Il a l’air surpris par ce qu’il a vu. Pour se rendre à l’évidence, il met la pédale douce pour dévisager. «Mais c’est bien Baboye», s’exclame l’homme au volant d’une 205 blanche. C’est bien le chef de file de l’écurie Hal Pulaar. Il est méconnaissable, parce qu’il n’est ni en «guimb», ni en tenue de ville. Baboye enfile un Tee-shirt de couleur bleue claire, un pantalon blouson gris et des chaussettes dont on devine qu’elles étaient blanches. La couleur ocre du sable les a teintes. D’un pas ferme, il traverse la route pour se rendre au domicile de la fille de son marabout. Ce n’est pas pour effectuer son «ziar», mais pour s’assurer que toutes les dispositions sont prises pour une bonne restauration des invités.
Baboye cuistot…
Rien à signaler sur les lieux, il rebrousse chemin pour rejoindre le Quartier général : la maison de son guide, Serigne Modou Habib Mbacké où il réside depuis dimanche dernier.
A l’arrière cour de la grande concession, «Ba», assis à même le sol, s’acharne sur les carcasses de taureaux qu’il a immolés et dépecés avec l’aide de ses amis. Les morceaux de viande mises en tas, le boucher occasionnel fait le partage des tas. D’une énergie débordante, il soulève la bassine remplie de chair, la pose sur sa tête et se dirige vers la cuisine. Un groupe de femmes s’affaire autour des oignons, ail et autres condiments. Une dizaine de marmites bouillent déjà sur des feux de bois. La chaleur des lieux n’altère en rien l’ardeur du disciple de Serigne Modou Habib. Il s’empare de la grande écumoire qu’il plonge dans la marmite et remue les morceaux de chair rôtis à l’huile. Pendant ce temps, une femme déverse le contenu du pot de tomate dans la marmite. A l’aise comme une bonne dame devant sa marmite, Baboye remue dans tous les sens. Encore. Et encore. Jusqu’à ce que la mêlée donne une sauce rouge qui laisse échapper une senteur agréable. «C’est pour le Mbakhal», nous souffle-t-il à l’oreille. «Comme Serigne Touba a toutes sortes de talibés, il faut que chacun se serve du plat dont il raffole», résume-t-il.
Le «Mbakhal» de Mbeur
Il passe d’une marmite à une autre, prenant le soin de révéler le repas en préparation. Des invités perturbent le cordon-bleu dans ses œuvres. Les salutations tirent en longueur et il intime l’ordre à sa horde d’hommes de service qu’il a convoyés d’aider les femmes à remuer le contenu des marmites. L’une des dames lui demande de faire le partage du riz qu’il faut commencer à passer à l’eau. «Mbeur», comme on l’appelle, ouvre l’un des cinq sacs de riz empilés devant lui. A l’aide d’un pot, il commence la distribution. «8 kilos pour les marmites à Mbakhal et 25 pour le riz sec», rappelle-t-il pour se conformer au principe qui a été arrêté la veille. Chacune des dames se présente avec sa bassine que le lutteur remplit de riz. Tout en sueur après cet exercice, Balla Bèye n°2 retrouve une bande de jeunes à qui il avait demandé de faire le ramassage des boyaux de bœufs qui jonchent sur le sol. A l’aide d’une pelle, il remplit la brouette. Aux autres de les déverser dehors.
Au four et au moulin
Les sollicitations se multiplient, son téléphone ne cessant de crépiter, le lutteur se résout à prendre un peu d’air. A peine une dizaine de minutes de discussion et la caravane de son guide arrive. Il fausse compagnie à ses accompagnants. Sans crier gare. Il accourt vers le véhicule du marabout. La 4x4 s’immobilise devant ses pieds. Il saisit la poignée et ouvre la porte. Le guide s’éjecte de son fauteuil. «Ba», le sourire aux lèvres, embrasse les mains de Serigne Modou Habib, très beau dans un grand boubou blanc immaculé. Les fidèles accourent, mais le lutteur, aidé par ses amis, dont le lutteur Khadim Ndiaye, dresse un cordon de sécurité. Installé sur un matelas posé à même le sol, le marabout reçoit ses talibés par groupe. Le désordre s’installe, Baboye impose deux queues (une queue pour les hommes et une autre pour les femmes). Il organise le «ziar» jusqu’à l’appel à la prière du Tisbar. Il profite de ce moment pour retourner à la cuisine. Il fait la ronde, retourne le riz dans les marmites et ordonne de servir le déjeuner. Après le boucher, le boutiquier, le balayeur, le bodyguard et le chambellan, arrive l’heure pour Baboye de porter ses habits de serveur.
TEMOIGNAGES : Satisfaction sur toute la ligne
Les actions que Balla Bèye n°2 pose chez son guide ne laissent pas indifférent ce dernier. En sus du message de satisfaction délivré par celui qui a porté la parole de Serigne Modou Habib, les témoignages de la famille suffisent pour encourager le lutteur.
