L’adoption du projet de loi d’orientation relative à la protection sociale lors du Conseil des ministres du 21 février dernier est une étape importante dans la politique d’équité sociale prônée par le Gouvernement. En attendant que le texte passe à l’Assemblée nationale et soit promulgué dans la foulée, la Déléguée générale à la protection sociale et à la solidarité nationale, Aminata Sow, nous en explique le sens et la portée.
Entretien réalisé par Elhadji Ibrahima THIAM
Le projet de loi d’orientation relative à la Protection sociale a été adopté par le Conseil des ministres du 21 février dernier. Qu’est-ce que ce texte va changer dans la politique de protection sociale en cours ?
Il faut savoir que cette Loi d’orientation pose des principes généraux de notre politique de protection sociale déclinée dans la Stratégie nationale de protection sociale (Snps). Il s’agit d’une réforme majeure visant à doter le Sénégal d’un cadre juridique fédérateur en matière de Protection sociale pour définir les différents services de protection sociale que l’État doit garantir à toutes les populations sénégalaises sans discriminations conformément aux engagements internationaux et régionaux auxquels il a souscrit. Cette Loi d’orientation devrait contribuer à renforcer l’efficacité et l’efficience des politiques de protection sociale au Sénégal, avec comme objectif principal la réduction des inégalités sociales. Elle permettra également de consolider les résultats appréciables dans le secteur en incitant l’État à implémenter des régimes de protection sociale adéquats répondant aux besoins de nos concitoyens suivant le cycle de vie (de la naissance à la vieillesse) en parfaite harmonie avec la convention 102 et la recommandation 202 de l’Organisation internationale du travail (Oit). Aussi facilitera-t-elle d’institutionnaliser un socle minimum de protection sociale, de fixer les principes fondamentaux et le cadre juridique de son financement durable et de sa territorialisation. Ce projet de loi d’orientation constitue ainsi un référentiel du dispositif normatif en matière de prise en charge des risques sociaux. Deux innovations majeures ont été introduites, il s’agit de la mise en cohérence des interventions et de la mise en place d’un dispositif de financement de la protection sociale.
Quelles sont les prochaines étapes pour asseoir un véritable cadre juridique de la protection sociale au Sénégal ?
L’adoption de la loi d’orientation relative à la protection sociale, qui est l’aboutissement d’un long processus, n’est qu’une étape pour asseoir un véritable cadre juridique du secteur de la protection sociale. Pour sa mise en œuvre, il faut inéluctablement d’autres textes législatifs et réglementaires subséquents. Dans cette perspective, la Dgpsn s’engage sur d’autres chantiers tels que le code de protection sociale, les décrets d’application de la Loi d’orientation de la Protection. De même, elle compte élaborer le recueil des textes législatifs et réglementaires de la protection sociale du Sénégal.
Comment le processus, lancé depuis 2017, a été mené ?
La Protection sociale est un secteur transversal qui interpelle beaucoup de départements ministériels. Cette réalité nous a conduit à adopter une démarche inclusive dans le processus d’élaboration du projet de Loi d’Orientation de la Protection sociale. Itératif et participatif, ce processus a été soutenu par l’ensemble des acteurs de l’écosystème du secteur à savoir l’État, les Partenaires au développement et la société civile en vue de trouver un consensus fort sur les contours du projet de Loi en conformité avec les orientations et les directives de Son Excellence Macky Sall, président de la République. Pour rappel, la Délégation générale à la Protection sociale et à la Solidarité nationale (Dgpsn), en sa qualité d’organe de coordination de la politique de Protection sociale, a initié le processus en 2017 avec une série de rencontres ayant abouti à un premier texte qui a fait l’objet d’amendements importants de la part des acteurs qui ont suggéré de mieux considérer le champ d’application du projet de Loi d’orientation dans une approche plus participative. Dans ce cadre, la Dgpsn, sous l’impulsion de notre tutelle technique, le Ministère du Développement communautaire, de la Solidarité nationale et de l’Équité sociale et territoriale, a repris le processus avec le concours de la Délégation de l’Union européenne à travers le Projet d’appui au développement de la Protection sociale. Conduit par l’équipe juridique du ministère en charge de l’Équité sociale, en relation avec les experts et les juristes des ministères contributeurs (Travail, Santé, Famille…), l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) et de la Caisse de sécurité sociale (Css), le processus a pris plus de deux ans de travaux combinant des ateliers de réflexions et des rencontres de partage. Ainsi, a-t-il été associé dans le processus la Commission de la Santé, de la Population, des Affaires sociales et de la Solidarité de l’Assemblée nationale, le Haut Conseil des Collectivités territoriales (Hcct), le Conseil économique, social et environnemental (Cese), l’Association des Maires du Sénégal (Ams), l’Association des Présidents de départements du Sénégal (Ads) et l’Union des associations des élus locaux (Ueal). Cette implication a permis de recueillir leurs observations et orientations pour améliorer la qualité du texte, mais également son appropriation par les élus nationaux et territoriaux. Je dois également relever la contribution des universitaires, notamment ceux de la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et la société civile. Par ailleurs, comme vous le savez, l’adoption des textes législatifs et règlementaires en Conseil des ministres est précédée d’une phase capitale relative aux travaux du Comité technique du Secrétariat général du Gouvernement, après réception du projet texte de Loi d’orientation de la Protection sociale, s’est réuni en atelier pour procéder à sa finalisation.
Est-ce que la fragmentation dans les interventions en matière de protection sociale, avec la présence de plusieurs acteurs et structures n’était pas une faiblesse ?
On ne peut pas parler de faiblesse, toutefois on peut dire qu’il n’y avait pas une rationalisation des dépenses, une visibilité aussi sur ce qui est fait en matière de protection sociale. Cette nouvelle Loi d’orientation va donc rectifier cet impair puisque c’est l’ensemble des sectoriels, aussi bien ceux des départements ministériels, les partenaires au développement que la société civile…ont été impliqués. Donc cette loi, avec une concertation large, va permettre d’asseoir un cadre juridique et tout sera au même niveau d’information. L’ensemble des prestations de protection sociale seront définies d’un commun accord, cela aura comme avantage d’évaluer le financement. On salue l’initiative du président de la République de mettre en place une structure chargée de la coordination de la politique de protection sociale.
Source : https://lesoleil.sn/aminata-sow-delegue-general-a-...