C’est parce que le verdict va avoir un impact considérable sur le système de propriété intellectuelle mis en place ainsi que sur l’accès des malades de tous les pays pauvres aux médicaments et aux connaissances nouvelles en la matière. En somme, cette nouvelle sonne comme un tremblement de terre et elle est salutaire pour nos pays et nos malades ! Un verdict contraire aurait fermé tout accès aux médicaments génériques ; fermeture que cherchent contre vents et marées les grandes firmes et le Ministère américain du commerce.
Le combat a commencé quand le Parlement indien apporta, en Janvier 2005, à sa loi sur les brevets (India Patents Act), des amendements appelés Section 3(d) qui autorise les industriels à prendre des licences obligatoires (compulsory License) de certains brevets de médicaments qui permettent un meilleur accès aux médicaments concernés et une meilleure prise en compte des problèmes de santé publique.
La loi est restée en vigueur pendant plus de sept années. Mais la firme Novartis l’a attaquée pour raisons de d’inconstitutionnalité et de non-conformité à l’accord de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touche au Commerce (Accord sur les ADPIC). La plainte a été rejetée par la Haute Cour à Madras en 2007. Aucune procédure en appel ne fut alors entreprise. Cependant, Novartis a engagé une procédure en appel contre le rejet par l’Office Indien des Brevets (IPO) d’une demande d’enregistrement d’un brevet protégeant un composant spécifique, la forme beta crystalline de l’imatinib mesylate . Ce produit est utilisé pour traiter la leucémie musculaire chronique et est vendu sous le nom de commerce « Glivec » ou encore « Gleevec ».
C’est le verdict rendu lors de ce procès en appel par la Cour Suprême de l’Inde le 1er Avril 2013, qui a suscité un espoir incommensurable dans le monde entier. La Cour a décidé que le brevet sur le composant béta de l’Imatinib mesylate n’est pas autorisé en Inde du fait des dispositions de ladite Section 3 (d) de l’Indian Patent Act. Le Parlement avait adopté dans les amendements de la Section 3(d), la condition selon laquelle un brevet protégeant de nouvelles formules de substances déjà connues ne peut être délivré ou reconnu en Inde que s’il y a preuve d’une nouvelle efficacité, significativement renforcée, comparativement à celle antérieure. En outre, la Cour Suprême a trouvé que l’accord sur les ADPIC donne suffisamment de flexibilités dans le droit des brevets qui autorisent l’approche de la question par l’amendement en question.
Donc, le géant suisse Novartis, a perdu son procès contre la loi indienne des brevets.
Et cette jurisprudence a nécessité beaucoup de courage de la part de ce pays et témoigne de l’option sans appel de ses dirigeants pour les intérêts de leurs populations ainsi que pour toutes les populations des pays en développement (PED). En fait, ces PED n’arrêtent pas de se battre à l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) pour que les flexibilités aménagées dans le droit international de la propriété intellectuelle soient étendues ou fassent l’objet de plus amples discussions. Un refus catégorique leur est opposé systématiquement par les Etats-Unis et par les autres pays industriel (organisés dans le Groupe B). Le débat entre experts-pays atteint souvent des dimensions assez déraisonnables.
Car l’accord sur les ADPIC de l’OMC n’a pas été conçu en consultation avec les pays en développement ; on leur a simplement laissé le seul choix de l’adopter ! Toutes les personnes averties savent que cet accord imposé est déjà trop draconien : par exemple, il universalise la propriété sur les ressources génétiques de la planète contrairement aux dispositions de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) adoptée à Rio en 1992 et qui exige que tout prélèvement dans le patrimoine biologique d’un pays soit conditionné par le consentement préalable informé en connaissance de cause du pays en question afin qu’il puisse en tirer profit au bénéfice de ses communautés. Le même accord sur les ADPIC exige la réforme de toutes les lois nationales contraires à tel enseigne qu’il est devenu le standard mondial obligatoire. Or, les Etats-Unis et leurs partenaires jugent que cet accord est trop démocratique car il aménage des flexibilités qui, selon eux, affaiblissent le droit international des brevets ! Notons que ces flexibilités ont trait à ce que l’on a appelé les exclusions (ce qui ne peut pas être breveté comme le vivant, le génome humain, les plantes, etc.), les exceptions et les limitations (comme l’autorisation de copier une œuvre si l’usage qui en est fait est strictement personnel ou est fait à des fins d’enseignement, l’autorisation donnée à un agriculteur de garder des semences d’une variété protégée qu’il cultive sur son champ si c’est à un usage non commercial). Le Ministère américain du commerce considère que le droit arraché à la première version de l’ADPIC par les pays en développement de passer avec les détenteurs de droits de propriété intellectuelle (occidentaux) des licences obligatoires pour urgence nationale ou pour cause de santé publique, est une entrave au libre commerce, freine l’innovation et aboutit à un défaut d’approvisionnement des marchés !
