» Au Sénégal, j’étais électricien à mon compte, mais c’était vraiment difficile de trouver un boulot dans le pays, je n’arrivais pas à nourrir ma famille. J’ai sept enfants et je vis avec mes frères et sœurs. Dès que j’arrivais à avoir un job journalier, je pouvais gagner 5 000 francs CFA [7euros]. Mais ce n’était pas tous les jours.
Un jour, j’ai rencontré un rabatteur qui travaillait pour la société Saudi Oger et qui proposait des visas pour l’Arabie Saoudite. Il m’a expliqué les conditions et ça m’a paru très intéressant : j’allais être nourri, logé et on m’offrirait un travail sur un chantier. Je n’arrivais plus à joindre les deux bouts dans mon pays, j’ai donc accepté de partir avec un ami. Nous avons payé 1 million de francs CFA chacun pour obtenir notre visa [2000 euros]. C’est une somme importante, mais les garanties nous semblaient vraiment intéressantes. C’est seulement une fois sur place que nous avons compris que l’Arabie Saoudite est loin d’être un eldorado.
Pour beaucoup, nous sommes venus ici pour pouvoir gagner de l’argent et l’envoyer à nos familles au pays. Normalement, j’envoie de l’équivalent d’un salaire, environ 3 mille rials saoudiens [environ 700 euros], à ma famille tous les deux mois. En ce moment, c’est impossible… Il y a beaucoup d’étrangers ici : certains viennent du Sénégal, d’autres des Philippines, de France, du Liban…Un ami sur le chantier m’a raconté que ses enfants l’appellent tous les jours pour lui demander l’argent. Ils risquent d’abandonner l’école s’ils ne reçoivent rien.
Ce désespoir en pousse même certains à se donner la mort. Un travailleur philippin s’est pendu dans un atelier la semaine dernière. Faute d’argent, sa femme malade n’avait plus de quoi se payer ses médicaments… L’idée de ne pas réussir à aider sa famille a dû le pousser à en arriver là…Un drame similaire avait déjà eu lieu au début du mois de février sur mon chantier et nous avons peur que cela devienne de plus en plus fréquent : les travailleurs sont très déprimés.
« Je suis trimballé de chantier en chantier, sans avoir le choix »
En plus de ne pas être payés, on est exploités et on vit dans de mauvaises conditions. Tous les jours, je me lève à 4 heures du matin pour aller au chantier et je rentre seulement vers 19h le soir. Pour gagner un peu plus d’argent, on nous propose de travailler en soirée, mais au final, on voit rarement la différence sur nos fiches de paie.
En plus, on fait de toi ce que l’on veut. Moi, on m’a d’abord mis sur un chantier de construction d’un « centre d’archive « à Damman, puis on m’a envoyé à Ryad pour autre chose pendant quelques mois et après je suis revenu à Damman. Je n’ai pas vraiment eu le choix, je suis trimballé de chantier en chantier.Pareil pour nos logements, c’est une catastrophe. Nous dormons dans des préfabriqués. Dans ma chambre nous sommes deux, mais un de mes amis est dans une chambre de 5 personnes ! C’est minuscule et surtout on a toujours peur de se faire voler quelque chose.
« Je ne peux pas repartir, je n’ai pas assez d’argent, et certains n’ont même plus de papiers »
Nous voulons quasiment tous rentrer chez nous. Mais c’est impossible : sans salaire, nous ne pouvons pas prendre de billet retour. Pour ma part, je ne peux pas rentrer au Sénégal, j’essaie de repartir depuis 2 mois mais je n’ai pas assez d’argent pour le billet d’avion. En novembre, des manifestations avaient déjà eu lieu à Damman pour demander le versement des salaires. Pour d’autres, la situation est encore plus compliquée : sur nos contrats, il est indiqué que l’entreprise nous prend totalement en charge. C’est donc elle qui s’occupe de tous nos documents administratifs. Or, plusieurs travailleurs ont des cartes d’identité expirées et la société ne les a jamais fait renouveler. Donc beaucoup de gens ici sont maintenant sans papiers, ce qui les empêche de quitter le territoire. Je ne sais pas si l’entreprise fait ça exprès pour nous garder, mais cela nous donne l’impression d’être pris au piège « .
