Macky2012 a proposé au Président la création d’un pôle présidentiel large, qui approuve l’idée. Qu’en pensez-vous ?
D’abord, je salue cette rencontre entre le président de la République et ses premiers alliés, qui l’ont accompagné sans calcul. J’en suis ravi parce que la sortie qu’on prêtait au Président suite au communiqué de Macky2012, invitant les leaders de la coalition qui est venue après le 2è tour (Ndlr : Benno bokk yaakaar) à suspendre leurs ambitions est conséquente. Mais j’avoue que je n’ai pas compris la sortie du Président ni dans la forme ni dans le fond. J’en ai même été affecté. Le problème, c’est qu’il est très constant dans le respect des formes.
Le Président avait qualifié cette sortie de Macky2012 de «sabotage».
Oui, mais je crois qu’il s’est replié en parlant de maladresse. Je le connais.
Donc, vous êtes aussi d’avis que les alliés doivent suspendre leurs ambitions pendant 10 ans…
Ah oui ! Il faut dire que Macky2012 a été constant dans sa démarche. Il y en a qui étaient candidats à la Présidentielle avant de se ranger derrière le Président. Donc avec cette audience, je retrouve le Président que j’ai connu avec sa courtoisie.
Sauf qu’il a trouvé la sortie de Macky2012 envers ses alliés de Benno bokk yaakaar discourtoise...
Oui, dans la formulation peut-être, mais dans le fond, ce n’était pas méchant. Avec Jean Paul Dias, Malick Ndiaye, Ibrahima Sall, Zahra Iyane Thiam, Moustapha Fall Ché, ma référence, et d’autres, autour d’une table, je pense que le Président a été à la hauteur.
Et ce pôle présidentiel sera-t-il une sorte de Cap21 version Macky ?
Je n’ai pas encore les contours de ce pôle présidentiel large. Ce que je peux dire, c’est que ces personnes sont des valeurs intellectuelles, morales sûres.
Justement, par rapport au pôle présidentiel, peut-on l’expliquer par le fait que l’Apr n’est pas bien structurée ou n’est pas solide.
Franchement, je me demande s’il faut en rire ou en pleurer. Dire que l’Apr n’est pas bien structurée, c’est une forme de menace qu’on agite des fois à la Don Quichotte. Si un parti, à moins de deux ans de sa création, a pu vaincre des partis centenaires comme le Ps, l’Afp, la Ld, le Pit, tous regroupés dans deux grandes coalitions de coalitions, je me demande alors ce qu’est un parti fort, structuré.
L’Apr a toute cette crème si vous voulez. Mais pourquoi alors ils ne sont pas nombreux dans le gouvernement ?
Nous n’avons jamais eu l’intention de gouverner tout seul.
Vous avez dit lors du ndogou de l’Apr dans la banlieue : «On reprendra notre parti en main.» Qui vous l’a confisqué ?
Je rappelle que je l’avais déjà dit dans le journal Le Pays. C’est bon d’être dans une alliance, mais il serait dangereux que l’Apr perde son identité. Aujourd’hui, on ne reconnaît plus l’Apr dans l’entourage du Président. Qui vous voyez à ses côtés ? Des inconnus et anciens pourfendeurs du parti et du Président Macky. Le parti doit avoir une ambiance familiale et ce sont là les plaintes et complaintes de tous les militants. J’espère que le Président en a perçu les échos. Lorsque le Pds a pris le pouvoir, les Modou Diagne Fada, les Aliou Sow étaient jeunes et, du point de vue intellectuel, je ne pense pas qu’ils avaient plus d’avantages que les jeunes de l’Apr qui ont un bon niveau avec leurs masters et sont rompus à toutes les expertises. C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Mais dire «la patrie avant le parti» en ne prenant en compte que des personnes venant de ces partis pose problème.
Vous aviez dit justement, lors de ce ndogou, que «la patrie avant le parti» est une insulte…
(Rires) Là, c’est Me War qui extériorisait l’amertume des militants qui, par fidélité au Président, le préviennent des dangers qu’il encourt.
C’est quand même, au fond, une conviction…
J’assume toujours ce que je dis. Le seul courage, c’est de dire ce qui est juste. Les Sénégalais veulent voir des gens qui ont toujours été aux côtés du Président dans les moments difficiles aussi. Abdoulaye Wade était avec les Lamine Bâ, Aminata Tall, Mbaye Ndiaye et autres. Ce sont des stratégies politiques qu’il nous a apprises. Tout n’a pas été négatif avec Wade. La chaleur humaine par exemple. Je l’ai dit à Macky en wolof : «Moytoul seddaayou Palais. Et en français : «Méfiez-vous du froid et de l’isolement, la solitude du Palais !» Entourez-vous de gens qui vous ont connu avant et qui vous ont toujours soutenu !
Est-ce qu’il est perdu par ce que vous dites-là ?
Vous savez, il y a des politiciens qui ont survécu à tous les régimes, des spécialistes dans l’isolement, dans les intrigues. C’est ce qui a perdu Diouf, puis Wade. Et les mêmes causes produisant les mêmes effets, c’est cela qui risque de lui arriver.
