Il a accroché, dans son bureau un écran plat qui affiche les statistiques de la salle de production. Futé, il dit : « comme ça, personne ne pourra me mettre la poudre aux yeux. » La cordialité est flagrante. Et assez également dispensée, selon les uns et les autres. Ni efforts apparents ni effets surjoués. La décontraction est réelle qui le voit rire rauque quand il lance un clin d’œil à la génération des jeunes cadres qui n’aiment pas trop se salir les mains. Il ironise : « les jeunes aiment trop les costumes et les cravates. Et dans l’industrie tant que tu n’es pas le premier ouvrier, tu ne pourras pas gérer une usine. » Ameth Amar s’est campé en plein milieu de la banlieue, point de ralliement de toutes les manifestations qui parcourent la capitale sénégalaise. A 59 ans, il règne au milieu des embouteillages, où il a implanté la Nouvelle minoterie africaine (NMA) sanders. Une usine qui fait face à la nationale une, et sur ses passes. Un petit bout du monde, où les cris et le brouhaha de l’extérieur se referment sur un environnement industriel où les camions semblent à l’étroit. Chauffeurs de gros porteurs, ouvriers et ingénieurs sont à leur aise. Ameth connaît les lieux : Onze ans que les chargements se succèdent. Il dit : « j’ai construit l’usine en 1999, c’était très difficile au début mais j’y suis arrivé. » Une visite guidée des lieux s’impose, histoire d’être sûr que nous ne raterions rien du spectacle. Il faut dire qu’Ameth Amar aime l’idée de croiser son portrait avec celui de l’usine. Le camion entame sa manœuvre. Demi-tour. Marche arrière jusqu’à la rue principale. Scène banale. Personne n’a cillé, l’ensemble ne manque pas d’allure.
Qui est Amet Amar ? Ses employés de travail, sa famille, le décrivent comme un intrépide. Une « carapace », aussi, qui résiste à des journées de douze heures. Né à Mbacké, dans la région de Diourbel, il grandit à Dakar. A 22 ans, il fait des cours du soir en compabilité à l’ Ecole Nationale Universitaire de Technologie (Ensut) de 18 h à 22 h, employé à L’Oncad pendant la matinée pour pouvoir payer ses études. Venait-il d’une famille démunie ? Il dit sans sourciller : « non ! Mais ma famille n’avait pas cette culture. Pour eux, l’école ne sert pas à grand-chose. Ils gagnaient bien leur vie dans le commerce. » Elevé par son oncle, Ameth ne connaît pas son père. Sa mère s’est remariée avec un homme qui « le considérait comme son fils. » A 7 ans, un enfant à l’ambition « chimiquement » pure et aux stratégies évidentes derrière une banalité sympa voue un culte à l’argent. À l’heure où les vieux fainéants divaguent en chiens errants et finissent en chiens couchants, Ameth loue son vélo à ses petits camarades, et reverse les bénéfices dans l’achat de pigeons qu’il revendra par la suite.
Vient l’adolescence. Le Baol-baol emploie son temps libre en tenant la boutique de son oncle. Le soir, il écume les boîtes de nuit de la capitale, roule en R5, fréquente Thione Seck…la belle vie quoi ! Il dit : « à l’époque où le groupe Baobab était à la rue Jules Ferry, je sortais tout le temps. Cela m’empêchait de faire des économies. » Armé de son bagout et d’un culot d’enfer, le jeune homme se fait repérer par une société de pêche qui en fait son chef comptable en 1979. Capitaine dans l’âme, il démissionne de son poste, achète une vedette qui fait la navette entre le quai et les bateaux. Il se remémore : « on ramenait les marins en terre ferme, certaines marchandises qui se trouvent dans les bateaux aussi. J’avais 15 mille francs Cfa par traversée. » La voix est sûre, parfois s’éraille un peu, puis repart à l’assaut. « C’est comme cela que j’ai commencé à faire des affaires. » En 1985, il achète deux camions qui transportent des containers, puis une grue pour faire des prestations de services.
