Ancien directeur de l’Ipres (Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal), Lamine Diouf s’était rendu tristement célèbre au lendemain des audits survenus après l’alternance de 2000. Accusé d’avoir pillé les deniers de cette institution sociale, il avait fui le Sénégal sous prétexte d’aller se soigner en France. En réalité, il n’avait fait que rentrer chez lui étant donné que c’est dans ce dernier pays qu’il avait été débauché de la boîte qui l’employait alors pour venir occuper les fonctions de directeur général de l’Ipres. Et en France, il avait conservé sa maison en même temps que sa famille avait continué d’y vivre. Il n’avait donc fait que rentrer… Douze ans après, il n’est plus revenu au Sénégal où il était poursuivi pour les délits de détournement de deniers publics, faux et usage de faux etc.
Quant à Ousmane Kéwé Ndao, son nom est lié aux deux structures qui l’avaient rendu célèbre : « Abc » et « 3A ». Des entreprises qui s’activaient dans l’événementiel ainsi que dans l’orientation et l’obtention de bourses et de visas pour les élèves bacheliers et étudiants désirant poursuivre leurs études à l’étranger, notamment en France. Entre 1993 et 1998, les affaires du jeune « jet-setteur » Ousmane Kéwé Ndao marchaient à merveille. Le Roi du Mbalakh Youssou Ndour l’avait chanté dans un de ses tubes, histoire de matérialiser et de crédibiliser sa grandeur. Grandeur et générosité puisque Ousmane Ndao dépensait sans compter. Il donnait aussi beaucoup d’argent aux griots qui ne cessaient de magnifier ses bienfaits. En même temps, en partenariat avec feu Bassirou Diagne qui fut justement le fondateur d’ « Abc » mais aussi du journal « Actuel », Ousmane Ndao avait organisé de grands combats de lutte qui avaient accru sa notoriété. Il a fallu qu’il fasse l’objet de plaintes pour escroquerie et abus de confiance portant sur des visas et chèques en bois pour que sa descente aux enfers commence. Poursuivi et traqué de toutes parts, Ousmane Kéwé Ndao avait dû passer par la Gambie avant de s’exiler vers les Usa où il était devenu taximan entre autres métiers. Il était devenu un « Modou-modou » pour de bon !
Un autre « golden boy » flamboyant à qui la lutte n’a pas porté bonheur, c’est l’homme d’affaires et promoteur Alioune Petit Mbaye. En plus de sa générosité, cet homme par ailleurs très sympathique avait été victime de ses ambitions politiques. Face aux faramineuses dépenses d’une campagne présidentielle en 2007 et à d’énormes créances bancaires, « Petit Mbaye » avait fini, lui aussi, par crouler sous le poids des contentieux judiciaires. Persécuté, harcelé et menacé par ses créanciers, menacé de lourdes peines de prison, « Petit Mbaye », qui travaillait comme modeste comptable pour le compte d’une compagnie aérienne, fut contraint de fuir le pays. Après avoir séjourné dans un premier temps aux Etats-Unis, il avait migré vers la France où il se trouverait présentement.
Qu’attendent toutes ces personnes — et bien d’autres — pour rentrer au Sénégal ? La question mérite d’être posée, surtout que les années qu’ils ont passées à l’étranger semblent avoir largement couvert le délai de prescription des faits pour lesquels ils étaient poursuivis… Si parents et sympathisants de ces exilés pensent que leur retour au pays serait simple comme bonjour du fait de la prescription, sur le plan juridique, les choses sont plus compliquées… Comme l’explique ci-dessous, en effet, l’avocat spécialiste des questions pénales — et bien d’autres —, Me Pape Jean Sèye, en matière de procédure pénale, les causes légales d'extinction de l’action publique sont la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée. Dans le cas d’espèce, c’est la prescription qui nous intéresse. Sauf ignorance ou manquement de notre part, Lamine Diouf, Petit Mbaye et Ousmane Ndao doivent avoir largement couvert cette durée de prescription puisque, s’agissant des délits pour lesquels ils sont poursuivis, le délai de prescription est de 3 ans. Sauf pour ceux d’entre eux accusés de détournement de deniers publics, un délit pour lequel la prescription légale est de sept ans. Et même dans ce dernier cas, nos trois hommes ont largement « couvert » le délai de prescription. Ils devraient donc pouvoir rentrer tranquillement au Sénégal sans être inquiétés par la justice. Il s’y ajoute que, depuis plus de trois ans, aussi bien les observateurs que les journalistes ont constaté qu’aucun acte de poursuite n’a été posé par un quelconque juge à leur encontre. Sauf si les juges chargés de leur dossier l’ont fait de manière discrète c’est-à-dire loin du tintamarre médiatique. Une chose est sûre : nombreux sont ceux qui estiment que toutes les causes légales semblent réunies pour qu’ils puissent bénéficier du délai de prescription. Toutefois, à en croire certains de ses proches, Alioune Petit Mbaye serait sceptique quant au fait que son dossier serait frappé de prescription. Et dans le doute, il préfère s’abstenir de rentrer pour ne courir aucun risque d’être arrêté dès qu’il aurait mis les pieds au Sénégal. En effet, selon certaines sources, il aurait été condamné par défaut dans au moins une des affaires pour lesquelles il est poursuivi. Cette condamnation ruinerait les chances d’une extinction de l’action publique tout en compliquant l’affaire, ou les affaires, Petit Mbaye. « Parce que, dans ce cas, si jamais il débarquait à Dakar, le juge pourrait exécuter cette décision le condamnant par défaut. Et à tout moment puisqu’il n’aurait pas pu faire opposition dans les délais légaux ! Cette éventuelle condamnation serait en effet un acte remettant en cause la durée de prescription » nous confie un magistrat du parquet.
