«La révolution en Syrie, c'est nous…» Attablé dans un café parisien, Fahad est l'un des principaux fondateurs des comités de coordination de Damas, de ceux qui ont commencé à manifester au péril de leur vie en mars 2011. Leur parole est rare. «C'est très difficile pour nous de nous exprimer à l'extérieur, à cause de la répression.» Ce jeune homme à la voix posée, au discours politique élaboré, a du mal à s'habituer à une vie entre parenthèses. Arrivé en France à l'invitation du gouvernement français, il attend un statut de réfugié politique, mais se sent toujours à Damas.
Il y a encore un mois et demi, il était enfermé dans une cellule de 100 m2 avec 360 autres prisonniers, «tellement serrés qu'on était obligés de prendre des tours pour se coucher.» Arrêté en avril, Fahad a été libéré début juillet. Il doit cacher son vrai nom pour ne pas mettre en danger sa famille restée en Syrie.
Son histoire a commencé bien avant la révolution. «En 2006, nous avons organisé à Damas la première manifestation où l'on a crié “vive la démocratie, à bas le régime.” Elle a duré quinze minutes…» Fahad était alors dans la mouvance du Forum Atassi, l'un de ces «salons politiques» que Bachar el-Assad avait autorisés en 2000 et dont il venait de décider la suppression définitive. Début 2011, les révolutions de Tunisie et d'Égypte ont donné «un espoir extraordinaire» aux jeunes Syriens. «On a alors créé plus de douze pages Facebook, chacune avec un thème: contre l'état d'urgence, pour la liberté de la presse, etc.»
Des ruses sur Facebook
Puis les militants ont appelé à manifester en rusant: «Sur une page Facebook, on donnait un faux rendez-vous. La manif démarrait en fait une heure plus tôt, à un endroit révélé par le bouche-à-oreille.»
Les manifestations ont débouché sur la création de comités de coordination locaux. Leurs directions ont été décimées par deux grandes vagues d'arrestation, en juillet 2011 et en avril 2012. Fahad a fait partie des deux. Aujourd'hui, les «anciens» comme lui essaient de créer «une structure à l'extérieur» pour diffuser leur futur projet politique laïque, débarrassé des interférences du Qatar et de l'Arabie saoudite, dont Fahad dénonce l'influence.
Fahad reconnaît pourtant qu'en signant les accords du Caire, «l'opposition de l'extérieur a pour la première fois travaillé de façon correcte», mais pour s'étonner aussitôt de la «schizophrénie» de ses représentants, «qui ne font pas confiance à l'opposition de l'intérieur». Ces derniers, assure-t-il, sont en train d'organiser sur place l'après-Assad: «Des comités de réconciliation sont mis en place pour éviter les vengeances entre communautés. Et, dans l'appareil d'État, de nombreux fonctionnaires sont déjà acquis à notre cause.»
Pour preuve, raconte-t-il, les examens du bac ont été corrigés, même dans certaines zones tenues par la rébellion. L'ASL transmettait les copies via l'armée gouvernementale…
Par Pierre Prier
Il y a encore un mois et demi, il était enfermé dans une cellule de 100 m2 avec 360 autres prisonniers, «tellement serrés qu'on était obligés de prendre des tours pour se coucher.» Arrêté en avril, Fahad a été libéré début juillet. Il doit cacher son vrai nom pour ne pas mettre en danger sa famille restée en Syrie.
Son histoire a commencé bien avant la révolution. «En 2006, nous avons organisé à Damas la première manifestation où l'on a crié “vive la démocratie, à bas le régime.” Elle a duré quinze minutes…» Fahad était alors dans la mouvance du Forum Atassi, l'un de ces «salons politiques» que Bachar el-Assad avait autorisés en 2000 et dont il venait de décider la suppression définitive. Début 2011, les révolutions de Tunisie et d'Égypte ont donné «un espoir extraordinaire» aux jeunes Syriens. «On a alors créé plus de douze pages Facebook, chacune avec un thème: contre l'état d'urgence, pour la liberté de la presse, etc.»
Des ruses sur Facebook
Puis les militants ont appelé à manifester en rusant: «Sur une page Facebook, on donnait un faux rendez-vous. La manif démarrait en fait une heure plus tôt, à un endroit révélé par le bouche-à-oreille.»
Les manifestations ont débouché sur la création de comités de coordination locaux. Leurs directions ont été décimées par deux grandes vagues d'arrestation, en juillet 2011 et en avril 2012. Fahad a fait partie des deux. Aujourd'hui, les «anciens» comme lui essaient de créer «une structure à l'extérieur» pour diffuser leur futur projet politique laïque, débarrassé des interférences du Qatar et de l'Arabie saoudite, dont Fahad dénonce l'influence.
Fahad reconnaît pourtant qu'en signant les accords du Caire, «l'opposition de l'extérieur a pour la première fois travaillé de façon correcte», mais pour s'étonner aussitôt de la «schizophrénie» de ses représentants, «qui ne font pas confiance à l'opposition de l'intérieur». Ces derniers, assure-t-il, sont en train d'organiser sur place l'après-Assad: «Des comités de réconciliation sont mis en place pour éviter les vengeances entre communautés. Et, dans l'appareil d'État, de nombreux fonctionnaires sont déjà acquis à notre cause.»
Pour preuve, raconte-t-il, les examens du bac ont été corrigés, même dans certaines zones tenues par la rébellion. L'ASL transmettait les copies via l'armée gouvernementale…
Par Pierre Prier