A vous entendre, vous n’avez pas accès au Président pour pouvoir lui dire tout cela…
Hélas, c’est la triste réalité ! Ecoutez, le bonheur des uns fait le malheur des autres. Au Sénégal, dans les partis, les gens se retrouvent autour d’une personne qui incarne des valeurs. C’était avec Senghor, avec Diouf, avec Wade et aujourd’hui avec Macky Sall. N’en déplaise ! Il faut un noyau dur d’hommes, de femmes et de jeunes de valeur comme Abdou Mbow, Alioune Badara Cissé, mon ami et frère, Diène Farba Sarr, Marième Badiane, Thérèse Faye, Abdoulaye Ngom, Abdoulaye Daouda Diallo, Diouf Sarr... Ce sont des gens qui ont sillonné le pays en entier avec lui. Je ne comprends pas qu’au nom d’une certaine sécurité, on écarte la garde rapprochée du Président qui était à ses côtés dans les périodes de braise : les Youssou Mbaye, Major Diop, Charles, Kosso Thiam, Ame. Quand vous croisez ces personnes, vous êtes obligés de vous cacher pour ne pas pleurer par gêne. Il en est de même de sa fidèle et vieille collaboratrice madame Senghor dont la séparation est vécue douloureusement par tous les militants de l’Apr. Nous en ignorons les causes, mais nous le supplions de la faire revenir. C’est valable pour notre frère Alioune Badara Cissé. J’invite les sages du Parti à s’investir dans cette entreprise.
Le Président s’éloigne-t-il donc de tous ces gens que vous avez cités ?
Ce n’est pas qu’il s’éloigne d’eux. C’est peut-être la charge étatique. Macky Sall est, passez-moi l’expression, une bête de travail, un homme très intelligent, concis, de défis. Là vraiment, il a été à bonne école.
Barthélemy Dias dit qu’il travaille trop : «Un Président, ça préside, un Premier ministre, ça coordonne…»
Barthélemy Dias est un neveu à moi puisque son papa est un ami. Je ne dirai pas que son appréciation est démesurée- toute suggestion est la bienvenue- mais Macky Sall sait bien ce qu’est un Etat pour avoir occupé toutes les «stations», pour reprendre l’expression de mon ami Idrissa Seck.
Et «Benno bokk kharaan» ou «Benno bokk yakkal Macky». Expliquez-nous cette formule que vous avez sortie lors de ce même ndogou.
(Rires) Non, je ne vais pas y revenir. Mais il faut qu’on soit logique. Ils ont dit que le Président leur a dit : «Gagnons ensemble, gouvernons ensemble». Ils ont la mémoire courte parce que c’est ce qu’ils avaient pourtant promis à Macky Sall aux Locales de 2009. A l’époque, c’est Macky Sall qui avait battu campagne en parcourant tout le pays, qui a mis son argent et son matériel alors qu’ils étaient-là, dans leurs salons. Mais quand on a gagné la mairie, qu’est-ce qu’ils ont fait ?
Dites-nous.
Qui a été à la tête des mairies ? A Podor, avec Aïssata Tall Sall, comme à Louga, ils ont supplié Macky Sall de venir battre campagne, conscients de l’élan de sympathie qu’il avait.
Mais à Podor, le Ps était la deuxième force derrière le Pds, avant les Locales de 2009.
Soyons sérieux quand même ! Au premier tour de la dernière Présidentielle, le seul baromètre fiable et plus récent d’évaluation, les plus grandes collectivités étaient entre les mains du Ps et de l’Afp. Je ne veux pas rentrer dans une polémique. En 2012, Khalifa Sall était maire de Dakar et le Ps contrôlait les grandes mairies, et l’Afp dans une moindre mesure. Mais ils n’ont même pas vu notre takhadeer (ombre) à la Présidentielle. A Biscuiterie, «la Mecque et le Karbala de l’Apr», mon fief, dans tous les centres et bureaux de vote, l’Apr a battu à plate couture la Coalition Sopi avec de grands ténors comme Doudou Wade, Ndiouga Sakho, Kader Sow, l’Afp, le Ps, la Ld, le Pit à travers leurs coalitions.
Etes-vous d’accord que Macky Sall a capitalisé finalement les résultats du travail en amont mené par Benno siggil senegaal ?
Faire coïncider nos actions avec 2012 est une approche très partielle et partiale. C’est pourquoi je dis que «la patrie avant le parti» pose problème. C’est parce que de vaillants hommes et femmes étaient-là en 2007 que la patrie était debout. Lorsque Macky subissait cette insulte et cette violation grave des principes de la République, où étaient ceux qui parlent aujourd’hui de la patrie ?
C’est quand même la patrie qui l’a élu, non ?
Je parle d’une dynamique. En 2008, pourquoi n’avaient-ils pas réagi par rapport à cela ? Lorsque, de manière illégale et inconstitutionnelle, on était en train de violer le principe de la séparation des pouvoirs, ce coup d’Etat politique et institutionnel, on n’a jamais entendu ces gens. Même si c’était le cas, ils l’ont fait timidement.
Que se passe-t-il entre l’Apr et le Ps ?
En fait, nous sommes issus d’un parti et pendant 25 ou 30 ans, nous avons mené un combat contre le régime qui était-là. Je crois qu’il faut dire les choses telles qu’elles se présentent. N’oublions pas que le Président Moustapha Niasse a été un acteur déterminant pour la chute du régime socialiste. Il n’y a pas de rancune, mais les plaies ne sont pas cicatrisées de part et d’autre : le camp de Wade, de ses fils et le Ps d’abord, le Ps et l’Afp ensuite, si on veut être sincère. Il faut oser dire qu’avant la Présidentielle, Macky n’avait pas été accepté par la Coalition de Benno et les Assisards. Nous en avons entendu de tous les noms d’oiseaux et le Parti socialiste en tête bien entendu. Nous n’avons jamais accepté la candidature unique proposée par Benno siggil senegaal. L’histoire nous a donné raison.
Etes-vous d’avis, comme Macky2012, qu’il faut se séparer du Ps ?
Je n’ai pas entendu Moustapha Niasse- que je salue d’ailleurs-, encore moins les membres de son parti faire des allégations excessives, discourtoises à l’endroit de notre parti et de notre Président. Par contre, Tanor est allé au Bureau politique fustiger la démarche des marchés de gré à gré alors qu’il pouvait bien le faire dans un cadre plus adéquat. Je crois plus à la loyauté des gens de l’Afp.
