Correspondant à Pékin
Les services de sécurité chinois n'entendent pas lâcher Ai Weiwei comme cela. Comme prévu, un an après sa libération ce vendredi, certaines restrictions concernant le turbulent artiste seront levées. Il ne sera plus ainsi confiné à Pékin, et pourra se déplacer en Chine, son contrôle judiciaire étant théoriquement terminé. Mais la police l'a averti qu'il ne pourrait quitter le pays, une disposition qu'il juge «peu légale». «Ils continuent à restreindre ma liberté de mouvement et à fabriquer des crimes à me mettre sur le dos», a-t-il déclaré. En l'occurrence, l'artiste pourrait être accusé de «bigamie» et de «pornographie». Des policiers lui ainsi montré une photo prise dans un studio, avec quatre femmes nues. Ayant été mise sur Internet et ouverte «plus de mille fois», elle serait une preuve de menées pornographiques.
Mais surtout, Ai Weiwei reste suspendu à la décision de justice concernant le colossal redressement fiscal qu'on lui a asséné. Le fisc chinois lui a imposé un redressement de 15 millions de yuans (1,7 million d'euros). L'artiste estime qu'on veut ainsi le briser, et il en a appelé à la justice. Grâce à une mobilisation de plus de 30.000 Chinois anonymes, il a pu verser la garantie nécessaire pour faire appel. Une audience a lieu mercredi, mais Ai Weiwei s'est vu interdire d'approcher du tribunal qui étudiait sa propre plainte. «Comment est-il possible d'accuser quelqu'un sans lui accorder le droit de poser des questions sur la procédure qui le vise»? s'est-il insurgé. Seulement cinq sièges étaient disponibles dans la salle d'audience... Le jugement a été mis en délibéré à une date non précisée. Son principal conseiller juridique, l'avocat Liu Xiaoyuan, a été forcé de quitter Pékin. Les autorités l'ont convoqué quelques heures avant l'audience, puis l'ont mis dans un avion pour sa province natale du Jiangxi, pour l'éloigner de son ami et client.
Un trou noir extra-judiciaire
L'an dernier, alors que les révolutions arabes inquiétaient fortement le régime chinois, Ai Weiwei avait fait les frais d'une campagne de répression accrue contre toutes les voix dissonantes. Il avait disparu dans un trou noir extra-judiciaire pendant près de trois mois, entre avril et juin. Il a raconté depuis avoir été soumis à de fortes tortures morales. Libéré, il avait été placé de facto en résidence surveillée dans sa maison pékinoise. Sous-estimant la popularité de l'impertinent créateur, Pékin n'avait pas prévu les réactions tant intérieures qu'internationales que son arrestation susciterait. Fin 2011, Ai Weiwei a été désigné comme la plus importante personnalité artistique au monde par le magazine britannique spécialisé Art Review. Et il a exposé ces derniers mois à la prestigieuse Tate Modern londonienne ou au Jeu de Paume à Paris.
Conscient des énormes dégâts d'image causés par l'affaire Ai Weiwei, certains dirigeants chinois souhaiteraient trouver une porte de sortie honorable. Mais il semble que des divergences sérieuses existent au sein de l'appareil d'Etat sur le sujet, avec une forte pression des organes de sécurité.
Par Arnaud de La Grange
Les services de sécurité chinois n'entendent pas lâcher Ai Weiwei comme cela. Comme prévu, un an après sa libération ce vendredi, certaines restrictions concernant le turbulent artiste seront levées. Il ne sera plus ainsi confiné à Pékin, et pourra se déplacer en Chine, son contrôle judiciaire étant théoriquement terminé. Mais la police l'a averti qu'il ne pourrait quitter le pays, une disposition qu'il juge «peu légale». «Ils continuent à restreindre ma liberté de mouvement et à fabriquer des crimes à me mettre sur le dos», a-t-il déclaré. En l'occurrence, l'artiste pourrait être accusé de «bigamie» et de «pornographie». Des policiers lui ainsi montré une photo prise dans un studio, avec quatre femmes nues. Ayant été mise sur Internet et ouverte «plus de mille fois», elle serait une preuve de menées pornographiques.
Mais surtout, Ai Weiwei reste suspendu à la décision de justice concernant le colossal redressement fiscal qu'on lui a asséné. Le fisc chinois lui a imposé un redressement de 15 millions de yuans (1,7 million d'euros). L'artiste estime qu'on veut ainsi le briser, et il en a appelé à la justice. Grâce à une mobilisation de plus de 30.000 Chinois anonymes, il a pu verser la garantie nécessaire pour faire appel. Une audience a lieu mercredi, mais Ai Weiwei s'est vu interdire d'approcher du tribunal qui étudiait sa propre plainte. «Comment est-il possible d'accuser quelqu'un sans lui accorder le droit de poser des questions sur la procédure qui le vise»? s'est-il insurgé. Seulement cinq sièges étaient disponibles dans la salle d'audience... Le jugement a été mis en délibéré à une date non précisée. Son principal conseiller juridique, l'avocat Liu Xiaoyuan, a été forcé de quitter Pékin. Les autorités l'ont convoqué quelques heures avant l'audience, puis l'ont mis dans un avion pour sa province natale du Jiangxi, pour l'éloigner de son ami et client.
Un trou noir extra-judiciaire
L'an dernier, alors que les révolutions arabes inquiétaient fortement le régime chinois, Ai Weiwei avait fait les frais d'une campagne de répression accrue contre toutes les voix dissonantes. Il avait disparu dans un trou noir extra-judiciaire pendant près de trois mois, entre avril et juin. Il a raconté depuis avoir été soumis à de fortes tortures morales. Libéré, il avait été placé de facto en résidence surveillée dans sa maison pékinoise. Sous-estimant la popularité de l'impertinent créateur, Pékin n'avait pas prévu les réactions tant intérieures qu'internationales que son arrestation susciterait. Fin 2011, Ai Weiwei a été désigné comme la plus importante personnalité artistique au monde par le magazine britannique spécialisé Art Review. Et il a exposé ces derniers mois à la prestigieuse Tate Modern londonienne ou au Jeu de Paume à Paris.
Conscient des énormes dégâts d'image causés par l'affaire Ai Weiwei, certains dirigeants chinois souhaiteraient trouver une porte de sortie honorable. Mais il semble que des divergences sérieuses existent au sein de l'appareil d'Etat sur le sujet, avec une forte pression des organes de sécurité.
Par Arnaud de La Grange