Envoyé spécial à La Paz
Dans la famille Humala, le dernier scandale en date est venu d'Alexis, le jeune frère du président. Accusé d'avoir créé une entreprise pour profiter de juteux contrats d'État, contraint de se présenter devant une commission du Congrès vendredi, le «petit Alexis» a contre-attaqué en interpellant son prestigieux aîné, Ollanta Humala: «Il n'y a aucun corrompu dans la famille (…), la plainte qui me vise a pour but de faire oublier la véritable corruption au sommet de l'État.» Nadine, l'omniprésente épouse du président, a aussitôt réagi en réclamant devant toutes les télévisons une enquête, assurant qu'Ollanta «ne réservera pas de traitements préférentiels aux membres de sa famille». De quoi faire enrager le père du président, Isaac Humala, qui ironise dès le lendemain sur sa belle-fille, «ivre de pouvoir» et adjure le président de «protéger» son frère, «car le lien familial est plus important que l'ordre légal». Hystérie des éditorialistes. Les émissions satiriques péruviennes se déchaînent. Fin de l'épisode… en attendant le suivant.
Suprématie de la «race cuivrée»
Car dans la famille Humala, comme dans ces telenovelas qui captivent l'Amérique latine, il se passe toujours quelque chose. Isaac Humala, le patriarche, est sûrement le personnage le plus excentrique. Âgé de 81 ans, cet ultranationaliste andin prônant la suprématie de la «race cuivrée» s'est attaché à torpiller le mandat de son fils dès son arrivée au pouvoir au Pérou, en juillet 2011. Il le juge trop à droite, trop proche du patronat minier. Il le compare à Al Capone et jure que ses ministres «devraient tous être en prison».
Un sentiment que partage Antauro Humala, autre membre de la fratrie dont la presse se délecte. Emprisonné après un coup d'État raté contre le président centriste Alejandro Toledo en 2005, cet ancien commandant de l'armée a été le héros de vidéos clandestines où 30 millions de Péruviens ont pu le voir fumant tranquillement du cannabis dans sa cellule. Transféré depuis dans une prison de haute sécurité, il bénéficie de l'appui inconditionnel de son père, Isaac, qui voit en lui le futur dirigeant du pays… «Il a été conçu pour cette tâche, avant même sa naissance.»
Trois gouvernements en un an,
Les combines d'Alexis - il s'était déjà illustré en organisant un voyage «officiel» en Russie avant même l'investiture de son frère, les frasques d'Antauro le prisonnier ou les déclarations délirantes du vieil Isaac suffisent à faire le malheur du président. Mais la famille Humala compte encore cinq autres enfants, tout aussi irascibles. Ulises, un ingénieur de 53 ans qui s'était présenté contre son frère en 2006, a prévenu qu'il retenterait sa chance. Imasumac, une sœur installée en France, s'est associée aux manifestations contre la mine Conga, un projet démesuré et controversé qui vient d'être suspendu.
«Tous les problèmes politiques qu'a connus le gouvernement ces dernières semaines ont eu pour origine les déclarations et les actions des membres de la famille, écrit l'éditorialiste de Peru21 , Enrique Castillo. Le problème est dans la maison!» Les difficultés domestiques d'Ollanta Humala résonnent avec celles qu'il rencontre dans la direction du pays. Élu sur un programme de gauche, contraint de changer trois fois de gouvernement en un an, le président péruvien est aujourd'hui accusé d'avoir oublié ses promesses, notamment sur la répartition des richesses minières.
Montaigu et Capulet créoles
«L'État a aujourd'hui plus de ressources, mais les programmes sociaux du gouvernement sont clientélistes, regrette Sinesio Lopez, sociologue et ancien conseiller d'Ollanta Humala. Il n'y a pas d'avancée réelle. Sur le plan économique, le gouvernement se maintient sur une ligne de droite néolibérale.»
Le seul secours dont aurait pu bénéficier Ollanta Humala, c'est celui de sa femme, Nadine Heredia. Autodésignée ministre «bis» des Affaires sociales, très populaire, cette hyperactive de 36 ans est soupçonnée de viser l'élection de 2016. Mais, comme tous les proches des Humala, elle aussi est victime de ses excès, comme lors de son dernier voyage au Brésil, où elle s'est rendue avec l'avion présidentiel en compagnie d'une délégation de 26 personnes. Un tel déplacement a de nouveau fait les gros titres et provoqué quelques salves enflammées du clan familial.
Encore debout dans la tempête, Ollanta Humala s'est pour l'instant contenté de démentir les propos de son père et d'ignorer ceux de ses frères. Mais, pour le sociologue Fernando Rospigliosi, «la saga de ces Montaigu et Capulet créoles est encore loin d'être terminée».