Le gré à gré est à fustiger non ?
Ça, c’est autre chose. Nous savons comment fonctionne le Parti socialiste.
Est-ce que Tanor et le Ps étouffent aujourd’hui l’Apr ?
Ce n’est pas Tanor qui étouffe ! Aujourd’hui, il faut que les choses soient claires. Nous sommes dans une alliance dont l’un des alliés dit que c’est son droit le plus absolu de convoiter le fauteuil du Président. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Pour ainsi dire : «En 2017, nous voulons que Tanor ou un autre membre du Parti socialiste soit au Palais.» Nous n’avons pas entendu l’Afp dans cette posture. Peu importe, nous ne sommes pas dans une cohabitation. Dans des pays comme la France, la cohabitation est dictée par les urnes. Il y en a eu sous Mitterrand, puis sous Chirac. Aujourd’hui, il y a même un flou avec Tanor. On dit qu’il est ministre d’Etat, mais je voudrais bien que Macky et Tanor lui-même nous édifient sur cette question.
Tanor avait quand même précisé qu’il n’est que «conseiller officieux» du Président.
La chose étatique est quand même sérieuse et ne doit pas souffrir de flou.
Est-ce que vous demandez à l’Afp et au Ps de se ranger derrière l’Apr ?
Non, je suis pour une cohésion. J’ai ma liberté de penser et d’apprécier. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Ce que quelqu’un comme Barthélemy Dias du Parti socialiste dit, Malick Diop ou Malick Gackou pouvaient le dire. On brandit le bâton et on dit : «Faites attention sinon on vous fonce dessus !» On croit nous faire peur, mais un vrai Apériste ne connaît pas la peur.
Apparemment vous avez justement peur du Ps.
Ce n’est pas une question de peur. J’ai lu un entretien de Alioune Fall (Ndlr : de la fondation de la Première dame) où il conseille au Président de laisser Khalifa Sall à la tête de la mairie de Dakar et de ne pas y mettre un membre de l’Apr. C’est une insulte pour moi. Comment peut-il penser qu’un Me War, moi-même, un Seydou Guèye, un Abdoulaye Diouf Sarr, un Moustapha Cissé Lô, un Abdourahmane Ndiaye ou un Me Boubacar Diallo ne peuvent pas prendre la mairie de Dakar ? Que chacun reste à sa place ! La mairie de Dakar, c’est nous Dakarois qui en parlons. C’est un analyste politique aussi…
Etre analyste ne vous donne quand même pas le droit de sous-estimer les gens et de se donner des libertés. Je respecte Khalifa Sall tout comme Moustapha Diakhaté et d’autres ont eu à avoir des rapports particuliers avec lui. Mais dire que l’Apr ne doit pas convoiter la mairie de Dakar, c’est quand même trop.
Seulement, l’Apr a du mal à désigner un adversaire pour Khalifa Sall...
Nous n’en sommes pas là. Nous avons tout de même des ressources, des individualités. Mais Mbaye Ndiaye aux Parcelles peut bien être un candidat, tout comme Abdoulaye Diouf Sarr, Seydou Guèye, etc.
Pourquoi pas vous ?
Biscuiterie a les meilleurs résultats à Dakar. Le maire Ps qui était là-bas est arrivé en 4ème position au premier tour. C’est cela mon baromètre. Ce ne sont pas les Esquimaux, des Baniamoulengué qui étaient à Dakar. Rien n’a changé et «rien ne s’est perdu», comme disait Lavoisier. En tant que natif de Dakar, conseiller municipal à Biscuiterie, pourquoi pas moi ?
L’Apr doit-elle aller aux Locales seule, avec Macky2012 ou avec Bby ?
En tout cas, à Biscuiterie, je ne sais pas ce que le parti décidera. Mais il faut qu’on soit logique. On ne peut pas dire que l’Apr n’est pas un grand parti et ne pas se peser. D’ailleurs, les résultats de la Présidentielle sont là avec 26% au premier tour alors que la totalité de leurs voix n’atteint pas ce chiffre. En tous les cas, il est incontournable qu’on se pèse sur l’échiquier. On dit que pour ces élections, c’est une question de localité. Alors, que chacun y aille sous sa propre bannière et l’Apr de son côté !
Les instances de l’Apr comme le directoire politique ne se réunissent plus. N’y a-t-il pas une certaine léthargie ?
Mais ce sont les effets dévastateurs de Benno bokk yaakaar.
Benno bokk yaakaar est la cause de tous vos maux…
Non, ce n’est même pas ça. Les gens du Ps se réunissent toutes les semaines. Abdou Diouf le faisait avec ces Bureaux politiques et Abdoulaye Wade avec ces Comités directeurs. On ne réinvente pas la politique. Peut-être que c’est parce que c’était la première année, mais je peux dire que le Directoire pense à des rencontres régulières avec le Président. Je voudrais bien que l’Apr se pèse dans ces élections-là et si elle perd, elle se prépare pour 2017. «Deukk bi dafa Macky (le pays va mal)», ce sont les tapalékat (paresseux) et les larbins qui peuvent le dire. Les fonctionnaires sont payés, les entrepreneurs, les paysans, les vendeurs de poisson vendent, le cordonnier fait toujours ces chaussures. Et l’argent ne circule plus parce que les oisifs qui avaient l’habitude de voir l’argent de Abdoulaye Wade pleuvoir sur eux ne le voient plus.
Vous êtes le directeur de l’Ecole du parti. Qu’est-ce que vous y enseignez, du Libéralisme ou du Socialisme ?
