Je suis enseignant, professeur de français. Je l’avoue : notre niveau a terriblement baissé.
Seulement, ce n’était pas à Amadou Lamine Sall de nous jeter la pierre, parce qu’il est le premier pécheur. J’irai droit au but : le niveau, en français, de ce soi-disant héritier de Senghor est simplement catastrophique. Je pèse chacun de mes mots.
Déjà, dans l’interview en question, parlant de son projet de traduire les textes de Serigne Moussa Ka, il s’étonnait : « J’ai du mal à comprendre comment un Hal Poular était-il parvenu à maitriser de cette manière la langue wolof ! »
Moi aussi j’ai du mal à comprendre comment un héritier de Senghor peut ignorer que, dans une interrogative indirecte, l’inversion du sujet n’est pas admise.
Dans la même interview, on peut lire : « Un pays comme les Etats-Unis délivrent sans grimaces des visas pour cinq, dix ans… »
Je n’arrive toujours pas à comprendre comment un poète peut ignorer que le verbe s’accorde avec le sujet (ici, « un pays ») et non avec l’expansion de ce dernier.
Mais ce n’est pas qu’avec la syntaxe que notre maître du verbe a des problèmes. Il en a aussi avec le lexique. Vous venez de l’entendre dire : « S’il arrive même que le maître soit corrigé par l’élève… ». Notre poète national ignore que le verbe « corriger », suivi d’un COD désignant une personne, signifie « Châtier » et non plus « rectifier ».
« Un maître (…) corrigé par ses élèves » !? Ah ! Je crois comprendre. « Le français du poète est à l’extrême wolofisé », pour le parodier lui-même, parlant de mes collègues et moi : il traduit littéralement ce que la vendeuse de caaf du coin dirait : « Seen eleew yi ñoo leen di korise ».
Encore une perle et je la ferme (provisoirement) sur cette interview de deux pages que j’ai corrigée comme une copie d’élève et sur laquelle, croyez-moi, je n’ai pas moins de quarante remarques à faire. Notre poète ne sait pas que, quand « tout » est adverbe, il est invariable devant un mot féminin commençant par une voyelle ou un « H » muet. Il écrit : « la communauté internationale toute entière a souhaité voir se réaliser le Mémorial... »
Cette interview a été accordée (peut-être sollicitée) par le poète à un moment où M. Youssou Ndour gérait la culture et le tourisme. Alors, s’il y jetait la pierre aux enseignants, Monsieur couvrait le ministre de fleurs : « En travaillant avec lui, en l’écoutant, j’ai découvert un homme bien debout en lui, un chef lucide, serein, pragmatique, attentif, alerte et qui sait trancher avec tact et autorité. Youssou a un côté séduisant : il repense tout au profit des Sénégalais d’abord. C’est un patriotisme qui me touche. »
Ici, ce n’est pas le français approximatif du poète qui nous intéresse. La platitude de la pensée et le caractère ronflant et creux des phrases, non plus, ne retiendront pas une seconde notre attention. Nous aussi, nous écrivons mal (nous ne sommes pas poète), mais nous lisons dangereusement bien : les poètes de cour ont toujours existé. Monsieur le poète de cour peut faire sa cour à qui il veut, mais il aurait mieux fait de courir vite prendre des cours de français, au lieu de jeter l’anathème sur les enseignants.
Préférant la cour au cours, dans un papier au titre symptomatique (« J’étais au palais ») qu’il a, non sans fierté, posté sur le net, Monsieur continue sa cour. Quelques-unes des 33 perles que j’ai relevées dans le papier :
Le « Lauréat des Grands Prix de l’Académie française » ( ?), dès la deuxième ligne, écrit : « …ce dîner de rupture de jeun du Ramadan… » : je ne relève qu’un détail et vous laisse tout le reste. Le poète ne fait pas la différence entre « jeun » (à jeun) et « jeûne » (le jeûne). Avouez que pour un poète, ce n’est pas un détail !
