Pour l'enseignant-chercheur à Sciences Po Stéphane Lacroix, spécialiste de l'Arabie Saoudite, ces nouveaux droits, qui ne seront pas encore en vigueur pour les élections municipales de jeudi prochain, ne sont pas vraiment une surprise.
Pourquoi donner le droit de vote aux femmes maintenant?
Cela s'inscrit dans un projet de réformes sociétales à doses homéopathiques que porte le roi Abdallah depuis son arrivée au pouvoir. C'était lui qui avait déjà fait nommer il y a deux ans une femme au poste de vice-ministre à l'Education. Je ne suis pas sûr que cela soit si lié que ça à la conjoncture, c'était quelque chose qui était plutôt attendu. Maintenant tout le monde se demande si cela va être suivi de l'autorisation de conduire, puisque de toute façon, comme le disait ce matin une activiste saoudienne: «c'est bien beau que les femmes puissent siéger au Parlement, mais comment vont-elles s'y rendre?».
La contrepartie de ces réformes sociétales est que le projet d'Abdallah n'est pas un projet de réforme politique. Ce sont des décisions symboliques qui permettent d'améliorer la place de la femme ou des minorités religieuses, mais à aucun moment on ne touche aux équilibres de pouvoir en Arabie Saoudite. Le Majlis al-Choura ou les conseils municipaux pour lesquels on va voter dans quelques jours n'ont pas de réel pouvoir. L'essentiel de celui-ci reste concentré dans les mains de la famille royale.
Quels sont les principaux interdits que subissent encore les femmes?
C'est l'interdiction de la mixité. On a une société qui fonctionne sur un principe de ségrégation qui doit s'appliquer partout où il est possible de l'appliquer.
Quand le roi Abdallah a annoncé hier que des femmes pourraient siéger au Majlis al-Choura, il a dit que cela devait être selon les normes de la charia. Cela veut dire qu'elles ne vont probablement pas siéger dans les mêmes salles que les hommes. On va construire une salle à côté, on va y mettre les femmes, elles discuteront avec les hommes par téléconférence et on ne verra pas les visages. Il ne faut pas du tout s'attendre à des assemblées mixtes demain.
Peut-on y voir une conséquence directe des mouvements de protestation des femmes, avec notamment Manal al-Chérif qui s'est battue pour le droit de conduire?
Un petit peu, mais pas beaucoup. Le pouvoir saoudien est tout de même sorti du Printemps arabe très largement indemne. Il considère même qu'il est plutôt en position de force par rapport à sa société, il y a eu des appels à manifester qui n'ont pas du tout été suivis.
C'est vrai que ces questions ont été mises sur l'agenda par Manal al-Chérif, mais ce n'est pas la première fois qu'on avait ce genre de demande. On peut imaginer que le roi Abdallah a voulu faire un geste mais pour moi cela s'inscrit vraiment dans le projet global de ses réformes sociétales. Ce n'est pas une vraie rupture.
Que pensent les hommes saoudiens de ce droit de vote pour les femmes?
Difficile à dire. Sur la question du droit des femmes à conduire, il y a eu plusieurs sondages, pas du tout fiables à cause de la méthodologie, et c'était généralement autour de 50/50, pour et contre. La société est divisée sur ces questions mais pour Abdallah c'est moins coûteux politiquement de le faire maintenant simplement car l'Arabie d'aujourd'hui n'est plus celle d'il y a vingt ans. Même si les conservateurs aujourd'hui sont contre, ils ne vont pas descendre dans la rue comme il l'avait fait en 1965 quand le roi Fayçal avait autorisé la télévision. Même eux ne peuvent plus vivre dans une bulle. Tant que le principe de la ségrégation des sexes selon ce qu'ils considèrent être les normes de la charia reste appliqué, les conservateurs peuvent accepter que les femmes siègent dans les assemblées.
Quelles seront les prochaines réformes?
Il y a eu aussi au début de son règne des avancées sur la question des droits des minorités religieuses, pour les chiites (à peu près 10% de la population) en particulier. Mais le problème est que, avec la montée en puissance de l'Iran et de ses ambitions régionales, il y a eu un fort parasitage géopolitique, et les chiites saoudiens sont désormais presque vus comme une menace intérieure, une cinquième colonne. Loin de l'amélioration des premiers temps, cela a finalement renforcé les discriminations à leur égard.
Y-a-t-il des pressions de la part des Etats-Unis notamment, surtout après le Printemps arabe?
Dur de savoir s'il y a eu des pressions directes. Mais les Saoudiens ont compris depuis longtemps qu'ils avaient intérêt à soigner leur image à l'étranger et ils savent qu'en Occident la question des femmes revêt une importance particulière.
Pour les Occidentaux, cette décision d'accorder le droit de vote aux femmes vaut quasiment autant, par le symbole, que si le roi avait déclaré que les membres du Majlis al-Choura seraient désormais élus au suffrage universel. Alors qu'en termes politiques, il serait beaucoup plus coûteux pour Abdallah d'avoir une assemblée élue avec de vraies prérogatives que d'avoir des femmes siégeant dans des parlements sans pouvoir.
