Telle une épée de Damoclès, le spectre d’une sanction pour non-respect du droit de réserve plane désormais sur tous les fonctionnaires qui seraient tentés de jeter le pavé dans la marre des tenants du pouvoir. Le droit de reserve, cette notion qui a fait les choux gras de la presse ces derniers temps, est utilisée à hue et à dia, sans que ses contours ne soient délimités avec exactitude.
Elle rallonge ainsi la longue liste de ces notions vagues et insidieuses qui permettent de passer à l’échafaud l’ennemi. Notre jargon juridique est d’ailleurs truffé de notions similaires. C’est le cas de l’ordre public, de l’offense au chef de l’Etat et que sais-je encore. Autant, elles peuvent se justifier dans leur principe, autant elles sont liberticides eu égard à leur caractère vague. A l’image d’un four tout, on y réintègre ce qu’on veut aux grés des circonstances.
A preuve, le texte de référence de la fonction publique française, la loi Anicet Le PORS de 1983, ne contient aucune mention de l’obligation de réserve. Mieux encore, un amendement d’un député tendant à l’inscrire dans ladite loi, avait même été rejeté, le 03 mai 1983, par l’assemblée nationale, au motif que l’obligation de réserve est «une construction jurisprudentielle extrêmement complexe qui fait dépendre la nature et l’étendue de l’obligation de divers critères (…) » et qu’il revenait au juge administratif d’apprécier au cas par cas. C’est dire alors que les frontières entre liberté d’expression et droit de réserve n’ont jamais été clairement tracées.
L’expression «devoir de réserve» désigne les restrictions de liberté d’expression que peuvent avoir les militaires et certains agents de la fonction publique, notamment les magistrats, les policiers, certains hauts fonctionnaires. L’objectif est de garantir la neutralité et l’impartialité de l’administration et de ne pas nuire à son renom. Ceux qui y sont soumis doivent, en particulier s’abstenir de faire état de leurs opinions personnelles sur des questions relatives à leur activité ou d’avoir des comportements incompatibles avec la dignité, l’impartialité ou la sérénité de leurs fonctions.
Quant à liberté d’expression, il s’agit d’un principe fondamental qui occupe une bonne place dans toutes les constitutions d’obédience libérale. Au Sénégal, elle est garantie à tous les citoyens par la constitution notamment en son article 8.
Il est sans doute, communément admis, que l’exercice de certaines fonctions est de nature à restreindre la liberté d’expression des professionnels qui évoluent dans ce domaine. Cependant, faut-il pour autant ôter totalement à ces derniers, la liberté d’expression reconnue à tout citoyen? La question garde tout son pesant d’or au Sénégal.
On se rappelle encore du cas du Colonel Abdoul Aziz NDAW avec la parution de son fameux brûlot intitulé « Pour l’honneur de la gendarmerie». Plus récemment, le cas de l’ex l’inspecteur des impôts Ousmane Sonko est venu poser, avec acuité, la question du droit de réserve, droit qui ne saurait être analysé que sous l’angle de la dialectique de la liberté d’expression et de l’obligation de réserve, deux notions aux préoccupations antagonistes.
Le 19 juin 2008, des officiers supérieurs de l’armée française, regroupés sous le pseudonyme de « Surcouf » faisaient publier un article très critique des projets du gouvernement français en matière de défense nationale. Interrogé sur cette prise de parole inédite, le Ministre français de la défense, Hervé Morin, contrairement à une certaine attente, déclarait : « Il y a un principe simple. Les militaires ont le droit d’expression depuis la dernière réforme. Mais il y a un cadre, l’obligation de loyauté et le droit de réserve.
Lui emboîtant le pas, la cour européenne des droits de l’homme, institution harmonisatrice de l’interprétation des grands principes qui fondent l’union européenne, a jugé dans deux affaires remarquées, WILLE c/ Liechtenstein et KOUDECHKINA, que la liberté d’avoir des opinions et de les exprimer, garantie par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme, est reconnue aux magistrats malgré la contrainte de l’obligation de réserve.
En conclusion, on peut affirmer sans risque d’erreur que l’obligation de réserve n’est pas forcément une obligation de silence. Il est alors nécessaire d’apprécier au cas par cas, pour tracer les vraies frontières entre l’exercice de la liberté d’expression et la violation du droit de réserve chez les agents de l’administration. C’est justement là où réside le problème avec la possibilité laissée au pouvoir d’en donner l’interprétation qui lui convient. Il urge alors de donner un contenu plus précis à cette notion afin d’éviter les abus qui portent un grave atteinte aux libertés individuelles.
