Thijs Berman, le président de la mission d'observation de l'Union européenne au Sénégal, était présent aux côtés de Macky Sall lorsque le président sortant a appelé son vainqueur, dimanche soir, à 21h30 précises. ""Les choses se précisent, tu vas gagner, je te félicite", lui a dit le président. "Je vous remercie", lui a répondu Macky Sall en lui présentant ses hommages", rapporte M.Berman. "Mes chers compatriotes, les résultats en cours indiquent que M.Macky Sall a remporté la victoire", confirmera un communiqué diffusé dans la soirée par la présidence. "Comme je l'avais toujours promis, je l'ai donc appelé dès la soirée du 25 mars au téléphone pour le féliciter."
A l'instar du premier tour, le 26 février, les radios et télévisions du pays avaient commencé leur litanie dès la fermeture du vote, à 18 heures, en égrenant les résultats, bureau de vote par bureau de vote. Et rapidement les mauvaises nouvelles s'accumulaient pour le président sortant. M.Sall l'emporte à Ziguinchor, la capitale de la Casamance (sud du pays), une des rares villes où M.Wade avait largement surclassé son opposant lors du premier tour à l'issue duquel il avait obtenu, au niveau national, 35% des voix (contre 27% pour son adversaire). Ce score était apparu comme le signe annonciateur d'une défaite alors que le président se disait convaincu de l'emporter dès le premier tour.
"LE VIEUX EST MORT"
Devant le quartier général de l'alliance Macky 2012 dans le quartier Liberté 6, à Dakar, la foule n'avait pas attendu le coup de téléphone présidentiel pour laisser éclater sa joie. "Le "vieux" est mort, il faut l'enterrer", reprenaient en cœur des milliers de partisans de Macky Sall dans une joie communicative. "Nadem ["dégage", en wolof]", hurlait Maimouna Diop, une plantureuse mère de famille hilare dont le tee-shirt exhibait sa profession de foi: "Beauté noire soutient Macky Sall." Sans doute fallait-il y voir un moment de relâchement après les semaines de tension d'une campagne qui prit parfois une tournure violente, causant la mort d'au moins 6 personnes.
Dans la semaine précédant le scrutin, le pays n'avait pas fait mentir sa réputation de "pays de rumeurs", comme l'avait en son temps constaté Léopold Sédar Senghor, le père de la nation, au pouvoir de 1960 (date de l'indépendance de l'ancienne colonie française) à 1980, bruissant de rumeurs de fraudes massives en préparation. Les accusations visaient essentiellement le camp présidentiel.
Sachant qu'il ne disposait que d'un réservoir de voix limité pour l'emporter au second tour face au front constitué par l'ensemble des candidats éliminés au premier tour, rangés derrière Macky Sall, beaucoup disaient que le candidat sortant préparait une manipulation à grande échelle pour inverser la tendance. Ce ne fut pas le cas dimanche.
"Finalement, a constaté M.Berman, il y a eu, des deux côtés, quelques cas d'achat de conscience", expression sénégalaise très en vogue pour décrire l'achat de voix. "C'est compréhensible au regard du niveau de pauvreté de la population que des parents prennent un peu d'argent, si on leur propose, pour nourrir les enfants, mais cela n'a pas influencé le résultat du scrutin vu l'écart entre les deux candidats", ajoutait le chef des observateurs européens. Il a salué la vitalité de la démocratie sénégalaise en tournant les yeux vers le Mali voisin, plongé dans l'incertitude et la confusion après le coup d'Etat militaire du 22 mars.
"60 POUR MACKY, 40 POUR WADE"
Les résultats officiels ne devraient pas être connus avant le milieu de la semaine. Un diplomate occidental s'aventurait toutefois à pronostiquer "60 pour Macky, 40 pour Wade".
Dans son discours adressé à la nation depuis un hôtel de luxe de la capitale où M.Sall tentait d'organiser sa communication loin de la furia de son QG de campagne, le futur quatrième président du Sénégal indépendant a parlé de "plébiscite". Un mot qui, dans la bouche d'un homme connu pour sa mesure - loin du lyrisme et des exagérations de son adversaire du jour -, donne une idée de l'écart de voix. "L'ampleur de cette victoire aux allures de plébiscite exprime l'immensité des attentes de la population, j'en prends toute la mesure. Ensemble, nous allons nous atteler au travail", a-t-il déclaré, sans émotion apparente.
Le chantier économique et social est énorme dans ce pays où un habitant sur deux vit sous le seuil de pauvreté. Et sur le plan politique, Macky Sall a aussi des urgences. Il devra composer avec tous ceux qui lui ont permis de gagner - les libéraux, comme lui, mais aussi les socialistes, les Verts, la société civile... Il lui faudra donc concilier les vues parfois divergentes de tous ses alliés de circonstance.