Autre détail de taille : le poète a de sérieux problèmes avec l’accord du participe passé. Dans la fameuse interview, vous pouvez lire : « Wade nous a laissés une forte dotation du Fonds d‘Aide à l’édition ». Il récidive dans « J’étais au palais » : « …il (le Président Macky Sall) nous a livrés une solide plaidoirie, un cri du cœur, une prise de parole politique et sociale sans détour, directe, forte, engagée. » Débrouillez-vous pour comprendre, entre autres, ce qu’il entend par « livrer une prise de parole… » ; moi, seul m’intéresse l’accord du participe passé. Jamais deux sans trois : « Le Président aurait promis de recevoir la communauté des écrivains […] nous a soufflés son conseiller… ». Par pitié, soufflez à votre poète qu’aucun de ces participes ne prend « S », car les « nous » qu’il prend pour des COD antéposés sont en réalité des COS.
Encore deux accords du participe passé avec lesquels on ne peut pas être d’accord et on passe à d’autres perles :
- « L’élite avait pourrie mais pas le peuple. » : en mettant « E » à « pourri », il accorde, peut-être, le participe employé avec « avoir » avec le sujet « élite ». A quelle école a-t-il appris cela ?
- « …les chefs politiques cultivent beaucoup la prudence, laissant astucieusement ouvert des portes… » : nous laissons généreusement ouvertes les portes de nos classes de 5e à tout poète qui voudrait maîtriser les règles élémentaires de l’accord du participe passé.
Pour éviter de vous servir les « longs ennuis» qu’il nous « verse » souvent, abrégeons :
- Il ne sait pas conjuguer : rapportant les paroles du Président, il écrit : « Que personne ne se croit indispensable… ». Et surtout que personne ne croie que j’invente ce que je dis là. Je ne dis que ce que j’ai vu. Et même pas tout ce que j’ai vu.
- Parlant de la culture, M. Sall écrit à nouveau (en réalité, en bon buujuman, il récupère des pans entiers de son interview d’il y a un an pour les recycler dans le « nouveau » papier) : « Un président qui minore la culture se minore lui-même. C’est un lieu privilégié d’affirmation, d’ouverture, et de grandeur d’un homme politique. Il est le plus durable, le moins périssable. Macky Sall n’en sera pas le rempart d’argile. » Je n’ai rien compris. Et vous ? Que remplace « il » ? Que remplace « en » ? Que signifie « être le rempart d’argile de… la culture ?
- « C'est toujours avec ses faits de culture aidant que les Sénégalais… » : pauvre phrase ! Elle marcherait bien mieux sans « avec ». Heureusement, Monsieur n’est pas enseignant : il n’aurait enseigné à nos enfants que des énormités.
Et c’est ce Monsieur qui devrait prendre des leçons qui en donne. C’est encore lui qui, sur le site assavoir.sn, charge les enseignants, à ses yeux seuls responsables de la baisse du niveau de nos enfants. Là encore, en bon violoniste, il reprend, pour la 3e fois, à ma connaissance, et pour la millième fois peut-être, son éternel texte de 2012 ( ?). A sa décharge, je dois dire qu’il a ajouté quelques phrases, donc beaucoup de fautes aussi :
- « Si le français n’a pas été primé au Concours général, cela nous donne à mesurer combien le fond de la fosse est profond, combien le désastre est sans nom, combien Senghor a du mal à dormir ! Le mal est profond. Pire: terrifiant ». Deux remarques seulement sur cette phrase, et je vous laisse le reste.
1. Au Concours général, « le français n’a (jamais) été primé ». Ce sont les bons élèves qui sont primés en français et dans d’autres disciplines.
2. C’est « la fosse » qui est profonde ou c’est son « fond (qui) est profond » ?
Mais je suis d’accord avec lui sur un point : « Le mal est profond. Pire: terrifiant». Entendez son mal à lui, bien sûr. Je sais aussi pourquoi « Senghor a du mal à dormir ».
- «Comment résoudre son sujet d’examen ?» (si on ne maîtrise pas le français) : On résout un problème, on traite un sujet d’examen, Monsieur le poète !