Depuis qu’ils ont fui le Sénégal, Lamine Diouf, Petit Mbaye et Ousmane Ndao avaient opté pour une stratégie « du silence » c’est-à-dire la discrétion totale, histoire de se faire oublier par les plaignants, les juges, les avocats et les journalistes. Durant tout ce temps, ils ont fait le dos rond et joué le temps, histoire sans doute d’attendre de boucler le délai de prescription. Force est de reconnaître qu’ils ont réussi à se camoufler habilement puisque, depuis bientôt dix ans, on n’entend plus parler d’eux ! Quant aux juges, sans doute rendus amnésiques, ils n’ont posé aucun acte les concernant depuis bien longtemps. Toutes les conditions sont donc réunies pour qu’ils bénéficient d’une prescription. Seulement voilà, même si l’épée de Damoclès de poursuites judiciaires ne plane plus sur leurs têtes, Alioune Petit Mbaye, Ousmane Kéwé Ndao et Lamine Diouf ne manifestent plus aucun empressement à rentrer au Sénégal. Non pas seulement parce qu’ils redoutent de tomber dans le piège d’un acte sournois qui aurait été posé par un juge — ce qui aurait eu pour effet d’interrompre le compte à rebours de la prescription — mais aussi parce qu’il ne suffit pas seulement de vouloir rentrer mais encore faut-il pouvoir le faire. Or, entre réputation ruinée, confiance des banquiers et des autres partenaires perdue, faillite professionnelle, ménages en lambeaux, et lourds regards des autres, on conviendra que, finalement, les poursuites judiciaires représentaient peu de choses. Oui, bien peu de choses par rapport à toutes ces conséquences d’une vie gâchée…
Pape NDIAYE
Le Témoin N° 1105 –Hebdomadaire Sénégalais (NOVEMBRE 2012)
Quant à Ousmane Kéwé Ndao, son nom est lié aux deux structures qui l’avaient rendu célèbre : « Abc » et « 3A ». Des entreprises qui s’activaient dans l’événementiel ainsi que dans l’orientation et l’obtention de bourses et de visas pour les élèves bacheliers et étudiants désirant poursuivre leurs études à l’étranger, notamment en France. Entre 1993 et 1998, les affaires du jeune « jet-setteur » Ousmane Kéwé Ndao marchaient à merveille. Le Roi du Mbalakh Youssou Ndour l’avait chanté dans un de ses tubes, histoire de matérialiser et de crédibiliser sa grandeur. Grandeur et générosité puisque Ousmane Ndao dépensait sans compter. Il donnait aussi beaucoup d’argent aux griots qui ne cessaient de magnifier ses bienfaits. En même temps, en partenariat avec feu Bassirou Diagne qui fut justement le fondateur d’ « Abc » mais aussi du journal « Actuel », Ousmane Ndao avait organisé de grands combats de lutte qui avaient accru sa notoriété. Il a fallu qu’il fasse l’objet de plaintes pour escroquerie et abus de confiance portant sur des visas et chèques en bois pour que sa descente aux enfers commence. Poursuivi et traqué de toutes parts, Ousmane Kéwé Ndao avait dû passer par la Gambie avant de s’exiler vers les Usa où il était devenu taximan entre autres métiers. Il était devenu un « Modou-modou » pour de bon !
Un autre « golden boy » flamboyant à qui la lutte n’a pas porté bonheur, c’est l’homme d’affaires et promoteur Alioune Petit Mbaye. En plus de sa générosité, cet homme par ailleurs très sympathique avait été victime de ses ambitions politiques. Face aux faramineuses dépenses d’une campagne présidentielle en 2007 et à d’énormes créances bancaires, « Petit Mbaye » avait fini, lui aussi, par crouler sous le poids des contentieux judiciaires. Persécuté, harcelé et menacé par ses créanciers, menacé de lourdes peines de prison, « Petit Mbaye », qui travaillait comme modeste comptable pour le compte d’une compagnie aérienne, fut contraint de fuir le pays. Après avoir séjourné dans un premier temps aux Etats-Unis, il avait migré vers la France où il se trouverait présentement.
