La reforme communément appelée Acte III de la décentralisation dans sa formulation théorique a eu à poser comme postulat un véritable changement de paradigmes.
En effet, l’Etat du Sénégal, à travers la reforme entreprise, a voulu construire un développement à partir des territoires, autrement dit, il a eu l’ambition, selon la formule consacrée, de mettre en œuvre une stratégie de territorialisation des politiques publiques.
Une telle approche, qui a fait l’objet d’une attention particulière lors du Sommet de l’Africité en 2012, ne pouvait être que salutaire pour un pays comme le Sénégal, où l’une des insuffisances les plus flagrantes notées dans le fonctionnement du système administratif décentralisé réside dans le fait que, hormis la collaboration dans le cadre strict tracé par la loi, l’Etat (centre) et les Collectivités Locales (périphérie) passent le plus clair du temps à s’observer en chiens de faïence.
Au point que, comme l’a posé le Doyen Mamadou Diouf, dans une brillante communication en Décembre 2013 « toutes les logiques d’organisation territoriale ou sectorielle, malgré la pertinence des objectifs visés, n’ont pas donné les résultats escomptés parce que n’ayant pas pris en compte les nécessaires interdépendances entre les unes et les autres ».
Dès lors, la réforme précitée, dont l’ossature principale, l’épine dorsale est la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code Général des Collectivités Locales, viendra mettre en œuvre cette stratégie de construction d’un développement à partir des territoires, qui, selon les mots du Président Macky Sall, va beaucoup emprunter à la méthode de gestion axée sur les résultats (Méthode GAR) et constituer un véritable accompagnement institutionnel du Plan Sénégal Emergent .
Mais alors, nous semble-t-il, bon nombre d’acteurs ont vite déchanté. Car certains estiment que les fruits n’ont pas été à la hauteur de la promesse des fleurs.
Pour preuve, il suffit d’observer les graves dysfonctionnements et les controverses enregistrés dans la mise en œuvre
de la réforme pour s’en convaincre.
Mimétisme juridique pécher de la réforme.
Toutefois, « in limine litis », avant toute considération sur ces dysfonctionnements, il nous semble important de nous attarder un peu sur l’appellation « Acte III de la Décentralisation », qui à notre sens pourrait s’analyser comme s’inscrivant dans ce que les scientifiques qui se respectent dans ce pays, depuis plus de cinquante ans d’indépendance, qualifient de « mimétisme juridique ».
En effet, il nous semble que ceux qui nous ont donné cette appellation sont allés la puiser, comme à l’accoutumée, dans la vie administrative française pour nous la brandir à tout bout de champs comme une invention géniale.
Mais sur ce point, rappelons-nous, dans le contexte de l’année 2013 en France, début du magistère de François Hollande, élu le 15 Mai 2012, on s’attelait à une projection de ce que devait être la décentralisation de l’Hexagone dans les années à venir.
Fut alors adoptée l’appellation « acte III de la décentralisation » pour designer la série des réformes qui vont modifier le visage des collectivités territoriales françaises et qui portent sur un ambitieux chantier allant de la réforme des modes de scrutin pour la désignation conseillers siégeant dans les collectivités territoriales, aux questions d’intercommunalités, notamment la clarification des compétences ainsi que le périmètre des intercommunalités, au redécoupage des régions.
La France, adopta une loi modificative du Code Général des Collectivités territoriales…
Tiens, bizarrement, le Sénégal est passé d’un Code des Collectivités Locales (loi N°96-06 du 22 Mars 1996) à un Code Général des Collectivités Territoriales (n° 2013-10 du 28 décembre 2013).
Si bien que, lorsque nos experts ont procédé à un « copier-coller » de cette appellation, ils nous ont fourni des justifications qui, jusqu’à l’heure actuelle continuent d’alimenter les polémiques.
Ainsi, à l’exposé des motifs de cette dernière loi précitée, il est procédé à un décompte en termes de reformes, partant de celle de 1972 à 1996, oubliant que la première grande orientation en matière d’administration décentralisée reste la loi 66-1964 du 30 Juin 1964, portant Code de l’Administration Communale.
Si bien que, si nous devions parler d’Acte I de la décentralisation, il aurait été plus pertinent de commencer par là et sûrement terminer par la réforme actuelle comme Acte IV,
Voire, on en serait à un Acte V si nous y ajoutions la loi n° 2011-08 du 30 mars 2011 portant statut général des fonctionnaires des collectivités locales.
A moins de considérer que cette dernière loi, qui vient mettre en adéquation le statut des travailleurs des collectivités locales avec le niveau d’évolution de notre décentralisation, est une reforme mineure…
Mais bref, il ne nous semble pas qu’une polémique sur cette dénomination soit utile à l’heure actuelle.
Admettons alors par commodité « Acte III de la Décentralisation ».
Cela étant, nous assistons présentement à de graves dysfonctionnements, et ceux qui nous suivent nous ont à plusieurs occasions, entendu tirer la sonnette d’alarme en privé comme en public, dans les media, surtout sur les réseaux sociaux.
Désarticulation du cadre de collaboration Ville et ancienne Communes d’Arrondissement.
D’abord, sur le plan des relations entre la Ville et les anciennes communes d’arrondissement.
