Les drones américains qui survolent le ciel de Benghazi depuis la mort de l'ambassadeur Christopher Stevens mettent les nerfs des habitants de la capitale de la Cyrénaïque à rude épreuve. L'aéroport a été fermé une journée pour des missions de surveillance silencieuse, mais, durant plusieurs nuits déjà, des bruits de moteur invisibles ont enflammé les conversations d'une population redoutant une prochaine intervention des États-Unis.
Désignés comme les principaux responsables de cette opération meurtrière contre le consulat américain le 11 septembre dernier, les membres de la brigade Ansar al-Charia ont, plus que d'autres, quelques raisons d'inquiétude. Dans une interview aux journaux anglais Guardian et Time, le président du Congrès national libyen, Mohammed al-Megaryef, validant des informations venues des États-Unis, vient en effet d'affirmer que des preuves existent sur l'implication «d'une partie de ce groupe» dans l'attaque et également sur ses liens avec al-Qaida. «La Libye vit un moment crucial, a prévenu al-Megaryef, nous n'allons pas hésiter à réagir.»
Ces derniers jours, les médias butaient sur le cerbère gardant l'entrée de cette brigade, en plein centre-ville de Benghazi. «En Europe et aux États-Unis, vous n'avez pas le droit de critiquer les mensonges sur l'Holocauste. Pourquoi les États-Unis ont-ils permis qu'on insulte le Prophète?», s'exclamait encore lundi matin un barbu empêchant, mitraillette à l'épaule, l'accès à ces chefs. Mais quelques heures plus tard, un envoyé de ce groupe, Youssif al-Jhami, venait porter la bonne nouvelle dans les hôtels fréquentés par les journalistes internationaux. Une fois encore, ce porte-parole niait toute présence d'un membre d'Ansar al-Charia devant le consulat des États-Unis le 11 septembre dernier. Outre que «n'importe qui a le droit de manifester pacifiquement, aucun membre d'Ansar al-Charia, assurait-il, n'a été arrêté à ce jour. Où sont les preuves de notre participation» à cette attaque?
Officiellement fondée le 11 novembre 2011, la brigade Ansar al-Charia s'est installée dans une ancienne caserne des forces kadhafistes à Benghazi, au début du moins de juillet dernier. «Nous avons eu les autorisations du conseil local», souligne Youssif al-Jhami. La population, qui lui en sait gré, a découvert ses combattants venus remettre de l'ordre aux abords de l'hôpital Jalal. Durant le ramadan, ils ont posé leurs armes et ont participé, avec des bénévoles partageant leur vision fondamentaliste de l'islam, au ramassage des ordures qui jonchaient les rues de Benghazi. Constituée d'hommes ayant pris les armes durant la révolution, auxquels sont venus s'agréger de nouveaux venus, Ansar al-Charia, qui n'a pas d'autre existence ailleurs qu'à Benghazi, est surtout connue par l'écusson ornant ses pick-up. Sa centaine de combattants revendiquée, pas moins barbus que les autres, n'avait pas spécialement attiré l'attention de la population de Benghazi.
Plusieurs brigades infiltrées
Bon connaisseur de cette ville, Jalal al-Gallal, qui fut l'un des premiers porte-parole de la révolution, affirme que ces combattants, comme d'autres il est vrai, se sont livrés à des exécutions d'anciens kadhafistes. L'homme, qui ne doute pas de la présence de djihadistes d'al-Qaida sur le sol libyen, est persuadé que ces derniers ont infiltré plusieurs brigades, dont peut-être effectivement celle d'Ansar al-Charia. Il pense que, pour éviter une intervention américaine, les Libyens devront vite faire le ménage eux-mêmes, à l'image du ministère de l'Intérieur libyen qui a limogé mardi deux hauts responsables chargés de la sécurité dans l'Est du pays. «Si les assassins de l'ambassadeur américain peuvent s'en sortir, plus personne n'est en sécurité.»
Connu pour ses fortes convictions religieuses, Mohammed Boussidra, qui conseillait le président Moustapha Abdeljalil depuis le début de la révolution, est peut-être celui qui connaît le mieux les chefs d'Ansar al-Charia. «Ils ne sont pas aussi mauvais qu'on le dit», assure-t-il. Comme son nom l'indique, Ansar al-Charia («les Partisans de la Charia») n'a qu'un seul objectif politique. «Mais tous les Libyens veulent que la charia soit la loi fondamentale de la Libye», explique-t-il posément dans son appartement de Benghazi.
À la veille des élections parlementaires de juillet dernier, Boussidra et Abdeljalil étaient parvenus à imposer la charia comme un principe de la prochaine Constitution, celle-là même que la nouvelle Assemblée doit écrire. Mohammed Boussidra regrette encore que les «laïcs», Mahmoud Jibril en tête, aient finalement rejeté cette décision, au motif qu'elle avait été prise par des hommes ne représentant plus le peuple. En affirmant qu'Ansar al-Charia est lié à al-Qaida, le président du Congrès national libyen, Mohammed al-Megaryef, «vient de donner son feu vert à une intervention américaine», regrette Mohammed Boussidra. «En pleine campagne présidentielle américaine, ajoute-t-il, je ne serais pas surpris par une attaque de drones.»