Dans un autre contexte, la firme allemande Bayer a disposé d’un brevet sur le médicament de chimiothérapie dénommé : sorafenib tosylate, vendu sous le nom de commerce Nexavar. Le 9 Mars 2012, l’Organe Indien de Contrôle des Brevets avait délivré à Natco Pharma, une compagnie indienne, la première licence obligatoire du pays, pour fabriquer une version générique du même médicament qui soit accessible aux pauvres. Ainsi Natco Pharma Ltd a pu mettre sur le marché un produit dont la dose mensuelle est vendue 160 Dollars US au lieu de 5.098 Dollars US. Notez que cette baisse substantielle du prix est une source d’accès que personne ne peut nier. Cela renseigne sur ce qui risque de se produire si les PED acceptent de renoncer à cette flexibilité que leur offre l’accord sur les ADPIC et que l’Inde a osé exploiter. Naturellement Bayer avait interjeté appel mais n’a eu droit qu’à des royalties, c'est-à-dire à une confirmation de la licence accordée à Natco Pharma Ltd.
Le mécanisme des licences obligatoires qui a engendré une véritable levée de boucliers de la part des firmes telles que Novartis, Pfizer, Bayer et consorts, est ancré dans la Section 84 de la Loi indienne des brevets qui stipule que “toute personne intéressée peut déposer une demande de licence obligatoire sur une invention brevetée dans chacune des conditions suivantes : pour satisfaction des besoins raisonnables du public qui, avec le respect de l’invention brevetée, n’ont pas pu l’être, la non disponibilité à un prix abordable pour le public, du produit breveté ou l’indisponibilité du produit breveté sur le territoire de l’Inde ». Ce sont ces dispositions, du reste fort raisonnables, de la législation nationale indienne que d’ailleurs tout gouvernement ou parlement de PED devrait promouvoir chez soi, qui motivent les firmes à casser le droit indien des brevets alors que celui-ci devrait être perçues comme une chance pour nous tous, y compris même par les peuples d’occident.
La compréhension juste et équilibrée du droit actuel de la propriété intellectuelle par la Cour Suprême indienne, à travers ce verdict, a d’ailleurs été conforté par l’opinion de Mr Frederick Abbott, Professeur Emérite de droit international au Collège de droit de l’Université d’Etat de Floride et qui est souvent un paneliste pour le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI quand il confie à IP Watch : « A partir du strict point de vue du droit des brevets, il est plutôt difficile de voir ce pourquoi la décision de la Cour Suprême choque la Chambre de Commerce des Etats-Unis, Pfizer ou Novartis comme si c’était une grande menace pour l’innovation ou la santé à long terme des malades. Certes, cela réduira les profits de Pfizer ou de Novartis vu qu’elles ne pourront plus étendre indéfiniment la vie de leurs brevets grâce à des innovations mineures ajoutées aux anciennes formules des médicaments. Cette prolongation arbitraire engendre un coût plus élevé de la part des patients et des systèmes de santé publique ».
