Dans un entretien exclusif au Figaro, Mme Arafat se demande pourquoi des prélèvements de sang et d'urine ont été détruits à l'hôpital militaire Percy, où est décédé Yasser Arafat en 2004.
LE FIGARO.- Pourquoi avoir attendu presque huit ans pour porter plainte?
SOUHA ARAFAT. - Pour plusieurs raisons. Ma fille Zawha, qui a 17 ans, veut savoir de quoi est mort son père. D'autre part, d'un point de vue judiciaire, nous avions le temps, puisque la loi nous donne un délai de dix ans pour engager une telle action. Enfin, et c'est l'élément clé, l'enquête d'Al Jazeera, qui a révélé des doses anormalement élevées de polonium sur les vêtements d'Arafat, m'a incité à chercher toute la vérité sur la mort de mon mari. L'auteur de l'enquête, le journaliste américain Clayton Swisher, m'a approchée fin 2011, et m'a demandé le rapport médical. J'ai eu confiance, c'est un journaliste sérieux qui a passé neuf mois à enquêter. Je lui ai également confié le pyjama, deux bonnets, la veste et les sous-vêtements qu'Arafat portait juste avant sa mort. Ils étaient rangés dans une boîte que je n'avais jamais ouverte. C'était quelque chose d'intouchable pour moi.
Quelle était votre intime conviction à la mort d'Arafat?
Je répétais toujours qu'Arafat était mort avec ses secrets. Je ne voulais même pas songer à un éventuel empoisonnement. C'était dangereux de l'affirmer sans preuve. Mais en même temps, les gens ne cessaient de m'interpeller dans la rue, en me disant: mais comment la veuve de Yasser Arafat peut-elle laisser sa mort entourée d'autant de zones d'ombre. Puis au printemps, alors que son enquête avait bien avancé, Swisher est revenu me voir, en me disant qu'il avait des doutes, et après les conclusions du laboratoire suisse sur le polonium, je suis passée à l'action.
Comment?
J'ai écrit une lettre à l'hôpital Percy, réclamant d'avoir accès aux prélèvements de sang et d'urine effectués sur mon mari, afin de procéder à de nouvelles analyses. J'ai reçu une réponse disant que les prélèvements d'urine et de sang avaient été détruits, il y a quatre ans. Cela m'intrigue. Pourquoi a-t-on détruit une partie du dossier médical, alors que tout justiciable peut saisir la justice dix ans après la mort d'un proche? En plus, Arafat était un chef d'État, ce n'était pas n'importe quel patient. Je veux savoir si on peut détruire comme cela des analyses de sang et des prélèvements d'urine. C'est la raison pour laquelle, dans la plainte, j'ai demandé la déclassification du rapport médical. Il y en a certainement un exemplaire complet dans des archives quelque part en France.
À sa mort, qui d'autre que vous a eu le dossier médical, et celui-ci était-il complet?
Percy en a remis un second exemplaire au neveu d'Arafat, Nasser al-Qidwa, qui a été nommé ensuite ministre de l'Autorité palestinienne. Sur le coup, j'ai eu le sentiment qu'on m'avait donné tout le dossier médical. Je ne doutais pas que les Français m'avaient transmis toutes les analyses et tous les prélèvements, effectués pendant les dix-sept jours d'hospitalisation d'Arafat. Les Français ont tout fait pour le sauver. À l'époque, le président de la République, Jacques Chirac, m'appelait chaque jour sur mon portable pour avoir des nouvelles. Les trois premiers jours, je lui passais Arafat ; ensuite, il est tombé dans le coma, mais le président Chirac continuait de m'appeler. Il avait une relation particulière avec Yasser Arafat.
Que vous ont dit les Français sur la cause de sa mort?
On m'a dit qu'on ne savait pas de quoi est mort Arafat. C'est surprenant qu'un pays souverain comme la France ignore la cause du décès d'un chef d'État, soigné dans un de ses hôpitaux.
Pourquoi n'avez-vous pas demandé d'autopsie?
Il y eut d'abord le choc de la disparition. J'avais confiance dans la médecine française pour qu'elle me dise toute la vérité. D'autre part, son corps a été rapatrié immédiatement après, à Ramallah au siège de l'Autorité palestinienne. Tout est allé très vite. Les polémiques, également, commençaient. Je ne voulais pas en ajouter une autre. Mais contrairement à ce qui a, parfois, été écrit, je n'ai pas refusé une autopsie sur mon mari.
Êtes-vous soutenu aujourd'hui par l'Autorité palestinienne?
Oui, le président Mahmoud Abbas a déclaré qu'il était prêt à faire exhumer le corps de Yasser Arafat et à aller jusqu'au bout. Une réunion des ministres des Affaires étrangères arabes est prévue en septembre sur cette question. Je souhaite que les instances internationales, en particulier l'ONU, me soutiennent dans cette recherche de la vérité.
Avez-vous la certitude que le corps sera exhumé?
Ce sera au juge d'instruction d'ordonner l'exhumation, mais l'Autorité palestinienne peut le faire, également. Je souhaiterais que ce soit la justice. Mon mari est mort d'une manière bizarre. Il y a moins qu'un doute raisonnable qu'il ait été empoisonné. Mais comprenez-moi bien: ma démarche est personnelle et relève de l'intimité familiale. C'est mon devoir de mère et d'épouse que de rechercher la vérité, hors de tout contexte politique. Ma fille a le droit de savoir. Son peuple aussi. J'ai bon espoir de connaître enfin la vérité. J'ai confiance dans la justice française.
