Awa Seck, vous et votre collectif, avez soutenu Adji Sarr notamment comme victime dans l’affaire qui l’oppose à Ousmane Sonko, qu’elle accuse de viols et menaces de mort. Avec les enregistrements diffusés récemment, dans lesquels elle se “confesse” à M.C Niasse, peut-on encore soutenir Adji Sarr ?
Depuis le début de cette affaire, j’ai toujours montré mon soutien à Adji Sarr comme je le fais pour toute femme et fille, qui dit être sexuellement agressée et je continuerais à le faire personnellement et avec le collectif. Il est important de préciser que notre rôle est de croire toute femme qui se dit victime de viol jusqu’à preuve du contraire. Il appartiendra à la justice de nous donner cette preuve du contraire, elle ne l’a pas encore faite.
SI les audios sont authentiques, notre justice saura les réquisitionner et les utiliser comme preuve durant un procès où les deux parties seront entendues et chacune va apporter ses preuves. À mon avis, on a des laboratoires scientifiques à la pointe de la technologie pour tout authentifier. Les preuves se discutent devant la Cour.
Sur les menaces de mort, nous ne pouvons que croire Adji. Nous sommes tous témoins des intimidations, insultes, harcèlements dont cette jeune fille est victime, depuis qu’elle a brisé le silence. Elle doit être protégée comme toute citoyenne, ses droits respectés, elle jouit des mêmes droits que Ousmane Sonko.
“Ousmane Sonko accusé de viol par cette jeune fille qui a la moitié de son âge, a droit à tout, elle n’a droit à rien. Pourquoi ?”
N’avez-vous pas des regrets dans ce soutien affiché à l’ex masseuse de Sweet Beauté ?
Des regrets ? Jamais ! Mon soutien à une victime n’a ni si ni mais, il est inconditionnel. Je fais souvent des posts Facebook pour montrer mon soutien à Adji Sarr. Depuis le début, j'ai toujours dénoncé le deux poids deux mesures dans cette affaire. Sa vie privée est utilisée contre elle. Pourquoi vous ne faites pas la même chose pour Ousmane Sonko ? On interdit à tout le monde de parler de sa vie privée : ce qu’il faisait, comment il était avec les femmes et filles, rien. Mais pour Adji, les hommes, les médias n’ont aucune limite.
Ousmane Sonko accusé de viol par cette jeune fille qui a la moitié de son âge, a droit à tout, elle n’a droit à rien. Pourquoi ?
Cette fille lambda qui fait un métier difficile, masseuse, n’avait que ce moyen pour s’en sortir. Si son métier est dégradant pourquoi Ousmane Sonko ne l’a-t-il pas aidée ? Aujourd’hui, il critique sa famille alors que lui-même profitait d’elle.
C’est quand même incroyable de nous reprocher de soutenir Adji Sarr, alors qu’au début, on fustigeait les associations de femmes et ONG de l’avoir lâchée. Les féministes ont toujours été là, même si certaines disent le contraire.
Sur une photo largement diffusée sur les réseaux sociaux, on voit une des membres de votre collectif arborer un t-shirt avec le message : “Adji on te croit”. Est-ce que ce n’est pas ça le problème des organisations féministes, globalement, de prendre la parole des victimes présumées pour vérité établie, en oubliant les précautions d’usage pour la partie adverse ?
« Victime je te crois » c’est une manifestation de soutien et de solidarité aux victimes. Il permet de libérer la parole des femmes et filles victimes d’agressions sexuelles. On encourage à libérer la parole, surtout lorsque l’homme accusé de viol a une position sociale plus élevée. La peur de témoigner, de ne pas être cru, l'emporte toujours. Dans une société comme la nôtre, où les victimes sont brisées, intimidées si elles tentent de parler, dire “je te crois” donne confiance.
Dans notre pays, le Sénégal, les gens manifestent plus d’empathie envers l’homme, l’agresseur, l’accusé de viol que celle qui prend le courage de briser le silence. La partie adverse n’a pas besoin d’être soutenue, nous baignons dans la culture du viol. Même quand un enfant est victime d’abus, au lieu de questionner l’agresseur, on demande où était sa mère.
Dire “Adji on te croit”, c’est lui montrer qu’elle n’est pas seule. Il appartiendra à la justice de faire son travail.