La plupart des Etats membres de l’OMC sont opposés à cette logique de construction d’un système de propriété intellectuelle qui ne donne aucune chance au secteur public dans l’élaboration de ses politiques de santé, d’innovation, de transfert de technologie. Malgré cette orientation mercantiliste sauvage, les pays industriels parviennent, quand même, à mobiliser la diplomatie de nos pays pauvres ainsi que nos organismes fédératifs ou communautaires, pour entériner des dispositions juridiques anti populaires, comme a voulu le faire la Commission de l’UA avec le projet final, inique, des statuts de l’Organisation Panafricaine de la Propriété Intellectuelle (OPAPI) que l’on avait mis en circulation et qui ne visait qu’à résoudre le problème de la contrefaçon (Enforcement) et celui d’une croissance économique (Economical growth) dont les bénéficiaires étaient loin d’être les peuples du continent.
C’est ici le lieu de dire que les africains devraient rester vigilants, car cette organisation panafricaine, malgré l’ajournement provisoire de son projet de statuts, donc encore sans normes adoptées, participe déjà, à des rencontres comme celle tenue récemment par l’ECOSOC et le CEA, en Tanzanie.
Dans la même veine que l’UA, la Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (SADC), vient également de concevoir un projet de protection des variétés végétales africaines ; projet qui ne donne aucun droit aux petits fermiers et qui est une autre copie de la Convention Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales révisée en 1991 ; cette convention dont, signalons-le, un point focal existe au Sénégal, susciterait à n’en pas douter, la révolte des agriculteurs si d’aventure on les informait justement sur sa teneur. D’ailleurs peu de pays l’ont ratifiée mais les pays industriels veulent nous faire avaler tout ce que nos experts s’emploient à rejeter à l’OMPI, par l’intermédiaire de nos structures fédératives ou communautaires, souvent non outillés ou non informées des enjeux spécifiques du domaine de la propriété intellectuelle. Le temps de se rendre compte, il sera déjà trop tard et l’on reviendra encore nous dire que « les africains se sont mis en marge de l’histoire » ! Que tous sachent que les détenteurs des droits de PI sont surtout en Occident et, malheureusement, certains de nos cadres en complet déphasage avec les enjeux globaux actuels, pensent que nous devons nous battre becs et ongles pour la « croissance économique » et la « lutte contre la contrefaçon ». Leur mot d’ordre est : « Pour le respect des DPI ! ». Soit ! Nous devons certes respecter les droits des tiers dans cette économie globalisée mais nous ne pourrons nous développer qui si, à une telle dynamique, nous lions clairement la question du développement économique, social et culturel. Faire autre chose, c’est investir les maigres ressources disponibles au service d’entités étrangères réalisant déjà des surprofits de monopole, c’est à dire des rentes de goodwill.
Pourtant, le radicalisme de ces puissances industrielles est à double vitesses : remarquez que les mêmes Etats-Unis refusent d’exécuter la sentence prononcée contre eux par l’Organe de Règlement des Différents de l’OMC (Dispute Settlement Body-DSB). Ce tribunal arbitral des différends commerciaux entre Etats membres avait enjoint les USA de mettre un terme à l’utilisation contrefactrice de la marque « Havana wiskhy » qui viole les droits d’une marque mondiale, possédée en co-propriété par plusieurs entités étrangères. Cinq ans après la décision, la marque contrefactrice continue toujours d’être exploitée par une firme américaine comme si de rien n’était ; pendant que le même pays force tous les autres pays à respecter ses droits de propriété intellectuelle, y compris en visant à satisfaire coûte que coûte les moindres prétentions commerciales de ses firmes.
Notre monde peine à trouver un leadership démocratique mais au lieu que les Etats-Unis qui en sont présentement les porteurs, s’évertuent à gouverner en donnant à tous les peuples des chances de mieux être, ils s’engagent résolument dans la diabolisation, la menace voire l’exécution de tous ceux qui, mêmes libéraux, souhaitent aménager à leurs concitoyens des conditions meilleures de vie.
La construction universelle du pouvoir des riches au mépris de l’aspiration de chaque homme à une vie décente est loin de s’inscrire dans la logique d’une paix mondiale durable. Et avec cette leçon venue de l’Inde, nous devons mettre en question l’idée consistant à confondre les intérêts des Novartis, Pfizer et consorts, avec les intérêts des patients au USA, au Kenya, en Europe, en Inde, en Afrique et ailleurs ! De même, que personne ne pense que les firmes vont se retirer d’un marché parce que les flexibilités y sont exploitées car, là où il y a du profit, les firmes y seront toujours présentes même en bêlant !