La réforme de 1996, avait mis place un cadre de concertation et de travail structuré en réalisant la double prouesse de créer une administration de proximité, la Commune d’Arrondissement, à côté d’une autre collectivité locale, la ville, ayant la possibilité de transcender le cloisonnement territorial et de formuler des projets structurants.
C’est pourquoi, si dans le rapport de présentation du Décret 2014-926 du 23 juillet 2014 portant conditions de dévolution du patrimoine de la Ville et redéploiement du personnel des régions et ancienne Villes, il est dit que « la ville va mutualiser les compétences de plusieurs communes qui présentent une homogénéité territoriale », encore qu’on se demande comment, vu l’affaiblissement de la Ville, il n’y a rien de nouveau. Car la Ville, avant la réforme, assurait d’office une telle mutualisation, compte tenu du fort niveau d’intercommunalité des questions prises en charge.
Mieux, pour ce qui est de Dakar, l’intervention de la Ville, entre 1996 et 2014, surtout dans le cadre du Plan de développement 1997-2001, s’est caractérisée par un recul des inégalités du point de vue ressources entre Communes d’Arrondissements.
Ont vu le jour dans cette période autant de projets structurants: construction de centres de santé, d’hôtels des communes d’arrondissement, de centre socio culturels, la formulation de politiques publiques en matière d’éducation, pavage des rues, à l’échelle des 19 anciennes communes d’arrondissement.
Au demeurant, c’est une bonne chose d’émanciper les communes d’arrondissement, mais ce qui est préoccupant, c’est
le fait qu’une telle mesure puisse s’analyser comme ayant pour conséquences de mettre un terme à l’harmonie que le législateur avait pris le soin d’organiser par la loi n° 96-09 du 22 mars 1996 fixant l'organisation administrative et financière de la commune d'arrondissement et ses rapports avec la ville.
Nous soulignons au passage que cette loi, en toute logique, a été abrogée dans les dispositions finales du nouveau Code Général des Collectivités Territoriales…
Autrement, le passage à une commune de plein exercice pour les anciennes communes d’arrondissement, comme on nous l’a dit, quoi que contestable (parce que, nous l’avons toujours soutenu, les anciennes communes d’arrondissement ont toujours été des communes de plein exercice) à l’heure actuelle est à l’origine d’une déstructuration du cadre de collaboration entre ce niveau de collectivité locales de base et la ville, d’un risque de dispersion des forces, d’un cloisonnement des communes. Et surtout plane le risque d’un développement de velléités de replis des communes situées dans le périmètre de la ville sur elles-mêmes.
Notre humble avis est que par cette nouvelle réforme, au point où vont les choses, dans une agglomération comme Dakar, il y a lieu de craindre à terme un recul des solidarités intercommunales pour lesquelles, naguère les villes, en ces heures affaiblies, ont été les catalyseurs.
Ensuite, nous semble-t-il, sur la question de la dévolution des biens de la Ville et le redéploiement des agents dans les anciennes communes d’arrondissement il y a de graves dysfonctionnements qui nous amènent à émettre des réserves quant à la légalité de certaines décisions subséquentes.
Partons d’abord du principe de la libre administration des collectivités locales.
La constitution sénégalaise en son article 102 dispose que « Les collectivités locales constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Elles s'administrent librement par des assemblées élues.
Leur organisation, leur composition et leur fonctionnement sont déterminés par la loi. » Et à la suite de la constitution, la loi, à travers l’article 3 du Code général des collectivités locales, alinéa 2e de disposer que « les collectivités locales sont seules responsables, dans le respect des lois et règlements, de l'opportunité de leurs décisions. »
Or, il ressort des mesures administratives prises dans le cadre de l’exécution de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 précitée, qu’un décret de dévolution des biens des anciens conseils régionaux, ainsi que des villes a été pris. Il s’agit du décret 2014-926 du 23 Juillet 2014 précité.
Certes nous pouvons comprendre, que les biens des régions actuellement simples circonscriptions administratives, qui n’ont plus au terme de la nouvelle loi une existence légale en tant que collectivité locales, soient liquidés, et que très facilement la dévolution de leurs biens soit prononcée, mais tel ne nous semble pas être le cas des villes.
Pour ces dernières, suite à la réforme, il y eu un réaménagement de leur cadre de coexistence avec les anciennes communes d’arrondissement, mais les villes continuent d’exister de plein droit.
Mais notre sentiment est que l’on s’est empressé de leur appliquer des mesures ressemblant à celles qui ont été prises dans d’autres contextes et pour d’autres procédures.
En effet, pour Dakar, les mesures de dévolutions prises ressemblent fort à celles qui ont présidée à la liquidation de l’ancienne Communauté Urbaine de Dakar (CUD) en 2001, à la seule différence, que les travailleurs de la Ville de Dakar n’ont pas été licenciés. Ils ont été redéployés.
Il n’est pas erroné de redéployer des travailleurs, mais au préalable il convient de bien cerner l’encadrement juridique d’un tel redéploiement.
A ce propos, un fonctionnaire m’a confié en privé, que pour le personnel, le raisonnement juridique qui a prévalu dans cette décision fut de retenir que« l’accessoire suit le principal ».