Balla Bèye n°2 peut s’estimer heureux, car il a satisfait son guide religieux. Serigne Modou Habib n’a pas manqué de marquer sa reconnaissance à son talibé pour tout ce qu’il fait chez lui lors du Magal. C’est un des anciens disciples de Serigne Touba du nom de Baye Modou Faye qui porte la parole du marabout. «Depuis qu’il est avec le guide, Baboye achète des taureaux pour le Magal. Non seulement, il investit son argent, mais il convoie, en sus de sa famille, des jeunes qui font tout le travail que l’on sait pénible. Il est toujours au-devant et donne le bon exemple. Je peux m’assurer que le guide est satisfait de lui et cela est le vœu de tout talibé», témoigne Baye Faye, la centaine presque atteinte.
Ce sentiment de satisfaction est aussi partagé par la fille aînée de Serigne Modou Habib. Sokhna Maï Mbacké loue la disponibilité du lutteur envers le marabout et sa famille. Ce que Sokhna Maï dit bien apprécier chez Balla Bèye n°2, c’est sa «discrétion dans ses actions et dans les dépenses qu’il effectue lors du Magal». «Il ne laisse rien au hasard : bœufs, chameaux et autres nécessaires», résume la fille de Serigne Modou Habib. Son époux, le Sénateur Moustapha Diop, confirme et révèle ne plus s’affairer autour des tâches quotidiennes depuis que Baboye a commencé à célébrer le Magal chez son marabout, il y a plus de dix ans. «Il nous a déchargés de tous les travaux. Sans lui, on éprouverait des difficultés à tout faire. Non seulement il est en action, mais il mobilise des hommes qui sont d’une disponibilité sans limites», reconnaît-il.
CONFIDENCES DE BABOYE : «Mon marabout m’a dit…»
«C’est une obligation pour moi de venir à Touba et de m’impliquer dans tout ce qui touche à l’organisation du Magal chez mon guide, Serigne Modou Habib Mbacké. Car je dois tout ce que j’ai et tout ce que je suis à Serigne Touba. J’étais en préparation en Angleterre, mais pour rien au monde je ne devais manquer à l’appel de Serigne Touba. J’étais obligé de payer un autre billet parce que mon retour est programmé après le Magal. Mais cela vaut le coup.
C’est avec beaucoup de fierté que je m’engage à faire tout ce travail. Même si c’était pendant toute l’année, je l’aurais assuré. Mon marabout m’a toujours dit de rester humble et modeste, car c’est la voie qui ouvre les portes de l’ascension, de la réussite et de la célébrité. Ce n’est pas pour rien que je suis aimé par les gens, si je suis un homme qui gagne, alors que je fais partie des plus petits lutteurs par la taille et la force. Et même si je perds des combats, les honneurs me reviennent. Ce n’est pas gratuit. Mon guide m’a donné la clé. Il est mon repère et m’inspire dans les bonnes œuvres. Il est tout pour moi.»
P. S. Kandji, D. Mine, Nd. Ndiaye et A. Doucouré (Photo)
Source L'Observateur
Baboye cuistot…
Rien à signaler sur les lieux, il rebrousse chemin pour rejoindre le Quartier général : la maison de son guide, Serigne Modou Habib Mbacké où il réside depuis dimanche dernier.
A l’arrière cour de la grande concession, «Ba», assis à même le sol, s’acharne sur les carcasses de taureaux qu’il a immolés et dépecés avec l’aide de ses amis. Les morceaux de viande mises en tas, le boucher occasionnel fait le partage des tas. D’une énergie débordante, il soulève la bassine remplie de chair, la pose sur sa tête et se dirige vers la cuisine. Un groupe de femmes s’affaire autour des oignons, ail et autres condiments. Une dizaine de marmites bouillent déjà sur des feux de bois. La chaleur des lieux n’altère en rien l’ardeur du disciple de Serigne Modou Habib. Il s’empare de la grande écumoire qu’il plonge dans la marmite et remue les morceaux de chair rôtis à l’huile. Pendant ce temps, une femme déverse le contenu du pot de tomate dans la marmite. A l’aise comme une bonne dame devant sa marmite, Baboye remue dans tous les sens. Encore. Et encore. Jusqu’à ce que la mêlée donne une sauce rouge qui laisse échapper une senteur agréable. «C’est pour le Mbakhal», nous souffle-t-il à l’oreille. «Comme Serigne Touba a toutes sortes de talibés, il faut que chacun se serve du plat dont il raffole», résume-t-il.
Le «Mbakhal» de Mbeur
Il passe d’une marmite à une autre, prenant le soin de révéler le repas en préparation. Des invités perturbent le cordon-bleu dans ses œuvres. Les salutations tirent en longueur et il intime l’ordre à sa horde d’hommes de service qu’il a convoyés d’aider les femmes à remuer le contenu des marmites. L’une des dames lui demande de faire le partage du riz qu’il faut commencer à passer à l’eau. «Mbeur», comme on l’appelle, ouvre l’un des cinq sacs de riz empilés devant lui. A l’aide d’un pot, il commence la distribution. «8 kilos pour les marmites à Mbakhal et 25 pour le riz sec», rappelle-t-il pour se conformer au principe qui a été arrêté la veille. Chacune des dames se présente avec sa bassine que le lutteur remplit de riz. Tout en sueur après cet exercice, Balla Bèye n°2 retrouve une bande de jeunes à qui il avait demandé de faire le ramassage des boyaux de bœufs qui jonchent sur le sol. A l’aide d’une pelle, il remplit la brouette. Aux autres de les déverser dehors.
