De notre correspondante à Washington
Il serait injuste de réduire le voyage surprise de Barack Obama en Afghanistan à une opération électorale. En se rendant jusqu'au palais présidentiel de Hamid Karzaï, mardi au plus profond de la nuit, le président américain avait surtout pour but de dessiner les contours de la future politique afghane des États-Unis. À travers la signature d'un accord de partenariat stratégique avec Kaboul, il s'agissait de démontrer que l'engagement américain en Afghanistan ne s'arrêterait pas en décembre 2014. Bref, que l'Amérique ne répéterait pas la faute commise en 1989, quand le monde avait abandonné le pays à la guerre civile.
Clairement, pourtant, l'Afghanistan et la lutte contre al-Qaida sont devenus des armes de campagne pour le président sortant. Des thèmes qu'il compte bien utiliser, maintenant que sonne l'heure de défendre son bilan, même si le thème de l'économie prime sur tous les autres. La diffusion récente d'un clip électoral de 17 minutes consacré au raid des troupes spéciales américaines sur le repaire de Ben Laden au Pakistan a ouvert les réjouissances. Barack Obama y est dépeint en leader résolu, prêt à prendre de lourds risques politiques pour éliminer l'ennemi numéro un de l'Amérique, image vouée à contredire les accusations de ses adversaires républicains, qui veulent lui coller une image de président «faible».
Empathie pour la souffrance de ses soldats
La visite en Afghanistan est un autre chaînon de cette offensive électorale d'Obama sur le front extérieur. Le moment du voyage, qui coïncide à un jour près avec le premier anniversaire de l'élimination de Ben Laden, le déroulé très étudié de la visite - signature de l'accord, hommage aux troupes, adresse à la nation américaine évoquant le prochain retour des boys au pays - ne doivent rien au hasard. Il s'agit pour Obama de démontrer qu'il est un commandant en chef responsable et plein d'empathie pour la souffrance de ses soldats ; capable de soutenir l'effort guerrier, mais déterminé à y mettre un terme, tout en assurant les arrières de l'Afghanistan ; bref un président qui ne croit pas à la folle aventure de la construction d'une démocratie afghane, mais qui promet de fournir aux Afghans les moyens de leur sécurité.
«Notre but n'est pas de créer un pays à l'image de l'Amérique… Ces objectifs exigeraient beaucoup plus d'années, de dollars et, surtout, de vies américaines», a-t-il dit mardi, parlant de se concentrer uniquement sur la lutte contre al-Qaida. Une approche en phase avec les aspirations d'une Amérique épuisée par dix ans d'expéditions lointaines.
«Le mal existe dans le monde»
Quand il est arrivé à la Maison-Blanche en 2009, Barack Obama a pris de court les bataillons antiguerre de la gauche qui avaient tant aimé ses promesses de retrait d'Irak. Comme le souligne l'expert Peter Bergen, l'homme que tous, à gauche comme à droite, avaient pris pour un pacifiste, a révélé une vision du monde réaliste et hobbésienne. À Oslo, où il recevait le prix Nobel de la paix, il affichait d'ailleurs la couleur. «Le mal existe dans le monde, disait-il. Dire que la force est parfois nécessaire n'est pas un appel au cynisme, c'est une reconnaissance de l'histoire, des imperfections de l'homme et des limites de la raison.» Dans les années suivantes, Obama allait d'ailleurs augmenter le contingent américain en Afghanistan, éliminer Ben Laden et autoriser une guerre secrète des drones contre des cibles terroristes bien plus massive que celle de son prédécesseur (une attaque tous les 43 jours contre des cibles au Pakistan sous Bush, tous les 4 jours sous Obama).