Pourquoi Ousmane Sonko est cru sans problème ? L’homme bénéficie d’une présomption de vérité, la fille d’une présomption de mensonge ? Voilà notre pays.
“Je trouve malhonnête et une insulte à notre intelligence que de harceler Adji, de la traiter de tous les noms, puis montrer de l’empathie envers Sonko. C’est lui le père de famille, l’homme marié qui a fait de la vertu, l’image de croyant parfait, son identité, son image de campagne pour séduire le peuple.”
Vous-même, vous n’épargnez pas Ousmane Sonko, dont vous rappelez le statut de mari polygame qui fréquente un salon de massage. Ça en fait-il un coupable pour autant ?
Je tiens toujours à ce qu’on parle aussi de l’homme accusé de viol, celui qui veut devenir notre président. On accule tellement la victime à demander ce qu’elle portait, ce qu’elle faisait, est-elle vierge, qu’on en oublie l’autre partie.
L’opinion publique ferme les yeux sur le fait que personne n’a forcé Ousmane Sonko à aller à Sweet Beauté en pleine nuit, laissant sa famille, ses femmes, ses enfants. Il y est allé en plein couvre-feu, sans garde du corps, alors qu’il dit être l’homme le plus surveillé par le régime. Rappelez-vous que durant le couvre-feu, des pères de famille qui avaient la malchance de ne pas être chez eux à l’heure, étaient tabassés, violentés par la police. On était tous témoins !
Pourquoi n’est-il pas allé aux urgences d’autant plus que Adji n’a aucun diplôme en kinésithérapie ou expertise sanctionnée par un diplôme ?
Un procès public diffusé en direct est souhaitable. Cela nous éviterait tous ces intermédiaires, révélations et communiqués et Adji pourrait reprendre sa vie.
Il ne devrait pas non plus appeler les enfants d’autrui, à venir se sacrifier pour son compte. Il ne leur avait pas demandé leur avis quand il allait à Sweet Beauté.
Je ne suis pas juge pour décider s’il est coupable ou pas, je fais des constats comme beaucoup d’autres. Je dénonce les privilèges qu’il a, la différence de traitement entre un homme puissant et l’acharnement sur une citoyenne lambda.
En effet, je trouve malhonnête et une insulte à notre intelligence que de harceler Adji, la traiter de tous les noms puis montrer de l’empathie envers Sonko. C’est lui le père de famille, l’homme marié qui a fait de la vertu, l’image de croyant parfait, son identité, son image de campagne pour séduire le peuple.
“La victime parfaite n’existe pas ! C’est un débat perdu d’avance parce que dans ce pays, une femme, fille qui dénonce un viol, n’est jamais crue sauf si elle est morte”
Au-delà des récents audios, certains reprochent à Adji Sarr d’être une victime atypique. On met à l’index sa robe rouge lors du face-à-face avec Sonko, sa récente vidéo où elle danse. Ce n’est pas l’image que se fait le grand public de la victime de viol. Comment appréciez-vous ce débat?
C’est ce qu’on appelle le mythe de la victime parfaite. La victime parfaite n’existe pas ! C’est un débat perdu d’avance parce que dans ce pays, une femme, fille qui dénonce un viol n’est jamais crue, sauf si elle est morte. Les viols et l’inceste sont très répandus dans notre pays, pourtant il y a peu de signalement, à votre avis, pourquoi ?
Les victimes ne correspondent pas à l’image de la victime parfaite qui est une fille innocente, chez elle qu’un inconnu a agressé. Elle dit non avec fermeté, chaque fois que son agresseur l’approche, elle se défend, se débat, hurle. Si le viol est consommé, elle pleure, est triste, ne sort plus, fait des tentatives de suicide. On doit avoir pitié d’elle.
Adji Sarr n’est pas une victime atypique, c’est une victime, Il n’y a pas de victime typique et chacune vit son traumatisme à sa façon.
Le viol est une affaire de pouvoir, de possession, d’emprise sur le corps de la femme, quand une victime se relève et essaie de vivre, refaire sa vie, elle montre sa résilience. Malgré les menaces et insultes, qu’elle parvienne à trouver des moments de joie est admirable. Adji n’est pas son viol ! C’est une jeune femme qui a toute la vie devant elle, elle a le droit et surtout le devoir, de dire à toutes les autres : “tenez bon !”.
