Vous étiez la semaine dernière à l’aéroport pour accueillir Oumar Sarr qui revenait de la Mauritanie alors qu’il est sous le coup d’une interdiction de sortie du territoire. N’est-ce pas une victoire pour le Parti démocratique sénégalais ?
Il faut souligner le courage politique, l’intégrité et l’honnêteté d’Oumar Sarr. S’il voulait se soustraire de la justice, il aurait pu très bien disparaître et partir vers un autre pays. Mais, il ne l’a pas fait et il est rentré tranquillement au Sénégal en prenant un vol d’une compagnie nationale. Il a débarqué à l’aéroport de Dakar où il a été contrôlé. Il est ensuite sorti pour rentrer tranquillement chez lui.
En sortant du territoire, Oumar Sarr ne défie-t-il pas l’autorité ?
Je ne pense pas qu’on peut l’interpréter comme un défi. Tout le monde sait que cette interdiction de sortie du territoire ne repose pas sur une base légale. D’autant plus que nous l’avons attaquée au niveau de la Cour de justice de la Cedeao qui nous a donné raison et qui a demandé au gouvernement du Sénégal de ne pas retenir ces responsables du Pds à l’intérieur du pays. Mais, le gouvernement en a fait fi. Il a refusé d’obtempérer, d’exécuter cette décision de justice. A partir de ce moment, cela pose problème. Comment un Etat, qui a signé des conventions internationales, peut-il, un bon jour, refuser d’appliquer une décision de justice ? Une décision de justice, qu’elle soit favorable ou pas, reste une décision de justice. Vous devez l’appliquer et maintenant en tirer toutes les conséquences.
Si Oumar Sarr n’avait pas voulu défier l’autorité, pourquoi alors vous l’avez accueilli à l’aéroport ? Et pourquoi médiatiser son retour ?
C’était juste une manière de montrer que cette décision ne repose pas sur quelque chose de sérieux. Si tous ces responsables veulent quitter le pays, ils pourront très bien le faire. C’était aussi une manière de montrer la volonté de ces responsables d’aller vers la vérité. Ils pouvaient tous disparaître. C’est la même chose pour Karim Wade. Quand il a été convoqué, Karim se trouvait hors du Sénégal. Mais, il accepté de revenir dans le pays pour répondre. Il pouvait disparaître dans la nature. On va balancer des mandats d’arrêt internationaux mais ça n’aurait pas eu beaucoup d’impact. Ils ont tous accepté de se soumettre à la justice de leur pays et il faut les féliciter et les encourager.
L’autre lecture qu’on peut faire de ce voyage d’Oumar Sarr en Mauritanie c’est que nous ne sommes pas en sécurité. On peut qualifier nos frontières de passoires. N’importe qui peut entrer et sortir.
Ces dernières semaines, les libéraux marchent pour réclamer la libération de Karim Wade. Pourquoi ne pas laisser la justice faire son travail ? Pourquoi mettre la pression sur les magistrats ?
Non, il ne s’agit pas de ça. Nous ne mettons la pression sur qui que ce soit. Pour nous, le dossier de Karim Wade est un problème politique. Ceux qui nous gouvernent aujourd’hui, il y a un an, étaient dans l’opposition. Ils déclaraient urbi et orbi qu’ils allaient mettre Karim Wade en prison dès qu’ils vont prendre le pouvoir.
Peut-être qu’ils pensaient que Karim avait détourné l’argent des Sénégalais. Son patrimoine est estimé à près de 700 milliards par le Procureur spécial près de la Cour de répression de l’enrichissement illicite…
On le lui reproche mais jusqu’à présent, personne n’a prouvé qu’il a pris tout cet argent. Les enquêteurs sont partis dans beaucoup de pays. Mais, d’après nos informations, il n’y a pas grand-chose dans les comptes qu’ils ont visités. Et puis, il y a une confusion qui est savamment entretenue. Karim n’a pas été arrêté à cause de sa gestion. Il a géré un ministère qui n’a toujours pas été audité. Alors on ne peut pas parler de problème de gestion. On reprocherait à Karim Wade de s’être enrichi illicitement. Ils ont cherché mais, jusqu’à présent, ils n’ont aucune preuve. Tous ces milliards dont on parle constituent le montant des sociétés dont on dit que Karim en serait le propriétaire, ce qui n’est pas prouvé. Et lui, il dit que tous ces biens ne lui appartiennent pas. A partir de ce moment, le problème devient politique. On cherche la petite bête et on l’a trouvée en Karim. Ils ont trouvé le prétexte idéal pour l’arrêter.