Autrement dit, l’ensemble des agents de la Ville servant par exemple dans les centres de santé, dès lors que lesdits centres passent dans les anciennes communes d’arrondissement, deviennent d’autorité des agents de la commune d’arrondissement de ressort.
Osons alors espérer que ce fonctionnaire n’exprime pas une position de l’administration. Parce qu’un tel raisonnement nous semble d’une légèreté et d’un manque de rigueur très graves.
En effet, comment peut-on considérer un travailleur comme l’accessoire de l’infrastructure où il est simplement affecté ?
En droit, l’accessoire est ce qui dépend de manière intrinsèque d’une chose…ainsi, par exemple, dans nos centres de santé l’accessoire n’est pas constitué des agents, mais des équipements matériel (mobilier et matériel roulant) qui servent à faire fonctionner la structure.
Et qu’à l’analyse, ce matériel dans une hypothèse de dévolution sera susceptible de rester soumis au même régime juridique que l’infrastructure.
Il est vrai qu’a première vue, une infrastructure sanitaire se compose d’équipements et d’un personnel, mais dans le cas d’espèce, les agents de la Ville servant dans les centres de santé, et voire les centres secondaires d’Etat-civil n’ont pas été recrutés par ces services mais par la ville, et simplement affectés, parfois mis à disposition des anciennes communes d’arrondissement.
Pour un respect de la libre administration des collectivités locales et une protection des droits des travailleurs. Dès lors, pour appréhender correctement leur situation juridique dans le cadre de cette dévolution de patrimoine et de redéploiement d’agents, il faut recourir non pas au principe « Accessorium sequitur principale » , mais plutôt à une technique de détachabilité.
En droit, la détachabilité est une technique de raisonnement consistant à extraire un ou des éléments d’une situation globalement soumise à un régime juridique homogène, pour le/les soumettre à un régime juridique différent.
Et la jurisprudence a suffisamment, depuis plus d’une cinquantaine d’années expérimenté une telle technique dans des situations aussi variées allant du contentieux des marchés publics à l’examen de la légalité des actes pris par un Président de la République dans une situation de circonstances exceptionnelles.
En l’espèce, le recours à la technique de la détachabilité, pour examiner la situation juridique les agents de la Ville en service dans les infrastructures sanitaires ou dans les anciennes communes d’arrondissement pourrait nous permettre de voir que l’on ne peut pas, d’autorité, les faire passer d’agents de la ville à agent des commune où ils servent, sans porter préjudice à leurs droits.
Et ceci pour la bonne et simple raison que ces agents sont des travailleurs en situation légale et règlementaire, avec le droit à une protection de leurs intérêts matériels et moraux.
Or l’atteinte à la libre administration des collectivités locales et à la protection du droit des travailleurs nous semblent constituées par le fait que, dans l’article 5 du décret précité il est disposé que la commission ad-hoc crée par le représentant de l’Etat est « chargée de faire l’inventaire du patrimoine et le redéploiement du personnel des régions et des anciennes villes » et une fois le travail d’inventaire terminé, il revient au représentant de l’Etat, (article 8 du décret précité) de prendre un arrêté fixant la répartition du patrimoine et le redéploiement du personnel.
Notre interrogation, est la suivante : comment concilier, ces dispositions réglementaires, très autoritaires, avec celles de la loi dont l’article 3 du Code Général des collectivités Territoriales dispose que « les collectivités locales sont seules responsables, dans le respect des lois et règlements, de l'opportunité de leurs décisions. » ?
Il nous semble qu’il y a là un problème juridique car si nous appliquons les dispositions pertinentes de la loi, le travail du représentant de l’Etat pour ce qui est du personnel devrait simplement se limiter à coordonner les taches de recensement, matérialiser les résultats dans un arrêté, et laisser le soin aux collectivités locales, nous le rappelons seules responsables et juges de l’opportunité, de procéder en vertu des pouvoirs qu’elles tiennent de la loi, au redéploiement.
Sous cet angle, nous pouvons sérieusement douter de la légalité des dispositions du décret précité organisant le redéploiement des agents.
La difficile qualification juridique des mesures actuelles de redéploiement d’agents dans les communes.
Mieux, il est ressorti, des différentes sorties de personnes autorisées que le redéploiement des agents est un recrutement par substitution d’employeur. Là aussi, osons espérer que ce n’est pas la position officielle de l’Etat.
Car, entre collectivités locales, le recrutement par substitution d’employeur se fait au terme d’une procédure selon laquelle un agent en service dans une collectivité saisit une autre collectivité de sa volonté de vouloir y servir en tant qu’employé.
Le responsable de la dite collectivité, lui marquant son accord, saisit son homologue de la collectivité où sert l’agent pour l’inviter à le libérer. Et c’est une fois cette libération faite que l’agent est recruté. Il conserve alors son ancienneté et les avantages y afférent.
Pour retenir, à l’analyse de ce qui précède, que le recrutement par substitution d’employeur fait intervenir trois volontés : le travailleur, la collectivité locale qui l’avait initialement recruté et la collectivité locale qui veut l’accueillir.
