Berezina au forceps. L'affaire de démolition du complexe hôtelier "Café de Rome" propriété de la société Resort Company Invest Abidjan (RCIA), situé au bord de la lagune Ebrié, entre Adjamé et le stade Félix Houphouët-Boigny au Plateau, fait grand bruit. Aux allures hollywoodiennes, la décision du ministre des Infrastructures économiques, Patrick Achi, qualifiée d'unilatérale par bon nombre de spécialistes du droit, agace et intrigue les milieux avisés des affaires et de l'entrepreneuriat privé étranger. Alors que le palais reste muet, un ex-haut dignitaire très écouté du pays joue au pompier pour réparer le "désastre ". Les Afriques en possession des documents exclusifs a démêlé l'écheveau Dans ce poker menteur qui se joue sur La Lagune d'Ebrié, s'y côtoient arnaque de haute voltige, expropriation abusive, spoliation, pillage planifié et organisé, rétention d'informations, ostracisme, déni de droit, voie de fait… Dans ce qui est convenu d'appeler le désastre du Café de Rome, qui se révèle de plus en plus un véritable monstre à plusieurs têtes, subsistent des zones d'ombre. Çà et là, beaucoup estiment que le gouvernement ivoirien a perdu le sens de la lucidité et de responsabilité dans sa mission de premier protecteur de l'investissement privé en Côte d'Ivoire, pays sorti seulement d'une guerre sans merci, pendant une décennie. «Le ministère ivoirien des Infrastructures n’a pas usé les voies juridiques légales appropriées de conciliation et de médiation conformément prévues par les dispositions de l'OHADA, avant de raser le domaine exploité par le Café de Rome», a commenté aux Afriques, un spécialiste du droit foncier. Patrick Achi était-il en mission commandée ? Pourquoi n’a-t-il pas privilégié la carte de l'apaisement et du dialogue jusqu'à un impossible compromis, avant de décréter la tempête des bulldozers sur le complexe? Sur aval du ministère des Infrastructures, des pelleteuses ont démoli l'impressionnante bâtisse de haut standing ( 6226 m² ), situé en plein cœur d’Abidjan, comprenant outre un hôtel 5 étoiles achevé à 95%, un casino avec 100 machines à sous et des salles de jeux traditionnels, une brasserie, un bar, un night-club et des bâtiments destinés aux séminaires et banquets.
Imbroglio procédural
Un investissement de dizaines de milliards partis en fumée, mettant en chômage forcé quelque 200 salariés. Des documents, confidentiels en notre possession, démontrent l’amplitude de l'acharnement des autorités du ministère des Infrastructures économiques. «La parcelle faisant l'objet du titre foncier n° 1753 a été adjugée au bénéfice de la BICT (Banque Ivoirienne de Construction et des Travaux Publics), avec les constructions y édifiées, aux clauses et conditions du cahier de charges, pour la somme de 300 millions de f CFA. C'est à partir de cette adjudication judiciaire que la BICT est devenue propriétaire de cette parcelle, avec les constructions que l'on surnomme " l'aquarium". Selon ces documents, cet aquarium, qui était la propriété de la société MAUSICAP, était bâti sur cette parcelle qui faisait l'objet du titre foncier n° 1753 dans le livre foncier de Bingerville. Plus tard, la donne va changer. Car, la BICT fera l'objet de liquidation. Son liquidateur n’était autre que la SONARECI, société nationale de recouvrement de Côte d'ivoire. Rebelote. Le ministère de l'Economie et des Finances, par un arrêté daté du 28 août 2001, a mis fin aux activités de liquidation de la SONARECI et a transféré à la DGTCP ses missions. La DGTCP (Direction générale de la Comptabilité publique) devenait le représentant de la BICT en cas de cession ou de bail, portant sur ce titre foncier. C'est cette parcelle qui a fait l'objet de bail entre le liquidateur de la BICT, la DGTCP et la société Resort Company Invest Abidjan. En clair, cette parcelle sur laquelle est érigé le complexe hôtelier n'est pas une propriété de l'Etat ivoirien, mais bien la propriété de la BICT. Autrement dit, le bail conclu par l'établissement hôtelier portant sur cette parcelle de terrain et de l'ensemble immobilier bâti, pour une durée de 50 ans et dont le terme est fixé au 31 décembre 2053, droit réel immobilier, est régulièrement inscrit au Livre de la Conservation de la Propriété foncière et des Hypothèques. Pourtant, l'Etat ivoirien perçoit sur ce domaine depuis toujours des impôts fonciers.
