Leral.net - S'informer en temps réel

Affaire Ousmane Sonko et État du Sénégal : La justice pour les Nuls ! Par Seydou Cissé

Rédigé par leral.net le Mardi 26 Décembre 2023 à 09:00 | | 0 commentaire(s)|

Comme disait le célèbre écrivain français Stéphane Frédéric Hessel, Indignez-vous !

Pour Stéphane Hessel l'indignation est le ferment de l’« esprit de résistance ». J’avais utilisé cette expression lors d’une de mes publications en 2019 pour défendre M. Ousmane SONKO dans l’affaire dite des ‟94 Milliards” qui l’opposaient à M. Amadou BA ministre de l’Économie et des Finances et M. Mamour DIALLO inspecteur des impôts de son état et directeur des domaines à l’époque.
À l’époque mon indignation était adressée au peuple Sénégalais pour soutenir le combat que je jugeais légitime de l’opposant qu’était M. Ousmane SONKO face aux dérives et combines financières de M. Amadou BA. Je ne regrette rien de ce soutien affiché au tonitruant opposant qu’était M. Ousmane SONKO (si c’était à refaire, je le referais avec détermination). Mon combat de toujours est la bonne gouvernance, l’éthique et la droiture de nos autorités qui gèrent nos maigres ressources et deniers publics. Je dois même dire que l’histoire m’a donné raison car M. Ousmane SONKO est devenu l’opposant qu’il est aujourd’hui (fervent défenseur d’un esprit de résistance) et M. Amadou BA (certainement grâce à sa position d’époque) est devenu le tout-puissant candidat de la majorité présidentielle devançant tous ces vieux politiciens ou mastodont de l’APR, aller savoir pourquoi, peut-être l’argent a joué un rôle important.


Aujourd’hui, mon appel s’adresse plus particulièrement à nos soi-disant ‟Sachants” (Personne qui dispose de connaissances dans un domaine particulier du savoir et peut, à ce titre, apporter un éclairage utile dans un contexte judiciaire, celui-ci opposant M. Ousmane Sonko et l’État du Sénégal par exemple).

M. Ousmane Sonko, le tonitruant opposant a fait des erreurs et ses avocats ont laissé ses adversaires utiliser ses erreurs contre lui (affaire l’opposant à M. Mame Mbaye Niang et affaire l’opposant à Mlle Adji Sarr). Je ne reviendrai pas sur la 1ère l’opposant à M. Mame Mbaye Niang car, elle est pendante devant la justice mais, intéressons-nous sur la 2e, l’opposant à Mlle Adji Sarr, jugée le 1er juin 2023 par la Chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance hors classe de Dakar où, il a été condamné à 2 ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », qui est une infraction prévue dans le Code pénal, à l’article 324.

Pour saisir la situation actuelle de M. Ousmane Sonko contre l'État du Sénégal, il est nécessaire de revenir sur le jugement de contumace car, de nombreuses choses ont été dites et de nombreux amalgames ont été faits.

Dans une interview, le ministre Sénégalais de la Justice Ismaïla Madior Fall a déclaré que la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko dans une affaire de mœurs était "définitive", ce qui le rend inéligible pour la présidentielle de 2024.

Dans un autre entretien publié en ligne par le magazine "Jeune Afrique", il se questionne et répond : "Pourquoi ne s'est-il pas constitué prisonnier s'il entendait obtenir que sa condamnation par contumace soit anéantie ? Celle-ci est entre-temps devenue définitive", explique le ministre. C'est à ce titre qu'Ousmane Sonko a été déchu de ses droits électoraux et qu'il a été radié des listes, a-t-il ajouté. "Il n'y a là aucune cabale en vue d'évincer un candidat à la présidentielle".

"Ousmane Sonko a été arrêté "dans le cadre d'une autre affaire" que l'affaire de mœurs et que la règle selon laquelle un contumax doit être rejugé une fois arrêté, ne s'applique donc pas".

Ces déclarations sont fortes et on peut se demander d’où le ministre tire cette assurance. Pour mieux comprendre, revisitons la requête no 43640/98 présentée par Dario Mariani contre la France devant la Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 11 décembre 2003. A signaler que depuis cette affaire Mariani en 2003, la procédure de la contumace a été remplacée par la procédure du jugement par défaut (la loi du 9 mars 2004), après que la France a été sanctionnée par la Cour européenne des Droits de l’Homme. Il est pertinent de préciser que j'ai choisi la France comme exemple, parce que je n'ai pas réussi à trouver un exemple au Sénégal.