Voulez-vous dire que le pouvoir craint Karim Wade ?
Nous sommes des politiques. Il y a des choses que tout le monde ne peut pas comprendre. En matière de politique, il faut parfois faire un peu de prospectives. Quoi qu’on dise, Karim est un adversaire politique du pouvoir. On en a fait un adversaire politique parce que je n’ai jamais entendu Karim prendre des positions pouvant faire penser qu’il a l’ambition de mener une carrière politique digne de ce nom. A part sa ‘Génération du Concret’, on n’a pas vu Karim faire des tournées, aller chercher des militants à droite et à gauche. On ne l’a jamais vu. Mais pour certains, tôt ou tard, il va mettre les pieds dans les tris. Donc, il faut le briser dès maintenant. En faisant de Karim une victime, ils lui rendent service. Le problème aussi c’est que ceux qui nous gouvernent forment une coalition hybride avec un cocktail explosif. Des socialistes, des libéraux, des marxistes, des socio-démocrates, des communistes composent Benno Bokk Yakaar.
Pensez-vous que la coalition de BBY vivra longtemps ?
Ce sera extrêmement difficile et les premiers signes sont là. Certains ont un pied dedans et un autre dehors. Il n’y a pas d’homogénéité et de solidarité dans ce groupe, les leaders se tirent dessus. Et en politique, l’une des règles fondamentales, surtout pour une majorité qui gouverne, il faut une solidarité. Si vous n’avez pas l’unité dans l’action, vous n’irez pas loin. A BBY, on a l’impression qu’ils n’ont pas une ligne de conduite sur laquelle tout le monde pourrait s’accorder. Leur seule ligne de conduite était le départ de Wade. Maintenant que Wade est parti, bonjour les dégâts, les divergences apparaissent au grand jour. Tanor a son discours, Niasse a le sien, Idrissa Séck aussi ; chacun y va de son latin. Et puis, c’est la première fois, dans l’histoire politique du Sénégal, que le parti du président de la République ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée nationale. Ce qui est extrêmement grave parce que si un président de la République ne contrôle pas le Parlement, ce sera difficile pour lui de faire passer sa politique. Pour contrôler l’Assemblée nationale, il lui faut, à la tête de cette institution, quelqu’un qui est du même parti que lui. Ce qui n’est pas le cas.
La loi "Sada Ndiaye", qui a fait passer le mandat du président de l’Assemblée nationale de cinq à un an, n’a toujours pas été abrogée. Macky Sall hésiterait-il à renouveler le mandat de Niasse ?
C’est clair ! La politique n’est pas un jeu d’enfants. Si le président de l’Assemblée nationale n’a pas la même opinion et la même vision que le président de la République, ce sera le blocage des institutions. Et pour le moment, le chef de l’Etat ne peut dissoudre l’Assemblée que dans deux ans. D’où la nécessité de cette loi "Sada Ndiaye". S’il n’y avait pas cette loi, le pays serait bloqué par une lutte entre le président de la République et le président de l’Assemblée nationale. Donc, la loi "Sada Ndiaye" a son intérêt.
Même si cette loi est celle que vous avez utilisée pour chasser Macky Sall de l’Assemblée nationale ?
Oui, mais il faut voir dans quel contexte. A partir du moment où le président Wade et Macky Sall n’avaient pas la même vision, leur cohabitation était devenue impossible. Il fallait prendre certaines mesures pour régler ce problème le plus rapidement possible. Sinon on risquait d’aller vers le blocage des institutions.