1983. Ameth rencontre une fille au feu rouge de liberté 1, la dépose chez elle, et finit par l’épouser en 1986. Depuis, le feu vert a pris la place du feu rouge avec 24 ans d’union et 3 garçons au milieu. L’homme d’affaires tombe sous le charme d’une agent immobilière. Il l’épousera en 2003 et aura 3 garçons avec elle. Et le voilà polygame. Ce baol-baol, père de six garçons, reconnaît que son éducation lui a légué un réflexe naturel pour la discipline. « Il est d’une loyauté à toute épreuve », confirme madame Mbaye. Quelques années plus tard, un ami lui vend son usine à 13 millions f Cfa. Il précise que c’était de la ferraille, Ameth part en France pour acheter des machines, et avoue avoir fait le tour du monde pour chercher des financements. Il dit : « j’avais besoin de 5OO millions, mais les banques n’avaient plus confiance aux hommes d’affaires sénégalais car ils disaient qu’au lieu de construire une usine, ils achètent des belles voitures, une belle maison et le projet tombe à l’eau. » Ce parcours de combattant à la recherche de financement n’aura pas été vain, Ameth inaugure son usine en 2001. Aujourd’hui, il emploie 350 personnes, dit avoir payé l’impôt sur le revenu dès la première année d’activité, et avoue être un patron exemplaire. Il explique : « j’investis beaucoup dans la formation de mes cadres, en plus je leur ai donné 40 millions pour l’achat d’une maison afin de les fidéliser, et je compte construire une cité pour mes ouvriers. » Bravo ! Si tous les boss faisaient comme lui, y aurait moins d’employés misérables.
Très prompt à parler des performances de son entreprise, cet allant, cette manière d’empoigner les questions attendues ne vaut pas pour autant ouverture en grand des portes et fenêtres. Derrière la bonhomie affranchie, l’écran de contrôle reste en mode veille. Il tire le rideau sur l’isoloir, brouille les pistes à plaisir quand il s’agira de parler des autofinancements. Il dit : « il ya des secrets professionnels que je ne peux pas étaler ici. Des choses que je ne peux pas dire, c’est mon affaire. » Bien sûr ! Cela lui permet d’afficher cette réserve exigée des hommes d’affaires.
Il a un an quand son père décède. 4 ans plus tard, il s’aura…et un choc émotionnel s’en suivra. Les jours passent, le gamin s’en accommode, sans un mot. Chacun veille sur ses disparus comme il peut. En conclure que ce drame est forcément l’acte fondateur de son ascension ? Il répond : « c’est à l’âge de 5 ans que j’ai découvert que je n’avais pas de papa. Cela m’avait marqué au début mais un enfant, ça s’adapte vite à toutes sortes de situation. Cet état de fait forge ta personnalité, car tu te rends compte très vite que tu dois te battre plus que les autres pour t’en sortir. » Depuis, il n’en parle jamais en public, rarement en privé. Peu théoricien, il se dit pessimiste sur la nature humaine, stoïque dans l’épreuve. Son caftan gris métallisé sur des tongs couleur charbon, le renvoie à ses origines. Pour être honnête, nous, on aurait bien habillé, pour l’hiver, l’homme qui pèse 32 milliards en grand manteau de billets de banque. Venus Amar sa seconde épouse le trouve sensible, attentionné et généreux. Par contre, son exigence par rapport à toutes choses l’énerve. Elle dit : « il est trop exigeant et demande trop aux personnes qui l’entourent. » Légitime madame ! C’est parce que monsieur donne trop qu’il en demande trop.
Aïssatou LAYE
lagazette.sn
ps: titre xalima.
Qui est Amet Amar ? Ses employés de travail, sa famille, le décrivent comme un intrépide. Une « carapace », aussi, qui résiste à des journées de douze heures. Né à Mbacké, dans la région de Diourbel, il grandit à Dakar. A 22 ans, il fait des cours du soir en compabilité à l’ Ecole Nationale Universitaire de Technologie (Ensut) de 18 h à 22 h, employé à L’Oncad pendant la matinée pour pouvoir payer ses études. Venait-il d’une famille démunie ? Il dit sans sourciller : « non ! Mais ma famille n’avait pas cette culture. Pour eux, l’école ne sert pas à grand-chose. Ils gagnaient bien leur vie dans le commerce. » Elevé par son oncle, Ameth ne connaît pas son père. Sa mère s’est remariée avec un homme qui « le considérait comme son fils. » A 7 ans, un enfant à l’ambition « chimiquement » pure et aux stratégies évidentes derrière une banalité sympa voue un culte à l’argent. À l’heure où les vieux fainéants divaguent en chiens errants et finissent en chiens couchants, Ameth loue son vélo à ses petits camarades, et reverse les bénéfices dans l’achat de pigeons qu’il revendra par la suite.