Les Sénégalais ne sont pas les seuls touchés cette entreprise de BTP menacée de faillite et dirigée par le président du Conseil des ministres libanais Saad Hariri. Une centaine de français sont également employés par cette société en Arabie saoudite. Le mois dernier, l’ambassade de France avait été obligée d’intervenir, en écrivant au PDG de l’entreprise. Deux jours après, le conseil d’administration de l’entreprise avait débloqué une partie des salaires et aurait affirmé, selon une promesse non écrite, que les employés seraient payés régulièrement dès le mois de mars.
avec France 24
Un jour, j’ai rencontré un rabatteur qui travaillait pour la société Saudi Oger et qui proposait des visas pour l’Arabie Saoudite. Il m’a expliqué les conditions et ça m’a paru très intéressant : j’allais être nourri, logé et on m’offrirait un travail sur un chantier. Je n’arrivais plus à joindre les deux bouts dans mon pays, j’ai donc accepté de partir avec un ami. Nous avons payé 1 million de francs CFA chacun pour obtenir notre visa [2000 euros]. C’est une somme importante, mais les garanties nous semblaient vraiment intéressantes. C’est seulement une fois sur place que nous avons compris que l’Arabie Saoudite est loin d’être un eldorado.
Pour beaucoup, nous sommes venus ici pour pouvoir gagner de l’argent et l’envoyer à nos familles au pays. Normalement, j’envoie de l’équivalent d’un salaire, environ 3 mille rials saoudiens [environ 700 euros], à ma famille tous les deux mois. En ce moment, c’est impossible… Il y a beaucoup d’étrangers ici : certains viennent du Sénégal, d’autres des Philippines, de France, du Liban…Un ami sur le chantier m’a raconté que ses enfants l’appellent tous les jours pour lui demander l’argent. Ils risquent d’abandonner l’école s’ils ne reçoivent rien.
Ce désespoir en pousse même certains à se donner la mort. Un travailleur philippin s’est pendu dans un atelier la semaine dernière. Faute d’argent, sa femme malade n’avait plus de quoi se payer ses médicaments… L’idée de ne pas réussir à aider sa famille a dû le pousser à en arriver là…Un drame similaire avait déjà eu lieu au début du mois de février sur mon chantier et nous avons peur que cela devienne de plus en plus fréquent : les travailleurs sont très déprimés.
« Je suis trimballé de chantier en chantier, sans avoir le choix »
En plus de ne pas être payés, on est exploités et on vit dans de mauvaises conditions. Tous les jours, je me lève à 4 heures du matin pour aller au chantier et je rentre seulement vers 19h le soir. Pour gagner un peu plus d’argent, on nous propose de travailler en soirée, mais au final, on voit rarement la différence sur nos fiches de paie.
En plus, on fait de toi ce que l’on veut. Moi, on m’a d’abord mis sur un chantier de construction d’un « centre d’archive « à Damman, puis on m’a envoyé à Ryad pour autre chose pendant quelques mois et après je suis revenu à Damman. Je n’ai pas vraiment eu le choix, je suis trimballé de chantier en chantier.Pareil pour nos logements, c’est une catastrophe. Nous dormons dans des préfabriqués. Dans ma chambre nous sommes deux, mais un de mes amis est dans une chambre de 5 personnes ! C’est minuscule et surtout on a toujours peur de se faire voler quelque chose.
« Je ne peux pas repartir, je n’ai pas assez d’argent, et certains n’ont même plus de papiers »
Nous voulons quasiment tous rentrer chez nous. Mais c’est impossible : sans salaire, nous ne pouvons pas prendre de billet retour. Pour ma part, je ne peux pas rentrer au Sénégal, j’essaie de repartir depuis 2 mois mais je n’ai pas assez d’argent pour le billet d’avion. En novembre, des manifestations avaient déjà eu lieu à Damman pour demander le versement des salaires. Pour d’autres, la situation est encore plus compliquée : sur nos contrats, il est indiqué que l’entreprise nous prend totalement en charge. C’est donc elle qui s’occupe de tous nos documents administratifs. Or, plusieurs travailleurs ont des cartes d’identité expirées et la société ne les a jamais fait renouveler. Donc beaucoup de gens ici sont maintenant sans papiers, ce qui les empêche de quitter le territoire. Je ne sais pas si l’entreprise fait ça exprès pour nous garder, mais cela nous donne l’impression d’être pris au piège « .
Les Sénégalais ne sont pas les seuls touchés cette entreprise de BTP menacée de faillite et dirigée par le président du Conseil des ministres libanais Saad Hariri. Une centaine de français sont également employés par cette société en Arabie saoudite. Le mois dernier, l’ambassade de France avait été obligée d’intervenir, en écrivant au PDG de l’entreprise. Deux jours après, le conseil d’administration de l’entreprise avait débloqué une partie des salaires et aurait affirmé, selon une promesse non écrite, que les employés seraient payés régulièrement dès le mois de mars.
avec France 24