Abdoulaye FALL
abdoulaye91@hotmail.fr
Elle rallonge ainsi la longue liste de ces notions vagues et insidieuses qui permettent de passer à l’échafaud l’ennemi. Notre jargon juridique est d’ailleurs truffé de notions similaires. C’est le cas de l’ordre public, de l’offense au chef de l’Etat et que sais-je encore. Autant, elles peuvent se justifier dans leur principe, autant elles sont liberticides eu égard à leur caractère vague. A l’image d’un four tout, on y réintègre ce qu’on veut aux grés des circonstances.
A preuve, le texte de référence de la fonction publique française, la loi Anicet Le PORS de 1983, ne contient aucune mention de l’obligation de réserve. Mieux encore, un amendement d’un député tendant à l’inscrire dans ladite loi, avait même été rejeté, le 03 mai 1983, par l’assemblée nationale, au motif que l’obligation de réserve est «une construction jurisprudentielle extrêmement complexe qui fait dépendre la nature et l’étendue de l’obligation de divers critères (…) » et qu’il revenait au juge administratif d’apprécier au cas par cas. C’est dire alors que les frontières entre liberté d’expression et droit de réserve n’ont jamais été clairement tracées.
L’expression «devoir de réserve» désigne les restrictions de liberté d’expression que peuvent avoir les militaires et certains agents de la fonction publique, notamment les magistrats, les policiers, certains hauts fonctionnaires. L’objectif est de garantir la neutralité et l’impartialité de l’administration et de ne pas nuire à son renom. Ceux qui y sont soumis doivent, en particulier s’abstenir de faire état de leurs opinions personnelles sur des questions relatives à leur activité ou d’avoir des comportements incompatibles avec la dignité, l’impartialité ou la sérénité de leurs fonctions.
Quant à liberté d’expression, il s’agit d’un principe fondamental qui occupe une bonne place dans toutes les constitutions d’obédience libérale. Au Sénégal, elle est garantie à tous les citoyens par la constitution notamment en son article 8.
Il est sans doute, communément admis, que l’exercice de certaines fonctions est de nature à restreindre la liberté d’expression des professionnels qui évoluent dans ce domaine. Cependant, faut-il pour autant ôter totalement à ces derniers, la liberté d’expression reconnue à tout citoyen? La question garde tout son pesant d’or au Sénégal.
On se rappelle encore du cas du Colonel Abdoul Aziz NDAW avec la parution de son fameux brûlot intitulé « Pour l’honneur de la gendarmerie». Plus récemment, le cas de l’ex l’inspecteur des impôts Ousmane Sonko est venu poser, avec acuité, la question du droit de réserve, droit qui ne saurait être analysé que sous l’angle de la dialectique de la liberté d’expression et de l’obligation de réserve, deux notions aux préoccupations antagonistes.
Le 19 juin 2008, des officiers supérieurs de l’armée française, regroupés sous le pseudonyme de « Surcouf » faisaient publier un article très critique des projets du gouvernement français en matière de défense nationale. Interrogé sur cette prise de parole inédite, le Ministre français de la défense, Hervé Morin, contrairement à une certaine attente, déclarait : « Il y a un principe simple. Les militaires ont le droit d’expression depuis la dernière réforme. Mais il y a un cadre, l’obligation de loyauté et le droit de réserve.
Lui emboîtant le pas, la cour européenne des droits de l’homme, institution harmonisatrice de l’interprétation des grands principes qui fondent l’union européenne, a jugé dans deux affaires remarquées, WILLE c/ Liechtenstein et KOUDECHKINA, que la liberté d’avoir des opinions et de les exprimer, garantie par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme, est reconnue aux magistrats malgré la contrainte de l’obligation de réserve.
En conclusion, on peut affirmer sans risque d’erreur que l’obligation de réserve n’est pas forcément une obligation de silence. Il est alors nécessaire d’apprécier au cas par cas, pour tracer les vraies frontières entre l’exercice de la liberté d’expression et la violation du droit de réserve chez les agents de l’administration. C’est justement là où réside le problème avec la possibilité laissée au pouvoir d’en donner l’interprétation qui lui convient. Il urge alors de donner un contenu plus précis à cette notion afin d’éviter les abus qui portent un grave atteinte aux libertés individuelles.
Abdoulaye FALL
abdoulaye91@hotmail.fr