(Rires) Il faut rendre hommage au Président Abdoulaye Wade qui, très tôt, a su que la formation est très importante. La vocation de cette école, c’est d’assurer la formation du militant sur la chose publique, l’Etat et même de rendre visible l’action du Président.
L’Apr est-elle un parti libéral ?
Le Président l’a dit dans un entretien avec un journal américain sans oublier qu’il a été à l’Internationale libérale, à Abidjan. Donc, Macky Sall est un libéral social qui prône des valeurs autour de ces deux axes : l’humanisme républicain et le patriotisme économique. C’est faire des sacrifices comme la suppression du Sénat et déployer les fonds dans la résolution de la question des inondations. C’est aussi faire un abandon d’impôts au profit des acteurs économiques qui peinent à payer. Cela peut paraître choquant pour un libéral, mais c’est le Libéralisme social. Il y a la couverture médicale et la gratuité de l’hémodialyse. Dans les universités privées, nous avons pris en charge les frais de scolarité des étudiants. En fait, c’est ça l’essence du Libéralisme. Donc, le Socialisme n’a pas le monopole des bonnes actions. Ce que Abdoulaye Wade a fait en 12 ans, en terme d’infrastructures, d’écoles, du Plan sésame, etc., les Socialistes ne l’ont pas fait.
Donc, vous êtes en phase avec ce qu’on appelle aujourd’hui les retrouvailles libérales…
Absolument ! Même si j’ai entendu de l’autre côté les menaces de ma sœur socialiste (Ndlr : Aïssata Tall Sall). De quoi elle se mêle ! (Rires)
Elle parle de «trahison» si cela devrait se faire…
Comment peut-on être avec eux, travailler dans un gouvernement et ne pas le faire avec des Libéraux. C’est aberrant ! Les actes qui sont posés dans le cadre de la traque des biens mal acquis n’ont rien à voir avec le Libéralisme. C’est un régime qui prône la bonne gouvernance, la probité, l’intégrité dans la gestion de la chose publique.
Le Président ne parle même pas de retrouvailles, mais de «compromis historique»…
Son «compromis» a sa source dans l’histoire. «Nous sommes tous issus d’une même famille.» Je dirais plutôt un compromis biologique de survie politique. Je souhaiterais, dans le pire des cas, après Macky Sall que le pouvoir tombe entre les mains d’autres Libéraux de l’Apr, sinon du Pds ou de Rewmi.
Souhaiteriez-vous, comme Wade, que les Libéraux gardent le pouvoir pendant cinq ans ou plus ?
Ah oui ! Et le Président Macky Sall n’a pas le droit de ne pas réaliser cette prophétie de notre père Abdoulaye Wade qui n’est pas un rêve. Il peut bien se concrétiser, sinon il rendra des comptes devant l’Histoire. Mais regardez ces rouges qui sont à ses côtés : Dansokho, Bathily, Mamadou Ndoye, les Trotskystes aussi. Cela pose un problème. Des fois, ils le caressent dans le sens du poil en le faisant passer pour un homme de gauche. Macky est libéral et le restera. Ces gens-là gardent toujours la bave de la revanche et des rancunes parce que Wade leur a toujours donné des corrections qu’ils ont bien méritées. Il ne doit rien faire qui puisse faire mal au Président Wade. La vie n’en vaut pas la peine.
Vous êtes le président de la Commission des lois. Pourquoi la proposition de loi de Omar Sarr de Rewmi pour le retour du quinquennat au Perchoir ne bouge pas ?
Ce n’est pas que ça ne bouge pas. L’initiative des lois vient de l’Exécutif et du Législatif. Donc, quoi de plus normal, au regard des dispositions de la loi. L’année a été particulièrement chargée. Dans la proposition de loi, il y a des lenteurs et des pesanteurs. Je rappelle qu’il y en a d’autres qui sont en chantier.
On pourrait dire que vous avez peur parce qu’elle émane d’un député de Rewmi. Vous n’attendez quand même pas les réformes institutionnelles pour le faire ?
Mais pourquoi pas ? Il n’y a aucune loi plus importante qu’une autre. Je crois que cette commission est à pied d’œuvre. Oumar Sarr est mon vice-président. Mais jusqu’à présent, il ne m’en a pas parlé. En bon politicien qu’il est, est-ce qu’il ne l’avait pas agitée comme ça, d’autant plus que l’intéressé, Moustapha Niasse, ne veut pas la voter.
Y a-t-il un problème entre l’Apr et Rewmi ?
En apparence, je n’en vois pas.
Vous êtes en train de dégarnir Rewmi avec le départ de Nafissatou Diop, après avoir cherché à avoir Omar Guèye et Pape Diouf...
D’après ce que Macky m’a dit, c’est Nafissatou qui a dit qu’elle a eu des problèmes personnels avec Idrissa Seck. Je ne crois pas à la loi des grands nombres ou à la politique de massification fondée sur la honteuse transhumance. C’est pourquoi, le Président doit incarner cette rupture-là par le rejet de cette pratique.
Sauf que le Président a accueilli récemment Me Nafissatou Diop Cissé…
Non, ne sortons pas du cadre pour le moment (rires). Je relève que les motifs avancés me paraissent tout de même légers et qu’elle aurait bien pu nous passer de ses piques adressées à son ancienne sœur de parti. Je n’apprécie pas cette forme d’abandon. Ce n’est pas cela qui grandit un parti et d’ailleurs ça pourrait plus servir à Idrissa Seck qu’au Président Macky.