Au four et au moulin
Les sollicitations se multiplient, son téléphone ne cessant de crépiter, le lutteur se résout à prendre un peu d’air. A peine une dizaine de minutes de discussion et la caravane de son guide arrive. Il fausse compagnie à ses accompagnants. Sans crier gare. Il accourt vers le véhicule du marabout. La 4x4 s’immobilise devant ses pieds. Il saisit la poignée et ouvre la porte. Le guide s’éjecte de son fauteuil. «Ba», le sourire aux lèvres, embrasse les mains de Serigne Modou Habib, très beau dans un grand boubou blanc immaculé. Les fidèles accourent, mais le lutteur, aidé par ses amis, dont le lutteur Khadim Ndiaye, dresse un cordon de sécurité. Installé sur un matelas posé à même le sol, le marabout reçoit ses talibés par groupe. Le désordre s’installe, Baboye impose deux queues (une queue pour les hommes et une autre pour les femmes). Il organise le «ziar» jusqu’à l’appel à la prière du Tisbar. Il profite de ce moment pour retourner à la cuisine. Il fait la ronde, retourne le riz dans les marmites et ordonne de servir le déjeuner. Après le boucher, le boutiquier, le balayeur, le bodyguard et le chambellan, arrive l’heure pour Baboye de porter ses habits de serveur.
TEMOIGNAGES : Satisfaction sur toute la ligne
Les actions que Balla Bèye n°2 pose chez son guide ne laissent pas indifférent ce dernier. En sus du message de satisfaction délivré par celui qui a porté la parole de Serigne Modou Habib, les témoignages de la famille suffisent pour encourager le lutteur.
Balla Bèye n°2 peut s’estimer heureux, car il a satisfait son guide religieux. Serigne Modou Habib n’a pas manqué de marquer sa reconnaissance à son talibé pour tout ce qu’il fait chez lui lors du Magal. C’est un des anciens disciples de Serigne Touba du nom de Baye Modou Faye qui porte la parole du marabout. «Depuis qu’il est avec le guide, Baboye achète des taureaux pour le Magal. Non seulement, il investit son argent, mais il convoie, en sus de sa famille, des jeunes qui font tout le travail que l’on sait pénible. Il est toujours au-devant et donne le bon exemple. Je peux m’assurer que le guide est satisfait de lui et cela est le vœu de tout talibé», témoigne Baye Faye, la centaine presque atteinte.
Ce sentiment de satisfaction est aussi partagé par la fille aînée de Serigne Modou Habib. Sokhna Maï Mbacké loue la disponibilité du lutteur envers le marabout et sa famille. Ce que Sokhna Maï dit bien apprécier chez Balla Bèye n°2, c’est sa «discrétion dans ses actions et dans les dépenses qu’il effectue lors du Magal». «Il ne laisse rien au hasard : bœufs, chameaux et autres nécessaires», résume la fille de Serigne Modou Habib. Son époux, le Sénateur Moustapha Diop, confirme et révèle ne plus s’affairer autour des tâches quotidiennes depuis que Baboye a commencé à célébrer le Magal chez son marabout, il y a plus de dix ans. «Il nous a déchargés de tous les travaux. Sans lui, on éprouverait des difficultés à tout faire. Non seulement il est en action, mais il mobilise des hommes qui sont d’une disponibilité sans limites», reconnaît-il.
CONFIDENCES DE BABOYE : «Mon marabout m’a dit…»
«C’est une obligation pour moi de venir à Touba et de m’impliquer dans tout ce qui touche à l’organisation du Magal chez mon guide, Serigne Modou Habib Mbacké. Car je dois tout ce que j’ai et tout ce que je suis à Serigne Touba. J’étais en préparation en Angleterre, mais pour rien au monde je ne devais manquer à l’appel de Serigne Touba. J’étais obligé de payer un autre billet parce que mon retour est programmé après le Magal. Mais cela vaut le coup.
C’est avec beaucoup de fierté que je m’engage à faire tout ce travail. Même si c’était pendant toute l’année, je l’aurais assuré. Mon marabout m’a toujours dit de rester humble et modeste, car c’est la voie qui ouvre les portes de l’ascension, de la réussite et de la célébrité. Ce n’est pas pour rien que je suis aimé par les gens, si je suis un homme qui gagne, alors que je fais partie des plus petits lutteurs par la taille et la force. Et même si je perds des combats, les honneurs me reviennent. Ce n’est pas gratuit. Mon guide m’a donné la clé. Il est mon repère et m’inspire dans les bonnes œuvres. Il est tout pour moi.»
P. S. Kandji, D. Mine, Nd. Ndiaye et A. Doucouré (Photo)
Source L'Observateur