RFI : Selon le ministère kényan des Affaires étrangères, il y aurait parmi le commando de nombreux étrangers. On parle d’au moins deux ou trois Américains, également d’une Britannique. Cette version vous étonne-t-elle ?
Dominique Thomas : Nous n'avons, pour l’instant, qu'une revendication crédible. Le mouvement islamiste somalien des shebabs est la seule organisation qui ait revendiqué cette opération. Or, au regard des informations qui, pour l’instant, sont encore parcellaires mais semblent se confirmer, il s’agirait d’un commando comprenant plus d’une dizaine de personnes, avec des nationalités extrêmement différentes, même si elles seraient majoritairement originaires de la Corne de l’Afrique, en particulier de Somalie.
Mais il n’y a pas que des Somaliens, donc : il y aurait aussi d’autres personnes, qui viendraient d’horizons extrêmement différents, d’Europe scandinave, de pays d’Amérique du Nord... Et donc on a, je dirais, des profils suffisamment hétéroclites pour éventuellement s’interroger sur un degré d’organisation un peu plus important que le seul niveau des shebabs somaliens.
Une action coordonnée avec al-Qaïda serait donc plausible, ne serait-ce que sur le plan logistique ?
Sur le plan rationnel et purement intellectuel, elle peut se concevoir. Mais qu’est-ce que ça veut dire, une opération coordonnée par al-Qaïda ? Aujourd’hui, al-Qaïda ne veut pas dire grand-chose, si ce n’est la représentation qu’on en a, par quelques figures qui s’expriment à travers des réseaux de vidéos.
Aujourd’hui, l’organisation en tant que telle n’a plus de militant. En revanche, elle dispose de réseaux de sympathisants, de réseaux coordonnés, soit par des franchises mais qui ne sont visiblement pas actives dans cette région : al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) ou al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), ou d’autres. Là, on peut imaginer qu’il y a eu des facilitateurs, des réseaux de sympathisants internationalistes, qui ont déjà existé dans cette région.
Il faut se souvenir que par le passé, plusieurs hauts dirigeants proches de cette nébuleuse ont été interceptés, ont été tués dans la région, et avaient un profil justement internationaliste. Il est possible qu’il ait pu y avoir une mutualisation, une aide, une logistique apportée par des internationalistes.
Le degré d’entraînement de ce commando, sa composition, la trajectoire de ces individus, peut laisser penser qu’on a quelque chose de plus organisé, qui dépasse encore une fois le cadre des shebabs somaliens. D’autant plus que c’est une organisation qui, assez récemment, avait connu des difficultés d’intégration de combattants étrangers. Cette question était d'ailleurs un sujet clivant à l’intérieur de cette mouvance.
De là à émettre l’hypothèse qu’elle évolue par ce coup d’éclat, avec un retentissement et une résonance internationale très forte, que l’on voit justement à Nairobi, en frappant, en ciblant quelque chose qui est du domaine vraiment de l’impact international, il y a effectivement un raisonnement qui est tout à fait rationnellement acceptable dans ce domaine-là.
Les shebabs étaient jusqu’alors présentés comme des milices somaliennes ayant des revendications plutôt nationalistes. Elles s’étaient développées après 2006, suite à l’invasion éthiopienne de la Somalie. Pourquoi verseraient-elles aujourd’hui vers le jihadisme international ?
C’est une organisation qui éprouve, encore une fois, des difficultés à accepter qu’on lui dicte un agenda allant au-delà de son agenda national. C’est essentiellement pour ces raisons d’autorité, de niveau de commandement, que l’affichage à l’encontre d’al-Qaïda a été beaucoup discuté. Finalement, il en a résulté une sorte de confusion, puisqu’on ne sait pas très bien si effectivement, il y a eu allégeance ou pas et comment al-Qaïda a réagi par rapport à cette volonté d’allégeance du mouvement des shebabs.
Toujours est-il que c’est une organisation qui reste cantonnée dans un agenda local. Néanmoins, elle peut avoir eu intérêt à profiter de l’aide des combattants étrangers pour frapper un coup spectaculaire, qu’elle n’avait peut-être pas les moyens de mettre en place et que seul un savoir-faire international aurait pu permettre.
Or, on sait très bien que le mouvement des shebabs est pour l’instant dans une position de retraite, une position défensive, car affaibli par les opérations militaires. Il n’a plus la maîtrise des villes qu’il avait auparavant. C’est une organisation qui souhaitait réagir aux campagnes militaires de la coalition qui s’était mise en place et dont le Kenya faisait partie.
Pour frapper le Kenya, même si cette organisation dispose éventuellement de relais via les camps de réfugiés au nord du Kenya, ou via éventuellement certains quartiers de Nairobi dans lesquels il pourrait y avoir des complicités, c’est une organisation qui a un besoin de savoir-faire. Pour mener une telle opération, elle peut donc éventuellement trouver un intérêt à se mutualiser avec des combattants étrangers pour frapper ce type d’objectifs.
