La deuxième édition du Forum international Avenir Territoires (Fiaterr) a pris fin, mercredi dernier, à Rabat. L’une des principales conclusions est la mise en place d’une banque de financement des collectivités territoriales. Initiateur de cet évènement, à travers l’Institut Emia, dont il est le manager général, Aliou Sall, ancien maire de Guédiawaye et ancien Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, donne plus de détails dans cet entretien.
Entretien réalisé par Elhadji Ibrahima THIAM (Envoyé spécial à Rabat)
Monsieur le président, le Forum international Avenir Territoires a baissé rideaux. Quel est le bilan que vous en tirez ?
Je me félicite de la réussite au plan de la mobilisation des ressources humaines. Nous avons eu une très forte mobilisation d’institutions aussi importantes pour les collectivités territoriales que la Commission de l’Uemoa, le Conseil des collectivités territoriales de l’espace Uemoa, Cglu-A, le Fonds d’équipement des collectivités territoriales du Maroc, le réseau international de financement des collectivités territoriales en Afrique. En plus de cela, beaucoup d’universitaires, experts spécialisés sur les questions de développement territorial et sur les questions de financement des territoires y ont participé. Cela a assuré une qualité exceptionnelle aux discussions que nous avons pu avoir pendant trois jours sous forme de Masterclass permettant ainsi aux exécutifs et cadres locaux d’être capacités en matière de préparation de projets. Mais, ce dialogue a aussi permis d’échanger des idées parce que, malheureusement, les collectivités territoriales prennent beaucoup d’initiatives, mais elles ne sont pas suffisamment resautées, pas assez en réseau, pour pouvoir échanger des expériences et valider ainsi la qualité des projets qu’elles mettent en œuvre. Ce forum est donc une plateforme qui permet, non seulement d’exposer les expériences des unes et des autres, mais aussi de valider ou pré-valider, au plan académique, par l’apport des universitaires et des experts des idées novatrices et qui vont impacter les projets futurs des collectivités territoriales et du développement territorial.
Vous avez tenu une table-ronde sur la mise en place d’un mécanisme international de financement des collectivités territoriales. Qu’est-ce que vous avez retenu finalement ?
Cette table-ronde a abouti à une conclusion majeure qui est la nécessité d’avancer vers la création d’une banque de développement des territoires en Afrique. C’est une grande ambition certes, mais on n’a pas peur de cette grande idée pour la simple raison que, d’une part, il y a un besoin identifié, précis, quantifié en termes de financement des collectivités territoriales en Afrique. D’autre part, il y a bien des financements disponibles, des ressources financières disponibles à différents niveaux, au sein des collectivités elles-mêmes, parce qu’elles ne sont pas toutes pauvres, au sein des institutions de développement qui, aujourd’hui, comme la Bad et la Boad, sont très friandes de financements de collectivités, mais ne sont pas suffisamment familiarisées avec les procédures des collectivités territoriales. Il y a aussi d’autres mécanismes comme le réseau des Caisses des dépôts qui ont naturellement comme mission de financer les collectivités territoriales mais qui, pour la plupart, en tout cas en Afrique subsaharienne, n’ont pas encore d’expériences avérées dans ce domaine. Donc, il y a une rencontre entre le besoin clairement identifié et la disponibilité des ressources. L’exercice consiste à matcher réellement les deux, à faire en sorte qu’il y ait une familiarisation et surtout une convergence sur les procédures qui doivent présider ce genre de mécanisme.
La mise en place de cette banque de développement des collectivités territoriales est au stade d’idée. Quelle est la prochaine étape ?
L’une des conclusions est de mettre en place rapidement un groupe de contact regroupant les différentes institutions qui ont pris part à ce Forum pour justement lancer un mécanisme de plaidoyer auprès, d’une part, des États, et d’autre part, auprès des Institutions de financement, afin d’aboutir à un projet plus élaboré qui ressemble plus à une institution financière. Parce qu’aujourd’hui, l’idée est assez avancée, mais il faut aller vers un document qui peut être comparé à une étude de projet parachevé.
Est-ce qu’on peut imaginer cette banque sous la forme miniaturisée de la Banque africaine de développement (Bad) ?
Il y a différentes approches. On peut dire qu’il nous faut une banque panafricaine à l’image de la Bad, une Bad des territoires ou une Bad de développement des territoires ou bien y aller par cercles concentriques pour éviter la complexité de devoir rapprocher des procédures qui peuvent être très différentes d’un espace socioéconomique à un autre. Par exemple, si aujourd’hui on pouvait faire une banque de développement du territoire dans l’espace Uemoa et permettre aux autres régions de développer leurs institutions, cela permettrait de gagner beaucoup de temps parce que, dans chaque espace, il y a un certain nombre de procédures qui sont communes, mais rien n’empêche d’avoir une ambition panafricaine. Mais, cela supposerait seulement un plaidoyer très fort auprès des États et des organismes africains qui devraient être les porteurs d’un tel mécanisme.
D’où vous est venue l’idée de créer ce Forum ?
Je suis à la tête de l’institut Emia qui est spécialisé dans les sciences et technologies mais qui est aussi spécialisé, compte tenu de mon profil naturel, dans l’administration publique et la gouvernance publique. J’ai quand même été, dans un passé récent, maire et j’ai donc beaucoup plongé dans cette préoccupation de financement. J’ai été aussi président de l’Association des maires du Sénégal (Ams), forcément j’ai entendu les échos des collectivités territoriales et notamment leurs besoins en termes de financement. Mais, surtout, j’ai été Directeur général de la Caisse des Dépôts et consignations, qui est une institution dont la première mission est, on l’oublie, le financement des collectivités territoriales, même si, jusqu’à présent, elle ne parvient pas encore à trouver la bonne démarche afin de remplir cette mission. Mais, ce défaut n’est pas propre à la Caisse des dépôts sénégalaise, c’est le même cas pour toutes les Caisses des dépôts des pays d’Afrique subsaharienne qui ne parviennent pas encore à trouver le bon tempo en vue de financer les collectivités territoriales. Donc, ce Forum, c’est l’aboutissement d’un cursus, d’un parcours, qui a coïncidé avec la nécessité pour notre Institut Emia de se positionner comme créateur d’idées, de projets et spécialisé aussi dans le renforcement des capacités des élites africaines.
Le Forum en est à sa deuxième édition, se pose la question de sa pérennisation. Êtes-vous optimiste en ce sens ?
Nous sommes optimistes parce que l’écho que nous avons des différents participants, c’est le besoin de pérenniser ce genre de plateformes. C’est vrai qu’il y a beaucoup de rencontres de collectivités, mais de ce que j’en sais, il n’y a pas encore une plateforme réunissant, à la fois, des élus, des États, des institutions de financement, des universitaires et qui travaillent, chaque année, sur une thématique qui coïncide avec les besoins stratégiques des collectivités territoriales. Nous souhaitons non seulement pérenniser, mais aussi annualiser ce forum de façon itinérante. Nous l’avons fait la première fois en France, nous sommes cette année au Maroc, nous souhaitons rester encore quelques années en Afrique. Pour le prochain pays d’accueil, nous n’avons pas encore décidé, parce que nous procédons toujours sur la base d’une manifestation d’intérêt, aux contacts que nous avons avec certaines capitales. Aujourd’hui, des discussions sont engagées avec Abuja, Abidjan et Dakar. Nous verrons d’ici deux à trois mois.
Source : https://lesoleil.sn/aliou-sall-fondateur-du-forum-...