- «Nous savons que les préposés aux matières scientifiques ont toujours été brillants en français. Ce qui n’est pas le cas, en général, de ceux des lettres et des sciences humaines qui ont toujours peiné face aux mathématiques, la physique ou la chimie». Je suis fatigué ; M. Sall fait au minimum 3 perles à la phrase, occupez-vous de celle-là, s’il vous plaît.
Mais « Le mal est (plus) profond. Pire: terrifiant» : mon poète préféré ne sait pas que chaque phrase est un fil, et que pour que naisse le texte, il faut que ces fils forment un tissu. « Texte » et « textile » sont bien des mots de la même famille. Cela, le poète ne le sait pas. Aucun de ses textes n’est tissu. Il sert toujours un nœud de fils qui pendent dans tous les sens. Et c’est celui-là que l’on consulte et écoute.
Monsieur Sall a au moins 3 raisons de se taire :
1. Il ne parle absolument pas français. Vous en avez quelques preuves et, s’il ne se condamne pas au silence à perpétuité, il vous en livrera d’autres. Son mal est profond, structurel.
2. « L’appétit de vivre » semble avoir, depuis belle lurette, tué en ce donneur de leçons toute « dignité de vivre ». Tout le monde sait pour quoi (je dis « bien pour quoi », en 2 mots) il s’agite.
3. Il est tout sauf un intellectuel. N’exigez pas de lui le respect des règles élémentaires de cohérence textuelle. Demandez-lui seulement d’assurer la cohérence dans ses phrases. Il n’y arrive pas. Un exemple entre mille. « Si l’enseignant s’exprime en classe plus en wolof qu’en français, où est la déontologie ? », s’indigne-t-il. Vous voyez un rapport entre le fait de s’exprimer en wolof et la déontologie, vous ?
Ne lui demandez pas, non plus, de faire preuve d’esprit de synthèse. Après le dîner au palais, il vomit, au style direct, sur une page entière, le discours du Président (qu’il transcrit en fait comme il peut, les fautes en prime). Un autre poète était au même rendez-vous, sans autre enregistreur que sa « tête bien faite » : Marouba Fall. Rendez-vous sur sa page Facebook où il fait un tout autre type de compte rendu du même événement, et vous verrez la différence. Normal, me dira-t-on, Marouba n’est pas un tâcheron de la langue de Molière. Il est enseignant, professeur de français, avant d’être poète. Donc, pas « poète de pacotille» !
Mais c’est l’autre poète que l’on consulte et écoute ! C’est encore à lui qu’on demande d’expliquer, sur le site « assavoir.sn », la baisse du niveau de nos enfants, comme nous le disions tantôt. Là encore, simpliste, ce monomane ne voit qu’une pièce (l’enseignant) d’un système dont lui-même, sans le savoir, est une pièce centrale. En effet, le système éducatif d’un pays, à mon sens, ne se limite pas à l’institutionnel. Il englobe tout cet environnement socio-affectif qui enveloppe l’école. Amadou L. Sall est poète. Il porte des lunettes d’intello et une cravate en soie. Il dîne avec le Président. Il passe souvent à la radio et à la télé. Il écrit dans les journaux. Quand cette « vedette » enseigne par l’exemple à mon élève que le participe passé, employé avec « avoir », s’accorde en genre et en nombre avec le COI ou le COS, que de mal je risque d’avoir pour défoncer ce mauvais clou bien enfoncé et enfoncer le bon ! Et le danger est que ce « professeur malgré lui » est, il faut le reconnaître, séduisant. Tout aussi séduisants ces ministres qui apprennent à nos enfants qu’ « instruire » peut signifier « donner des instructions » (« Le Président m’a instruit que… »). En effet, on ne le dit pas souvent, mais « Eduquer » et « séduire » ont un ancêtre latin commun : « seducere » qui signifie littéralement « sous-mener », « dévier », « emmener à l’écart ». Et ils sont nombreux sur la place, ces vedettes à la dérive qui exercent sur nos enfants une séduction de mauvais aloi, au double plan de leur éduction et de leur instruction. De grâce, cachez à nos enfants ces nullités « verbeuses » et souvent flamboyantes qui pavoisent, favorisées par l’hypocrisie et la paresse d’une certaine presse, combinées aux silences complaisants de certains intellectuels. Il paraît même que, dans certains cercles, quand M. Sall sert son embrouillamini, on pousse l’hypocrisie jusqu’à lui servir des applaudissements. La récréation n’a que trop duré. Il faut en sonner la fin en répondant à l’appel pathétique que j’ai lu sur la page Facebook de M. Habib Demba Fall (Salut, camarade que je ne connais pas !), intitulé « La science des médiocres » :
« Ah, ce Sénégal des chercheurs d’or dans la misère des besogneux ! Les pirates sur les chemins du bonheur tentent d’être les tristes maîtres du destin des humbles gens décidés à mourir le front couvert de sueur et le drapeau de la dignité jamais en berne ! […] Déçu des multiples crocs-en-jambe à l’excellence, un ami envisage de créer l’Association des Victimes de la Médiocrité Verbeuse, en haut comme en bas. [...] Les amis, restez DEBOUT, loin, très loin des marécages… ».