SOURCE:RFI
Dominique Thomas : Nous n'avons, pour l’instant, qu'une revendication crédible. Le mouvement islamiste somalien des shebabs est la seule organisation qui ait revendiqué cette opération. Or, au regard des informations qui, pour l’instant, sont encore parcellaires mais semblent se confirmer, il s’agirait d’un commando comprenant plus d’une dizaine de personnes, avec des nationalités extrêmement différentes, même si elles seraient majoritairement originaires de la Corne de l’Afrique, en particulier de Somalie.
Mais il n’y a pas que des Somaliens, donc : il y aurait aussi d’autres personnes, qui viendraient d’horizons extrêmement différents, d’Europe scandinave, de pays d’Amérique du Nord... Et donc on a, je dirais, des profils suffisamment hétéroclites pour éventuellement s’interroger sur un degré d’organisation un peu plus important que le seul niveau des shebabs somaliens.
Une action coordonnée avec al-Qaïda serait donc plausible, ne serait-ce que sur le plan logistique ?
Sur le plan rationnel et purement intellectuel, elle peut se concevoir. Mais qu’est-ce que ça veut dire, une opération coordonnée par al-Qaïda ? Aujourd’hui, al-Qaïda ne veut pas dire grand-chose, si ce n’est la représentation qu’on en a, par quelques figures qui s’expriment à travers des réseaux de vidéos.
Aujourd’hui, l’organisation en tant que telle n’a plus de militant. En revanche, elle dispose de réseaux de sympathisants, de réseaux coordonnés, soit par des franchises mais qui ne sont visiblement pas actives dans cette région : al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) ou al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), ou d’autres. Là, on peut imaginer qu’il y a eu des facilitateurs, des réseaux de sympathisants internationalistes, qui ont déjà existé dans cette région.
Il faut se souvenir que par le passé, plusieurs hauts dirigeants proches de cette nébuleuse ont été interceptés, ont été tués dans la région, et avaient un profil justement internationaliste. Il est possible qu’il ait pu y avoir une mutualisation, une aide, une logistique apportée par des internationalistes.
Le degré d’entraînement de ce commando, sa composition, la trajectoire de ces individus, peut laisser penser qu’on a quelque chose de plus organisé, qui dépasse encore une fois le cadre des shebabs somaliens. D’autant plus que c’est une organisation qui, assez récemment, avait connu des difficultés d’intégration de combattants étrangers. Cette question était d'ailleurs un sujet clivant à l’intérieur de cette mouvance.
De là à émettre l’hypothèse qu’elle évolue par ce coup d’éclat, avec un retentissement et une résonance internationale très forte, que l’on voit justement à Nairobi, en frappant, en ciblant quelque chose qui est du domaine vraiment de l’impact international, il y a effectivement un raisonnement qui est tout à fait rationnellement acceptable dans ce domaine-là.
Les shebabs étaient jusqu’alors présentés comme des milices somaliennes ayant des revendications plutôt nationalistes. Elles s’étaient développées après 2006, suite à l’invasion éthiopienne de la Somalie. Pourquoi verseraient-elles aujourd’hui vers le jihadisme international ?
C’est une organisation qui éprouve, encore une fois, des difficultés à accepter qu’on lui dicte un agenda allant au-delà de son agenda national. C’est essentiellement pour ces raisons d’autorité, de niveau de commandement, que l’affichage à l’encontre d’al-Qaïda a été beaucoup discuté. Finalement, il en a résulté une sorte de confusion, puisqu’on ne sait pas très bien si effectivement, il y a eu allégeance ou pas et comment al-Qaïda a réagi par rapport à cette volonté d’allégeance du mouvement des shebabs.
Toujours est-il que c’est une organisation qui reste cantonnée dans un agenda local. Néanmoins, elle peut avoir eu intérêt à profiter de l’aide des combattants étrangers pour frapper un coup spectaculaire, qu’elle n’avait peut-être pas les moyens de mettre en place et que seul un savoir-faire international aurait pu permettre.
Or, on sait très bien que le mouvement des shebabs est pour l’instant dans une position de retraite, une position défensive, car affaibli par les opérations militaires. Il n’a plus la maîtrise des villes qu’il avait auparavant. C’est une organisation qui souhaitait réagir aux campagnes militaires de la coalition qui s’était mise en place et dont le Kenya faisait partie.
Pour frapper le Kenya, même si cette organisation dispose éventuellement de relais via les camps de réfugiés au nord du Kenya, ou via éventuellement certains quartiers de Nairobi dans lesquels il pourrait y avoir des complicités, c’est une organisation qui a un besoin de savoir-faire. Pour mener une telle opération, elle peut donc éventuellement trouver un intérêt à se mutualiser avec des combattants étrangers pour frapper ce type d’objectifs.
SOURCE:RFI