Par Frédéric Faux
Dans la famille Humala, le dernier scandale en date est venu d'Alexis, le jeune frère du président. Accusé d'avoir créé une entreprise pour profiter de juteux contrats d'État, contraint de se présenter devant une commission du Congrès vendredi, le «petit Alexis» a contre-attaqué en interpellant son prestigieux aîné, Ollanta Humala: «Il n'y a aucun corrompu dans la famille (…), la plainte qui me vise a pour but de faire oublier la véritable corruption au sommet de l'État.» Nadine, l'omniprésente épouse du président, a aussitôt réagi en réclamant devant toutes les télévisons une enquête, assurant qu'Ollanta «ne réservera pas de traitements préférentiels aux membres de sa famille». De quoi faire enrager le père du président, Isaac Humala, qui ironise dès le lendemain sur sa belle-fille, «ivre de pouvoir» et adjure le président de «protéger» son frère, «car le lien familial est plus important que l'ordre légal». Hystérie des éditorialistes. Les émissions satiriques péruviennes se déchaînent. Fin de l'épisode… en attendant le suivant.
Suprématie de la «race cuivrée»
Car dans la famille Humala, comme dans ces telenovelas qui captivent l'Amérique latine, il se passe toujours quelque chose. Isaac Humala, le patriarche, est sûrement le personnage le plus excentrique. Âgé de 81 ans, cet ultranationaliste andin prônant la suprématie de la «race cuivrée» s'est attaché à torpiller le mandat de son fils dès son arrivée au pouvoir au Pérou, en juillet 2011. Il le juge trop à droite, trop proche du patronat minier. Il le compare à Al Capone et jure que ses ministres «devraient tous être en prison».
Un sentiment que partage Antauro Humala, autre membre de la fratrie dont la presse se délecte. Emprisonné après un coup d'État raté contre le président centriste Alejandro Toledo en 2005, cet ancien commandant de l'armée a été le héros de vidéos clandestines où 30 millions de Péruviens ont pu le voir fumant tranquillement du cannabis dans sa cellule. Transféré depuis dans une prison de haute sécurité, il bénéficie de l'appui inconditionnel de son père, Isaac, qui voit en lui le futur dirigeant du pays… «Il a été conçu pour cette tâche, avant même sa naissance.»
Trois gouvernements en un an,
Les combines d'Alexis - il s'était déjà illustré en organisant un voyage «officiel» en Russie avant même l'investiture de son frère, les frasques d'Antauro le prisonnier ou les déclarations délirantes du vieil Isaac suffisent à faire le malheur du président. Mais la famille Humala compte encore cinq autres enfants, tout aussi irascibles. Ulises, un ingénieur de 53 ans qui s'était présenté contre son frère en 2006, a prévenu qu'il retenterait sa chance. Imasumac, une sœur installée en France, s'est associée aux manifestations contre la mine Conga, un projet démesuré et controversé qui vient d'être suspendu.
«Tous les problèmes politiques qu'a connus le gouvernement ces dernières semaines ont eu pour origine les déclarations et les actions des membres de la famille, écrit l'éditorialiste de Peru21 , Enrique Castillo. Le problème est dans la maison!» Les difficultés domestiques d'Ollanta Humala résonnent avec celles qu'il rencontre dans la direction du pays. Élu sur un programme de gauche, contraint de changer trois fois de gouvernement en un an, le président péruvien est aujourd'hui accusé d'avoir oublié ses promesses, notamment sur la répartition des richesses minières.
Montaigu et Capulet créoles
«L'État a aujourd'hui plus de ressources, mais les programmes sociaux du gouvernement sont clientélistes, regrette Sinesio Lopez, sociologue et ancien conseiller d'Ollanta Humala. Il n'y a pas d'avancée réelle. Sur le plan économique, le gouvernement se maintient sur une ligne de droite néolibérale.»
Le seul secours dont aurait pu bénéficier Ollanta Humala, c'est celui de sa femme, Nadine Heredia. Autodésignée ministre «bis» des Affaires sociales, très populaire, cette hyperactive de 36 ans est soupçonnée de viser l'élection de 2016. Mais, comme tous les proches des Humala, elle aussi est victime de ses excès, comme lors de son dernier voyage au Brésil, où elle s'est rendue avec l'avion présidentiel en compagnie d'une délégation de 26 personnes. Un tel déplacement a de nouveau fait les gros titres et provoqué quelques salves enflammées du clan familial.
Encore debout dans la tempête, Ollanta Humala s'est pour l'instant contenté de démentir les propos de son père et d'ignorer ceux de ses frères. Mais, pour le sociologue Fernando Rospigliosi, «la saga de ces Montaigu et Capulet créoles est encore loin d'être terminée».
Par Frédéric Faux