrique du Sud et a déclaré que la France était prête à renoncer à toutes ses bases. Je le lui ai reproché. (...) C'est vrai que l'Afrique du Sud est un grand client de la France, beaucoup plus que le Sénégal. Eux, ils ne sont pas aidés, ils paient. Nous, on est aidés. Ce n'est pas une raison. Les bases sont chez nous. Il aurait dû nous en parler d'abord.
Il vous a fait une mauvaise manière ? Ce n'est pas grave. J'ai demandé que nous engagions des discussions pour qu'on nous retourne les bases. Nous avons échangé des séries de lettres qui manquaient de clarté (...).
La France souhaite fermer la base de Bel-Air tout en conservant des effectifs réduits. Cela vous convient-il ? Nous n'avons plus besoin d'accord parce que dans ma déclaration à la nation du 3 avril, je déclare que le Sénégal reprend les bases auparavant concédées à la France à partir de zéro heure. Donc, on n'a pas besoin de parapher quoi que ce soit.
C'est une décision sénégalaise ? C'est une décision sénégalaise. Elle n'est pas unilatérale puisque M. Sarkozy a dit que la France renonçait aux bases. J'ai dit "bon, c'est bien, reprenons-les".
La question d'un accord de coopération militaire est-elle obsolète ?
On n'a pas besoin d'accord pour reprendre nos bases (...).
Vous ne voulez donc plus d'accord du tout ?
Je n'ai pas dit cela. Nous avons avec la France des relations très anciennes. Elle nous a fait comprendre qu'elle souhaitait disposer d'installations dans un pays et que le pays le mieux placé pour elle, c'était le Sénégal. J'ai dit "banco". Nous sommes prêts à (en) discuter.
Après, il y aura accord ? Absolument, on arrivera à un accord pour que des installations soient mises à disposition. Et si nous donnons à la France l'autorisation d'utiliser un terrain déterminé, elle pourra mettre ses soldats là-bas.
Propos recueillis par Philippe Bernard avec Xavier Lambrechts (TV5) et Bruno Daroux (RFI)
UNE ÉTOILE PÂLISSANTE
Né en 1926, Abdoulaye Wade est avocat et économiste de formation. En 1974, il crée le Parti démocratique sénégalais (PDS), principale formation d'opposition au Parti socialiste des présidents Léopold Sédar Senghor puis Abdou Diouf. Battu quatre fois à la présidentielle, il sera finalement élu en 2000 lors d'une alternance démocratique saluée dans le monde entier. Réélu en 2007 lors d'un scrutin contesté, il lance des grands travaux, soutient l'agriculture, améliore le taux de scolarité. Mais son impuissance à réduire une pauvreté massive et son insistance à placer son fils Karim comme successeur ont fait pâlir son étoile. M. Wade a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2012.
Cet argent n'aurait-il pas pu être dépensé plus utilement ? Il y avait de l'opposition au départ mais au fur et à mesure que j'ai expliqué qu'il n'y avait pas d'argent (public), les gens ont compris.
Cinquante après l'indépendance, votre monnaie reste le franc CFA contrôlé par Paris. N'est-ce pas une anomalie ?
Il faut revoir la gestion monétaire (...). Nous sommes un certain nombre d'Africains à être déçus de l'évolution de notre projet continental. Nous réfléchissons à la possibilité de revenir à un projet régional avec sa propre monnaie. Les autorités françaises le savent.
Si nous récupérons notre pouvoir monétaire, nous gérerons mieux. Pourquoi le Ghana a-t-il sa propre monnaie et la gère bien ? La Mauritanie a l'ouguiya (sa monnaie) et finance son économie. La Gambie, qui est notre voisine, a aussi sa monnaie.
Nous, malgré tous nos atouts, nous n'arrivons pas à mener une politique monétaire.
Le Sénégal aurait-il l'intention d'abandonner le franc CFA ?
Ah non ! Je ne peux pas le dire comme ça. Il faut quand même être responsable, ne pas provoquer la débandade du franc CFA. Je fais pression pour que l'on revoie la gestion monétaire.
La France a décidé de fermer sa base militaire de Dakar. Le 19 février, le Sénégal a annoncé qu'il signerait un accord de défense avec la France le 4 avril. Nous y sommes et cet accord n'est pas signé...
Il n'est pas signé, mais en réalité, on n'en a plus besoin. Vous vous rappelez que M. Sarkozy est allé en Afrique du Sud et a déclaré que la France était prête à renoncer à toutes ses bases. Je le lui ai reproché. (...) C'est vrai que l'Afrique du Sud est un grand client de la France, beaucoup plus que le Sénégal. Eux, ils ne sont pas aidés, ils paient. Nous, on est aidés. Ce n'est pas une raison. Les bases sont chez nous. Il aurait dû nous en parler d'abord.
Il vous a fait une mauvaise manière ? Ce n'est pas grave. J'ai demandé que nous engagions des discussions pour qu'on nous retourne les bases. Nous avons échangé des séries de lettres qui manquaient de clarté (...).
La France souhaite fermer la base de Bel-Air tout en conservant des effectifs réduits. Cela vous convient-il ? Nous n'avons plus besoin d'accord parce que dans ma déclaration à la nation du 3 avril, je déclare que le Sénégal reprend les bases auparavant concédées à la France à partir de zéro heure. Donc, on n'a pas besoin de parapher quoi que ce soit.
C'est une décision sénégalaise ? C'est une décision sénégalaise. Elle n'est pas unilatérale puisque M. Sarkozy a dit que la France renonçait aux bases. J'ai dit "bon, c'est bien, reprenons-les".
La question d'un accord de coopération militaire est-elle obsolète ?
On n'a pas besoin d'accord pour reprendre nos bases (...).
Vous ne voulez donc plus d'accord du tout ?
Je n'ai pas dit cela. Nous avons avec la France des relations très anciennes. Elle nous a fait comprendre qu'elle souhaitait disposer d'installations dans un pays et que le pays le mieux placé pour elle, c'était le Sénégal. J'ai dit "banco". Nous sommes prêts à (en) discuter.
Après, il y aura accord ? Absolument, on arrivera à un accord pour que des installations soient mises à disposition. Et si nous donnons à la France l'autorisation d'utiliser un terrain déterminé, elle pourra mettre ses soldats là-bas.
Propos recueillis par Philippe Bernard avec Xavier Lambrechts (TV5) et Bruno Daroux (RFI)