Qu’attendent toutes ces personnes — et bien d’autres — pour rentrer au Sénégal ? La question mérite d’être posée, surtout que les années qu’ils ont passées à l’étranger semblent avoir largement couvert le délai de prescription des faits pour lesquels ils étaient poursuivis… Si parents et sympathisants de ces exilés pensent que leur retour au pays serait simple comme bonjour du fait de la prescription, sur le plan juridique, les choses sont plus compliquées… Comme l’explique ci-dessous, en effet, l’avocat spécialiste des questions pénales — et bien d’autres —, Me Pape Jean Sèye, en matière de procédure pénale, les causes légales d'extinction de l’action publique sont la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée. Dans le cas d’espèce, c’est la prescription qui nous intéresse. Sauf ignorance ou manquement de notre part, Lamine Diouf, Petit Mbaye et Ousmane Ndao doivent avoir largement couvert cette durée de prescription puisque, s’agissant des délits pour lesquels ils sont poursuivis, le délai de prescription est de 3 ans. Sauf pour ceux d’entre eux accusés de détournement de deniers publics, un délit pour lequel la prescription légale est de sept ans. Et même dans ce dernier cas, nos trois hommes ont largement « couvert » le délai de prescription. Ils devraient donc pouvoir rentrer tranquillement au Sénégal sans être inquiétés par la justice. Il s’y ajoute que, depuis plus de trois ans, aussi bien les observateurs que les journalistes ont constaté qu’aucun acte de poursuite n’a été posé par un quelconque juge à leur encontre. Sauf si les juges chargés de leur dossier l’ont fait de manière discrète c’est-à-dire loin du tintamarre médiatique. Une chose est sûre : nombreux sont ceux qui estiment que toutes les causes légales semblent réunies pour qu’ils puissent bénéficier du délai de prescription. Toutefois, à en croire certains de ses proches, Alioune Petit Mbaye serait sceptique quant au fait que son dossier serait frappé de prescription. Et dans le doute, il préfère s’abstenir de rentrer pour ne courir aucun risque d’être arrêté dès qu’il aurait mis les pieds au Sénégal. En effet, selon certaines sources, il aurait été condamné par défaut dans au moins une des affaires pour lesquelles il est poursuivi. Cette condamnation ruinerait les chances d’une extinction de l’action publique tout en compliquant l’affaire, ou les affaires, Petit Mbaye. « Parce que, dans ce cas, si jamais il débarquait à Dakar, le juge pourrait exécuter cette décision le condamnant par défaut. Et à tout moment puisqu’il n’aurait pas pu faire opposition dans les délais légaux ! Cette éventuelle condamnation serait en effet un acte remettant en cause la durée de prescription » nous confie un magistrat du parquet.
Depuis qu’ils ont fui le Sénégal, Lamine Diouf, Petit Mbaye et Ousmane Ndao avaient opté pour une stratégie « du silence » c’est-à-dire la discrétion totale, histoire de se faire oublier par les plaignants, les juges, les avocats et les journalistes. Durant tout ce temps, ils ont fait le dos rond et joué le temps, histoire sans doute d’attendre de boucler le délai de prescription. Force est de reconnaître qu’ils ont réussi à se camoufler habilement puisque, depuis bientôt dix ans, on n’entend plus parler d’eux ! Quant aux juges, sans doute rendus amnésiques, ils n’ont posé aucun acte les concernant depuis bien longtemps. Toutes les conditions sont donc réunies pour qu’ils bénéficient d’une prescription. Seulement voilà, même si l’épée de Damoclès de poursuites judiciaires ne plane plus sur leurs têtes, Alioune Petit Mbaye, Ousmane Kéwé Ndao et Lamine Diouf ne manifestent plus aucun empressement à rentrer au Sénégal. Non pas seulement parce qu’ils redoutent de tomber dans le piège d’un acte sournois qui aurait été posé par un juge — ce qui aurait eu pour effet d’interrompre le compte à rebours de la prescription — mais aussi parce qu’il ne suffit pas seulement de vouloir rentrer mais encore faut-il pouvoir le faire. Or, entre réputation ruinée, confiance des banquiers et des autres partenaires perdue, faillite professionnelle, ménages en lambeaux, et lourds regards des autres, on conviendra que, finalement, les poursuites judiciaires représentaient peu de choses. Oui, bien peu de choses par rapport à toutes ces conséquences d’une vie gâchée…
Pape NDIAYE
Le Témoin N° 1105 –Hebdomadaire Sénégalais (NOVEMBRE 2012)