Or, de manière non équivoque, si nous examinons à la lumière du décret 2014-926 précité la procédure de redéploiement des agents des villes vers les communes, nous n’avons pas senti de la part du pouvoir central ce souci de se conformer aux exigences de la libre administration, oubliant que depuis 1996 le recrutement d’agents par les collectivités locales a cessé de relever d’un régime de tutelle.
D’ailleurs, redéployer les agents des villes dans les communes, pour le restant de leur carrière ne nous semble pas une mesure prudente.
Si bien qu’à la place de cette démarche si problématique, nous aurions proposé de rester dans l’orthodoxie de la gestion des effectifs de fonctionnaires en portant le choix sur les procédures très simples qui gouvernent la position des agents.
Plus précisément, pour le redéploiement des agents des Villes dans les communes, nous invitons l’Etat à explorer la piste d’un recours à la position de détachement, de préférence longue durée, prévue par les articles 61 à 73 de la loi n° 2011-08 du 30 mars 2011 relative au Statut Général des Fonctionnaires des Collectivités Locales.
Non seulement le détachement dans mise en œuvre de ce redéploiement, permet conformément à sa définition légale, de maintenir les relations de travail des agents avec leur administration d’origine (la ville) en même temps qu’elle donne la possibilité aux communes de prendre en charge leurs salaires et accessoires, mais en plus, l’horizon temporelle de cinq années renouvelables est un gage de prudence.
Et qu’on ne vienne pas nous dire que cette loi n’est pas encore effective ! Le cas échéant, nous rappellerons que l’Etat du Sénégal depuis 2004 traîne et louvoie pour mettre en place ce statut. Et bien que la loi fût promulguée depuis 2011, après 7 ans d’interminables palabres, son effectivité tarde du fait de l’Etat du Sénégal.
Donc, ce comportement fautif, cause d’un grave retard dans l’exécution d’une loi, lui dénie tout droit d’en invoquer l’ineffectivité, au risque de se prévaloir de sa propre turpitude.
De la prohibition des décisions de « reformatio in péjus ».
S’y ajoute que, et nous terminons par-là, il y a lieu de faire l’analyse pour voir, si en termes de progrès et d’amélioration de leur situation, le reversement d’office des travailleurs des villes « par substitution d’employeur » aux communes est pertinent.
En termes d’avantages, si l’on se réfère au redéploiement dans sa formule actuelle, les travailleurs sont lésés dans leur droit, or il est d’un principe qu’en droit, pour un travailleur, si on a le choix entre deux situations dont l’une est préjudiciable l’autre avantageuse on doit choisir la situation avantageuse.
Car en vérité, un agent de la Ville de Dakar, a une plus grande ouverture en termes de mobilité qu’agent cloisonné dans le petit territoire d’une commune. La ville de Dakar est plus crédible que la quasi-totalité des communes dès lors, un redéploiement au forceps dans les communes, qui à ce jour peinent payer les salaires et ne sont pas en mesure d’assurer la couverture sociale et sanitaire des agents pourrait s’analyser comme un recul dans leur situation et un risque d’installation pour on ne sait combien de temps dans la précarité.
Ce qui n’est pas acceptable en droit, parce qu’un travailleurs évolue « in menus » (dans le sens favorable) et pas « in pejus » (dans un sens défavorable).
En effet, un principe général de droit prohibe toute « reformatio in péjus », c’est-à-dire toute décision en vertu de laquelle l’autorité remettrait en cause des intérêts et droits légalement acquis par une personne ou un groupe.
Appliqué, à la gestion du personnel, le principe de la prohibition de la « reformatio in péjus » prescrit à l’autorité de décider toujours in « ménus », c’est-à-dire dans le sens favorable au droit des travailleurs en termes de progrès.
Justement, il nous semble que les mesures de redéploiement telles qu’elles sont entreprises ne militent pas en faveur d’un progrès des travailleurs des collectivités locales.
Surtout que , dans le contexte actuel de mise en œuvre de la fonction publique locale, il nous semble que ce redéploiement ne fera que multiplier les pouvoirs locaux interlocuteurs de l’Etat, qui , rien que pour Dakar vont passer de deux (ancien Conseil Régional et Ville) à vingt et un (Ville de Dakar, les 19 communes et le conseil départemental) avec tout ce qui est susceptible d’en résulter comme difficulté de trouver des consensus.
Donc, en définitive, nous estimons que le redéploiement dans communes étant d’une gravité certaine et d’une légalité douteuse qui ne milite pas en faveur des ambitions déclinées dans l’Acte III, se doit d’être corrigé. Nous estimons qu’il faut savoir s’arrêter.
Qu’il est temps de mettre un terme à ce travail d’apprenti-sorcier et de revenir sur les règles très simples de la gestion du personnel des administrations publiques. Point n’est besoin de réinventer la roue, surtout, que ce redéploiement ouvre des incertitudes, donc on ne peut qu’explorer la piste de placer les agents en position de détachement afin de s’aménager une porte de sortie.
Il faut arrêter ces calculs d’épicier, d’une autre époque, car, au fond, ne dit-on pas que de notre temps le droit de plus en plus, en tant que composante de la stratégie, emprunte les méthodes de l’anticipation et de la prospective ?