C’est la bataille Macky Sall-Idrissa Seck qui se poursuit…
S’il y a quelqu’un qui était très dur avec Idrissa Seck, c’est moi. Mais je n’apprécie pas la sortie de Nafissatou qui a fait allusion à l’hôtel Saint James, en s’attaquant à la respectable Léna Sène.
lequotidien.sn
D’abord, je salue cette rencontre entre le président de la République et ses premiers alliés, qui l’ont accompagné sans calcul. J’en suis ravi parce que la sortie qu’on prêtait au Président suite au communiqué de Macky2012, invitant les leaders de la coalition qui est venue après le 2è tour (Ndlr : Benno bokk yaakaar) à suspendre leurs ambitions est conséquente. Mais j’avoue que je n’ai pas compris la sortie du Président ni dans la forme ni dans le fond. J’en ai même été affecté. Le problème, c’est qu’il est très constant dans le respect des formes.
Le Président avait qualifié cette sortie de Macky2012 de «sabotage».
Oui, mais je crois qu’il s’est replié en parlant de maladresse. Je le connais.
Donc, vous êtes aussi d’avis que les alliés doivent suspendre leurs ambitions pendant 10 ans…
Ah oui ! Il faut dire que Macky2012 a été constant dans sa démarche. Il y en a qui étaient candidats à la Présidentielle avant de se ranger derrière le Président. Donc avec cette audience, je retrouve le Président que j’ai connu avec sa courtoisie.
Sauf qu’il a trouvé la sortie de Macky2012 envers ses alliés de Benno bokk yaakaar discourtoise...
Oui, dans la formulation peut-être, mais dans le fond, ce n’était pas méchant. Avec Jean Paul Dias, Malick Ndiaye, Ibrahima Sall, Zahra Iyane Thiam, Moustapha Fall Ché, ma référence, et d’autres, autour d’une table, je pense que le Président a été à la hauteur.
Et ce pôle présidentiel sera-t-il une sorte de Cap21 version Macky ?
Je n’ai pas encore les contours de ce pôle présidentiel large. Ce que je peux dire, c’est que ces personnes sont des valeurs intellectuelles, morales sûres.
Justement, par rapport au pôle présidentiel, peut-on l’expliquer par le fait que l’Apr n’est pas bien structurée ou n’est pas solide.
Franchement, je me demande s’il faut en rire ou en pleurer. Dire que l’Apr n’est pas bien structurée, c’est une forme de menace qu’on agite des fois à la Don Quichotte. Si un parti, à moins de deux ans de sa création, a pu vaincre des partis centenaires comme le Ps, l’Afp, la Ld, le Pit, tous regroupés dans deux grandes coalitions de coalitions, je me demande alors ce qu’est un parti fort, structuré.
L’Apr a toute cette crème si vous voulez. Mais pourquoi alors ils ne sont pas nombreux dans le gouvernement ?
Nous n’avons jamais eu l’intention de gouverner tout seul.
Vous avez dit lors du ndogou de l’Apr dans la banlieue : «On reprendra notre parti en main.» Qui vous l’a confisqué ?
Je rappelle que je l’avais déjà dit dans le journal Le Pays. C’est bon d’être dans une alliance, mais il serait dangereux que l’Apr perde son identité. Aujourd’hui, on ne reconnaît plus l’Apr dans l’entourage du Président. Qui vous voyez à ses côtés ? Des inconnus et anciens pourfendeurs du parti et du Président Macky. Le parti doit avoir une ambiance familiale et ce sont là les plaintes et complaintes de tous les militants. J’espère que le Président en a perçu les échos. Lorsque le Pds a pris le pouvoir, les Modou Diagne Fada, les Aliou Sow étaient jeunes et, du point de vue intellectuel, je ne pense pas qu’ils avaient plus d’avantages que les jeunes de l’Apr qui ont un bon niveau avec leurs masters et sont rompus à toutes les expertises. C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Mais dire «la patrie avant le parti» en ne prenant en compte que des personnes venant de ces partis pose problème.
Vous aviez dit justement, lors de ce ndogou, que «la patrie avant le parti» est une insulte…
(Rires) Là, c’est Me War qui extériorisait l’amertume des militants qui, par fidélité au Président, le préviennent des dangers qu’il encourt.
C’est quand même, au fond, une conviction…
J’assume toujours ce que je dis. Le seul courage, c’est de dire ce qui est juste. Les Sénégalais veulent voir des gens qui ont toujours été aux côtés du Président dans les moments difficiles aussi. Abdoulaye Wade était avec les Lamine Bâ, Aminata Tall, Mbaye Ndiaye et autres. Ce sont des stratégies politiques qu’il nous a apprises. Tout n’a pas été négatif avec Wade. La chaleur humaine par exemple. Je l’ai dit à Macky en wolof : «Moytoul seddaayou Palais. Et en français : «Méfiez-vous du froid et de l’isolement, la solitude du Palais !» Entourez-vous de gens qui vous ont connu avant et qui vous ont toujours soutenu !
Est-ce qu’il est perdu par ce que vous dites-là ?
Vous savez, il y a des politiciens qui ont survécu à tous les régimes, des spécialistes dans l’isolement, dans les intrigues. C’est ce qui a perdu Diouf, puis Wade. Et les mêmes causes produisant les mêmes effets, c’est cela qui risque de lui arriver.