Sur Facebook, je me suis contenté de commenter : « C’est criminel de savoir et de se taire pour laisser braire. »
Aujourd’hui j’ajouterai qu’il faut réagir et vite. Tounkara ne doit plus être seul. Ces télévisions émergentes qui misent sur les valeurs doivent être appuyées pour faire face aux télévisions-LMD (Lutte, Musique, Danse), sans oublier que le lëmbël intellectuel est aussi une danse, de loin plus dangereuse que le Caxagun. Vrais intellectuels de tous bords, DEBOUT, même dans la boue s’il le faut, pour qu’enfin on cesse, dans ce pays, de prendre la boue pour l’or et l’or pour l’ordure.
Amadou Bamba Thiombane,
professeur de français,
formateur au CRFPE de Dakar,
Coordonnateur du Concours
des Palmes du Livre et de la Lecture
ardothio@yahoo.fr
Seulement, ce n’était pas à Amadou Lamine Sall de nous jeter la pierre, parce qu’il est le premier pécheur. J’irai droit au but : le niveau, en français, de ce soi-disant héritier de Senghor est simplement catastrophique. Je pèse chacun de mes mots.
Déjà, dans l’interview en question, parlant de son projet de traduire les textes de Serigne Moussa Ka, il s’étonnait : « J’ai du mal à comprendre comment un Hal Poular était-il parvenu à maitriser de cette manière la langue wolof ! »
Moi aussi j’ai du mal à comprendre comment un héritier de Senghor peut ignorer que, dans une interrogative indirecte, l’inversion du sujet n’est pas admise.
Dans la même interview, on peut lire : « Un pays comme les Etats-Unis délivrent sans grimaces des visas pour cinq, dix ans… »
Je n’arrive toujours pas à comprendre comment un poète peut ignorer que le verbe s’accorde avec le sujet (ici, « un pays ») et non avec l’expansion de ce dernier.
Mais ce n’est pas qu’avec la syntaxe que notre maître du verbe a des problèmes. Il en a aussi avec le lexique. Vous venez de l’entendre dire : « S’il arrive même que le maître soit corrigé par l’élève… ». Notre poète national ignore que le verbe « corriger », suivi d’un COD désignant une personne, signifie « Châtier » et non plus « rectifier ».
« Un maître (…) corrigé par ses élèves » !? Ah ! Je crois comprendre. « Le français du poète est à l’extrême wolofisé », pour le parodier lui-même, parlant de mes collègues et moi : il traduit littéralement ce que la vendeuse de caaf du coin dirait : « Seen eleew yi ñoo leen di korise ».