Ibrahima DIOP
Spécialiste de la PI ibrahimagates@yahoo.fr
Le combat a commencé quand le Parlement indien apporta, en Janvier 2005, à sa loi sur les brevets (India Patents Act), des amendements appelés Section 3(d) qui autorise les industriels à prendre des licences obligatoires (compulsory License) de certains brevets de médicaments qui permettent un meilleur accès aux médicaments concernés et une meilleure prise en compte des problèmes de santé publique.
La loi est restée en vigueur pendant plus de sept années. Mais la firme Novartis l’a attaquée pour raisons de d’inconstitutionnalité et de non-conformité à l’accord de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touche au Commerce (Accord sur les ADPIC). La plainte a été rejetée par la Haute Cour à Madras en 2007. Aucune procédure en appel ne fut alors entreprise. Cependant, Novartis a engagé une procédure en appel contre le rejet par l’Office Indien des Brevets (IPO) d’une demande d’enregistrement d’un brevet protégeant un composant spécifique, la forme beta crystalline de l’imatinib mesylate . Ce produit est utilisé pour traiter la leucémie musculaire chronique et est vendu sous le nom de commerce « Glivec » ou encore « Gleevec ».
C’est le verdict rendu lors de ce procès en appel par la Cour Suprême de l’Inde le 1er Avril 2013, qui a suscité un espoir incommensurable dans le monde entier. La Cour a décidé que le brevet sur le composant béta de l’Imatinib mesylate n’est pas autorisé en Inde du fait des dispositions de ladite Section 3 (d) de l’Indian Patent Act. Le Parlement avait adopté dans les amendements de la Section 3(d), la condition selon laquelle un brevet protégeant de nouvelles formules de substances déjà connues ne peut être délivré ou reconnu en Inde que s’il y a preuve d’une nouvelle efficacité, significativement renforcée, comparativement à celle antérieure. En outre, la Cour Suprême a trouvé que l’accord sur les ADPIC donne suffisamment de flexibilités dans le droit des brevets qui autorisent l’approche de la question par l’amendement en question.
Donc, le géant suisse Novartis, a perdu son procès contre la loi indienne des brevets.
Et cette jurisprudence a nécessité beaucoup de courage de la part de ce pays et témoigne de l’option sans appel de ses dirigeants pour les intérêts de leurs populations ainsi que pour toutes les populations des pays en développement (PED). En fait, ces PED n’arrêtent pas de se battre à l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) pour que les flexibilités aménagées dans le droit international de la propriété intellectuelle soient étendues ou fassent l’objet de plus amples discussions. Un refus catégorique leur est opposé systématiquement par les Etats-Unis et par les autres pays industriel (organisés dans le Groupe B). Le débat entre experts-pays atteint souvent des dimensions assez déraisonnables.
Car l’accord sur les ADPIC de l’OMC n’a pas été conçu en consultation avec les pays en développement ; on leur a simplement laissé le seul choix de l’adopter ! Toutes les personnes averties savent que cet accord imposé est déjà trop draconien : par exemple, il universalise la propriété sur les ressources génétiques de la planète contrairement aux dispositions de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) adoptée à Rio en 1992 et qui exige que tout prélèvement dans le patrimoine biologique d’un pays soit conditionné par le consentement préalable informé en connaissance de cause du pays en question afin qu’il puisse en tirer profit au bénéfice de ses communautés. Le même accord sur les ADPIC exige la réforme de toutes les lois nationales contraires à tel enseigne qu’il est devenu le standard mondial obligatoire. Or, les Etats-Unis et leurs partenaires jugent que cet accord est trop démocratique car il aménage des flexibilités qui, selon eux, affaiblissent le droit international des brevets ! Notons que ces flexibilités ont trait à ce que l’on a appelé les exclusions (ce qui ne peut pas être breveté comme le vivant, le génome humain, les plantes, etc.), les exceptions et les limitations (comme l’autorisation de copier une œuvre si l’usage qui en est fait est strictement personnel ou est fait à des fins d’enseignement, l’autorisation donnée à un agriculteur de garder des semences d’une variété protégée qu’il cultive sur son champ si c’est à un usage non commercial). Le Ministère américain du commerce considère que le droit arraché à la première version de l’ADPIC par les pays en développement de passer avec les détenteurs de droits de propriété intellectuelle (occidentaux) des licences obligatoires pour urgence nationale ou pour cause de santé publique, est une entrave au libre commerce, freine l’innovation et aboutit à un défaut d’approvisionnement des marchés !
