Il n’avait pas d’égal dans la gestion de la cité sainte, dans la vision futurible de l’agglomération en formation et dans sa considération complète de tout être humain, à qui il s’évertuait à le préparer pour un sûr avenir, ici-bas et dans l’au-delà . C’est ce saint homme de Dieu, bien qu’il ait été ravi à notre affection depuis le 14 juin 1989, ses sermons restent vivaces et résonnent encore dans l’actualité politique, pour demeurer «une source d’inspiration privilégiée pour les Mourides».
Aujourd’hui encore, «c’est avec une émotion indicible que nous évoquons la sympathique silhouette de Cheikh Abdoul Ahad, invariablement habillé d’un superbe " baye lahat " taillé dans du tissu bazin, la tête emmitouflé dans un épais turban fait de la même étoffe et les yeux protégés par d’élégantes lunettes noires».
Né en 1914 à Diourbel, Cheikh Abdoul Ahad est le troisième Khalife général de l’état mouride au Sénégal, après El Fallilou Mbacké et Cheikh Mouhamadou Moustapha, ses aînés. Proche de Serigne Bassirou Mbacké, l’intellectuel de la confrérie, Abdoul Ahad aimait prendre à témoin son assistance et tous les talibés mourides dans ses saintes proclamations.
Le Cheikh Ahmadou Bamba disait au jour de sa naissance, devant ses disciples réunis, de prier pour lui, «afin qu’Allah lui accorde longue vie car, en lui, je place un espoir immense».
D’après une opinion répandue, le saint homme était à confondre au saint Coran si le livre saint pouvait avoir les traits et le visage d’un homme. Car «autant le Coran est la vérité, autant Baye Lahat avait élevé au rang de sacerdoce, la pratique de la vérité».
C’est donc à travers son combat pour l’accomplissement de sa volonté d’assainir totalement la ville sainte de Touba, qu’il a su mettre fin de «façon énergique», aux comportements des pervers qui sévissaient à travers des "conférenciers publics" appelés "diwaan kat" ou "marchands d’illusions", où ils se jouaient de la crédulité populaire pour extorquer des fonds aux talibés par leurs discours pernicieux et en tordant le cou aux principes de l’Islam.
Baye Lahat a mis fin à leur commerce, ce qui a permis à l’imaginaire populaire de conserver «le souvenir d’un homme sobre dans sa gestuelle et dans sa vêture, très convivial dans sa courtoisie et sa serviabilité envers son prochain, mais opiniâtrement arc-bouté sur la vérité».
Connu comme inébranlable et juste, il ne protégeait personne face aux torts et à l’injustice, du plus proche parent à la plus haute autorité. D’ailleurs, dès qu’il accéda au khilafat, après le long magistère de Serigne Fallou, en 1968, Serigne Abdoul Ahad déclaré à ses contemporains qu’il servirait de témoin ici-bas et dans l’au-delà, à condition qu’ils s’enracinent dans la vérité et le service de Cheikh Ahmadou Bamba, et que ceux qui emprunteront les voies tortueuses des faux-semblants, sachent qu’ils n’ont rien à voir avec lui, qui qu’ils puissent être.
Dans une discrétion et un effacement impeccable, toute sa vie durant, il ne s’est évertué à ne «vivre que du fruit honnête et licite de son travail», préférant être un talibé parmi les talibés, comme tous ses frères qui ont abdiqué de leur rang de fils du Cheikh, pour se constituer ses talibés.
Ceux qui ont côtoyé le saint homme, disent de lui qu’il était véridique, loyal sincère et très reconnaissant. Dans un de ses sermons célèbres, il disait que tout bon musulman «doit se retrancher opiniâtrement dans la vérité». Pour lui, c’est ainsi que «nulle entreprise humaine, nulle coalition, fût-elle dotée des moyens les plus sophistiqués, ne saurait lui causer le moindre préjudice».
Par contre, «rien ne peut préserver une créature de la sanction divine si elle a le malheur d’avoir contrevenu à La Loi. Pas même l’approbation humaine la plus unanime, encore moins les témoignages les plus élogieux de ses semblables». Ce qui détermine que «nul complexe d’infériorité ne doit nous habiter face à l’Arabe, sous le prétexte que l’Islam a été révélé aux hommes dans sa terre et que sa liturgie s’exprime dans sa langue ; le blanc ne nous est pas supérieur et nous nous garderons bien de le singer, d’autant plus que ses valeurs de civilisation, par bien de leurs aspects, sont incompatibles avec notre foi».
Selon Serigne Abdoul Ahad, «considérons que nous sommes des négro-africains qui s’assumons fièrement, tel qu’il a plu à Dieu de les créer. Nous pratiquons, sans complexe aucun, l’Islam, qui est un message universel, qu’aucun peuple ne peut s’approprier exclusivement».