Prudence de Sioux
Aujourd'hui, la gauche lui pardonne cette politique musclée, parce qu'il a pris soin de définir un calendrier de sortie de guerre, en Irak puis en Afghanistan. Surtout, Obama se retrouve en position de force face aux républicains. C'est comme s'il avait fait une OPA sur un terrain, la sécurité, où ils avaient la main. Contrairement à son bilan économique très contesté, sa politique extérieure reste perçue comme positive par une majorité d'Américains. Les critiques du sénateur McCain concernant la date butoir de 2014 pour le retrait des troupes d'Afghanistan portent peu, même chez les conservateurs, où le courant isolationniste a le vent en poupe. Les doutes grandissants de l'opinion sur la capacité de l'Amérique à changer l'équation afghane sont en phase avec la prudence d'Obama. Et en signant l'accord sur un partenariat stratégique avec Kaboul, il neutralise ceux qui l'accusent de fuir.
Bien sûr, son approche laisse des questions sans réponses. Quand Obama parle de «la fin de la guerre», il omet de dire qu'elle est loin d'être en vue pour l'Afghanistan, où les insurgés restent en embuscade. Interrogés sur les chances d'un retour des talibans au pouvoir, ses conseillers affichaient d'ailleurs mardi une prudence de Sioux… La grande chance d'Obama est qu'il faudra attendre fin 2014 pour y voir plus clair. Bien après l'élection présidentielle.
Les talibans frappent Kaboul, visent les étrangers
Un complexe accueillant des ressortissants étrangers a été attaqué mercredi à Kaboul, quelques heures après une visite surprise en Afghanistan de Barack Obama. Sept personnes ont été tuées. Les talibans ont fait savoir qu'il s'agissait d'une réponse à la venue du président américain . Cette attaque coïncide avec le premier anniversaire de la mort d'Oussama Ben Laden au Pakistan. C'est la deuxième attaque d'envergure dans la capitale afghane en moins de trois semaines. Les talibans ont annoncé mercredi qu'ils lanceraient à partir de ce jeudi leur traditionnelle «offensive de printemps» à travers l'Afghanistan contre les forces de l'Otan qui soutiennent le gouvernement de Kaboul et tous leurs alliés. L'opération «al-Farouq» visera en premier lieu les «envahisseurs étrangers, leurs conseillers, leurs sous-traitants et tous ceux qui les aident militairement et par
le renseignement»,ont-ils annoncé sur l'un de leur site Internet.
Il serait injuste de réduire le voyage surprise de Barack Obama en Afghanistan à une opération électorale. En se rendant jusqu'au palais présidentiel de Hamid Karzaï, mardi au plus profond de la nuit, le président américain avait surtout pour but de dessiner les contours de la future politique afghane des États-Unis. À travers la signature d'un accord de partenariat stratégique avec Kaboul, il s'agissait de démontrer que l'engagement américain en Afghanistan ne s'arrêterait pas en décembre 2014. Bref, que l'Amérique ne répéterait pas la faute commise en 1989, quand le monde avait abandonné le pays à la guerre civile.
Clairement, pourtant, l'Afghanistan et la lutte contre al-Qaida sont devenus des armes de campagne pour le président sortant. Des thèmes qu'il compte bien utiliser, maintenant que sonne l'heure de défendre son bilan, même si le thème de l'économie prime sur tous les autres. La diffusion récente d'un clip électoral de 17 minutes consacré au raid des troupes spéciales américaines sur le repaire de Ben Laden au Pakistan a ouvert les réjouissances. Barack Obama y est dépeint en leader résolu, prêt à prendre de lourds risques politiques pour éliminer l'ennemi numéro un de l'Amérique, image vouée à contredire les accusations de ses adversaires républicains, qui veulent lui coller une image de président «faible».
Empathie pour la souffrance de ses soldats
La visite en Afghanistan est un autre chaînon de cette offensive électorale d'Obama sur le front extérieur. Le moment du voyage, qui coïncide à un jour près avec le premier anniversaire de l'élimination de Ben Laden, le déroulé très étudié de la visite - signature de l'accord, hommage aux troupes, adresse à la nation américaine évoquant le prochain retour des boys au pays - ne doivent rien au hasard. Il s'agit pour Obama de démontrer qu'il est un commandant en chef responsable et plein d'empathie pour la souffrance de ses soldats ; capable de soutenir l'effort guerrier, mais déterminé à y mettre un terme, tout en assurant les arrières de l'Afghanistan ; bref un président qui ne croit pas à la folle aventure de la construction d'une démocratie afghane, mais qui promet de fournir aux Afghans les moyens de leur sécurité.