Dans un autre contexte, la firme allemande Bayer a disposé d’un brevet sur le médicament de chimiothérapie dénommé : sorafenib tosylate, vendu sous le nom de commerce Nexavar. Le 9 Mars 2012, l’Organe Indien de Contrôle des Brevets avait délivré à Natco Pharma, une compagnie indienne, la première licence obligatoire du pays, pour fabriquer une version générique du même médicament qui soit accessible aux pauvres. Ainsi Natco Pharma Ltd a pu mettre sur le marché un produit dont la dose mensuelle est vendue 160 Dollars US au lieu de 5.098 Dollars US. Notez que cette baisse substantielle du prix est une source d’accès que personne ne peut nier. Cela renseigne sur ce qui risque de se produire si les PED acceptent de renoncer à cette flexibilité que leur offre l’accord sur les ADPIC et que l’Inde a osé exploiter. Naturellement Bayer avait interjeté appel mais n’a eu droit qu’à des royalties, c'est-à-dire à une confirmation de la licence accordée à Natco Pharma Ltd.
Le mécanisme des licences obligatoires qui a engendré une véritable levée de boucliers de la part des firmes telles que Novartis, Pfizer, Bayer et consorts, est ancré dans la Section 84 de la Loi indienne des brevets qui stipule que “toute personne intéressée peut déposer une demande de licence obligatoire sur une invention brevetée dans chacune des conditions suivantes : pour satisfaction des besoins raisonnables du public qui, avec le respect de l’invention brevetée, n’ont pas pu l’être, la non disponibilité à un prix abordable pour le public, du produit breveté ou l’indisponibilité du produit breveté sur le territoire de l’Inde ». Ce sont ces dispositions, du reste fort raisonnables, de la législation nationale indienne que d’ailleurs tout gouvernement ou parlement de PED devrait promouvoir chez soi, qui motivent les firmes à casser le droit indien des brevets alors que celui-ci devrait être perçues comme une chance pour nous tous, y compris même par les peuples d’occident.
La compréhension juste et équilibrée du droit actuel de la propriété intellectuelle par la Cour Suprême indienne, à travers ce verdict, a d’ailleurs été conforté par l’opinion de Mr Frederick Abbott, Professeur Emérite de droit international au Collège de droit de l’Université d’Etat de Floride et qui est souvent un paneliste pour le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI quand il confie à IP Watch : « A partir du strict point de vue du droit des brevets, il est plutôt difficile de voir ce pourquoi la décision de la Cour Suprême choque la Chambre de Commerce des Etats-Unis, Pfizer ou Novartis comme si c’était une grande menace pour l’innovation ou la santé à long terme des malades. Certes, cela réduira les profits de Pfizer ou de Novartis vu qu’elles ne pourront plus étendre indéfiniment la vie de leurs brevets grâce à des innovations mineures ajoutées aux anciennes formules des médicaments. Cette prolongation arbitraire engendre un coût plus élevé de la part des patients et des systèmes de santé publique ».
La plupart des Etats membres de l’OMC sont opposés à cette logique de construction d’un système de propriété intellectuelle qui ne donne aucune chance au secteur public dans l’élaboration de ses politiques de santé, d’innovation, de transfert de technologie. Malgré cette orientation mercantiliste sauvage, les pays industriels parviennent, quand même, à mobiliser la diplomatie de nos pays pauvres ainsi que nos organismes fédératifs ou communautaires, pour entériner des dispositions juridiques anti populaires, comme a voulu le faire la Commission de l’UA avec le projet final, inique, des statuts de l’Organisation Panafricaine de la Propriété Intellectuelle (OPAPI) que l’on avait mis en circulation et qui ne visait qu’à résoudre le problème de la contrefaçon (Enforcement) et celui d’une croissance économique (Economical growth) dont les bénéficiaires étaient loin d’être les peuples du continent.
