12 personnes ont été tuées mercredi 7 janvier lors de l'attentat contre "Charlie Hebdo" : huit journalistes, un employé du journal qui était à l'accueil, un "invité", un policier affecté à la protection des personnalités et un policier qui patrouillait à l'extérieur. Parmi les journalistes, cibles des terroristes, figurent notamment : le directeur de la rédaction et dessinateur Charb, le directeur artistique et dessinateur Cabu, les dessinateurs Tignous et Wolinsky et le journaliste Bernard Maris.
Il y a eu également, 11 blessés dont 4 graves, parmi lesquels le journaliste Philippe Lançon et deux policiers.
Charb
De son vrai nom Stéphane Charbonnier, Charb était protégé par le service de protection des personnalités depuis l'affaire des caricatures de Mahomet. Celui qui le protégeait a également été tué dans les locaux. Selon une de ses confrères, interrogée par le "Monde", qui n'était pas dans le journal, Charb "se déplaçait parfois sans ses policiers, ce qui est un signe qu'il n'était pas inquiet à chaque instant."
Il a pris la suite de Philippe Val en mai 2009. Dans le journal, sa place était notamment dans la rubrique "Charb n'aime pas les gens". Il dessinait régulièrement pour "Fluide Glacial" dans lequel il avait sa chronique : "La fatwa de l'Ayatollah Charb", ainsi que "L'Echo des Savanes", "Télérama", "L'Humanité". Il a longtemps soutenu le Parti communiste, puis le Front de gauche.
Dans une interview au "Monde", il disait après l'incendie des locaux de l'hebdomadaire en 2011, en représailles de la publication des caricatures de Mahomet. : "C'est peut-être un peu pompeux ce que je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux."
Cabu
De son vrai nom Jean Cabut, avec ses lunettes cerclées et son éternelle coupe au bol, Cabu, 76 ans, était un pilier du journal. Il avait en ligne de mire les politiques, l'armée, toutes les religions... Et bien sûr, les "beaufs", ces caricatures de Français râleurs, chauvins... Ses caricatures de Mahomet publiées en 2006 ont valu à l'équipe de "Charlie" des menaces de morts. Ecologiste convaincu, il avait soixante ans de carrière et plus de 35.000 dessins à son actif.
Son coup de maître est le "beauf", apparu en 1973 dans "Charlie Hebdo". Une caricature de Français gueulard, alcoolique, raciste, inspiré d'un patron de bistrot, dont il fait une vedette. Au point de le faire entrer dans le dictionnaire: "Beauf. Beauf-frère (d'après une B.D. de Cabu). Français moyen aux idées étroites, conservateur, grossier et phallocrate" (Le Robert).
Georges Wolinski
Le père du célèbre "Roi des cons" était aussi un pilier de la bande de "Hara-Kiri" dans les années 60 puis de "Charlie Hebdo". C'est lui aussi qui caricaturera Michel Debré, alors ministre de la Défense, avec un entonnoir sur la tête.
Il participe également à l'aventure de "Charlie Mensuel", dont il est le rédacteur en chef de 1970 à 1981. A partir des années 80, il travaille pour différents quotidiens ou magazines comme "L'Humanité", "Libération", "Le Nouvel Observateur". Dans "Charlie", chaque semaine, Wolinski met en scène deux personnages, un maigre timide et un gros, dominateur et péremptoire, qui enchaîne les propos de comptoir :
Monsieur, je suis pour la liberté de la presse, à condition que la presse n'en profite pas pour dire n'importe quoi !"
Le dessinateur, qui était âgé de 80 ans, avait quelque 80 albums à son actif, des compilations de dessins d'actu et de vraies BD, comme les célèbres aventures érotico-farfelues de Paulette. En 2005, il a été couronné par le Grand Prix du 32ème festival d'Angoulême et en 2012 la très digne BNF lui avait consacré une rétrospective pour ses 50 ans de dessins. Il acceptait ces honneurs avec le sourire, comme il avait accepté la Légion d'honneur épinglée par le président Jacques Chirac. Outre son autobiographie ("Mes aveux"), il a aussi écrit pour le théâtre ("Je ne pense qu'à ça", "Le Roi des cons"...) et la télé ("Scoopette, la nympho de l'info", pour Canal+), en privilégiant son sujet favori : les relations hommes-femmes et bien sûr le sexe.
Notre journaliste-chroniqueur Delfeil de Ton, qui l'a bien connu à "Hara-Kiri" lui a rendu cet hommage :
Pauvre Wolin. J’écris ton nom et je pleure. Et l’esprit de Cavanna me rejoint qui avait tellement d’affection pour sonWolinski. Cabu tué en même temps que toi, il ne reste donc plus personne des pionniers de 'Hara Kiri, journal bête et méchant'. Il fallait bien que ça arrive un jour, mais pas comme ça. Pauvre Wolin, pauvre Maryse. On me demande des phrases, pas envie de faire des phrases."
Tignous
De son vrai nom Bernard Verlhac, il était un collaborateur régulier de "Charlie Hebdo ". Agé de 57 ans, il a commencé à écrire pour la presse en 1980 et a collaboré régulièrement à "Marianne", "Fluide Glacial", "L'Express" ainsi qu'à des émissions télévisées avec Laurent Ruquier, Marc-Olivier Fogiel ou Bruno Masure, dans lesquelles ses dessins accompagnaient les débats. Il a couvert différents procès pour le journal satirique. Ses croquis du procès Colonna ont donné lieu à la publication d'un album en 2008 qui a reçu le prix France-Info 2009.
"Un dessin de presse, c'est super dur à réussir parce qu'il faut tout mettre dans une seule image. C'est tout le contraire de la BD", disait-il.
Son dernier livre, "Cinq ans sous Sarkozy", publié en 2011 chez l'éditeur 12 Bis, compilait ses dessins de presse. Une manière de se remémorer avec humour les hauts faits et affaires du quinquennat de Nicolas Sarkozy, à travers l'oeil d'un des plus fervents détracteurs de l'ex-président de la République.
Bernard Maris
Journaliste et économiste de gauche, Bernard Maris était un habitué des plateaux télé. Il signait sous le nom de "Oncle Bernard" dans "Charlie". Il a également écrit pour "Marianne", "Le Figaro Magazine", "Le Monde" et "L'Obs". Il tenait aussi une chronique sur France Inter, intitulé "J'ai tout compris à l'économie".
Michel Renaud
Il était l'un des deux organisateurs de la biennale du Carnet de voyage de Clermont-Ferrand. Sa mort a été annoncée par France Bleu Auvergne et le "La Montagne".
Parmi les autres victimes, deux policiers. Le premier était un officier du SPHP (Service de protection des hautes personnalités) et était chargé de la protection de Charb.
Le deuxième était un fonctionnaire du commissariat du 11ème arrondissement de Paris. Il a été tué alors qu'il patrouillait rue Richard Lenoir. Il s'appelait Ahmed Merabet et avait une compagne.
La brigade criminelle de la police judiciaire parisienne et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont été chargées de l'enquête.
Celle-ci est ouverte par la section antiterroriste du parquet de Paris des chefs d'"assassinats en lien avec une entreprise terroriste", "tentatives d'assassinats en lien avec une entreprise terroriste", "association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste", "vol avec arme en relation avec une entreprise terroriste ", a précisé le parquet.
VIDEO. "Il criait 'tout le monde est mort à l'intérieur" :