Un peu moins de 22 millions d’Algériens étaient appelés aux urnes, jeudi 10 mai, pour élire les 462 députés de l’Assemblée populaire nationale (APN), soit 73 de plus qu’au sein de l’assemblée sortante.
Première consultation électorale organisée dans le pays depuis les manifestations qui s’y sont déroulées dans le sillage de la révolution tunisienne au début de 2011, ce scrutin à la proportionnelle à un tour représentait une échéance politique majeure pour les autorités. Après avoir acheté la paix sociale en augmentant le salaire minimum de 20 % et baissé le prix des produits de première nécessité pour calmer la grogne l’an dernier, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, entendait se servir de ces législatives pour crédibiliser les réformes institutionnelles (autorisation de créer de nouveaux partis, libération de la presse, participation des femmes à la vie politique, annonce d’une révision de la Constitution) qu’il a également fait adopter afin d’éviter de connaître le même destin que ses homologues de Tunis, du Caire ou de Tripoli.
Dans un tel contexte, le principal enjeu du scrutin résidait, pour les autorités, dans le taux de participation, qu’elles souhaitaient supérieur à celui des législatives de 2007, qui était alors de 35 %. À quelques jours du scrutin, Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), le parti présidentiel qui domine l’APN sortante avec 136 sièges, déclarait qu’il espérait atteindre le seuil de 45 % de votants. Vœu exaucé et pari tenu : le ministère de l’Intérieur a annoncé que le taux de participation s’élevait à 42,9 %.
Bureaux de vote déserts
Ce chiffre peut paraître étonnant. Nombre d’Algérois n’avaient pas hésité à annoncer leur intention de s’abstenir. La veille du scrutin, Amar, 27 ans, confiait ainsi qu’il n’avait pas l’intention d’aller voter. "Les élections ne m’intéressent pas car elles ne vont rien changer. En Algérie, rien n’a bougé depuis ma naissance. Les gens au pouvoir ne font que servir leurs intérêts. Pour les jeunes, il n’y a rien, même si, moi, je n’ai jamais songé à quitter le pays", expliquait-il, assis sur une chaise en bois sur le trottoir de la rue Ali Boumendjel.
À Alger, une ville traditionnellement abstentionniste, de nombreux bureaux de vote ont affiché des taux de participation bien inférieurs à ceux annoncés par les autorités. Au collège Pasteur, dans le centre de la capitale, seuls 21,8 % des électeurs s’étaient ainsi rendus dans l’isoloir, deux heures avant sa fermeture. Installées sur des tables d’écoliers, les piles de bulletins de vote au nom de la quarantaine de partis en lice, elles, ne diminuaient guère.
Désert, le centre de vote Malek-Berrabia, installé dans une école maternelle située à deux pas de la place des Trois-Horloges, dans le quartier populaire de Bab-el-Oued, l’était tout autant dans l’après-midi. Assis derrière des urnes où seules quelques enveloppes s’empilaient, les responsables des bureaux 1 à 9 et les représentants des différentes formations politiques dépêchées sur place tentaient de tuer le temps.
Rien ne permet toutefois, à cette heure, de remettre en cause la promesse faite par les autorités d’organiser des élections transparentes, même si quelque 150 plaintes pour irrégularités ont été déposées devant la Commission nationale de surveillance des élections législatives (CNSEL), dont deux visent directement deux ministres en exercice, candidats à la députation, accusés d'avoir poursuivi la campagne électorale le jour du scrutin en allant dans les centres de vote pour appeler les électeurs à voter en leur faveur.
"Dans les bureaux de vote que nous avons visités, les choses se sont passées de façon satisfaisante. Le matériel électoral était là et le personnel bien préparé", a ainsi affirmé peu de temps après la fermeture des derniers centres électoraux José Ignacio Salafranca, le chef de la mission d’observation de l’Union européenne (UE) qui a déployé pour la première fois 150 observateurs aux côtés de ceux de l’Union africaine (UA), de la Ligue arabe et de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) invités dans le pays. Il a toutefois pris la peine de préciser que le constat ne valait que pour "la journée électorale" et qu’il se réservait, pour le reste, "jusqu’à sa déclaration préliminaire", prévue samedi.
Jeu d’alliances
L’hypothèque abstentionniste levée, la principale incertitude qui pèse désormais sur le scrutin réside dans le score des partis islamistes. Au nombre de sept, ces derniers espèrent surfer sur la vague générée par les victoires des formations religieuses en Tunisie, au Maroc et en Égypte ces derniers mois. En cas d’élections "honnêtes et non entachées de fraudes", "nous sommes certains de notre victoire, que ce soit par KO ou aux points", déclarait ainsi, récemment, Bouguerra Soltani, le chef de file du Mouvement de la société pour la paix (MSP) qui compose, avec Ennahda et El-Isla, l'alliance Algérie verte.
Mais la coalition sortante ne semble guère s’inquiéter d’une présence importante des partis islamistes à l’Assemblée. "L’Algérie a vécu l’expérience [islamiste] en 1991 et l’Histoire ne se répétera pas", juge ainsi Abdelaziz Belkhadem. "Le peuple algérien a déjà payé le prix lourd", a pour sa part affirmé le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, issu des rangs du Rassemblement national démocratique (RND), l’autre parti membre de la majorité présidentielle.
Un constat que semblent approuver les analystes du landerneau politique algérien : "l’ouverture politique a fait éclater le clan des islamistes. Le passage à un système électoral à la proportionnelle intégrale rend par ailleurs peu probable qu’un parti remporte la majorité absolue. De ce fait, l’alliance entre le FLN et le RND devrait perdurer", décrypte le politologue Rachid Grim
SOURCE: FRANCE 24.