LIRE AUSSI:
» Arafat: la théorie de l'empoisonnement réapparaît
» La polémique sur le décès de Yasser Arafat divise la famille
Par Georges Malbrunot
LE FIGARO.- Pourquoi avoir attendu presque huit ans pour porter plainte?
SOUHA ARAFAT. - Pour plusieurs raisons. Ma fille Zawha, qui a 17 ans, veut savoir de quoi est mort son père. D'autre part, d'un point de vue judiciaire, nous avions le temps, puisque la loi nous donne un délai de dix ans pour engager une telle action. Enfin, et c'est l'élément clé, l'enquête d'Al Jazeera, qui a révélé des doses anormalement élevées de polonium sur les vêtements d'Arafat, m'a incité à chercher toute la vérité sur la mort de mon mari. L'auteur de l'enquête, le journaliste américain Clayton Swisher, m'a approchée fin 2011, et m'a demandé le rapport médical. J'ai eu confiance, c'est un journaliste sérieux qui a passé neuf mois à enquêter. Je lui ai également confié le pyjama, deux bonnets, la veste et les sous-vêtements qu'Arafat portait juste avant sa mort. Ils étaient rangés dans une boîte que je n'avais jamais ouverte. C'était quelque chose d'intouchable pour moi.
Quelle était votre intime conviction à la mort d'Arafat?
Je répétais toujours qu'Arafat était mort avec ses secrets. Je ne voulais même pas songer à un éventuel empoisonnement. C'était dangereux de l'affirmer sans preuve. Mais en même temps, les gens ne cessaient de m'interpeller dans la rue, en me disant: mais comment la veuve de Yasser Arafat peut-elle laisser sa mort entourée d'autant de zones d'ombre. Puis au printemps, alors que son enquête avait bien avancé, Swisher est revenu me voir, en me disant qu'il avait des doutes, et après les conclusions du laboratoire suisse sur le polonium, je suis passée à l'action.
Comment?
J'ai écrit une lettre à l'hôpital Percy, réclamant d'avoir accès aux prélèvements de sang et d'urine effectués sur mon mari, afin de procéder à de nouvelles analyses. J'ai reçu une réponse disant que les prélèvements d'urine et de sang avaient été détruits, il y a quatre ans. Cela m'intrigue. Pourquoi a-t-on détruit une partie du dossier médical, alors que tout justiciable peut saisir la justice dix ans après la mort d'un proche? En plus, Arafat était un chef d'État, ce n'était pas n'importe quel patient. Je veux savoir si on peut détruire comme cela des analyses de sang et des prélèvements d'urine. C'est la raison pour laquelle, dans la plainte, j'ai demandé la déclassification du rapport médical. Il y en a certainement un exemplaire complet dans des archives quelque part en France.
À sa mort, qui d'autre que vous a eu le dossier médical, et celui-ci était-il complet?
Percy en a remis un second exemplaire au neveu d'Arafat, Nasser al-Qidwa, qui a été nommé ensuite ministre de l'Autorité palestinienne. Sur le coup, j'ai eu le sentiment qu'on m'avait donné tout le dossier médical. Je ne doutais pas que les Français m'avaient transmis toutes les analyses et tous les prélèvements, effectués pendant les dix-sept jours d'hospitalisation d'Arafat. Les Français ont tout fait pour le sauver. À l'époque, le président de la République, Jacques Chirac, m'appelait chaque jour sur mon portable pour avoir des nouvelles. Les trois premiers jours, je lui passais Arafat ; ensuite, il est tombé dans le coma, mais le président Chirac continuait de m'appeler. Il avait une relation particulière avec Yasser Arafat.
Que vous ont dit les Français sur la cause de sa mort?
On m'a dit qu'on ne savait pas de quoi est mort Arafat. C'est surprenant qu'un pays souverain comme la France ignore la cause du décès d'un chef d'État, soigné dans un de ses hôpitaux.
Pourquoi n'avez-vous pas demandé d'autopsie?
Il y eut d'abord le choc de la disparition. J'avais confiance dans la médecine française pour qu'elle me dise toute la vérité. D'autre part, son corps a été rapatrié immédiatement après, à Ramallah au siège de l'Autorité palestinienne. Tout est allé très vite. Les polémiques, également, commençaient. Je ne voulais pas en ajouter une autre. Mais contrairement à ce qui a, parfois, été écrit, je n'ai pas refusé une autopsie sur mon mari.
Êtes-vous soutenu aujourd'hui par l'Autorité palestinienne?
Oui, le président Mahmoud Abbas a déclaré qu'il était prêt à faire exhumer le corps de Yasser Arafat et à aller jusqu'au bout. Une réunion des ministres des Affaires étrangères arabes est prévue en septembre sur cette question. Je souhaite que les instances internationales, en particulier l'ONU, me soutiennent dans cette recherche de la vérité.
Avez-vous la certitude que le corps sera exhumé?
Ce sera au juge d'instruction d'ordonner l'exhumation, mais l'Autorité palestinienne peut le faire, également. Je souhaiterais que ce soit la justice. Mon mari est mort d'une manière bizarre. Il y a moins qu'un doute raisonnable qu'il ait été empoisonné. Mais comprenez-moi bien: ma démarche est personnelle et relève de l'intimité familiale. C'est mon devoir de mère et d'épouse que de rechercher la vérité, hors de tout contexte politique. Ma fille a le droit de savoir. Son peuple aussi. J'ai bon espoir de connaître enfin la vérité. J'ai confiance dans la justice française.
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Par Georges Malbrunot