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Artiste multifacettes: Soukeina Khalil, une expression en chœurs

Rédigé par leral.net le Dimanche 16 Avril 2023 à 16:10 | | 0 commentaire(s)|

La Galerie du Fleuve de l’Institut français du Sénégal à Saint-Louis est un lieu d’art qui attire du beau monde depuis le 8 mars dernier. Jusqu’au 27 avril 2023, une trentaine d’œuvres de l’artiste Soukeina Khalil est mise en lumière dans le cadre de l’exposition intitulée « La parole en chœurs ». Par Mbagnick Kharachi […]

La Galerie du Fleuve de l’Institut français du Sénégal à Saint-Louis est un lieu d’art qui attire du beau monde depuis le 8 mars dernier. Jusqu’au 27 avril 2023, une trentaine d’œuvres de l’artiste Soukeina Khalil est mise en lumière dans le cadre de l’exposition intitulée « La parole en chœurs ».

Par Mbagnick Kharachi DIAGNE (Correspondant)

SAINT-LOUIS – Soukeina Khalil est une artiste multifacette. Cette plasticienne, céramiste, qui continue d’impressionner et de séduire ses admirateurs marocains, sénégalais et plusieurs autres férus de l’art, a eu le privilège d’évoluer d’abord, dès sa tendre enfance, dans le foyer familial où on s’adonnait à la musique. « Le chant procure un sentiment de bonheur sans pareil, c’est ce bonheur de la voix et de la musique que j’ai retrouvé plus tard dans la peinture », confie l’artiste.

Elle en profite pour rendre hommage à son professeur de « oud » (instrument de musique à cordes), le Dr Moncef Ghattas. « La musique gnaoua permet l’entrée dans le monde invisible, la spiritualité, le voyage dans la mémoire à travers les couleurs », explique Soukeina Khalil.

Elle a eu aussi la chance de rencontrer au Maroc le grand pianiste Khabane Thiam, qui deviendra plus tard son époux. « Lorsque je suis arrivée à Saint-Louis, en 1994, je me suis retrouvée dans une autre ambiance musicale où j’éprouvais du plaisir à communiquer, à vivre et collaborer étroitement avec Khabane, qui était aussi un grand plasticien ».

Parlant de feu Khabane Thiam, Soukeina nous fait savoir qu’il était musicologue, professeur d’harmonie à l’Ugb et au Conservatoire de Dakar pendant une période. « Il était aussi créateur du festival de jazz de Saint-Louis ».

Juste à l’entrée de la galerie du fleuve de l’Institut français, le visiteur peut découvrir, à sa droite, une belle présentation de l’artiste faite par Christine Tesson, ressortissante française, Professeur de littérature et de cinéma. Elle nous rafraichit la mémoire en ces termes : « Lors de ses études aux Beaux-Arts, Soukeina a donné consistance au souffle, à la respiration ». Un vocabulaire qui transparaît dans son expression artistique. Elle est visible au détour de l’exposition titrée « La parole des chœurs ».

Dans son travail de céramiste, a ajouté Mme Tesson, « l’argile déploie son chant en trois dimensions ». Plus tard, explique-t-elle, c’est la peinture qui entre en résonance pour révéler les correspondances universelles. « Les notes ont des couleurs, les couleurs sont porteuses d’énergie, au-delà du symbole, elles libèrent les forces inconscientes de la créativité », relève le professeur de littérature.

En effet, Soukeina Khalil se partage actuellement entre Saint-Louis où elle habite au bord du fleuve Sénégal et Casablanca au Maroc, où elle est née.

Elle a trouvé à Saint-Louis, il y a une vingtaine d’années, un souffle nouveau, « après le silence, une voix libérée », dit-elle, « une rencontre avec soi sur le lieu de la rencontre du fleuve et de l’océan ».

Dans la ville tricentenaire, où elle a enseigné et animé de nombreux ateliers, pas de ségrégation sociale et un rapport au corps vécu dans la liberté. Elle rend particulièrement hommage aux Marocains installés dans cette ville depuis plusieurs générations, chez qui elle a retrouvé, dit-elle, « la richesse humaine du Maroc ».

Lors de sa première exposition au Sénégal, deux ans après son arrivée, les huiles sur toile aux couleurs pastel chantent la rondeur et l’eau. Suivra un travail sur le cuir, puis d’autres explorations de la matière avec les séries « Le voile qui dévoile », « Arpèges », « Les portées du c(h)œur » qui révèlent la volonté de décrypter les énergies du corps, pour faire vibrer sur la toile la plastique du rêve et les mouvements de l’inconscient.

Christine Tesson a une manière particulière de présenter Soukeina Khalil, en rappelant qu’après trente ans de gammes pour arriver à l’aisance de l’improvisation, cette plasticienne bien inspirée a développé « une compétence inconsciente de l’harmonie des couleurs ». Tesson en rajoute une couche. Elle relève chez l’artiste : « La recherche de la note décalée, de la nuance de couleur qui bouleverse le cercle chromatique et la gamme tempérée, pour passer dans un monde intemporel, irrationnel, longtemps interdit ou refoulé ».