Entretien réalisé par Serigne Diaw (www.leral.net)
Il faut souligner le courage politique, l’intégrité et l’honnêteté d’Oumar Sarr. S’il voulait se soustraire de la justice, il aurait pu très bien disparaître et partir vers un autre pays. Mais, il ne l’a pas fait et il est rentré tranquillement au Sénégal en prenant un vol d’une compagnie nationale. Il a débarqué à l’aéroport de Dakar où il a été contrôlé. Il est ensuite sorti pour rentrer tranquillement chez lui.
En sortant du territoire, Oumar Sarr ne défie-t-il pas l’autorité ?
Je ne pense pas qu’on peut l’interpréter comme un défi. Tout le monde sait que cette interdiction de sortie du territoire ne repose pas sur une base légale. D’autant plus que nous l’avons attaquée au niveau de la Cour de justice de la Cedeao qui nous a donné raison et qui a demandé au gouvernement du Sénégal de ne pas retenir ces responsables du Pds à l’intérieur du pays. Mais, le gouvernement en a fait fi. Il a refusé d’obtempérer, d’exécuter cette décision de justice. A partir de ce moment, cela pose problème. Comment un Etat, qui a signé des conventions internationales, peut-il, un bon jour, refuser d’appliquer une décision de justice ? Une décision de justice, qu’elle soit favorable ou pas, reste une décision de justice. Vous devez l’appliquer et maintenant en tirer toutes les conséquences.
Si Oumar Sarr n’avait pas voulu défier l’autorité, pourquoi alors vous l’avez accueilli à l’aéroport ? Et pourquoi médiatiser son retour ?
C’était juste une manière de montrer que cette décision ne repose pas sur quelque chose de sérieux. Si tous ces responsables veulent quitter le pays, ils pourront très bien le faire. C’était aussi une manière de montrer la volonté de ces responsables d’aller vers la vérité. Ils pouvaient tous disparaître. C’est la même chose pour Karim Wade. Quand il a été convoqué, Karim se trouvait hors du Sénégal. Mais, il accepté de revenir dans le pays pour répondre. Il pouvait disparaître dans la nature. On va balancer des mandats d’arrêt internationaux mais ça n’aurait pas eu beaucoup d’impact. Ils ont tous accepté de se soumettre à la justice de leur pays et il faut les féliciter et les encourager.
L’autre lecture qu’on peut faire de ce voyage d’Oumar Sarr en Mauritanie c’est que nous ne sommes pas en sécurité. On peut qualifier nos frontières de passoires. N’importe qui peut entrer et sortir.
Ces dernières semaines, les libéraux marchent pour réclamer la libération de Karim Wade. Pourquoi ne pas laisser la justice faire son travail ? Pourquoi mettre la pression sur les magistrats ?
Non, il ne s’agit pas de ça. Nous ne mettons la pression sur qui que ce soit. Pour nous, le dossier de Karim Wade est un problème politique. Ceux qui nous gouvernent aujourd’hui, il y a un an, étaient dans l’opposition. Ils déclaraient urbi et orbi qu’ils allaient mettre Karim Wade en prison dès qu’ils vont prendre le pouvoir.
Peut-être qu’ils pensaient que Karim avait détourné l’argent des Sénégalais. Son patrimoine est estimé à près de 700 milliards par le Procureur spécial près de la Cour de répression de l’enrichissement illicite…
On le lui reproche mais jusqu’à présent, personne n’a prouvé qu’il a pris tout cet argent. Les enquêteurs sont partis dans beaucoup de pays. Mais, d’après nos informations, il n’y a pas grand-chose dans les comptes qu’ils ont visités. Et puis, il y a une confusion qui est savamment entretenue. Karim n’a pas été arrêté à cause de sa gestion. Il a géré un ministère qui n’a toujours pas été audité. Alors on ne peut pas parler de problème de gestion. On reprocherait à Karim Wade de s’être enrichi illicitement. Ils ont cherché mais, jusqu’à présent, ils n’ont aucune preuve. Tous ces milliards dont on parle constituent le montant des sociétés dont on dit que Karim en serait le propriétaire, ce qui n’est pas prouvé. Et lui, il dit que tous ces biens ne lui appartiennent pas. A partir de ce moment, le problème devient politique. On cherche la petite bête et on l’a trouvée en Karim. Ils ont trouvé le prétexte idéal pour l’arrêter.