Quant à ce qu’elle portait pour aller au tribunal, pourquoi pas ? C’est encore de la rhétorique de l’apologie du viol, où on demande aux victimes qu’est-ce qu’elles portaient ? On les transforme en agresseuses car notre société trouve que les hommes ne peuvent pas contrôler les pulsions et que ce sont les femmes qui les tentent. Le seul responsable est l'agresseur, jamais la victime.
Pourquoi ont-ils peur d’une robe rouge? Elle porte ce qu’elle veut. Personne n’a commenté ce que Sonko portait.
“Depuis quand les victimes de viol sont crues, écoutées au Sénégal ? La parole des femmes et des filles n’a jamais eu de valeur dans ce pays”
D’autres disent que Adji Sarr fait beaucoup de mal aux vraies victimes de viol, qu’à l’avenir, leur parole risque d’être dépréciée. Partagez-vous cette analyse ?
Tout d’abord, il n’y a ni vraie ou fausse victime de viol. Seule une société à la culture du viol ancrée fait cette dichotomie.
J’aimerais poser cette question : depuis quand les victimes de viol sont crues, écoutées au Sénégal? La parole des femmes et des filles n’a jamais eu de valeur dans ce pays. Le traitement que subit Adji Sarr ne fait que montrer le vrai visage de chaque homme, personne face à une femme qui dit être sexuellement agressée.
Les gens ne se sentent concernés par un viol, ne croient la victime que si elle fait partie de leur entourage. Même ça c’est faux ! Combien de père ont abusé de leurs filles, de frères, cousins, patrons, voisins, instituteurs, oustaz ?
Des filles violées dans leurs propres maisons des années n’ont jamais été crues par leurs mères, familles.
Ce qui m’inquiète, c’est l’impact dévastateur de la remise en cause automatique voire systémique de la parole d’une femme sur les survivantes, victimes qui vivent avec leurs agresseurs. L’acharnement sur Adji Sarr va décourager toutes celles qui sont abusées par des hommes.
La société sénégalaise leur envoie ce message: regardez ce qui va vous arriver si vous brisez le silence. Voilà ce qui vous attend !
Le viol est très répandu au Sénégal et la complaisance insupportable, l’empathie qu’on montre envers celui qui est accusé de viol, vont décourager les victimes.
“Les partisans de Pastef, Yewwi se plaignent du recul de la démocratie au Sénégal. Et pourtant, quand leur leader est visé, eux-mêmes harcèlent, intimident, menacent de viol, d’agressions. J’étais très virulente envers Wade puis Macky. On ne m’a jamais menacée personnellement. Pour la première fois, on reçoit des menaces de viol, tabassage”
Depuis quelques temps, vous et vos camarades subissez une forme de harcèlement en ligne, pour votre engagement dans cette affaire. Comment vivez-vous cette situation ?
Actuellement, nous vivons dans une société sénégalaise qui a énormément reculé. Les partisans de Pastef, Yewwi se plaignent du recul de la démocratie au Sénégal. Et pourtant, quand leur leader est visé, eux-mêmes harcèlent, intimident, menacent de viol, d’agressions, frappent toutes personnes qui osent dire une chose qui ne les arrange pas sur leur leader.
Je rappelle qu’il n’est pas encore élu et ça me fait peur !
Les féministes sénégalaises subissent beaucoup de cyberharcèlement, je me prends souvent des raids sur Twitter et Facebook. Cela ne nous fera taire. Certes, c’est épuisant mais ça nous conforte dans ce que nous faisons, on est sur la bonne voie.
J’avoue que j’ai énormément peur pour les femmes et filles, une telle violence je ne l’ai jamais vue et vécue dans notre pays. J’étais très virulente envers Wade puis Macky, on ne m’a jamais menacé personnellement. Pour la première fois, on reçoit des menaces de viol, de tabassage, de diffamation.
Maintenant nous portons plainte, signalons ces hommes lâches et faibles. Il faut qu’il y ait un coût social et économique aux violences envers les femmes, les violences verbales en font partie.
Nous avons été élevés par des parents déconstruits qui ont rêvé pour leurs filles d’un autre avenir. Un monde libre où homme et femme s’exprimeront à égalité. Je suis décomplexée et décolonisée, aucun homme ne me fait peur. Je place ma confiance en Allah parce que je me bats pour ce qui est juste.