Moussa NDIAYE
Conseiller aux Affaires Communales
Précédemment Secrétaire Municipal
des Communes de Grand-Dakar,
Dakar Plateau
et des Parcelles Assainies
En effet, l’Etat du Sénégal, à travers la reforme entreprise, a voulu construire un développement à partir des territoires, autrement dit, il a eu l’ambition, selon la formule consacrée, de mettre en œuvre une stratégie de territorialisation des politiques publiques.
Une telle approche, qui a fait l’objet d’une attention particulière lors du Sommet de l’Africité en 2012, ne pouvait être que salutaire pour un pays comme le Sénégal, où l’une des insuffisances les plus flagrantes notées dans le fonctionnement du système administratif décentralisé réside dans le fait que, hormis la collaboration dans le cadre strict tracé par la loi, l’Etat (centre) et les Collectivités Locales (périphérie) passent le plus clair du temps à s’observer en chiens de faïence.
Au point que, comme l’a posé le Doyen Mamadou Diouf, dans une brillante communication en Décembre 2013 « toutes les logiques d’organisation territoriale ou sectorielle, malgré la pertinence des objectifs visés, n’ont pas donné les résultats escomptés parce que n’ayant pas pris en compte les nécessaires interdépendances entre les unes et les autres ».
Dès lors, la réforme précitée, dont l’ossature principale, l’épine dorsale est la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code Général des Collectivités Locales, viendra mettre en œuvre cette stratégie de construction d’un développement à partir des territoires, qui, selon les mots du Président Macky Sall, va beaucoup emprunter à la méthode de gestion axée sur les résultats (Méthode GAR) et constituer un véritable accompagnement institutionnel du Plan Sénégal Emergent .
Mais alors, nous semble-t-il, bon nombre d’acteurs ont vite déchanté. Car certains estiment que les fruits n’ont pas été à la hauteur de la promesse des fleurs.
Pour preuve, il suffit d’observer les graves dysfonctionnements et les controverses enregistrés dans la mise en œuvre
de la réforme pour s’en convaincre.
Mimétisme juridique pécher de la réforme.
Toutefois, « in limine litis », avant toute considération sur ces dysfonctionnements, il nous semble important de nous attarder un peu sur l’appellation « Acte III de la Décentralisation », qui à notre sens pourrait s’analyser comme s’inscrivant dans ce que les scientifiques qui se respectent dans ce pays, depuis plus de cinquante ans d’indépendance, qualifient de « mimétisme juridique ».
En effet, il nous semble que ceux qui nous ont donné cette appellation sont allés la puiser, comme à l’accoutumée, dans la vie administrative française pour nous la brandir à tout bout de champs comme une invention géniale.
Mais sur ce point, rappelons-nous, dans le contexte de l’année 2013 en France, début du magistère de François Hollande, élu le 15 Mai 2012, on s’attelait à une projection de ce que devait être la décentralisation de l’Hexagone dans les années à venir.
Fut alors adoptée l’appellation « acte III de la décentralisation » pour designer la série des réformes qui vont modifier le visage des collectivités territoriales françaises et qui portent sur un ambitieux chantier allant de la réforme des modes de scrutin pour la désignation conseillers siégeant dans les collectivités territoriales, aux questions d’intercommunalités, notamment la clarification des compétences ainsi que le périmètre des intercommunalités, au redécoupage des régions.
La France, adopta une loi modificative du Code Général des Collectivités territoriales…
Tiens, bizarrement, le Sénégal est passé d’un Code des Collectivités Locales (loi N°96-06 du 22 Mars 1996) à un Code Général des Collectivités Territoriales (n° 2013-10 du 28 décembre 2013).
Si bien que, lorsque nos experts ont procédé à un « copier-coller » de cette appellation, ils nous ont fourni des justifications qui, jusqu’à l’heure actuelle continuent d’alimenter les polémiques.
Ainsi, à l’exposé des motifs de cette dernière loi précitée, il est procédé à un décompte en termes de reformes, partant de celle de 1972 à 1996, oubliant que la première grande orientation en matière d’administration décentralisée reste la loi 66-1964 du 30 Juin 1964, portant Code de l’Administration Communale.
Si bien que, si nous devions parler d’Acte I de la décentralisation, il aurait été plus pertinent de commencer par là et sûrement terminer par la réforme actuelle comme Acte IV,
Voire, on en serait à un Acte V si nous y ajoutions la loi n° 2011-08 du 30 mars 2011 portant statut général des fonctionnaires des collectivités locales.
A moins de considérer que cette dernière loi, qui vient mettre en adéquation le statut des travailleurs des collectivités locales avec le niveau d’évolution de notre décentralisation, est une reforme mineure…
Mais bref, il ne nous semble pas qu’une polémique sur cette dénomination soit utile à l’heure actuelle.
Admettons alors par commodité « Acte III de la Décentralisation ».
Cela étant, nous assistons présentement à de graves dysfonctionnements, et ceux qui nous suivent nous ont à plusieurs occasions, entendu tirer la sonnette d’alarme en privé comme en public, dans les media, surtout sur les réseaux sociaux.
Désarticulation du cadre de collaboration Ville et ancienne Communes d’Arrondissement.
D’abord, sur le plan des relations entre la Ville et les anciennes communes d’arrondissement.