A vous entendre, vous n’avez pas accès au Président pour pouvoir lui dire tout cela…
Hélas, c’est la triste réalité ! Ecoutez, le bonheur des uns fait le malheur des autres. Au Sénégal, dans les partis, les gens se retrouvent autour d’une personne qui incarne des valeurs. C’était avec Senghor, avec Diouf, avec Wade et aujourd’hui avec Macky Sall. N’en déplaise ! Il faut un noyau dur d’hommes, de femmes et de jeunes de valeur comme Abdou Mbow, Alioune Badara Cissé, mon ami et frère, Diène Farba Sarr, Marième Badiane, Thérèse Faye, Abdoulaye Ngom, Abdoulaye Daouda Diallo, Diouf Sarr... Ce sont des gens qui ont sillonné le pays en entier avec lui. Je ne comprends pas qu’au nom d’une certaine sécurité, on écarte la garde rapprochée du Président qui était à ses côtés dans les périodes de braise : les Youssou Mbaye, Major Diop, Charles, Kosso Thiam, Ame. Quand vous croisez ces personnes, vous êtes obligés de vous cacher pour ne pas pleurer par gêne. Il en est de même de sa fidèle et vieille collaboratrice madame Senghor dont la séparation est vécue douloureusement par tous les militants de l’Apr. Nous en ignorons les causes, mais nous le supplions de la faire revenir. C’est valable pour notre frère Alioune Badara Cissé. J’invite les sages du Parti à s’investir dans cette entreprise.
Le Président s’éloigne-t-il donc de tous ces gens que vous avez cités ?
Ce n’est pas qu’il s’éloigne d’eux. C’est peut-être la charge étatique. Macky Sall est, passez-moi l’expression, une bête de travail, un homme très intelligent, concis, de défis. Là vraiment, il a été à bonne école.
Barthélemy Dias dit qu’il travaille trop : «Un Président, ça préside, un Premier ministre, ça coordonne…»
Barthélemy Dias est un neveu à moi puisque son papa est un ami. Je ne dirai pas que son appréciation est démesurée- toute suggestion est la bienvenue- mais Macky Sall sait bien ce qu’est un Etat pour avoir occupé toutes les «stations», pour reprendre l’expression de mon ami Idrissa Seck.
Et «Benno bokk kharaan» ou «Benno bokk yakkal Macky». Expliquez-nous cette formule que vous avez sortie lors de ce même ndogou.
(Rires) Non, je ne vais pas y revenir. Mais il faut qu’on soit logique. Ils ont dit que le Président leur a dit : «Gagnons ensemble, gouvernons ensemble». Ils ont la mémoire courte parce que c’est ce qu’ils avaient pourtant promis à Macky Sall aux Locales de 2009. A l’époque, c’est Macky Sall qui avait battu campagne en parcourant tout le pays, qui a mis son argent et son matériel alors qu’ils étaient-là, dans leurs salons. Mais quand on a gagné la mairie, qu’est-ce qu’ils ont fait ?
Dites-nous.
Qui a été à la tête des mairies ? A Podor, avec Aïssata Tall Sall, comme à Louga, ils ont supplié Macky Sall de venir battre campagne, conscients de l’élan de sympathie qu’il avait.
Mais à Podor, le Ps était la deuxième force derrière le Pds, avant les Locales de 2009.
Soyons sérieux quand même ! Au premier tour de la dernière Présidentielle, le seul baromètre fiable et plus récent d’évaluation, les plus grandes collectivités étaient entre les mains du Ps et de l’Afp. Je ne veux pas rentrer dans une polémique. En 2012, Khalifa Sall était maire de Dakar et le Ps contrôlait les grandes mairies, et l’Afp dans une moindre mesure. Mais ils n’ont même pas vu notre takhadeer (ombre) à la Présidentielle. A Biscuiterie, «la Mecque et le Karbala de l’Apr», mon fief, dans tous les centres et bureaux de vote, l’Apr a battu à plate couture la Coalition Sopi avec de grands ténors comme Doudou Wade, Ndiouga Sakho, Kader Sow, l’Afp, le Ps, la Ld, le Pit à travers leurs coalitions.
Etes-vous d’accord que Macky Sall a capitalisé finalement les résultats du travail en amont mené par Benno siggil senegaal ?
Faire coïncider nos actions avec 2012 est une approche très partielle et partiale. C’est pourquoi je dis que «la patrie avant le parti» pose problème. C’est parce que de vaillants hommes et femmes étaient-là en 2007 que la patrie était debout. Lorsque Macky subissait cette insulte et cette violation grave des principes de la République, où étaient ceux qui parlent aujourd’hui de la patrie ?
C’est quand même la patrie qui l’a élu, non ?
Je parle d’une dynamique. En 2008, pourquoi n’avaient-ils pas réagi par rapport à cela ? Lorsque, de manière illégale et inconstitutionnelle, on était en train de violer le principe de la séparation des pouvoirs, ce coup d’Etat politique et institutionnel, on n’a jamais entendu ces gens. Même si c’était le cas, ils l’ont fait timidement.
Que se passe-t-il entre l’Apr et le Ps ?
En fait, nous sommes issus d’un parti et pendant 25 ou 30 ans, nous avons mené un combat contre le régime qui était-là. Je crois qu’il faut dire les choses telles qu’elles se présentent. N’oublions pas que le Président Moustapha Niasse a été un acteur déterminant pour la chute du régime socialiste. Il n’y a pas de rancune, mais les plaies ne sont pas cicatrisées de part et d’autre : le camp de Wade, de ses fils et le Ps d’abord, le Ps et l’Afp ensuite, si on veut être sincère. Il faut oser dire qu’avant la Présidentielle, Macky n’avait pas été accepté par la Coalition de Benno et les Assisards. Nous en avons entendu de tous les noms d’oiseaux et le Parti socialiste en tête bien entendu. Nous n’avons jamais accepté la candidature unique proposée par Benno siggil senegaal. L’histoire nous a donné raison.
Etes-vous d’avis, comme Macky2012, qu’il faut se séparer du Ps ?
Je n’ai pas entendu Moustapha Niasse- que je salue d’ailleurs-, encore moins les membres de son parti faire des allégations excessives, discourtoises à l’endroit de notre parti et de notre Président. Par contre, Tanor est allé au Bureau politique fustiger la démarche des marchés de gré à gré alors qu’il pouvait bien le faire dans un cadre plus adéquat. Je crois plus à la loyauté des gens de l’Afp.