Pour appréhender le déroulement d'une procédure par contumace, je vous encourage à consulter l'intégralité de la requête sur internet, où vous trouverez les principales dispositions du code de procédure pénale en vigueur en France au moment des faits en 2003.

En attendant, je vous résume les principaux articles :


Article 627 : Contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, le fait de ne pas déférer à la convocation suite à un arrêt de mise en accusation, peut déclencher le jugement par contumace ;
Article 628 : S’il ne se présente pas dans le nouveau délai de dix jours, il sera déclaré rebelle à la loi, il sera suspendu de l’exercice de ses droits de citoyen ;
Article 629 : Après le délai de dix jours, il est procédé au jugement de la contumace ;
Article 632 : En cas de condamnation, le contumax ne bénéficiera pas de circonstances atténuantes ;
Article 633 : La condamnation devient irrévocable par l’expiration du délai donné pour la purge de la contumace ;
Article 634-635 : Une fois les formalités de publicité faites, le condamné est frappé de toutes les déchéances prévues par la loi ;
Article 636 : Le pourvoi en cassation n’est pas ouvert au contumax ;
Article 639 : « Si le contumax se constitue prisonnier ou s’il est arrêté avant que la peine soit éteinte par prescription, l’arrêt et les procédures faites depuis l’ordonnance de se représenter, sont anéantis de plein droit et il est procédé à son égard dans la forme ordinaire (...) ».

Plus loin, le législateur dans son projet de loi pour remplacer le jugement par contumace par le jugement par défaut, précise ce qui suit :
Dès le prononcé de cette décision (condamnation), les délais de la prescription de l’action publique deviennent ceux de la prescription de la peine. Si l’accusé est arrêté à la suite du mandat d’arrêt, il est fait application des dispositions de l’article 135-2..

La similitude de la procédure avec le procès d’Ousmane Sonko face à Adji Sarr, bien que toute comparaison soit à manier avec prudence, suscite des interrogations. C'est pourquoi j'en appelle aux experts, en commençant par ses avocats, pour fournir tous les articles pertinents du code pénal liés au jugement par contumace en vigueur au Sénégal. Je les invite également à partager le jugement par contumace rendu par le juge de la Chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance hors classe de Dakar, tout comme cela a été fait pour le jugement de l’Acte Administratif Unilatéral (AAU) du Tribunal d’Instance hors classe de Dakar, concernant sa radiation sur les listes électorales.

En attendant, il semble que, en appliquant le déroulement de la procédure française à l'affaire Ousmane Sonko/Adji Sarr, le ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall ait raison. En effet, les articles 634 et 635 semblent jouer un rôle déterminant dans cette situation, entraînant des conséquences graves, conformément aux déchéances prévues par la loi. Il est à noter que le code électoral fait partie intégrante de la loi, ce qui renforce l'impact de ces dispositions sur le sort d'Ousmane Sonko, dans le contexte électoral.

En évoquant la non-participation de M. Ousmane Sonko à l'élection présidentielle de février 2024, je tiens à souligner que même moi, exprimant cette idée, ressens de la peur. Actuellement, la peur semble omniprésente au Sénégal et les experts évitent de s'exprimer, de peur d'être qualifiés de "TRAÎTRE". Cependant, il est crucial de partager la stricte vérité, afin que les Sénégalais puissent comprendre les tenants et aboutissants de cette situation.

Si l'on prend conscience des graves conséquences d'une condamnation par contumace, il apparaît que l'affaire de la radiation sur les listes électorales, n'est finalement qu'une simple question de jugement d'un Acte Administratif Unilatéral sans conséquence. Les avocats de M. Ousmane Sonko semblent vouloir transformer cette affaire en un appel du procès contre Adji Sarr, ce qui est impossible car, dans l'état actuel de la loi, le condamné par contumace ne peut pas faire appel, à moins de faire évoluer la loi.
La France a apporté des modifications législatives suite à la condamnation par la Cour européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire Dario Mariani. La condamnation portait sur le fait que M. Dario Mariani n'avait pas pu se défendre correctement devant la cour d'assises, en raison du jugement par contumace. La substitution du jugement par contumace par le jugement par défaut, peut refléter une volonté d'améliorer les garanties liées aux droits de la défense. Ces ajustements législatifs sont souvent une réponse aux préoccupations soulevées par les instances internationales, en matière de respect des droits fondamentaux.

Alors aux avocats de M. Sonko, je vous demande de vous ressaisir. Vous devez être francs et expliquer que le combat actuel est légitime, mais qu'il s'inscrit davantage dans une perspective future, probablement après l'élection présidentielle de février 2024.






Bonne lecture !
Seydou Cissé