Première consultation électorale organisée dans le pays depuis les manifestations qui s’y sont déroulées dans le sillage de la révolution tunisienne au début de 2011, ce scrutin à la proportionnelle à un tour représentait une échéance politique majeure pour les autorités. Après avoir acheté la paix sociale en augmentant le salaire minimum de 20 % et baissé le prix des produits de première nécessité pour calmer la grogne l’an dernier, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, entendait se servir de ces législatives pour crédibiliser les réformes institutionnelles (autorisation de créer de nouveaux partis, libération de la presse, participation des femmes à la vie politique, annonce d’une révision de la Constitution) qu’il a également fait adopter afin d’éviter de connaître le même destin que ses homologues de Tunis, du Caire ou de Tripoli.
Dans un tel contexte, le principal enjeu du scrutin résidait, pour les autorités, dans le taux de participation, qu’elles souhaitaient supérieur à celui des législatives de 2007, qui était alors de 35 %. À quelques jours du scrutin, Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), le parti présidentiel qui domine l’APN sortante avec 136 sièges, déclarait qu’il espérait atteindre le seuil de 45 % de votants. Vœu exaucé et pari tenu : le ministère de l’Intérieur a annoncé que le taux de participation s’élevait à 42,9 %.
Bureaux de vote déserts
Ce chiffre peut paraître étonnant. Nombre d’Algérois n’avaient pas hésité à annoncer leur intention de s’abstenir. La veille du scrutin, Amar, 27 ans, confiait ainsi qu’il n’avait pas l’intention d’aller voter. "Les élections ne m’intéressent pas car elles ne vont rien changer. En Algérie, rien n’a bougé depuis ma naissance. Les gens au pouvoir ne font que servir leurs intérêts. Pour les jeunes, il n’y a rien, même si, moi, je n’ai jamais songé à quitter le pays", expliquait-il, assis sur une chaise en bois sur le trottoir de la rue Ali Boumendjel.
À Alger, une ville traditionnellement abstentionniste, de nombreux bureaux de vote ont affiché des taux de participation bien inférieurs à ceux annoncés par les autorités. Au collège Pasteur, dans le centre de la capitale, seuls 21,8 % des électeurs s’étaient ainsi rendus dans l’isoloir, deux heures avant sa fermeture. Installées sur des tables d’écoliers, les piles de bulletins de vote au nom de la quarantaine de partis en lice, elles, ne diminuaient guère.
Désert, le centre de vote Malek-Berrabia, installé dans une école maternelle située à deux pas de la place des Trois-Horloges, dans le quartier populaire de Bab-el-Oued, l’était tout autant dans l’après-midi. Assis derrière des urnes où seules quelques enveloppes s’empilaient, les responsables des bureaux 1 à 9 et les représentants des différentes formations politiques dépêchées sur place tentaient de tuer le temps.
Rien ne permet toutefois, à cette heure, de remettre en cause la promesse faite par les autorités d’organiser des élections transparentes, même si quelque 150 plaintes pour irrégularités ont été déposées devant la Commission nationale de surveillance des élections législatives (CNSEL), dont deux visent directement deux ministres en exercice, candidats à la députation, accusés d'avoir poursuivi la campagne électorale le jour du scrutin en allant dans les centres de vote pour appeler les électeurs à voter en leur faveur.
"Dans les bureaux de vote que nous avons visités, les choses se sont passées de façon satisfaisante. Le matériel électoral était là et le personnel bien préparé", a ainsi affirmé peu de temps après la fermeture des derniers centres électoraux José Ignacio Salafranca, le chef de la mission d’observation de l’Union européenne (UE) qui a déployé pour la première fois 150 observateurs aux côtés de ceux de l’Union africaine (UA), de la Ligue arabe et de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) invités dans le pays. Il a toutefois pris la peine de préciser que le constat ne valait que pour "la journée électorale" et qu’il se réservait, pour le reste, "jusqu’à sa déclaration préliminaire", prévue samedi.
Jeu d’alliances
L’hypothèque abstentionniste levée, la principale incertitude qui pèse désormais sur le scrutin réside dans le score des partis islamistes. Au nombre de sept, ces derniers espèrent surfer sur la vague générée par les victoires des formations religieuses en Tunisie, au Maroc et en Égypte ces derniers mois. En cas d’élections "honnêtes et non entachées de fraudes", "nous sommes certains de notre victoire, que ce soit par KO ou aux points", déclarait ainsi, récemment, Bouguerra Soltani, le chef de file du Mouvement de la société pour la paix (MSP) qui compose, avec Ennahda et El-Isla, l'alliance Algérie verte.
Mais la coalition sortante ne semble guère s’inquiéter d’une présence importante des partis islamistes à l’Assemblée. "L’Algérie a vécu l’expérience [islamiste] en 1991 et l’Histoire ne se répétera pas", juge ainsi Abdelaziz Belkhadem. "Le peuple algérien a déjà payé le prix lourd", a pour sa part affirmé le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, issu des rangs du Rassemblement national démocratique (RND), l’autre parti membre de la majorité présidentielle.
Un constat que semblent approuver les analystes du landerneau politique algérien : "l’ouverture politique a fait éclater le clan des islamistes. Le passage à un système électoral à la proportionnelle intégrale rend par ailleurs peu probable qu’un parti remporte la majorité absolue. De ce fait, l’alliance entre le FLN et le RND devrait perdurer", décrypte le politologue Rachid Grim
SOURCE: FRANCE 24.