«Notre but n'est pas de créer un pays à l'image de l'Amérique… Ces objectifs exigeraient beaucoup plus d'années, de dollars et, surtout, de vies américaines», a-t-il dit mardi, parlant de se concentrer uniquement sur la lutte contre al-Qaida. Une approche en phase avec les aspirations d'une Amérique épuisée par dix ans d'expéditions lointaines.
«Le mal existe dans le monde»
Quand il est arrivé à la Maison-Blanche en 2009, Barack Obama a pris de court les bataillons antiguerre de la gauche qui avaient tant aimé ses promesses de retrait d'Irak. Comme le souligne l'expert Peter Bergen, l'homme que tous, à gauche comme à droite, avaient pris pour un pacifiste, a révélé une vision du monde réaliste et hobbésienne. À Oslo, où il recevait le prix Nobel de la paix, il affichait d'ailleurs la couleur. «Le mal existe dans le monde, disait-il. Dire que la force est parfois nécessaire n'est pas un appel au cynisme, c'est une reconnaissance de l'histoire, des imperfections de l'homme et des limites de la raison.» Dans les années suivantes, Obama allait d'ailleurs augmenter le contingent américain en Afghanistan, éliminer Ben Laden et autoriser une guerre secrète des drones contre des cibles terroristes bien plus massive que celle de son prédécesseur (une attaque tous les 43 jours contre des cibles au Pakistan sous Bush, tous les 4 jours sous Obama).
Prudence de Sioux
Aujourd'hui, la gauche lui pardonne cette politique musclée, parce qu'il a pris soin de définir un calendrier de sortie de guerre, en Irak puis en Afghanistan. Surtout, Obama se retrouve en position de force face aux républicains. C'est comme s'il avait fait une OPA sur un terrain, la sécurité, où ils avaient la main. Contrairement à son bilan économique très contesté, sa politique extérieure reste perçue comme positive par une majorité d'Américains. Les critiques du sénateur McCain concernant la date butoir de 2014 pour le retrait des troupes d'Afghanistan portent peu, même chez les conservateurs, où le courant isolationniste a le vent en poupe. Les doutes grandissants de l'opinion sur la capacité de l'Amérique à changer l'équation afghane sont en phase avec la prudence d'Obama. Et en signant l'accord sur un partenariat stratégique avec Kaboul, il neutralise ceux qui l'accusent de fuir.
Bien sûr, son approche laisse des questions sans réponses. Quand Obama parle de «la fin de la guerre», il omet de dire qu'elle est loin d'être en vue pour l'Afghanistan, où les insurgés restent en embuscade. Interrogés sur les chances d'un retour des talibans au pouvoir, ses conseillers affichaient d'ailleurs mardi une prudence de Sioux… La grande chance d'Obama est qu'il faudra attendre fin 2014 pour y voir plus clair. Bien après l'élection présidentielle.
Les talibans frappent Kaboul, visent les étrangers
Un complexe accueillant des ressortissants étrangers a été attaqué mercredi à Kaboul, quelques heures après une visite surprise en Afghanistan de Barack Obama. Sept personnes ont été tuées. Les talibans ont fait savoir qu'il s'agissait d'une réponse à la venue du président américain . Cette attaque coïncide avec le premier anniversaire de la mort d'Oussama Ben Laden au Pakistan. C'est la deuxième attaque d'envergure dans la capitale afghane en moins de trois semaines. Les talibans ont annoncé mercredi qu'ils lanceraient à partir de ce jeudi leur traditionnelle «offensive de printemps» à travers l'Afghanistan contre les forces de l'Otan qui soutiennent le gouvernement de Kaboul et tous leurs alliés. L'opération «al-Farouq» visera en premier lieu les «envahisseurs étrangers, leurs conseillers, leurs sous-traitants et tous ceux qui les aident militairement et par
le renseignement»,ont-ils annoncé sur l'un de leur site Internet.