La réforme de 1996, avait mis place un cadre de concertation et de travail structuré en réalisant la double prouesse de créer une administration de proximité, la Commune d’Arrondissement, à côté d’une autre collectivité locale, la ville, ayant la possibilité de transcender le cloisonnement territorial et de formuler des projets structurants.
C’est pourquoi, si dans le rapport de présentation du Décret 2014-926 du 23 juillet 2014 portant conditions de dévolution du patrimoine de la Ville et redéploiement du personnel des régions et ancienne Villes, il est dit que « la ville va mutualiser les compétences de plusieurs communes qui présentent une homogénéité territoriale », encore qu’on se demande comment, vu l’affaiblissement de la Ville, il n’y a rien de nouveau. Car la Ville, avant la réforme, assurait d’office une telle mutualisation, compte tenu du fort niveau d’intercommunalité des questions prises en charge.
Mieux, pour ce qui est de Dakar, l’intervention de la Ville, entre 1996 et 2014, surtout dans le cadre du Plan de développement 1997-2001, s’est caractérisée par un recul des inégalités du point de vue ressources entre Communes d’Arrondissements.
Ont vu le jour dans cette période autant de projets structurants: construction de centres de santé, d’hôtels des communes d’arrondissement, de centre socio culturels, la formulation de politiques publiques en matière d’éducation, pavage des rues, à l’échelle des 19 anciennes communes d’arrondissement.
Au demeurant, c’est une bonne chose d’émanciper les communes d’arrondissement, mais ce qui est préoccupant, c’est
le fait qu’une telle mesure puisse s’analyser comme ayant pour conséquences de mettre un terme à l’harmonie que le législateur avait pris le soin d’organiser par la loi n° 96-09 du 22 mars 1996 fixant l'organisation administrative et financière de la commune d'arrondissement et ses rapports avec la ville.
Nous soulignons au passage que cette loi, en toute logique, a été abrogée dans les dispositions finales du nouveau Code Général des Collectivités Territoriales…
Autrement, le passage à une commune de plein exercice pour les anciennes communes d’arrondissement, comme on nous l’a dit, quoi que contestable (parce que, nous l’avons toujours soutenu, les anciennes communes d’arrondissement ont toujours été des communes de plein exercice) à l’heure actuelle est à l’origine d’une déstructuration du cadre de collaboration entre ce niveau de collectivité locales de base et la ville, d’un risque de dispersion des forces, d’un cloisonnement des communes. Et surtout plane le risque d’un développement de velléités de replis des communes situées dans le périmètre de la ville sur elles-mêmes.
Notre humble avis est que par cette nouvelle réforme, au point où vont les choses, dans une agglomération comme Dakar, il y a lieu de craindre à terme un recul des solidarités intercommunales pour lesquelles, naguère les villes, en ces heures affaiblies, ont été les catalyseurs.
Ensuite, nous semble-t-il, sur la question de la dévolution des biens de la Ville et le redéploiement des agents dans les anciennes communes d’arrondissement il y a de graves dysfonctionnements qui nous amènent à émettre des réserves quant à la légalité de certaines décisions subséquentes.
Partons d’abord du principe de la libre administration des collectivités locales.
La constitution sénégalaise en son article 102 dispose que « Les collectivités locales constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Elles s'administrent librement par des assemblées élues.
Leur organisation, leur composition et leur fonctionnement sont déterminés par la loi. » Et à la suite de la constitution, la loi, à travers l’article 3 du Code général des collectivités locales, alinéa 2e de disposer que « les collectivités locales sont seules responsables, dans le respect des lois et règlements, de l'opportunité de leurs décisions. »
Or, il ressort des mesures administratives prises dans le cadre de l’exécution de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 précitée, qu’un décret de dévolution des biens des anciens conseils régionaux, ainsi que des villes a été pris. Il s’agit du décret 2014-926 du 23 Juillet 2014 précité.
Certes nous pouvons comprendre, que les biens des régions actuellement simples circonscriptions administratives, qui n’ont plus au terme de la nouvelle loi une existence légale en tant que collectivité locales, soient liquidés, et que très facilement la dévolution de leurs biens soit prononcée, mais tel ne nous semble pas être le cas des villes.
Pour ces dernières, suite à la réforme, il y eu un réaménagement de leur cadre de coexistence avec les anciennes communes d’arrondissement, mais les villes continuent d’exister de plein droit.
Mais notre sentiment est que l’on s’est empressé de leur appliquer des mesures ressemblant à celles qui ont été prises dans d’autres contextes et pour d’autres procédures.
En effet, pour Dakar, les mesures de dévolutions prises ressemblent fort à celles qui ont présidée à la liquidation de l’ancienne Communauté Urbaine de Dakar (CUD) en 2001, à la seule différence, que les travailleurs de la Ville de Dakar n’ont pas été licenciés. Ils ont été redéployés.
Il n’est pas erroné de redéployer des travailleurs, mais au préalable il convient de bien cerner l’encadrement juridique d’un tel redéploiement.
A ce propos, un fonctionnaire m’a confié en privé, que pour le personnel, le raisonnement juridique qui a prévalu dans cette décision fut de retenir que« l’accessoire suit le principal ».