Encore une perle et je la ferme (provisoirement) sur cette interview de deux pages que j’ai corrigée comme une copie d’élève et sur laquelle, croyez-moi, je n’ai pas moins de quarante remarques à faire. Notre poète ne sait pas que, quand « tout » est adverbe, il est invariable devant un mot féminin commençant par une voyelle ou un « H » muet. Il écrit : « la communauté internationale toute entière a souhaité voir se réaliser le Mémorial... »
Cette interview a été accordée (peut-être sollicitée) par le poète à un moment où M. Youssou Ndour gérait la culture et le tourisme. Alors, s’il y jetait la pierre aux enseignants, Monsieur couvrait le ministre de fleurs : « En travaillant avec lui, en l’écoutant, j’ai découvert un homme bien debout en lui, un chef lucide, serein, pragmatique, attentif, alerte et qui sait trancher avec tact et autorité. Youssou a un côté séduisant : il repense tout au profit des Sénégalais d’abord. C’est un patriotisme qui me touche. »
Ici, ce n’est pas le français approximatif du poète qui nous intéresse. La platitude de la pensée et le caractère ronflant et creux des phrases, non plus, ne retiendront pas une seconde notre attention. Nous aussi, nous écrivons mal (nous ne sommes pas poète), mais nous lisons dangereusement bien : les poètes de cour ont toujours existé. Monsieur le poète de cour peut faire sa cour à qui il veut, mais il aurait mieux fait de courir vite prendre des cours de français, au lieu de jeter l’anathème sur les enseignants.
Préférant la cour au cours, dans un papier au titre symptomatique (« J’étais au palais ») qu’il a, non sans fierté, posté sur le net, Monsieur continue sa cour. Quelques-unes des 33 perles que j’ai relevées dans le papier :
Le « Lauréat des Grands Prix de l’Académie française » ( ?), dès la deuxième ligne, écrit : « …ce dîner de rupture de jeun du Ramadan… » : je ne relève qu’un détail et vous laisse tout le reste. Le poète ne fait pas la différence entre « jeun » (à jeun) et « jeûne » (le jeûne). Avouez que pour un poète, ce n’est pas un détail !
Autre détail de taille : le poète a de sérieux problèmes avec l’accord du participe passé. Dans la fameuse interview, vous pouvez lire : « Wade nous a laissés une forte dotation du Fonds d‘Aide à l’édition ». Il récidive dans « J’étais au palais » : « …il (le Président Macky Sall) nous a livrés une solide plaidoirie, un cri du cœur, une prise de parole politique et sociale sans détour, directe, forte, engagée. » Débrouillez-vous pour comprendre, entre autres, ce qu’il entend par « livrer une prise de parole… » ; moi, seul m’intéresse l’accord du participe passé. Jamais deux sans trois : « Le Président aurait promis de recevoir la communauté des écrivains […] nous a soufflés son conseiller… ». Par pitié, soufflez à votre poète qu’aucun de ces participes ne prend « S », car les « nous » qu’il prend pour des COD antéposés sont en réalité des COS.
Encore deux accords du participe passé avec lesquels on ne peut pas être d’accord et on passe à d’autres perles :
- « L’élite avait pourrie mais pas le peuple. » : en mettant « E » à « pourri », il accorde, peut-être, le participe employé avec « avoir » avec le sujet « élite ». A quelle école a-t-il appris cela ?
- « …les chefs politiques cultivent beaucoup la prudence, laissant astucieusement ouvert des portes… » : nous laissons généreusement ouvertes les portes de nos classes de 5e à tout poète qui voudrait maîtriser les règles élémentaires de l’accord du participe passé.
Pour éviter de vous servir les « longs ennuis» qu’il nous « verse » souvent, abrégeons :
- Il ne sait pas conjuguer : rapportant les paroles du Président, il écrit : « Que personne ne se croit indispensable… ». Et surtout que personne ne croie que j’invente ce que je dis là. Je ne dis que ce que j’ai vu. Et même pas tout ce que j’ai vu.