Voulez-vous dire que le pouvoir craint Karim Wade ?
Nous sommes des politiques. Il y a des choses que tout le monde ne peut pas comprendre. En matière de politique, il faut parfois faire un peu de prospectives. Quoi qu’on dise, Karim est un adversaire politique du pouvoir. On en a fait un adversaire politique parce que je n’ai jamais entendu Karim prendre des positions pouvant faire penser qu’il a l’ambition de mener une carrière politique digne de ce nom. A part sa ‘Génération du Concret’, on n’a pas vu Karim faire des tournées, aller chercher des militants à droite et à gauche. On ne l’a jamais vu. Mais pour certains, tôt ou tard, il va mettre les pieds dans les tris. Donc, il faut le briser dès maintenant. En faisant de Karim une victime, ils lui rendent service. Le problème aussi c’est que ceux qui nous gouvernent forment une coalition hybride avec un cocktail explosif. Des socialistes, des libéraux, des marxistes, des socio-démocrates, des communistes composent Benno Bokk Yakaar.
Pensez-vous que la coalition de BBY vivra longtemps ?
Ce sera extrêmement difficile et les premiers signes sont là. Certains ont un pied dedans et un autre dehors. Il n’y a pas d’homogénéité et de solidarité dans ce groupe, les leaders se tirent dessus. Et en politique, l’une des règles fondamentales, surtout pour une majorité qui gouverne, il faut une solidarité. Si vous n’avez pas l’unité dans l’action, vous n’irez pas loin. A BBY, on a l’impression qu’ils n’ont pas une ligne de conduite sur laquelle tout le monde pourrait s’accorder. Leur seule ligne de conduite était le départ de Wade. Maintenant que Wade est parti, bonjour les dégâts, les divergences apparaissent au grand jour. Tanor a son discours, Niasse a le sien, Idrissa Séck aussi ; chacun y va de son latin. Et puis, c’est la première fois, dans l’histoire politique du Sénégal, que le parti du président de la République ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée nationale. Ce qui est extrêmement grave parce que si un président de la République ne contrôle pas le Parlement, ce sera difficile pour lui de faire passer sa politique. Pour contrôler l’Assemblée nationale, il lui faut, à la tête de cette institution, quelqu’un qui est du même parti que lui. Ce qui n’est pas le cas.
La loi "Sada Ndiaye", qui a fait passer le mandat du président de l’Assemblée nationale de cinq à un an, n’a toujours pas été abrogée. Macky Sall hésiterait-il à renouveler le mandat de Niasse ?
C’est clair ! La politique n’est pas un jeu d’enfants. Si le président de l’Assemblée nationale n’a pas la même opinion et la même vision que le président de la République, ce sera le blocage des institutions. Et pour le moment, le chef de l’Etat ne peut dissoudre l’Assemblée que dans deux ans. D’où la nécessité de cette loi "Sada Ndiaye". S’il n’y avait pas cette loi, le pays serait bloqué par une lutte entre le président de la République et le président de l’Assemblée nationale. Donc, la loi "Sada Ndiaye" a son intérêt.
Même si cette loi est celle que vous avez utilisée pour chasser Macky Sall de l’Assemblée nationale ?
Oui, mais il faut voir dans quel contexte. A partir du moment où le président Wade et Macky Sall n’avaient pas la même vision, leur cohabitation était devenue impossible. Il fallait prendre certaines mesures pour régler ce problème le plus rapidement possible. Sinon on risquait d’aller vers le blocage des institutions.
Entretien réalisé par Serigne Diaw (www.leral.net)