Tel est le talibé mouride dans sa conception anthropologique, qui établit le comportement du talibé mouride, celui-là même qui revendique son islamité à part entière, mais «une islamité exempte de toute forme d’inféodation à des schémas ou modèles pan arabes. Il est un musulman orthodoxe, qui fonde sa pratique sur la Sunna de l’élu (Psl), qu’au demeurant Cheikh Ahmadou Bamba a réhabilitée dans toute sa splendeur, dans toute son authenticité».
Sa fierté à appartenir à l’espace culturel négro musulman est clairement établie comme «ancrage dans les valeurs du terroir (.) qui ne heurtent pas l’Islam». Et c’est son accoutrement qui permet de l’attester.
Avec lui, «le vêtement remplira sa fonction, à savoir, couvrir le corps en assurant la décence et être suffisamment fonctionnel pour permettre de faire la prière de façon réglementaire et le travail sans être gêné aux entournures». Voilà ainsi décrit le fameux boubou "baye lahat" avec deux poches centrales sur la poitrine, qu’il a lui-même conçu costume pour le mouride sadikh.
Formés aux sciences religieuses et à la connaissance du Coran par leur oncle Serigne Amsatou Diakhaté, lui et son frère de lait, Serigne Chouaïbou Mbacké, ils ont acquis une connaissance élevée des œuvres de leur vénéré père, à qui ils doivent la conformité de leur vie terrestre aux enseignements coraniques assimilées.
En bon travailleur et talibé exemplaire, Baye Lahat a tout à la fois été agriculteur dans ses champs de Touba Bélel, Bokk Barga, Kadd Balooji, Mbara Dieng, grand commerçant habile et honnête, et même, transporteur. Abdoul Ahad Mbacké était un homme droit, honnête, répugnant le mensonge, la duplicité de langage et l’hypocrisie des faux-semblants.
Nommé Père-la-Rigueur (Borom Pastef), il était d’une rectitude indéniable. Pour Baye Lahat, «la vérité et le mensonge ne sauraient cohabiter». C’est pourquoi il a multiplié les daaras pour pousser les jeunes à la quête du savoir pour s’épanouir et se libérer, afin de se consacrer exclusivement à Dieu (le culte du monothéisme pur).
Car «la connaissance ne peut profiter qu’à ceux qui ont "chevillé au corps", l’amour de la vérité, pour la seule face de Dieu», «car viendra un jour où tout le monde rendra compte».
C’est à travers son combat que ses successeurs ont pu mettre les jalons doubles pour l’accomplissement de sa volonté d’assainir totalement la ville sainte de Touba. Sans quoi, l’actuel Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké Bassirou (santé de fer et longue vie à lui), ne ménage aucun effort pour que la sainte ville de Touba demeure et reste la cité de la spatialité, de la foi et du respect scrupuleux des enseignements du Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, qui n’avait pour son salut que son Seigneur, et pour guide, le prophète Mohamed (Paix et salut sur lui), et pour repère, le saint Coran.
Tribune
Aujourd’hui encore, «c’est avec une émotion indicible que nous évoquons la sympathique silhouette de Cheikh Abdoul Ahad, invariablement habillé d’un superbe " baye lahat " taillé dans du tissu bazin, la tête emmitouflé dans un épais turban fait de la même étoffe et les yeux protégés par d’élégantes lunettes noires».
Né en 1914 à Diourbel, Cheikh Abdoul Ahad est le troisième Khalife général de l’état mouride au Sénégal, après El Fallilou Mbacké et Cheikh Mouhamadou Moustapha, ses aînés. Proche de Serigne Bassirou Mbacké, l’intellectuel de la confrérie, Abdoul Ahad aimait prendre à témoin son assistance et tous les talibés mourides dans ses saintes proclamations.
Le Cheikh Ahmadou Bamba disait au jour de sa naissance, devant ses disciples réunis, de prier pour lui, «afin qu’Allah lui accorde longue vie car, en lui, je place un espoir immense».
D’après une opinion répandue, le saint homme était à confondre au saint Coran si le livre saint pouvait avoir les traits et le visage d’un homme. Car «autant le Coran est la vérité, autant Baye Lahat avait élevé au rang de sacerdoce, la pratique de la vérité».
C’est donc à travers son combat pour l’accomplissement de sa volonté d’assainir totalement la ville sainte de Touba, qu’il a su mettre fin de «façon énergique», aux comportements des pervers qui sévissaient à travers des "conférenciers publics" appelés "diwaan kat" ou "marchands d’illusions", où ils se jouaient de la crédulité populaire pour extorquer des fonds aux talibés par leurs discours pernicieux et en tordant le cou aux principes de l’Islam.
Baye Lahat a mis fin à leur commerce, ce qui a permis à l’imaginaire populaire de conserver «le souvenir d’un homme sobre dans sa gestuelle et dans sa vêture, très convivial dans sa courtoisie et sa serviabilité envers son prochain, mais opiniâtrement arc-bouté sur la vérité».