Pourquoi donner le droit de vote aux femmes maintenant?
Cela s'inscrit dans un projet de réformes sociétales à doses homéopathiques que porte le roi Abdallah depuis son arrivée au pouvoir. C'était lui qui avait déjà fait nommer il y a deux ans une femme au poste de vice-ministre à l'Education. Je ne suis pas sûr que cela soit si lié que ça à la conjoncture, c'était quelque chose qui était plutôt attendu. Maintenant tout le monde se demande si cela va être suivi de l'autorisation de conduire, puisque de toute façon, comme le disait ce matin une activiste saoudienne: «c'est bien beau que les femmes puissent siéger au Parlement, mais comment vont-elles s'y rendre?».
La contrepartie de ces réformes sociétales est que le projet d'Abdallah n'est pas un projet de réforme politique. Ce sont des décisions symboliques qui permettent d'améliorer la place de la femme ou des minorités religieuses, mais à aucun moment on ne touche aux équilibres de pouvoir en Arabie Saoudite. Le Majlis al-Choura ou les conseils municipaux pour lesquels on va voter dans quelques jours n'ont pas de réel pouvoir. L'essentiel de celui-ci reste concentré dans les mains de la famille royale.
Quels sont les principaux interdits que subissent encore les femmes?
C'est l'interdiction de la mixité. On a une société qui fonctionne sur un principe de ségrégation qui doit s'appliquer partout où il est possible de l'appliquer.
Quand le roi Abdallah a annoncé hier que des femmes pourraient siéger au Majlis al-Choura, il a dit que cela devait être selon les normes de la charia. Cela veut dire qu'elles ne vont probablement pas siéger dans les mêmes salles que les hommes. On va construire une salle à côté, on va y mettre les femmes, elles discuteront avec les hommes par téléconférence et on ne verra pas les visages. Il ne faut pas du tout s'attendre à des assemblées mixtes demain.
Peut-on y voir une conséquence directe des mouvements de protestation des femmes, avec notamment Manal al-Chérif qui s'est battue pour le droit de conduire?
Un petit peu, mais pas beaucoup. Le pouvoir saoudien est tout de même sorti du Printemps arabe très largement indemne. Il considère même qu'il est plutôt en position de force par rapport à sa société, il y a eu des appels à manifester qui n'ont pas du tout été suivis.
C'est vrai que ces questions ont été mises sur l'agenda par Manal al-Chérif, mais ce n'est pas la première fois qu'on avait ce genre de demande. On peut imaginer que le roi Abdallah a voulu faire un geste mais pour moi cela s'inscrit vraiment dans le projet global de ses réformes sociétales. Ce n'est pas une vraie rupture.
Que pensent les hommes saoudiens de ce droit de vote pour les femmes?
Difficile à dire. Sur la question du droit des femmes à conduire, il y a eu plusieurs sondages, pas du tout fiables à cause de la méthodologie, et c'était généralement autour de 50/50, pour et contre. La société est divisée sur ces questions mais pour Abdallah c'est moins coûteux politiquement de le faire maintenant simplement car l'Arabie d'aujourd'hui n'est plus celle d'il y a vingt ans. Même si les conservateurs aujourd'hui sont contre, ils ne vont pas descendre dans la rue comme il l'avait fait en 1965 quand le roi Fayçal avait autorisé la télévision. Même eux ne peuvent plus vivre dans une bulle. Tant que le principe de la ségrégation des sexes selon ce qu'ils considèrent être les normes de la charia reste appliqué, les conservateurs peuvent accepter que les femmes siègent dans les assemblées.
Quelles seront les prochaines réformes?
Il y a eu aussi au début de son règne des avancées sur la question des droits des minorités religieuses, pour les chiites (à peu près 10% de la population) en particulier. Mais le problème est que, avec la montée en puissance de l'Iran et de ses ambitions régionales, il y a eu un fort parasitage géopolitique, et les chiites saoudiens sont désormais presque vus comme une menace intérieure, une cinquième colonne. Loin de l'amélioration des premiers temps, cela a finalement renforcé les discriminations à leur égard.
Y-a-t-il des pressions de la part des Etats-Unis notamment, surtout après le Printemps arabe?
Dur de savoir s'il y a eu des pressions directes. Mais les Saoudiens ont compris depuis longtemps qu'ils avaient intérêt à soigner leur image à l'étranger et ils savent qu'en Occident la question des femmes revêt une importance particulière.
Pour les Occidentaux, cette décision d'accorder le droit de vote aux femmes vaut quasiment autant, par le symbole, que si le roi avait déclaré que les membres du Majlis al-Choura seraient désormais élus au suffrage universel. Alors qu'en termes politiques, il serait beaucoup plus coûteux pour Abdallah d'avoir une assemblée élue avec de vraies prérogatives que d'avoir des femmes siégeant dans des parlements sans pouvoir.