Par Thierry Portes
Désignés comme les principaux responsables de cette opération meurtrière contre le consulat américain le 11 septembre dernier, les membres de la brigade Ansar al-Charia ont, plus que d'autres, quelques raisons d'inquiétude. Dans une interview aux journaux anglais Guardian et Time, le président du Congrès national libyen, Mohammed al-Megaryef, validant des informations venues des États-Unis, vient en effet d'affirmer que des preuves existent sur l'implication «d'une partie de ce groupe» dans l'attaque et également sur ses liens avec al-Qaida. «La Libye vit un moment crucial, a prévenu al-Megaryef, nous n'allons pas hésiter à réagir.»
Ces derniers jours, les médias butaient sur le cerbère gardant l'entrée de cette brigade, en plein centre-ville de Benghazi. «En Europe et aux États-Unis, vous n'avez pas le droit de critiquer les mensonges sur l'Holocauste. Pourquoi les États-Unis ont-ils permis qu'on insulte le Prophète?», s'exclamait encore lundi matin un barbu empêchant, mitraillette à l'épaule, l'accès à ces chefs. Mais quelques heures plus tard, un envoyé de ce groupe, Youssif al-Jhami, venait porter la bonne nouvelle dans les hôtels fréquentés par les journalistes internationaux. Une fois encore, ce porte-parole niait toute présence d'un membre d'Ansar al-Charia devant le consulat des États-Unis le 11 septembre dernier. Outre que «n'importe qui a le droit de manifester pacifiquement, aucun membre d'Ansar al-Charia, assurait-il, n'a été arrêté à ce jour. Où sont les preuves de notre participation» à cette attaque?
Officiellement fondée le 11 novembre 2011, la brigade Ansar al-Charia s'est installée dans une ancienne caserne des forces kadhafistes à Benghazi, au début du moins de juillet dernier. «Nous avons eu les autorisations du conseil local», souligne Youssif al-Jhami. La population, qui lui en sait gré, a découvert ses combattants venus remettre de l'ordre aux abords de l'hôpital Jalal. Durant le ramadan, ils ont posé leurs armes et ont participé, avec des bénévoles partageant leur vision fondamentaliste de l'islam, au ramassage des ordures qui jonchaient les rues de Benghazi. Constituée d'hommes ayant pris les armes durant la révolution, auxquels sont venus s'agréger de nouveaux venus, Ansar al-Charia, qui n'a pas d'autre existence ailleurs qu'à Benghazi, est surtout connue par l'écusson ornant ses pick-up. Sa centaine de combattants revendiquée, pas moins barbus que les autres, n'avait pas spécialement attiré l'attention de la population de Benghazi.
Plusieurs brigades infiltrées
Bon connaisseur de cette ville, Jalal al-Gallal, qui fut l'un des premiers porte-parole de la révolution, affirme que ces combattants, comme d'autres il est vrai, se sont livrés à des exécutions d'anciens kadhafistes. L'homme, qui ne doute pas de la présence de djihadistes d'al-Qaida sur le sol libyen, est persuadé que ces derniers ont infiltré plusieurs brigades, dont peut-être effectivement celle d'Ansar al-Charia. Il pense que, pour éviter une intervention américaine, les Libyens devront vite faire le ménage eux-mêmes, à l'image du ministère de l'Intérieur libyen qui a limogé mardi deux hauts responsables chargés de la sécurité dans l'Est du pays. «Si les assassins de l'ambassadeur américain peuvent s'en sortir, plus personne n'est en sécurité.»
Connu pour ses fortes convictions religieuses, Mohammed Boussidra, qui conseillait le président Moustapha Abdeljalil depuis le début de la révolution, est peut-être celui qui connaît le mieux les chefs d'Ansar al-Charia. «Ils ne sont pas aussi mauvais qu'on le dit», assure-t-il. Comme son nom l'indique, Ansar al-Charia («les Partisans de la Charia») n'a qu'un seul objectif politique. «Mais tous les Libyens veulent que la charia soit la loi fondamentale de la Libye», explique-t-il posément dans son appartement de Benghazi.
À la veille des élections parlementaires de juillet dernier, Boussidra et Abdeljalil étaient parvenus à imposer la charia comme un principe de la prochaine Constitution, celle-là même que la nouvelle Assemblée doit écrire. Mohammed Boussidra regrette encore que les «laïcs», Mahmoud Jibril en tête, aient finalement rejeté cette décision, au motif qu'elle avait été prise par des hommes ne représentant plus le peuple. En affirmant qu'Ansar al-Charia est lié à al-Qaida, le président du Congrès national libyen, Mohammed al-Megaryef, «vient de donner son feu vert à une intervention américaine», regrette Mohammed Boussidra. «En pleine campagne présidentielle américaine, ajoute-t-il, je ne serais pas surpris par une attaque de drones.»
Par Thierry Portes