C’est ici le lieu de dire que les africains devraient rester vigilants, car cette organisation panafricaine, malgré l’ajournement provisoire de son projet de statuts, donc encore sans normes adoptées, participe déjà, à des rencontres comme celle tenue récemment par l’ECOSOC et le CEA, en Tanzanie.
Dans la même veine que l’UA, la Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (SADC), vient également de concevoir un projet de protection des variétés végétales africaines ; projet qui ne donne aucun droit aux petits fermiers et qui est une autre copie de la Convention Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales révisée en 1991 ; cette convention dont, signalons-le, un point focal existe au Sénégal, susciterait à n’en pas douter, la révolte des agriculteurs si d’aventure on les informait justement sur sa teneur. D’ailleurs peu de pays l’ont ratifiée mais les pays industriels veulent nous faire avaler tout ce que nos experts s’emploient à rejeter à l’OMPI, par l’intermédiaire de nos structures fédératives ou communautaires, souvent non outillés ou non informées des enjeux spécifiques du domaine de la propriété intellectuelle. Le temps de se rendre compte, il sera déjà trop tard et l’on reviendra encore nous dire que « les africains se sont mis en marge de l’histoire » ! Que tous sachent que les détenteurs des droits de PI sont surtout en Occident et, malheureusement, certains de nos cadres en complet déphasage avec les enjeux globaux actuels, pensent que nous devons nous battre becs et ongles pour la « croissance économique » et la « lutte contre la contrefaçon ». Leur mot d’ordre est : « Pour le respect des DPI ! ». Soit ! Nous devons certes respecter les droits des tiers dans cette économie globalisée mais nous ne pourrons nous développer qui si, à une telle dynamique, nous lions clairement la question du développement économique, social et culturel. Faire autre chose, c’est investir les maigres ressources disponibles au service d’entités étrangères réalisant déjà des surprofits de monopole, c’est à dire des rentes de goodwill.
Pourtant, le radicalisme de ces puissances industrielles est à double vitesses : remarquez que les mêmes Etats-Unis refusent d’exécuter la sentence prononcée contre eux par l’Organe de Règlement des Différents de l’OMC (Dispute Settlement Body-DSB). Ce tribunal arbitral des différends commerciaux entre Etats membres avait enjoint les USA de mettre un terme à l’utilisation contrefactrice de la marque « Havana wiskhy » qui viole les droits d’une marque mondiale, possédée en co-propriété par plusieurs entités étrangères. Cinq ans après la décision, la marque contrefactrice continue toujours d’être exploitée par une firme américaine comme si de rien n’était ; pendant que le même pays force tous les autres pays à respecter ses droits de propriété intellectuelle, y compris en visant à satisfaire coûte que coûte les moindres prétentions commerciales de ses firmes.
Notre monde peine à trouver un leadership démocratique mais au lieu que les Etats-Unis qui en sont présentement les porteurs, s’évertuent à gouverner en donnant à tous les peuples des chances de mieux être, ils s’engagent résolument dans la diabolisation, la menace voire l’exécution de tous ceux qui, mêmes libéraux, souhaitent aménager à leurs concitoyens des conditions meilleures de vie.
La construction universelle du pouvoir des riches au mépris de l’aspiration de chaque homme à une vie décente est loin de s’inscrire dans la logique d’une paix mondiale durable. Et avec cette leçon venue de l’Inde, nous devons mettre en question l’idée consistant à confondre les intérêts des Novartis, Pfizer et consorts, avec les intérêts des patients au USA, au Kenya, en Europe, en Inde, en Afrique et ailleurs ! De même, que personne ne pense que les firmes vont se retirer d’un marché parce que les flexibilités y sont exploitées car, là où il y a du profit, les firmes y seront toujours présentes même en bêlant !
Ibrahima DIOP
Spécialiste de la PI ibrahimagates@yahoo.fr