- Parlant de la culture, M. Sall écrit à nouveau (en réalité, en bon buujuman, il récupère des pans entiers de son interview d’il y a un an pour les recycler dans le « nouveau » papier) : « Un président qui minore la culture se minore lui-même. C’est un lieu privilégié d’affirmation, d’ouverture, et de grandeur d’un homme politique. Il est le plus durable, le moins périssable. Macky Sall n’en sera pas le rempart d’argile. » Je n’ai rien compris. Et vous ? Que remplace « il » ? Que remplace « en » ? Que signifie « être le rempart d’argile de… la culture ?
- « C'est toujours avec ses faits de culture aidant que les Sénégalais… » : pauvre phrase ! Elle marcherait bien mieux sans « avec ». Heureusement, Monsieur n’est pas enseignant : il n’aurait enseigné à nos enfants que des énormités.
Et c’est ce Monsieur qui devrait prendre des leçons qui en donne. C’est encore lui qui, sur le site assavoir.sn, charge les enseignants, à ses yeux seuls responsables de la baisse du niveau de nos enfants. Là encore, en bon violoniste, il reprend, pour la 3e fois, à ma connaissance, et pour la millième fois peut-être, son éternel texte de 2012 ( ?). A sa décharge, je dois dire qu’il a ajouté quelques phrases, donc beaucoup de fautes aussi :
- « Si le français n’a pas été primé au Concours général, cela nous donne à mesurer combien le fond de la fosse est profond, combien le désastre est sans nom, combien Senghor a du mal à dormir ! Le mal est profond. Pire: terrifiant ». Deux remarques seulement sur cette phrase, et je vous laisse le reste.
1. Au Concours général, « le français n’a (jamais) été primé ». Ce sont les bons élèves qui sont primés en français et dans d’autres disciplines.
2. C’est « la fosse » qui est profonde ou c’est son « fond (qui) est profond » ?
Mais je suis d’accord avec lui sur un point : « Le mal est profond. Pire: terrifiant». Entendez son mal à lui, bien sûr. Je sais aussi pourquoi « Senghor a du mal à dormir ».
- «Comment résoudre son sujet d’examen ?» (si on ne maîtrise pas le français) : On résout un problème, on traite un sujet d’examen, Monsieur le poète !
- «Nous savons que les préposés aux matières scientifiques ont toujours été brillants en français. Ce qui n’est pas le cas, en général, de ceux des lettres et des sciences humaines qui ont toujours peiné face aux mathématiques, la physique ou la chimie». Je suis fatigué ; M. Sall fait au minimum 3 perles à la phrase, occupez-vous de celle-là, s’il vous plaît.
Mais « Le mal est (plus) profond. Pire: terrifiant» : mon poète préféré ne sait pas que chaque phrase est un fil, et que pour que naisse le texte, il faut que ces fils forment un tissu. « Texte » et « textile » sont bien des mots de la même famille. Cela, le poète ne le sait pas. Aucun de ses textes n’est tissu. Il sert toujours un nœud de fils qui pendent dans tous les sens. Et c’est celui-là que l’on consulte et écoute.
Monsieur Sall a au moins 3 raisons de se taire :
1. Il ne parle absolument pas français. Vous en avez quelques preuves et, s’il ne se condamne pas au silence à perpétuité, il vous en livrera d’autres. Son mal est profond, structurel.
2. « L’appétit de vivre » semble avoir, depuis belle lurette, tué en ce donneur de leçons toute « dignité de vivre ». Tout le monde sait pour quoi (je dis « bien pour quoi », en 2 mots) il s’agite.
3. Il est tout sauf un intellectuel. N’exigez pas de lui le respect des règles élémentaires de cohérence textuelle. Demandez-lui seulement d’assurer la cohérence dans ses phrases. Il n’y arrive pas. Un exemple entre mille. « Si l’enseignant s’exprime en classe plus en wolof qu’en français, où est la déontologie ? », s’indigne-t-il. Vous voyez un rapport entre le fait de s’exprimer en wolof et la déontologie, vous ?