L'objectif "anti-Wade" d'abattre un président vieillissant et qui donnait les signes de vouloir s'accrocher à un pouvoir qu'il détient démocratiquement depuis 2000 est atteint. Maintenant, chacun se tourne vers les législatives du mois de juin qui établiront le rapport de forces entre chacune des formations politiques, et plus précisément le poids réel de l'Alliance pour la République (APR) de Macky Sall, créée en 2008.
Christophe Châtelot (Dakar, envoyé spécial)
A l'instar du premier tour, le 26 février, les radios et télévisions du pays avaient commencé leur litanie dès la fermeture du vote, à 18 heures, en égrenant les résultats, bureau de vote par bureau de vote. Et rapidement les mauvaises nouvelles s'accumulaient pour le président sortant. M.Sall l'emporte à Ziguinchor, la capitale de la Casamance (sud du pays), une des rares villes où M.Wade avait largement surclassé son opposant lors du premier tour à l'issue duquel il avait obtenu, au niveau national, 35% des voix (contre 27% pour son adversaire). Ce score était apparu comme le signe annonciateur d'une défaite alors que le président se disait convaincu de l'emporter dès le premier tour.
"LE VIEUX EST MORT"
Devant le quartier général de l'alliance Macky 2012 dans le quartier Liberté 6, à Dakar, la foule n'avait pas attendu le coup de téléphone présidentiel pour laisser éclater sa joie. "Le "vieux" est mort, il faut l'enterrer", reprenaient en cœur des milliers de partisans de Macky Sall dans une joie communicative. "Nadem ["dégage", en wolof]", hurlait Maimouna Diop, une plantureuse mère de famille hilare dont le tee-shirt exhibait sa profession de foi: "Beauté noire soutient Macky Sall." Sans doute fallait-il y voir un moment de relâchement après les semaines de tension d'une campagne qui prit parfois une tournure violente, causant la mort d'au moins 6 personnes.
Dans la semaine précédant le scrutin, le pays n'avait pas fait mentir sa réputation de "pays de rumeurs", comme l'avait en son temps constaté Léopold Sédar Senghor, le père de la nation, au pouvoir de 1960 (date de l'indépendance de l'ancienne colonie française) à 1980, bruissant de rumeurs de fraudes massives en préparation. Les accusations visaient essentiellement le camp présidentiel.
Sachant qu'il ne disposait que d'un réservoir de voix limité pour l'emporter au second tour face au front constitué par l'ensemble des candidats éliminés au premier tour, rangés derrière Macky Sall, beaucoup disaient que le candidat sortant préparait une manipulation à grande échelle pour inverser la tendance. Ce ne fut pas le cas dimanche.
"Finalement, a constaté M.Berman, il y a eu, des deux côtés, quelques cas d'achat de conscience", expression sénégalaise très en vogue pour décrire l'achat de voix. "C'est compréhensible au regard du niveau de pauvreté de la population que des parents prennent un peu d'argent, si on leur propose, pour nourrir les enfants, mais cela n'a pas influencé le résultat du scrutin vu l'écart entre les deux candidats", ajoutait le chef des observateurs européens. Il a salué la vitalité de la démocratie sénégalaise en tournant les yeux vers le Mali voisin, plongé dans l'incertitude et la confusion après le coup d'Etat militaire du 22 mars.
"60 POUR MACKY, 40 POUR WADE"
Les résultats officiels ne devraient pas être connus avant le milieu de la semaine. Un diplomate occidental s'aventurait toutefois à pronostiquer "60 pour Macky, 40 pour Wade".
Dans son discours adressé à la nation depuis un hôtel de luxe de la capitale où M.Sall tentait d'organiser sa communication loin de la furia de son QG de campagne, le futur quatrième président du Sénégal indépendant a parlé de "plébiscite". Un mot qui, dans la bouche d'un homme connu pour sa mesure - loin du lyrisme et des exagérations de son adversaire du jour -, donne une idée de l'écart de voix. "L'ampleur de cette victoire aux allures de plébiscite exprime l'immensité des attentes de la population, j'en prends toute la mesure. Ensemble, nous allons nous atteler au travail", a-t-il déclaré, sans émotion apparente.
Le chantier économique et social est énorme dans ce pays où un habitant sur deux vit sous le seuil de pauvreté. Et sur le plan politique, Macky Sall a aussi des urgences. Il devra composer avec tous ceux qui lui ont permis de gagner - les libéraux, comme lui, mais aussi les socialistes, les Verts, la société civile... Il lui faudra donc concilier les vues parfois divergentes de tous ses alliés de circonstance.
L'objectif "anti-Wade" d'abattre un président vieillissant et qui donnait les signes de vouloir s'accrocher à un pouvoir qu'il détient démocratiquement depuis 2000 est atteint. Maintenant, chacun se tourne vers les législatives du mois de juin qui établiront le rapport de forces entre chacune des formations politiques, et plus précisément le poids réel de l'Alliance pour la République (APR) de Macky Sall, créée en 2008.
Christophe Châtelot (Dakar, envoyé spécial)