Le gré à gré est à fustiger non ?
Ça, c’est autre chose. Nous savons comment fonctionne le Parti socialiste.
Est-ce que Tanor et le Ps étouffent aujourd’hui l’Apr ?
Ce n’est pas Tanor qui étouffe ! Aujourd’hui, il faut que les choses soient claires. Nous sommes dans une alliance dont l’un des alliés dit que c’est son droit le plus absolu de convoiter le fauteuil du Président. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Pour ainsi dire : «En 2017, nous voulons que Tanor ou un autre membre du Parti socialiste soit au Palais.» Nous n’avons pas entendu l’Afp dans cette posture. Peu importe, nous ne sommes pas dans une cohabitation. Dans des pays comme la France, la cohabitation est dictée par les urnes. Il y en a eu sous Mitterrand, puis sous Chirac. Aujourd’hui, il y a même un flou avec Tanor. On dit qu’il est ministre d’Etat, mais je voudrais bien que Macky et Tanor lui-même nous édifient sur cette question.
Tanor avait quand même précisé qu’il n’est que «conseiller officieux» du Président.
La chose étatique est quand même sérieuse et ne doit pas souffrir de flou.
Est-ce que vous demandez à l’Afp et au Ps de se ranger derrière l’Apr ?
Non, je suis pour une cohésion. J’ai ma liberté de penser et d’apprécier. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Ce que quelqu’un comme Barthélemy Dias du Parti socialiste dit, Malick Diop ou Malick Gackou pouvaient le dire. On brandit le bâton et on dit : «Faites attention sinon on vous fonce dessus !» On croit nous faire peur, mais un vrai Apériste ne connaît pas la peur.
Apparemment vous avez justement peur du Ps.
Ce n’est pas une question de peur. J’ai lu un entretien de Alioune Fall (Ndlr : de la fondation de la Première dame) où il conseille au Président de laisser Khalifa Sall à la tête de la mairie de Dakar et de ne pas y mettre un membre de l’Apr. C’est une insulte pour moi. Comment peut-il penser qu’un Me War, moi-même, un Seydou Guèye, un Abdoulaye Diouf Sarr, un Moustapha Cissé Lô, un Abdourahmane Ndiaye ou un Me Boubacar Diallo ne peuvent pas prendre la mairie de Dakar ? Que chacun reste à sa place ! La mairie de Dakar, c’est nous Dakarois qui en parlons. C’est un analyste politique aussi…
Etre analyste ne vous donne quand même pas le droit de sous-estimer les gens et de se donner des libertés. Je respecte Khalifa Sall tout comme Moustapha Diakhaté et d’autres ont eu à avoir des rapports particuliers avec lui. Mais dire que l’Apr ne doit pas convoiter la mairie de Dakar, c’est quand même trop.
Seulement, l’Apr a du mal à désigner un adversaire pour Khalifa Sall...
Nous n’en sommes pas là. Nous avons tout de même des ressources, des individualités. Mais Mbaye Ndiaye aux Parcelles peut bien être un candidat, tout comme Abdoulaye Diouf Sarr, Seydou Guèye, etc.
Pourquoi pas vous ?
Biscuiterie a les meilleurs résultats à Dakar. Le maire Ps qui était là-bas est arrivé en 4ème position au premier tour. C’est cela mon baromètre. Ce ne sont pas les Esquimaux, des Baniamoulengué qui étaient à Dakar. Rien n’a changé et «rien ne s’est perdu», comme disait Lavoisier. En tant que natif de Dakar, conseiller municipal à Biscuiterie, pourquoi pas moi ?
L’Apr doit-elle aller aux Locales seule, avec Macky2012 ou avec Bby ?
En tout cas, à Biscuiterie, je ne sais pas ce que le parti décidera. Mais il faut qu’on soit logique. On ne peut pas dire que l’Apr n’est pas un grand parti et ne pas se peser. D’ailleurs, les résultats de la Présidentielle sont là avec 26% au premier tour alors que la totalité de leurs voix n’atteint pas ce chiffre. En tous les cas, il est incontournable qu’on se pèse sur l’échiquier. On dit que pour ces élections, c’est une question de localité. Alors, que chacun y aille sous sa propre bannière et l’Apr de son côté !
Les instances de l’Apr comme le directoire politique ne se réunissent plus. N’y a-t-il pas une certaine léthargie ?
Mais ce sont les effets dévastateurs de Benno bokk yaakaar.
Benno bokk yaakaar est la cause de tous vos maux…
Non, ce n’est même pas ça. Les gens du Ps se réunissent toutes les semaines. Abdou Diouf le faisait avec ces Bureaux politiques et Abdoulaye Wade avec ces Comités directeurs. On ne réinvente pas la politique. Peut-être que c’est parce que c’était la première année, mais je peux dire que le Directoire pense à des rencontres régulières avec le Président. Je voudrais bien que l’Apr se pèse dans ces élections-là et si elle perd, elle se prépare pour 2017. «Deukk bi dafa Macky (le pays va mal)», ce sont les tapalékat (paresseux) et les larbins qui peuvent le dire. Les fonctionnaires sont payés, les entrepreneurs, les paysans, les vendeurs de poisson vendent, le cordonnier fait toujours ces chaussures. Et l’argent ne circule plus parce que les oisifs qui avaient l’habitude de voir l’argent de Abdoulaye Wade pleuvoir sur eux ne le voient plus.
Vous êtes le directeur de l’Ecole du parti. Qu’est-ce que vous y enseignez, du Libéralisme ou du Socialisme ?