En 2023, pour les violences sexuelles et sexistes au Sénégal, la peur doit changer de camp. La peur va changer de camp. Nous devons briser le silence, pas les victimes.
Depuis le début de cette affaire, j’ai toujours montré mon soutien à Adji Sarr comme je le fais pour toute femme et fille, qui dit être sexuellement agressée et je continuerais à le faire personnellement et avec le collectif. Il est important de préciser que notre rôle est de croire toute femme qui se dit victime de viol jusqu’à preuve du contraire. Il appartiendra à la justice de nous donner cette preuve du contraire, elle ne l’a pas encore faite.
SI les audios sont authentiques, notre justice saura les réquisitionner et les utiliser comme preuve durant un procès où les deux parties seront entendues et chacune va apporter ses preuves. À mon avis, on a des laboratoires scientifiques à la pointe de la technologie pour tout authentifier. Les preuves se discutent devant la Cour.
Sur les menaces de mort, nous ne pouvons que croire Adji. Nous sommes tous témoins des intimidations, insultes, harcèlements dont cette jeune fille est victime, depuis qu’elle a brisé le silence. Elle doit être protégée comme toute citoyenne, ses droits respectés, elle jouit des mêmes droits que Ousmane Sonko.
“Ousmane Sonko accusé de viol par cette jeune fille qui a la moitié de son âge, a droit à tout, elle n’a droit à rien. Pourquoi ?”
N’avez-vous pas des regrets dans ce soutien affiché à l’ex masseuse de Sweet Beauté ?
Des regrets ? Jamais ! Mon soutien à une victime n’a ni si ni mais, il est inconditionnel. Je fais souvent des posts Facebook pour montrer mon soutien à Adji Sarr. Depuis le début, j'ai toujours dénoncé le deux poids deux mesures dans cette affaire. Sa vie privée est utilisée contre elle. Pourquoi vous ne faites pas la même chose pour Ousmane Sonko ? On interdit à tout le monde de parler de sa vie privée : ce qu’il faisait, comment il était avec les femmes et filles, rien. Mais pour Adji, les hommes, les médias n’ont aucune limite.
Ousmane Sonko accusé de viol par cette jeune fille qui a la moitié de son âge, a droit à tout, elle n’a droit à rien. Pourquoi ?
Cette fille lambda qui fait un métier difficile, masseuse, n’avait que ce moyen pour s’en sortir. Si son métier est dégradant pourquoi Ousmane Sonko ne l’a-t-il pas aidée ? Aujourd’hui, il critique sa famille alors que lui-même profitait d’elle.
C’est quand même incroyable de nous reprocher de soutenir Adji Sarr, alors qu’au début, on fustigeait les associations de femmes et ONG de l’avoir lâchée. Les féministes ont toujours été là, même si certaines disent le contraire.
Sur une photo largement diffusée sur les réseaux sociaux, on voit une des membres de votre collectif arborer un t-shirt avec le message : “Adji on te croit”. Est-ce que ce n’est pas ça le problème des organisations féministes, globalement, de prendre la parole des victimes présumées pour vérité établie, en oubliant les précautions d’usage pour la partie adverse ?
« Victime je te crois » c’est une manifestation de soutien et de solidarité aux victimes. Il permet de libérer la parole des femmes et filles victimes d’agressions sexuelles. On encourage à libérer la parole, surtout lorsque l’homme accusé de viol a une position sociale plus élevée. La peur de témoigner, de ne pas être cru, l'emporte toujours. Dans une société comme la nôtre, où les victimes sont brisées, intimidées si elles tentent de parler, dire “je te crois” donne confiance.
Dans notre pays, le Sénégal, les gens manifestent plus d’empathie envers l’homme, l’agresseur, l’accusé de viol que celle qui prend le courage de briser le silence. La partie adverse n’a pas besoin d’être soutenue, nous baignons dans la culture du viol. Même quand un enfant est victime d’abus, au lieu de questionner l’agresseur, on demande où était sa mère.
Dire “Adji on te croit”, c’est lui montrer qu’elle n’est pas seule. Il appartiendra à la justice de faire son travail.
Pourquoi Ousmane Sonko est cru sans problème ? L’homme bénéficie d’une présomption de vérité, la fille d’une présomption de mensonge ? Voilà notre pays.