Autrement dit, l’ensemble des agents de la Ville servant par exemple dans les centres de santé, dès lors que lesdits centres passent dans les anciennes communes d’arrondissement, deviennent d’autorité des agents de la commune d’arrondissement de ressort.
Osons alors espérer que ce fonctionnaire n’exprime pas une position de l’administration. Parce qu’un tel raisonnement nous semble d’une légèreté et d’un manque de rigueur très graves.
En effet, comment peut-on considérer un travailleur comme l’accessoire de l’infrastructure où il est simplement affecté ?
En droit, l’accessoire est ce qui dépend de manière intrinsèque d’une chose…ainsi, par exemple, dans nos centres de santé l’accessoire n’est pas constitué des agents, mais des équipements matériel (mobilier et matériel roulant) qui servent à faire fonctionner la structure.
Et qu’à l’analyse, ce matériel dans une hypothèse de dévolution sera susceptible de rester soumis au même régime juridique que l’infrastructure.
Il est vrai qu’a première vue, une infrastructure sanitaire se compose d’équipements et d’un personnel, mais dans le cas d’espèce, les agents de la Ville servant dans les centres de santé, et voire les centres secondaires d’Etat-civil n’ont pas été recrutés par ces services mais par la ville, et simplement affectés, parfois mis à disposition des anciennes communes d’arrondissement.
Pour un respect de la libre administration des collectivités locales et une protection des droits des travailleurs. Dès lors, pour appréhender correctement leur situation juridique dans le cadre de cette dévolution de patrimoine et de redéploiement d’agents, il faut recourir non pas au principe « Accessorium sequitur principale » , mais plutôt à une technique de détachabilité.
En droit, la détachabilité est une technique de raisonnement consistant à extraire un ou des éléments d’une situation globalement soumise à un régime juridique homogène, pour le/les soumettre à un régime juridique différent.
Et la jurisprudence a suffisamment, depuis plus d’une cinquantaine d’années expérimenté une telle technique dans des situations aussi variées allant du contentieux des marchés publics à l’examen de la légalité des actes pris par un Président de la République dans une situation de circonstances exceptionnelles.
En l’espèce, le recours à la technique de la détachabilité, pour examiner la situation juridique les agents de la Ville en service dans les infrastructures sanitaires ou dans les anciennes communes d’arrondissement pourrait nous permettre de voir que l’on ne peut pas, d’autorité, les faire passer d’agents de la ville à agent des commune où ils servent, sans porter préjudice à leurs droits.
Et ceci pour la bonne et simple raison que ces agents sont des travailleurs en situation légale et règlementaire, avec le droit à une protection de leurs intérêts matériels et moraux.
Or l’atteinte à la libre administration des collectivités locales et à la protection du droit des travailleurs nous semblent constituées par le fait que, dans l’article 5 du décret précité il est disposé que la commission ad-hoc crée par le représentant de l’Etat est « chargée de faire l’inventaire du patrimoine et le redéploiement du personnel des régions et des anciennes villes » et une fois le travail d’inventaire terminé, il revient au représentant de l’Etat, (article 8 du décret précité) de prendre un arrêté fixant la répartition du patrimoine et le redéploiement du personnel.
Notre interrogation, est la suivante : comment concilier, ces dispositions réglementaires, très autoritaires, avec celles de la loi dont l’article 3 du Code Général des collectivités Territoriales dispose que « les collectivités locales sont seules responsables, dans le respect des lois et règlements, de l'opportunité de leurs décisions. » ?
Il nous semble qu’il y a là un problème juridique car si nous appliquons les dispositions pertinentes de la loi, le travail du représentant de l’Etat pour ce qui est du personnel devrait simplement se limiter à coordonner les taches de recensement, matérialiser les résultats dans un arrêté, et laisser le soin aux collectivités locales, nous le rappelons seules responsables et juges de l’opportunité, de procéder en vertu des pouvoirs qu’elles tiennent de la loi, au redéploiement.
Sous cet angle, nous pouvons sérieusement douter de la légalité des dispositions du décret précité organisant le redéploiement des agents.
La difficile qualification juridique des mesures actuelles de redéploiement d’agents dans les communes.
Mieux, il est ressorti, des différentes sorties de personnes autorisées que le redéploiement des agents est un recrutement par substitution d’employeur. Là aussi, osons espérer que ce n’est pas la position officielle de l’Etat.
Car, entre collectivités locales, le recrutement par substitution d’employeur se fait au terme d’une procédure selon laquelle un agent en service dans une collectivité saisit une autre collectivité de sa volonté de vouloir y servir en tant qu’employé.
Le responsable de la dite collectivité, lui marquant son accord, saisit son homologue de la collectivité où sert l’agent pour l’inviter à le libérer. Et c’est une fois cette libération faite que l’agent est recruté. Il conserve alors son ancienneté et les avantages y afférent.
Pour retenir, à l’analyse de ce qui précède, que le recrutement par substitution d’employeur fait intervenir trois volontés : le travailleur, la collectivité locale qui l’avait initialement recruté et la collectivité locale qui veut l’accueillir.
Or, de manière non équivoque, si nous examinons à la lumière du décret 2014-926 précité la procédure de redéploiement des agents des villes vers les communes, nous n’avons pas senti de la part du pouvoir central ce souci de se conformer aux exigences de la libre administration, oubliant que depuis 1996 le recrutement d’agents par les collectivités locales a cessé de relever d’un régime de tutelle.