Vient l’adolescence. Le Baol-baol emploie son temps libre en tenant la boutique de son oncle. Le soir, il écume les boîtes de nuit de la capitale, roule en R5, fréquente Thione Seck…la belle vie quoi ! Il dit : « à l’époque où le groupe Baobab était à la rue Jules Ferry, je sortais tout le temps. Cela m’empêchait de faire des économies. » Armé de son bagout et d’un culot d’enfer, le jeune homme se fait repérer par une société de pêche qui en fait son chef comptable en 1979. Capitaine dans l’âme, il démissionne de son poste, achète une vedette qui fait la navette entre le quai et les bateaux. Il se remémore : « on ramenait les marins en terre ferme, certaines marchandises qui se trouvent dans les bateaux aussi. J’avais 15 mille francs Cfa par traversée. » La voix est sûre, parfois s’éraille un peu, puis repart à l’assaut. « C’est comme cela que j’ai commencé à faire des affaires. » En 1985, il achète deux camions qui transportent des containers, puis une grue pour faire des prestations de services.
1983. Ameth rencontre une fille au feu rouge de liberté 1, la dépose chez elle, et finit par l’épouser en 1986. Depuis, le feu vert a pris la place du feu rouge avec 24 ans d’union et 3 garçons au milieu. L’homme d’affaires tombe sous le charme d’une agent immobilière. Il l’épousera en 2003 et aura 3 garçons avec elle. Et le voilà polygame. Ce baol-baol, père de six garçons, reconnaît que son éducation lui a légué un réflexe naturel pour la discipline. « Il est d’une loyauté à toute épreuve », confirme madame Mbaye. Quelques années plus tard, un ami lui vend son usine à 13 millions f Cfa. Il précise que c’était de la ferraille, Ameth part en France pour acheter des machines, et avoue avoir fait le tour du monde pour chercher des financements. Il dit : « j’avais besoin de 5OO millions, mais les banques n’avaient plus confiance aux hommes d’affaires sénégalais car ils disaient qu’au lieu de construire une usine, ils achètent des belles voitures, une belle maison et le projet tombe à l’eau. » Ce parcours de combattant à la recherche de financement n’aura pas été vain, Ameth inaugure son usine en 2001. Aujourd’hui, il emploie 350 personnes, dit avoir payé l’impôt sur le revenu dès la première année d’activité, et avoue être un patron exemplaire. Il explique : « j’investis beaucoup dans la formation de mes cadres, en plus je leur ai donné 40 millions pour l’achat d’une maison afin de les fidéliser, et je compte construire une cité pour mes ouvriers. » Bravo ! Si tous les boss faisaient comme lui, y aurait moins d’employés misérables.
Très prompt à parler des performances de son entreprise, cet allant, cette manière d’empoigner les questions attendues ne vaut pas pour autant ouverture en grand des portes et fenêtres. Derrière la bonhomie affranchie, l’écran de contrôle reste en mode veille. Il tire le rideau sur l’isoloir, brouille les pistes à plaisir quand il s’agira de parler des autofinancements. Il dit : « il ya des secrets professionnels que je ne peux pas étaler ici. Des choses que je ne peux pas dire, c’est mon affaire. » Bien sûr ! Cela lui permet d’afficher cette réserve exigée des hommes d’affaires.
Il a un an quand son père décède. 4 ans plus tard, il s’aura…et un choc émotionnel s’en suivra. Les jours passent, le gamin s’en accommode, sans un mot. Chacun veille sur ses disparus comme il peut. En conclure que ce drame est forcément l’acte fondateur de son ascension ? Il répond : « c’est à l’âge de 5 ans que j’ai découvert que je n’avais pas de papa. Cela m’avait marqué au début mais un enfant, ça s’adapte vite à toutes sortes de situation. Cet état de fait forge ta personnalité, car tu te rends compte très vite que tu dois te battre plus que les autres pour t’en sortir. » Depuis, il n’en parle jamais en public, rarement en privé. Peu théoricien, il se dit pessimiste sur la nature humaine, stoïque dans l’épreuve. Son caftan gris métallisé sur des tongs couleur charbon, le renvoie à ses origines. Pour être honnête, nous, on aurait bien habillé, pour l’hiver, l’homme qui pèse 32 milliards en grand manteau de billets de banque. Venus Amar sa seconde épouse le trouve sensible, attentionné et généreux. Par contre, son exigence par rapport à toutes choses l’énerve. Elle dit : « il est trop exigeant et demande trop aux personnes qui l’entourent. » Légitime madame ! C’est parce que monsieur donne trop qu’il en demande trop.
Aïssatou LAYE
lagazette.sn
ps: titre xalima.