Envoyé spécial à Riyad
Khaled Abdel Karim Al-Labbad était recherché par les autorités saoudiennes. Il a été tué mercredi dans la petite ville d'Awamiya, près de Qatif. Selon un porte-parole du ministère de l'Intérieur, l'activiste a été abattu «ainsi qu'un autre homme qui l'accompagnait.» Labbad figurait sur une liste de 23 personnes recherchées pour leur implication dans des troubles dans l'est du royaume. Sept ont déjà été arrêtés et quatre se sont livrés aux autorités qui les ont libérés.
La dernière série de manifestations dans la province orientale avait commencé en mars 2011, et fait dix morts. Les chiites se disent discriminés par la monarchie, fondée sur la doctrine wahhabite, une forme rigoriste du sunnisme. L'État saoudien nie, et accuse les chiites d'être «des agents de l'étranger» sous-entendu de l'Iran voisin, dirigée par un clergé chiite.
Velléités séparatistes
Certains militants chiites saoudiens n'y vont pas de main morte dans leurs déclarations. Le plus virulent, le cheikh Nimr al-Nimr, s'est réjoui publiquement en juin de la mort du prince héritier Nayef. «Il sera mangé par les vers et souffrira dans sa tombe», a-t-il clamé à la télévision. Il a été arrêté en juillet après avoir été blessé à la jambe dans un échange de tirs avec la police. Le cheikh est toujours en prison et observerait une grève de la faim. Nimr al-Nimr a souvent qualifié le gouvernement saoudien de «réactionnaire.» Il demande des élections et la création d'un «Conseil des savants religieux», formule qui rappelle le modèle iranien. Nimr al-Nimr se défend toutefois de toute alliance avec l'Iran, qui selon lui «agit selon ses intérêts, non par solidarité religieuse.»
Le cheikh a même joué à l'occasion avec le séparatisme, envisageant «une intervention étrangère en cas de conflit interne en Arabie.» L'implication de l'armée saoudienne au Bahreïn voisin, où elle protège une monarchie sunnite contre une révolte de la population, en majorité chiite, augmente les craintes de troubles dans l'est saoudien. Mais le danger doit être relativisé, selon la plupart des observateurs. Les militants violents viennent souvent d'Awamiya, bastion d'irréductibles qui n'ont jamais reconnu l'autorité des souverains saoudiens, lesquels délaissent la petite cité, vouée au délaissement et au chômage.
Dans le reste de la région, les militants et leaders religieux se montrent plus conciliants que le cheikh incendiaire. Le 20 août, sept principaux dignitaires chiites de Qatif ont annoncé accueillir favorablement l'appel du roi Abdallah à la création d'un centre de dialogue interconfessionnel entre sunnites et chiites. Le roi a multiplié récemment les ouvertures vers la communauté: nomination de chiites au Conseil législatif non élu, autorisation de célébrer la fête de l'Achoura, etc. Le roi Abdallah s'apprêterait à nommer pour la première fois des ambassadeurs chiites à l'étranger.
En outre, les chiite saoudiens savent qu'ils ont plus à perdre qu'à gagner en s'élevant contre le pouvoir, encore plus que le reste de leurs compatriotes. A l'est, presque tout le monde travaille pour Aramco, la compagnie pétrolière nationale. Un État-providence dans l'État, qui nourrit des centaines de milliers de personnes et apaise bien des velléités de révolte.
Par Pierre Prier
Khaled Abdel Karim Al-Labbad était recherché par les autorités saoudiennes. Il a été tué mercredi dans la petite ville d'Awamiya, près de Qatif. Selon un porte-parole du ministère de l'Intérieur, l'activiste a été abattu «ainsi qu'un autre homme qui l'accompagnait.» Labbad figurait sur une liste de 23 personnes recherchées pour leur implication dans des troubles dans l'est du royaume. Sept ont déjà été arrêtés et quatre se sont livrés aux autorités qui les ont libérés.
La dernière série de manifestations dans la province orientale avait commencé en mars 2011, et fait dix morts. Les chiites se disent discriminés par la monarchie, fondée sur la doctrine wahhabite, une forme rigoriste du sunnisme. L'État saoudien nie, et accuse les chiites d'être «des agents de l'étranger» sous-entendu de l'Iran voisin, dirigée par un clergé chiite.
Velléités séparatistes
Certains militants chiites saoudiens n'y vont pas de main morte dans leurs déclarations. Le plus virulent, le cheikh Nimr al-Nimr, s'est réjoui publiquement en juin de la mort du prince héritier Nayef. «Il sera mangé par les vers et souffrira dans sa tombe», a-t-il clamé à la télévision. Il a été arrêté en juillet après avoir été blessé à la jambe dans un échange de tirs avec la police. Le cheikh est toujours en prison et observerait une grève de la faim. Nimr al-Nimr a souvent qualifié le gouvernement saoudien de «réactionnaire.» Il demande des élections et la création d'un «Conseil des savants religieux», formule qui rappelle le modèle iranien. Nimr al-Nimr se défend toutefois de toute alliance avec l'Iran, qui selon lui «agit selon ses intérêts, non par solidarité religieuse.»
Le cheikh a même joué à l'occasion avec le séparatisme, envisageant «une intervention étrangère en cas de conflit interne en Arabie.» L'implication de l'armée saoudienne au Bahreïn voisin, où elle protège une monarchie sunnite contre une révolte de la population, en majorité chiite, augmente les craintes de troubles dans l'est saoudien. Mais le danger doit être relativisé, selon la plupart des observateurs. Les militants violents viennent souvent d'Awamiya, bastion d'irréductibles qui n'ont jamais reconnu l'autorité des souverains saoudiens, lesquels délaissent la petite cité, vouée au délaissement et au chômage.
Dans le reste de la région, les militants et leaders religieux se montrent plus conciliants que le cheikh incendiaire. Le 20 août, sept principaux dignitaires chiites de Qatif ont annoncé accueillir favorablement l'appel du roi Abdallah à la création d'un centre de dialogue interconfessionnel entre sunnites et chiites. Le roi a multiplié récemment les ouvertures vers la communauté: nomination de chiites au Conseil législatif non élu, autorisation de célébrer la fête de l'Achoura, etc. Le roi Abdallah s'apprêterait à nommer pour la première fois des ambassadeurs chiites à l'étranger.
En outre, les chiite saoudiens savent qu'ils ont plus à perdre qu'à gagner en s'élevant contre le pouvoir, encore plus que le reste de leurs compatriotes. A l'est, presque tout le monde travaille pour Aramco, la compagnie pétrolière nationale. Un État-providence dans l'État, qui nourrit des centaines de milliers de personnes et apaise bien des velléités de révolte.
Par Pierre Prier