D’ailleurs, redéployer les agents des villes dans les communes, pour le restant de leur carrière ne nous semble pas une mesure prudente.
Si bien qu’à la place de cette démarche si problématique, nous aurions proposé de rester dans l’orthodoxie de la gestion des effectifs de fonctionnaires en portant le choix sur les procédures très simples qui gouvernent la position des agents.
Plus précisément, pour le redéploiement des agents des Villes dans les communes, nous invitons l’Etat à explorer la piste d’un recours à la position de détachement, de préférence longue durée, prévue par les articles 61 à 73 de la loi n° 2011-08 du 30 mars 2011 relative au Statut Général des Fonctionnaires des Collectivités Locales.
Non seulement le détachement dans mise en œuvre de ce redéploiement, permet conformément à sa définition légale, de maintenir les relations de travail des agents avec leur administration d’origine (la ville) en même temps qu’elle donne la possibilité aux communes de prendre en charge leurs salaires et accessoires, mais en plus, l’horizon temporelle de cinq années renouvelables est un gage de prudence.
Et qu’on ne vienne pas nous dire que cette loi n’est pas encore effective ! Le cas échéant, nous rappellerons que l’Etat du Sénégal depuis 2004 traîne et louvoie pour mettre en place ce statut. Et bien que la loi fût promulguée depuis 2011, après 7 ans d’interminables palabres, son effectivité tarde du fait de l’Etat du Sénégal.
Donc, ce comportement fautif, cause d’un grave retard dans l’exécution d’une loi, lui dénie tout droit d’en invoquer l’ineffectivité, au risque de se prévaloir de sa propre turpitude.
De la prohibition des décisions de « reformatio in péjus ».
S’y ajoute que, et nous terminons par-là, il y a lieu de faire l’analyse pour voir, si en termes de progrès et d’amélioration de leur situation, le reversement d’office des travailleurs des villes « par substitution d’employeur » aux communes est pertinent.
En termes d’avantages, si l’on se réfère au redéploiement dans sa formule actuelle, les travailleurs sont lésés dans leur droit, or il est d’un principe qu’en droit, pour un travailleur, si on a le choix entre deux situations dont l’une est préjudiciable l’autre avantageuse on doit choisir la situation avantageuse.
Car en vérité, un agent de la Ville de Dakar, a une plus grande ouverture en termes de mobilité qu’agent cloisonné dans le petit territoire d’une commune. La ville de Dakar est plus crédible que la quasi-totalité des communes dès lors, un redéploiement au forceps dans les communes, qui à ce jour peinent payer les salaires et ne sont pas en mesure d’assurer la couverture sociale et sanitaire des agents pourrait s’analyser comme un recul dans leur situation et un risque d’installation pour on ne sait combien de temps dans la précarité.
Ce qui n’est pas acceptable en droit, parce qu’un travailleurs évolue « in menus » (dans le sens favorable) et pas « in pejus » (dans un sens défavorable).
En effet, un principe général de droit prohibe toute « reformatio in péjus », c’est-à-dire toute décision en vertu de laquelle l’autorité remettrait en cause des intérêts et droits légalement acquis par une personne ou un groupe.
Appliqué, à la gestion du personnel, le principe de la prohibition de la « reformatio in péjus » prescrit à l’autorité de décider toujours in « ménus », c’est-à-dire dans le sens favorable au droit des travailleurs en termes de progrès.
Justement, il nous semble que les mesures de redéploiement telles qu’elles sont entreprises ne militent pas en faveur d’un progrès des travailleurs des collectivités locales.
Surtout que , dans le contexte actuel de mise en œuvre de la fonction publique locale, il nous semble que ce redéploiement ne fera que multiplier les pouvoirs locaux interlocuteurs de l’Etat, qui , rien que pour Dakar vont passer de deux (ancien Conseil Régional et Ville) à vingt et un (Ville de Dakar, les 19 communes et le conseil départemental) avec tout ce qui est susceptible d’en résulter comme difficulté de trouver des consensus.
Donc, en définitive, nous estimons que le redéploiement dans communes étant d’une gravité certaine et d’une légalité douteuse qui ne milite pas en faveur des ambitions déclinées dans l’Acte III, se doit d’être corrigé. Nous estimons qu’il faut savoir s’arrêter.
Qu’il est temps de mettre un terme à ce travail d’apprenti-sorcier et de revenir sur les règles très simples de la gestion du personnel des administrations publiques. Point n’est besoin de réinventer la roue, surtout, que ce redéploiement ouvre des incertitudes, donc on ne peut qu’explorer la piste de placer les agents en position de détachement afin de s’aménager une porte de sortie.
Il faut arrêter ces calculs d’épicier, d’une autre époque, car, au fond, ne dit-on pas que de notre temps le droit de plus en plus, en tant que composante de la stratégie, emprunte les méthodes de l’anticipation et de la prospective ?
Moussa NDIAYE
Conseiller aux Affaires Communales
Précédemment Secrétaire Municipal
des Communes de Grand-Dakar,
Dakar Plateau
et des Parcelles Assainies