Ne lui demandez pas, non plus, de faire preuve d’esprit de synthèse. Après le dîner au palais, il vomit, au style direct, sur une page entière, le discours du Président (qu’il transcrit en fait comme il peut, les fautes en prime). Un autre poète était au même rendez-vous, sans autre enregistreur que sa « tête bien faite » : Marouba Fall. Rendez-vous sur sa page Facebook où il fait un tout autre type de compte rendu du même événement, et vous verrez la différence. Normal, me dira-t-on, Marouba n’est pas un tâcheron de la langue de Molière. Il est enseignant, professeur de français, avant d’être poète. Donc, pas « poète de pacotille» !
Mais c’est l’autre poète que l’on consulte et écoute ! C’est encore à lui qu’on demande d’expliquer, sur le site « assavoir.sn », la baisse du niveau de nos enfants, comme nous le disions tantôt. Là encore, simpliste, ce monomane ne voit qu’une pièce (l’enseignant) d’un système dont lui-même, sans le savoir, est une pièce centrale. En effet, le système éducatif d’un pays, à mon sens, ne se limite pas à l’institutionnel. Il englobe tout cet environnement socio-affectif qui enveloppe l’école. Amadou L. Sall est poète. Il porte des lunettes d’intello et une cravate en soie. Il dîne avec le Président. Il passe souvent à la radio et à la télé. Il écrit dans les journaux. Quand cette « vedette » enseigne par l’exemple à mon élève que le participe passé, employé avec « avoir », s’accorde en genre et en nombre avec le COI ou le COS, que de mal je risque d’avoir pour défoncer ce mauvais clou bien enfoncé et enfoncer le bon ! Et le danger est que ce « professeur malgré lui » est, il faut le reconnaître, séduisant. Tout aussi séduisants ces ministres qui apprennent à nos enfants qu’ « instruire » peut signifier « donner des instructions » (« Le Président m’a instruit que… »). En effet, on ne le dit pas souvent, mais « Eduquer » et « séduire » ont un ancêtre latin commun : « seducere » qui signifie littéralement « sous-mener », « dévier », « emmener à l’écart ». Et ils sont nombreux sur la place, ces vedettes à la dérive qui exercent sur nos enfants une séduction de mauvais aloi, au double plan de leur éduction et de leur instruction. De grâce, cachez à nos enfants ces nullités « verbeuses » et souvent flamboyantes qui pavoisent, favorisées par l’hypocrisie et la paresse d’une certaine presse, combinées aux silences complaisants de certains intellectuels. Il paraît même que, dans certains cercles, quand M. Sall sert son embrouillamini, on pousse l’hypocrisie jusqu’à lui servir des applaudissements. La récréation n’a que trop duré. Il faut en sonner la fin en répondant à l’appel pathétique que j’ai lu sur la page Facebook de M. Habib Demba Fall (Salut, camarade que je ne connais pas !), intitulé « La science des médiocres » :
« Ah, ce Sénégal des chercheurs d’or dans la misère des besogneux ! Les pirates sur les chemins du bonheur tentent d’être les tristes maîtres du destin des humbles gens décidés à mourir le front couvert de sueur et le drapeau de la dignité jamais en berne ! […] Déçu des multiples crocs-en-jambe à l’excellence, un ami envisage de créer l’Association des Victimes de la Médiocrité Verbeuse, en haut comme en bas. [...] Les amis, restez DEBOUT, loin, très loin des marécages… ».
Sur Facebook, je me suis contenté de commenter : « C’est criminel de savoir et de se taire pour laisser braire. »
Aujourd’hui j’ajouterai qu’il faut réagir et vite. Tounkara ne doit plus être seul. Ces télévisions émergentes qui misent sur les valeurs doivent être appuyées pour faire face aux télévisions-LMD (Lutte, Musique, Danse), sans oublier que le lëmbël intellectuel est aussi une danse, de loin plus dangereuse que le Caxagun. Vrais intellectuels de tous bords, DEBOUT, même dans la boue s’il le faut, pour qu’enfin on cesse, dans ce pays, de prendre la boue pour l’or et l’or pour l’ordure.
Amadou Bamba Thiombane,
professeur de français,
formateur au CRFPE de Dakar,
Coordonnateur du Concours
des Palmes du Livre et de la Lecture
ardothio@yahoo.fr