“Je trouve malhonnête et une insulte à notre intelligence que de harceler Adji, de la traiter de tous les noms, puis montrer de l’empathie envers Sonko. C’est lui le père de famille, l’homme marié qui a fait de la vertu, l’image de croyant parfait, son identité, son image de campagne pour séduire le peuple.”
Vous-même, vous n’épargnez pas Ousmane Sonko, dont vous rappelez le statut de mari polygame qui fréquente un salon de massage. Ça en fait-il un coupable pour autant ?
Je tiens toujours à ce qu’on parle aussi de l’homme accusé de viol, celui qui veut devenir notre président. On accule tellement la victime à demander ce qu’elle portait, ce qu’elle faisait, est-elle vierge, qu’on en oublie l’autre partie.
L’opinion publique ferme les yeux sur le fait que personne n’a forcé Ousmane Sonko à aller à Sweet Beauté en pleine nuit, laissant sa famille, ses femmes, ses enfants. Il y est allé en plein couvre-feu, sans garde du corps, alors qu’il dit être l’homme le plus surveillé par le régime. Rappelez-vous que durant le couvre-feu, des pères de famille qui avaient la malchance de ne pas être chez eux à l’heure, étaient tabassés, violentés par la police. On était tous témoins !
Pourquoi n’est-il pas allé aux urgences d’autant plus que Adji n’a aucun diplôme en kinésithérapie ou expertise sanctionnée par un diplôme ?
Un procès public diffusé en direct est souhaitable. Cela nous éviterait tous ces intermédiaires, révélations et communiqués et Adji pourrait reprendre sa vie.
Il ne devrait pas non plus appeler les enfants d’autrui, à venir se sacrifier pour son compte. Il ne leur avait pas demandé leur avis quand il allait à Sweet Beauté.
Je ne suis pas juge pour décider s’il est coupable ou pas, je fais des constats comme beaucoup d’autres. Je dénonce les privilèges qu’il a, la différence de traitement entre un homme puissant et l’acharnement sur une citoyenne lambda.
En effet, je trouve malhonnête et une insulte à notre intelligence que de harceler Adji, la traiter de tous les noms puis montrer de l’empathie envers Sonko. C’est lui le père de famille, l’homme marié qui a fait de la vertu, l’image de croyant parfait, son identité, son image de campagne pour séduire le peuple.
“La victime parfaite n’existe pas ! C’est un débat perdu d’avance parce que dans ce pays, une femme, fille qui dénonce un viol, n’est jamais crue sauf si elle est morte”
Au-delà des récents audios, certains reprochent à Adji Sarr d’être une victime atypique. On met à l’index sa robe rouge lors du face-à-face avec Sonko, sa récente vidéo où elle danse. Ce n’est pas l’image que se fait le grand public de la victime de viol. Comment appréciez-vous ce débat?
C’est ce qu’on appelle le mythe de la victime parfaite. La victime parfaite n’existe pas ! C’est un débat perdu d’avance parce que dans ce pays, une femme, fille qui dénonce un viol n’est jamais crue, sauf si elle est morte. Les viols et l’inceste sont très répandus dans notre pays, pourtant il y a peu de signalement, à votre avis, pourquoi ?
Les victimes ne correspondent pas à l’image de la victime parfaite qui est une fille innocente, chez elle qu’un inconnu a agressé. Elle dit non avec fermeté, chaque fois que son agresseur l’approche, elle se défend, se débat, hurle. Si le viol est consommé, elle pleure, est triste, ne sort plus, fait des tentatives de suicide. On doit avoir pitié d’elle.
Adji Sarr n’est pas une victime atypique, c’est une victime, Il n’y a pas de victime typique et chacune vit son traumatisme à sa façon.
Le viol est une affaire de pouvoir, de possession, d’emprise sur le corps de la femme, quand une victime se relève et essaie de vivre, refaire sa vie, elle montre sa résilience. Malgré les menaces et insultes, qu’elle parvienne à trouver des moments de joie est admirable. Adji n’est pas son viol ! C’est une jeune femme qui a toute la vie devant elle, elle a le droit et surtout le devoir, de dire à toutes les autres : “tenez bon !”.