MUSICALITÉ

Selon Christine, la plasticienne a l’art de traduire la musique en couleurs, de se laisser porter par les notes jusqu’à l’élévation, la transe. « Et là, le voyage pictural et musical peut commencer ».

Sa palette riche et d’une exceptionnelle harmonie, précise cette Française qui a l’art de dépeindre l’épouse de Khabane Thiam, « s’allie à l’intuition de la représentation quasi physiologique des phénomènes psychiques et universels ».

Mais est-il nécessaire de connaître l’artiste et son parcours pour entrer dans l’univers de Soukeina Khalil ? se demande Christine. Non, s’empresse-t-elle d’ajouter, « car chacun, quels que soient son âge, sa culture, son parcours personnel peut s’immerger dans sa peinture ». Selon Tesson, S. Khalil fouille les couleurs et les sons de notre mémoire pour les faire vibrer dans tous ses fragments.

Pour le Pr Alpha Sy, « en vérité, cette relation fusionnelle entre musique et peinture dont parle si pertinemment Christine Tesson, trouve son origine ailleurs ». Précisément, a-t-il poursuivi, « dans cette altérité qui a frisé l’osmose, qui a structuré les rapports Khabane/Soukeina ». En renouant avec la création, relève le philosophe, Soukeina a compris que la meilleure façon d’ancrer son Autre dans la postérité est de continuer à marcher sur ses deux jambes que sont la musique et la peinture.

Mieux, souligne le Pr Alpha Sy, « elle doit s’exercer à convertir les notes musicales en signes, symboles, couleurs et…coquillages ».

UNE INSPIRATION PLURIELLE

Le fait d’avoir l’opportunité de visiter l’exposition « La parole des chœurs » de Soukeina Khalil à la Galerie du fleuve du centre culturel français de Saint-Louis, c’est une aubaine, un bonheur, une providence. Si on a la chance de trouver sur les lieux la Directrice de cette galerie, Aïssatou Diop, on comprend vite la belle philosophie de Soukeina, plasticienne sénégalo-marocaine, peintre et céramiste, ses motivations, ses sources d’inspiration et on aura surtout une idée précise des messages forts qu’elle véhicule à travers ses œuvres vivantes, pertinentes, expressives.

Avec Aïssatou Diop, une visite guidée permet aux touristes, étrangers et autres admirateurs qui viennent d’horizons divers, de découvrir les œuvres de l’artiste, qui mettent en avant la thématique de la voix et de l’oralité dans les cultures marocaines et sénégalaises.

Les élèves de l’école Rawane Ngom, qui ont eu la chance de passer en revue ces beaux tableaux, ont pu poser des questions sur les techniques utilisées par cette plasticienne sénégalo-marocaine et sur la signification des symboles présents dans ses œuvres. Cette visite a été une expérience enrichissante pour ces écoliers, qui ont pu en apprendre davantage sur leur propre culture.

Cette belle exposition retrace la pratique de l’artiste sur une période de 28 jeunesses. On y découvre ses structures, ses logiques, mais aussi ses sources et ses directions. « Nous avons l’honneur d’exposer l’œuvre de Soukeina Khalil, une artiste talentueuse qui est riche en cultures marocaine et sénégalaise. Il est admirable de voir comment elle utilise ses racines culturelles pour inspirer ses créations artistiques », souligne la directrice de la galerie.

De l’avis d’Aïssatou, « il est également inspirant de voir comment Soukeina Khalil est une femme forte et déterminée. Elle se consacre non seulement à son art, mais aussi à l’éducation de ses enfants. Cela montre à quel point il est important pour les femmes de poursuivre leur passion tout en élevant une famille.

Selon la maîtresse des lieux, « organiser l’exposition à partir du 8 mars, le mois dédié à la célébration de la femme, était un choix judicieux pour contribuer à la reconnaissance et à la célébration du pouvoir des femmes dans la société ».

L’exposition « La parole des chœurs », a-t-elle précisé, est un véritable hommage à la carrière de Soukeina Khalil, « artiste prolifique dont les œuvres résonnent encore aujourd’hui dans le monde de l’art contemporain».

Et c’est un truisme de dire qu’en visitant cette exposition, nous pouvons découvrir, à coup sûr, plus de 30 de ses œuvres les plus emblématiques, réalisées entre 1995 et 2023. Cette exposition nous plonge dans l’univers de l’artiste.

En outre, nous explique Aïssatou Diop, l’exposition comprend également des œuvres exceptionnelles provenant de collections privées. « Cela en fait une occasion unique de découvrir l’œuvre de Soukeina Khalil dans son ensemble. Si vous êtes passionné d’art contemporain ou simplement curieux de découvrir de nouvelles formes d’expression artistique, vous devez mobiliser toutes les énergies », souligne A. Diop. Le but, faire corps avec cette exposition visible jusqu’au 27 avril 2023.

 

 

 

 



Source : https://lesoleil.sn/artiste-multifacettes-soukeina...