Connu comme inébranlable et juste, il ne protégeait personne face aux torts et à l’injustice, du plus proche parent à la plus haute autorité. D’ailleurs, dès qu’il accéda au khilafat, après le long magistère de Serigne Fallou, en 1968, Serigne Abdoul Ahad déclaré à ses contemporains qu’il servirait de témoin ici-bas et dans l’au-delà, à condition qu’ils s’enracinent dans la vérité et le service de Cheikh Ahmadou Bamba, et que ceux qui emprunteront les voies tortueuses des faux-semblants, sachent qu’ils n’ont rien à voir avec lui, qui qu’ils puissent être.
Dans une discrétion et un effacement impeccable, toute sa vie durant, il ne s’est évertué à ne «vivre que du fruit honnête et licite de son travail», préférant être un talibé parmi les talibés, comme tous ses frères qui ont abdiqué de leur rang de fils du Cheikh, pour se constituer ses talibés.
Ceux qui ont côtoyé le saint homme, disent de lui qu’il était véridique, loyal sincère et très reconnaissant. Dans un de ses sermons célèbres, il disait que tout bon musulman «doit se retrancher opiniâtrement dans la vérité». Pour lui, c’est ainsi que «nulle entreprise humaine, nulle coalition, fût-elle dotée des moyens les plus sophistiqués, ne saurait lui causer le moindre préjudice».
Par contre, «rien ne peut préserver une créature de la sanction divine si elle a le malheur d’avoir contrevenu à La Loi. Pas même l’approbation humaine la plus unanime, encore moins les témoignages les plus élogieux de ses semblables». Ce qui détermine que «nul complexe d’infériorité ne doit nous habiter face à l’Arabe, sous le prétexte que l’Islam a été révélé aux hommes dans sa terre et que sa liturgie s’exprime dans sa langue ; le blanc ne nous est pas supérieur et nous nous garderons bien de le singer, d’autant plus que ses valeurs de civilisation, par bien de leurs aspects, sont incompatibles avec notre foi».
Selon Serigne Abdoul Ahad, «considérons que nous sommes des négro-africains qui s’assumons fièrement, tel qu’il a plu à Dieu de les créer. Nous pratiquons, sans complexe aucun, l’Islam, qui est un message universel, qu’aucun peuple ne peut s’approprier exclusivement».
Tel est le talibé mouride dans sa conception anthropologique, qui établit le comportement du talibé mouride, celui-là même qui revendique son islamité à part entière, mais «une islamité exempte de toute forme d’inféodation à des schémas ou modèles pan arabes. Il est un musulman orthodoxe, qui fonde sa pratique sur la Sunna de l’élu (Psl), qu’au demeurant Cheikh Ahmadou Bamba a réhabilitée dans toute sa splendeur, dans toute son authenticité».
Sa fierté à appartenir à l’espace culturel négro musulman est clairement établie comme «ancrage dans les valeurs du terroir (.) qui ne heurtent pas l’Islam». Et c’est son accoutrement qui permet de l’attester.
Avec lui, «le vêtement remplira sa fonction, à savoir, couvrir le corps en assurant la décence et être suffisamment fonctionnel pour permettre de faire la prière de façon réglementaire et le travail sans être gêné aux entournures». Voilà ainsi décrit le fameux boubou "baye lahat" avec deux poches centrales sur la poitrine, qu’il a lui-même conçu costume pour le mouride sadikh.
Formés aux sciences religieuses et à la connaissance du Coran par leur oncle Serigne Amsatou Diakhaté, lui et son frère de lait, Serigne Chouaïbou Mbacké, ils ont acquis une connaissance élevée des œuvres de leur vénéré père, à qui ils doivent la conformité de leur vie terrestre aux enseignements coraniques assimilées.
En bon travailleur et talibé exemplaire, Baye Lahat a tout à la fois été agriculteur dans ses champs de Touba Bélel, Bokk Barga, Kadd Balooji, Mbara Dieng, grand commerçant habile et honnête, et même, transporteur. Abdoul Ahad Mbacké était un homme droit, honnête, répugnant le mensonge, la duplicité de langage et l’hypocrisie des faux-semblants.
Nommé Père-la-Rigueur (Borom Pastef), il était d’une rectitude indéniable. Pour Baye Lahat, «la vérité et le mensonge ne sauraient cohabiter». C’est pourquoi il a multiplié les daaras pour pousser les jeunes à la quête du savoir pour s’épanouir et se libérer, afin de se consacrer exclusivement à Dieu (le culte du monothéisme pur).
Car «la connaissance ne peut profiter qu’à ceux qui ont "chevillé au corps", l’amour de la vérité, pour la seule face de Dieu», «car viendra un jour où tout le monde rendra compte».
C’est à travers son combat que ses successeurs ont pu mettre les jalons doubles pour l’accomplissement de sa volonté d’assainir totalement la ville sainte de Touba. Sans quoi, l’actuel Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké Bassirou (santé de fer et longue vie à lui), ne ménage aucun effort pour que la sainte ville de Touba demeure et reste la cité de la spatialité, de la foi et du respect scrupuleux des enseignements du Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, qui n’avait pour son salut que son Seigneur, et pour guide, le prophète Mohamed (Paix et salut sur lui), et pour repère, le saint Coran.
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