(Rires) Il faut rendre hommage au Président Abdoulaye Wade qui, très tôt, a su que la formation est très importante. La vocation de cette école, c’est d’assurer la formation du militant sur la chose publique, l’Etat et même de rendre visible l’action du Président.
L’Apr est-elle un parti libéral ?
Le Président l’a dit dans un entretien avec un journal américain sans oublier qu’il a été à l’Internationale libérale, à Abidjan. Donc, Macky Sall est un libéral social qui prône des valeurs autour de ces deux axes : l’humanisme républicain et le patriotisme économique. C’est faire des sacrifices comme la suppression du Sénat et déployer les fonds dans la résolution de la question des inondations. C’est aussi faire un abandon d’impôts au profit des acteurs économiques qui peinent à payer. Cela peut paraître choquant pour un libéral, mais c’est le Libéralisme social. Il y a la couverture médicale et la gratuité de l’hémodialyse. Dans les universités privées, nous avons pris en charge les frais de scolarité des étudiants. En fait, c’est ça l’essence du Libéralisme. Donc, le Socialisme n’a pas le monopole des bonnes actions. Ce que Abdoulaye Wade a fait en 12 ans, en terme d’infrastructures, d’écoles, du Plan sésame, etc., les Socialistes ne l’ont pas fait.
Donc, vous êtes en phase avec ce qu’on appelle aujourd’hui les retrouvailles libérales…
Absolument ! Même si j’ai entendu de l’autre côté les menaces de ma sœur socialiste (Ndlr : Aïssata Tall Sall). De quoi elle se mêle ! (Rires)
Elle parle de «trahison» si cela devrait se faire…
Comment peut-on être avec eux, travailler dans un gouvernement et ne pas le faire avec des Libéraux. C’est aberrant ! Les actes qui sont posés dans le cadre de la traque des biens mal acquis n’ont rien à voir avec le Libéralisme. C’est un régime qui prône la bonne gouvernance, la probité, l’intégrité dans la gestion de la chose publique.
Le Président ne parle même pas de retrouvailles, mais de «compromis historique»…
Son «compromis» a sa source dans l’histoire. «Nous sommes tous issus d’une même famille.» Je dirais plutôt un compromis biologique de survie politique. Je souhaiterais, dans le pire des cas, après Macky Sall que le pouvoir tombe entre les mains d’autres Libéraux de l’Apr, sinon du Pds ou de Rewmi.
Souhaiteriez-vous, comme Wade, que les Libéraux gardent le pouvoir pendant cinq ans ou plus ?
Ah oui ! Et le Président Macky Sall n’a pas le droit de ne pas réaliser cette prophétie de notre père Abdoulaye Wade qui n’est pas un rêve. Il peut bien se concrétiser, sinon il rendra des comptes devant l’Histoire. Mais regardez ces rouges qui sont à ses côtés : Dansokho, Bathily, Mamadou Ndoye, les Trotskystes aussi. Cela pose un problème. Des fois, ils le caressent dans le sens du poil en le faisant passer pour un homme de gauche. Macky est libéral et le restera. Ces gens-là gardent toujours la bave de la revanche et des rancunes parce que Wade leur a toujours donné des corrections qu’ils ont bien méritées. Il ne doit rien faire qui puisse faire mal au Président Wade. La vie n’en vaut pas la peine.
Vous êtes le président de la Commission des lois. Pourquoi la proposition de loi de Omar Sarr de Rewmi pour le retour du quinquennat au Perchoir ne bouge pas ?
Ce n’est pas que ça ne bouge pas. L’initiative des lois vient de l’Exécutif et du Législatif. Donc, quoi de plus normal, au regard des dispositions de la loi. L’année a été particulièrement chargée. Dans la proposition de loi, il y a des lenteurs et des pesanteurs. Je rappelle qu’il y en a d’autres qui sont en chantier.
On pourrait dire que vous avez peur parce qu’elle émane d’un député de Rewmi. Vous n’attendez quand même pas les réformes institutionnelles pour le faire ?
Mais pourquoi pas ? Il n’y a aucune loi plus importante qu’une autre. Je crois que cette commission est à pied d’œuvre. Oumar Sarr est mon vice-président. Mais jusqu’à présent, il ne m’en a pas parlé. En bon politicien qu’il est, est-ce qu’il ne l’avait pas agitée comme ça, d’autant plus que l’intéressé, Moustapha Niasse, ne veut pas la voter.
Y a-t-il un problème entre l’Apr et Rewmi ?
En apparence, je n’en vois pas.
Vous êtes en train de dégarnir Rewmi avec le départ de Nafissatou Diop, après avoir cherché à avoir Omar Guèye et Pape Diouf...
D’après ce que Macky m’a dit, c’est Nafissatou qui a dit qu’elle a eu des problèmes personnels avec Idrissa Seck. Je ne crois pas à la loi des grands nombres ou à la politique de massification fondée sur la honteuse transhumance. C’est pourquoi, le Président doit incarner cette rupture-là par le rejet de cette pratique.
Sauf que le Président a accueilli récemment Me Nafissatou Diop Cissé…
Non, ne sortons pas du cadre pour le moment (rires). Je relève que les motifs avancés me paraissent tout de même légers et qu’elle aurait bien pu nous passer de ses piques adressées à son ancienne sœur de parti. Je n’apprécie pas cette forme d’abandon. Ce n’est pas cela qui grandit un parti et d’ailleurs ça pourrait plus servir à Idrissa Seck qu’au Président Macky.
C’est la bataille Macky Sall-Idrissa Seck qui se poursuit…
S’il y a quelqu’un qui était très dur avec Idrissa Seck, c’est moi. Mais je n’apprécie pas la sortie de Nafissatou qui a fait allusion à l’hôtel Saint James, en s’attaquant à la respectable Léna Sène.
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