Des non dits
Le silence du ministre Koffi Diby est assez troublant. Puisqu'il était à l'époque puissant patron du Trésor public ivoirien. L'homme en sait beaucoup, ergote-t-on sur la Lagune d'Ebrié. Peut être qu'il n'a pas l'intention ou la prétention d'interférer dans ce bras de fer engagé par son collègue Patrick Achi. Mais de plus en plus, l'on s'aperçoit que le ministère des Infrastructures a agi sous le coup de la mauvaise qualification et de l'empressement qui ont viré au désastre. Ce qui intrigue dans ce dossier de démolition à grande échelle du domaine CRA, c'est la rapidité avec laquelle les autorités du ministère drivé par Patrick Achi ont géré ce dossier. Les choses sont allées très vite. Comme si on voulait asphyxier en catimini le géant hôtelier. Un investissement colossal parti en fumée, mobilisé en pleine guerre par des investisseurs privés. Autre conséquence : quelque 200 travailleurs mis au chômage forcé.
(La suite à suivre dans le numéro 319 du magazine Les Afriques)
Imbroglio procédural
Un investissement de dizaines de milliards partis en fumée, mettant en chômage forcé quelque 200 salariés. Des documents, confidentiels en notre possession, démontrent l’amplitude de l'acharnement des autorités du ministère des Infrastructures économiques. «La parcelle faisant l'objet du titre foncier n° 1753 a été adjugée au bénéfice de la BICT (Banque Ivoirienne de Construction et des Travaux Publics), avec les constructions y édifiées, aux clauses et conditions du cahier de charges, pour la somme de 300 millions de f CFA. C'est à partir de cette adjudication judiciaire que la BICT est devenue propriétaire de cette parcelle, avec les constructions que l'on surnomme " l'aquarium". Selon ces documents, cet aquarium, qui était la propriété de la société MAUSICAP, était bâti sur cette parcelle qui faisait l'objet du titre foncier n° 1753 dans le livre foncier de Bingerville. Plus tard, la donne va changer. Car, la BICT fera l'objet de liquidation. Son liquidateur n’était autre que la SONARECI, société nationale de recouvrement de Côte d'ivoire. Rebelote. Le ministère de l'Economie et des Finances, par un arrêté daté du 28 août 2001, a mis fin aux activités de liquidation de la SONARECI et a transféré à la DGTCP ses missions. La DGTCP (Direction générale de la Comptabilité publique) devenait le représentant de la BICT en cas de cession ou de bail, portant sur ce titre foncier. C'est cette parcelle qui a fait l'objet de bail entre le liquidateur de la BICT, la DGTCP et la société Resort Company Invest Abidjan. En clair, cette parcelle sur laquelle est érigé le complexe hôtelier n'est pas une propriété de l'Etat ivoirien, mais bien la propriété de la BICT. Autrement dit, le bail conclu par l'établissement hôtelier portant sur cette parcelle de terrain et de l'ensemble immobilier bâti, pour une durée de 50 ans et dont le terme est fixé au 31 décembre 2053, droit réel immobilier, est régulièrement inscrit au Livre de la Conservation de la Propriété foncière et des Hypothèques. Pourtant, l'Etat ivoirien perçoit sur ce domaine depuis toujours des impôts fonciers.
Des non dits
Le silence du ministre Koffi Diby est assez troublant. Puisqu'il était à l'époque puissant patron du Trésor public ivoirien. L'homme en sait beaucoup, ergote-t-on sur la Lagune d'Ebrié. Peut être qu'il n'a pas l'intention ou la prétention d'interférer dans ce bras de fer engagé par son collègue Patrick Achi. Mais de plus en plus, l'on s'aperçoit que le ministère des Infrastructures a agi sous le coup de la mauvaise qualification et de l'empressement qui ont viré au désastre. Ce qui intrigue dans ce dossier de démolition à grande échelle du domaine CRA, c'est la rapidité avec laquelle les autorités du ministère drivé par Patrick Achi ont géré ce dossier. Les choses sont allées très vite. Comme si on voulait asphyxier en catimini le géant hôtelier. Un investissement colossal parti en fumée, mobilisé en pleine guerre par des investisseurs privés. Autre conséquence : quelque 200 travailleurs mis au chômage forcé.
(La suite à suivre dans le numéro 319 du magazine Les Afriques)