Les autorités kényanes interrogeaient samedi cinq suspects, présumés liés à l'attaque de l'université de Garissa par les islamistes somaliens shebab qui, 48 heures à peine après le massacre, ont promis au Kenya une "longue et épouvantable guerre".
Depuis jeudi, "cinq personnes ont été arrêtées", a déclaré à l'AFP le porte-parole du ministère de l'Intérieur Mwenda Njoka, "nous les soupçonnons d'être des complices des assaillants (...), nous tentons d'établir des liens".
Parmi eux, "deux ont été arrêtés à l'intérieur du complexe de l'université". "L'un est un Tanzanien, nommé Rashid Charles Mberesero, il était caché dans le plafond de l'université en possession de grenades. Le second est un vigile (soupçonné d'avoir) aidé les assaillants à entrer (...), son nom est Osman Ali Dagane, c'est un Kényan d'ethnie somali", a détaillé M. Njoka.
Jeudi, le ministre de l'Intérieur Joseph Nkaissery avait annoncé l'arrestation d'un "présumé assaillant". M. Njoka a confirmé qu'il faisait partie des cinq suspects interrogés, sans autre détail. Les trois autres suspects ont été arrêtés alors qu'ils tentaient de fuir vers la Somalie.
Plus de 50 heures après le début de l'attaque, une survivante, cachée depuis deux jours dans une penderie, a été retrouvée samedi matin. La veille, quatre rescapés avaient déjà été secourus, au lendemain de la fin des près de 16 heures de siège à l'université, où 148 personnes ont été tuées.
Samedi, 663 étudiants rescapés ont quitté Garissa à bord de bus affrétés par le gouvernement, en direction de Nairobi et d'autres grandes villes du pays. L'université, qui accueillait plus de 800 étudiants, est fermée jusqu'à nouvel ordre.
Les corps de "quatre terroristes" ont également été retrouvés dans l'université, "les examens médico-légaux et les investigations sont en cours", a poursuivi le porte-parole du ministre.
Des véhicules portant des plaques diplomatiques américaines ont été vus entrant sur le campus, laissant penser que le FBI pourrait participer à l'enquête comme ce fut le cas précédemment, notamment après le spectaculaire assaut contre le centre commercial Westgate par un commando shebab qui fit au moins 67 morts en septembre 2013.
Jeudi, les autorités kényanes ont lancé un avis de recherche, assorti d'une récompense d'environ 200.000 euros, contre celui qu'elle décrit comme le cerveau de l'attaque, Mohamed Mohamud, alias "Kuno".
Cet ancien professeur kényan d'une école coranique de Garissa a d'abord rejoint le mouvement des Tribunaux islamiques, maître de Mogadiscio en 2006, avant de passer par une milice islamiste aujourd'hui alliée des troupes kényanes dans le sud somalien, puis de rejoindre les shebab.
- Gouvernement critiqué -
Le gouvernement kényan a promis vendredi de ne pas se laisser "intimider" par cette attaque, la plus meurtrière sur son sol depuis l'attentat contre l'ambassade des Etats-Unis à Nairobi (213 morts) en 1998, revendiquée par le réseau Al-Qaïda, auquel les shebab sont affiliés.
Mais samedi, les islamistes somaliens ont sommé le Kenya de quitter "les terres musulmanes" sous peine d'une "longue et épouvantable guerre" et d'un "nouveau bain de sang".
Ils ont dénoncé "l'oppression", "les politiques répressives" et "la persécution systématique des musulmans" au Kenya - pays qui se revendique chrétien à 80% - et "l'occupation des terres musulmanes" par Nairobi: la Somalie, où l'armée kényane combat les islamistes depuis 2011, mais aussi les régions kényanes majoritairement musulmanes de la façade Est - frontalières de la Somalie - et de la côte.
"Rien ne nous arrêtera dans notre vengeance des morts de nos frères musulmans jusqu'à ce que votre gouvernement cesse son oppression et jusqu'à ce que toutes les terres musulmanes soient libérées de l'occupation kényane", ont-ils lancé, dans ce communiqué à la population kényane encore sous le choc.
"Vous avez choisi votre gouvernement de votre propre gré, subissez donc les pleines conséquences de sa sottise", menacent-ils.
Jeudi à l'aube, un commando est entré dans l'université de Garissa en ouvrant le feu au hasard, avant de pénétrer dans la résidence universitaire, séparant musulmans et non-musulmans, laissant partir les premiers et gardant les seconds, des étudiants chrétiens en majorité.
Ce nouveau massacre au Kenya se situe dans la lignée de l'attaque du Westgate ou d'une série de raids sur la côte kényane et dans la ville de Mandera frontalière de la Somalie, au cours desquels environ 160 personnes au total avaient été exécutées de sang froid en 2014.
"Vous êtes vulnérables et vous le serez toujours. Votre gouvernement ne peut pas vous protéger (...) ne veut pas vous protéger", ont lancé les shebab, alors que la presse kényane a sévèrement critiqué l'impéritie des autorités, à l'heure où des renseignements laissaient penser à l'imminence d'un opération.
Affaiblis en Somalie, les islamistes ont choisi le Kenya, pays frontalier, miné par la corruption, où une minorité musulmane jeune et délaissée constitue un terreau à l'islamisme radical, pour montrer qu'ils peuvent continuer de frapper à leur guise, selon les observateurs.