Quant à ce qu’elle portait pour aller au tribunal, pourquoi pas ? C’est encore de la rhétorique de l’apologie du viol, où on demande aux victimes qu’est-ce qu’elles portaient ? On les transforme en agresseuses car notre société trouve que les hommes ne peuvent pas contrôler les pulsions et que ce sont les femmes qui les tentent. Le seul responsable est l'agresseur, jamais la victime.
Pourquoi ont-ils peur d’une robe rouge? Elle porte ce qu’elle veut. Personne n’a commenté ce que Sonko portait.
“Depuis quand les victimes de viol sont crues, écoutées au Sénégal ? La parole des femmes et des filles n’a jamais eu de valeur dans ce pays”
D’autres disent que Adji Sarr fait beaucoup de mal aux vraies victimes de viol, qu’à l’avenir, leur parole risque d’être dépréciée. Partagez-vous cette analyse ?
Tout d’abord, il n’y a ni vraie ou fausse victime de viol. Seule une société à la culture du viol ancrée fait cette dichotomie.
J’aimerais poser cette question : depuis quand les victimes de viol sont crues, écoutées au Sénégal? La parole des femmes et des filles n’a jamais eu de valeur dans ce pays. Le traitement que subit Adji Sarr ne fait que montrer le vrai visage de chaque homme, personne face à une femme qui dit être sexuellement agressée.
Les gens ne se sentent concernés par un viol, ne croient la victime que si elle fait partie de leur entourage. Même ça c’est faux ! Combien de père ont abusé de leurs filles, de frères, cousins, patrons, voisins, instituteurs, oustaz ?
Des filles violées dans leurs propres maisons des années n’ont jamais été crues par leurs mères, familles.
Ce qui m’inquiète, c’est l’impact dévastateur de la remise en cause automatique voire systémique de la parole d’une femme sur les survivantes, victimes qui vivent avec leurs agresseurs. L’acharnement sur Adji Sarr va décourager toutes celles qui sont abusées par des hommes.
La société sénégalaise leur envoie ce message: regardez ce qui va vous arriver si vous brisez le silence. Voilà ce qui vous attend !
Le viol est très répandu au Sénégal et la complaisance insupportable, l’empathie qu’on montre envers celui qui est accusé de viol, vont décourager les victimes.
“Les partisans de Pastef, Yewwi se plaignent du recul de la démocratie au Sénégal. Et pourtant, quand leur leader est visé, eux-mêmes harcèlent, intimident, menacent de viol, d’agressions. J’étais très virulente envers Wade puis Macky. On ne m’a jamais menacée personnellement. Pour la première fois, on reçoit des menaces de viol, tabassage”
Depuis quelques temps, vous et vos camarades subissez une forme de harcèlement en ligne, pour votre engagement dans cette affaire. Comment vivez-vous cette situation ?
Actuellement, nous vivons dans une société sénégalaise qui a énormément reculé. Les partisans de Pastef, Yewwi se plaignent du recul de la démocratie au Sénégal. Et pourtant, quand leur leader est visé, eux-mêmes harcèlent, intimident, menacent de viol, d’agressions, frappent toutes personnes qui osent dire une chose qui ne les arrange pas sur leur leader.
Je rappelle qu’il n’est pas encore élu et ça me fait peur !
Les féministes sénégalaises subissent beaucoup de cyberharcèlement, je me prends souvent des raids sur Twitter et Facebook. Cela ne nous fera taire. Certes, c’est épuisant mais ça nous conforte dans ce que nous faisons, on est sur la bonne voie.
J’avoue que j’ai énormément peur pour les femmes et filles, une telle violence je ne l’ai jamais vue et vécue dans notre pays. J’étais très virulente envers Wade puis Macky, on ne m’a jamais menacé personnellement. Pour la première fois, on reçoit des menaces de viol, de tabassage, de diffamation.
Maintenant nous portons plainte, signalons ces hommes lâches et faibles. Il faut qu’il y ait un coût social et économique aux violences envers les femmes, les violences verbales en font partie.
Nous avons été élevés par des parents déconstruits qui ont rêvé pour leurs filles d’un autre avenir. Un monde libre où homme et femme s’exprimeront à égalité. Je suis décomplexée et décolonisée, aucun homme ne me fait peur. Je place ma confiance en Allah parce que je me bats pour ce qui est juste.
En 2023, pour les violences sexuelles et sexistes au Sénégal, la peur doit changer de camp. La peur va changer de camp. Nous devons briser le silence, pas les victimes.