CHEMINEMENT ET DIMENSION SPIRITUELLE DU CHEIKH
Cheikhna Cheikh Saadou Abihi(littéralement le Bonheur ou la fierté de son père), plus connu sous le nom de Cheikhna Cheikh Saadbou naquit en 1848 (Année de l’Abolition de l’esclavage) dans le HODH Mauritanien qui correspond au Sud- Est de la Mauritanie qui faisait partie à l’époque de l’ancien Soudan Français. Il est le fils du Saint et pôle de son époque, notre maître Cheikhna Cheikh Muhammad Fadel (1797-1869) (voir la note succincte sur cet illustre saint) et de la pieuse Mariama fille de Ahmed Abdi. Il est descendant en ligne directe et 37 èmepetit-fils du prophète Mouhamed par son père. Il perdit sa mère avant même le jour de son baptême. Son nom céleste est « al Moukhtar », le Choisi, un des noms du Prophète (Paix et Salut sur Lui).
L’éducation religieuse du Cheikh fut assurée par son père qui fut son maître spirituel. Mais il faut dire que très tôt le Cheikh reçut cette connaissance infuse à l’image de son grand-père, le prophète Mouhamed (PSL), comme il le dit dans l’un de ses nombreux poèmes.
Il connut très jeune (à l’âge de 11 ans) la consécration mystique qui fit de lui un saint accompli et qui précipita son exode vers l’ouest Mauritanien accompagné de quelques uns de ses disciples (à l’âge de 18 ans). Son père fit ce conseil à ses frères : « Votre frère à tout amené avec lui et que celui qui veut assurer son accomplissement spirituel le rejoigne. ».
Le Cheikh parcourut ainsi une distance de plus de mille kilomètres pour, comme l’a prédit son père, être une miséricorde pour les populations blanches et noires et notamment les habitants des deux rives du fleuve Sénégal.
Il commença son œuvre de raffermissement et d’implantation de la Haquiqa Mouhamediya et de la Charia chez les tribus arabo-berbéres.
Il faut dire que le Cheikh s’installa dans une région (le Trarza) où il n’était pas originaire et où les gens ne le connaissaient pas et le considéraient comme un étranger. Mais, vite ils se rendirent compte de sa détermination inébranlable, de sa foi immense, de sa vaste connaissance et de son charisme exceptionnel.
Il leur montra que l’Islam doit être vécu intérieurement, intériorisé par les pratiques cultuelles mais aussi par la pratique du Zikr (la mention de DIEU par la langue et le cœur). Il réussi à effacer cette perception erronée de la religion par les tribus berbères qui consistait à négliger les pratiques, à se vanter d’être le plus savant où à rivaliser d’éloquence et de poésie.
Porteur d’une vérité manifeste et grâce à l’appui divin il parvint à vaincre toute opposition au triomphe de l’islam parmi les populations locales.
Dans son livre intitulé « Saints et société en Islam- La confrérie Ouest africaine Fâdiliyya », CNRS EDTIONS, Rahal BOUBRIK, docteur en Histoire et diplômé en sociologie (il est de nationalité marocaine) écrit en parlant de l’exode du Cheikh : « Sa’d Bûh fut autorisé à quitter le Hawd après avoir reçu la bénédiction de son père. Cette bénédiction lui fut acquise à la suite d’une vision qui attestait de sa sainteté. Selon Sa’d Buh, « mon père me dispensa de l’état de servilité du disciple et du serviteur (fakka annî riqqa at -talammudhi wa al -khidma), et m’orna de son signe (liwâ ahu) le plus sublime aux yeux de la communauté et il me demanda de le placer comme symbole sur ma tête ».
C’est ce que raconte le PR Cheikhna Ould Cheikh Hassena, dans son livre « Guide du Mouride » en ces termes : « à l’âge de quatorze ans, il a emmené la couronne de confrérie dont le grand Cheikh (son père) disait : mets-la sur ta tête, devant tout le monde, au bon ou mauvais gré de quiconque.Je t’ai donné un versant de générosité et de mal. Inflige-les à qui tu voudras et à ta convenance. »
Rahal BOUBRIK poursuit : « après cette cérémonie d’investiture, il resta quelque temps au service de son père : il fit des quêtes de ziyâra (offrande) et forma également des disciples, avant d’être autorisé (Sarraha) à partir, armé d’une solide formation religieuse et juridique ainsi que du statut confrérique de shaykh et d’une solide expérience de terrain.
Il parla vaguement de régions où nul ne connaissait le nom de son père et décrivit son sentiment d’exil. Toutefois, il évoqua les liens forts et permanents qu’il conservait avec son père. Dans l’une des lettres envoyées par Muhammad Fâdil à son fils, le père lui demanda de s’installer avec la tribu des Antâba au Trârza.
Sa’d Bûh s’installa donc dans un espace occupé politiquement, socialement et symboliquement par des groupes tribaux et des personnages très puissants. Cette tâche ne lui fut pas facile. Son arrivée dans la région suscita une forte protestation ; il dut affronter l’opposition de l’élite savante et du pouvoir politique. Ceci amena Sa’d Bûh à entrer en conflit avec ses adversaires, conflit dont il relata les circonstances dans l’un de ses écrits. »
Les multiples charismes du Cheikh (avec une poignée de grains, il donnait à manger à des centaines de personnes ; de même avec une seule bouteille d’eau il donnait à boire à des centaines de gens ; lorsqu’il saisissait un bois mort, il se transformait en arbre vivant avec ses feuilles, un cheval en furie répondait à son appel en se précipitant vers lui etc.) ainsi que le nombre sans cesse croissant de ses disciples lui attirèrent la jalousie des dignitaires religieux de l’Emirat du Trarza et la crainte du pouvoir local. Ces deux entités se liguèrent pour faire échouer sa volonté.
Comme le prophète Muhammad (Paix et Salut sur Lui), il fut accusé de magie et de sorcellerie par les dignitaires locaux. Ce sentiment d’exclusion fut renforcé par le fait qu’il n’appartenait pas aux tribus de la région et par conséquent il ne pouvait bénéficier de leur soutien.
Dans l’un de ses écrits il relate lui- même les circonstances de ce conflit dont Rahal BOUBRIKa fait la narration en ces termes :
« Sa’d Buh fut accusé de sorcellerie. L’entourage de l’émir Sîdî Muhammad w. Lahbîb conseillait à ce dernier de l’expulser avant qu’il ne dominât (yastawlî) le Trârza : « Il (l’émir Sîdî Muhammad Lahbîb) à souvent voulu me tromper (yamkura bî) et Dieu l’empêcha de m’atteindre par le mal…… Il était aidé dans ses intentions par ses tulba et ses sujets (ra’iyyatuhu). Ils étaient convaincus que j’étais sorcier (sâhir) ou fou (majnûn).
Selon Sa’d Bûh, l’émir fut sensible à la pression de son entourage. Un disciple de Sa’d Bûh lui rapporta que lorsque l’émir entendit les rumeurs sur Sa’d Bûh, il affirma : « j’ai rassemblé mes gens et les dignitaires de mon Etat (akâbir dawlatî) et les ai consultés sur cet homme. L’assemblée me conseilla de me rendre sur le terrain avant qu’il ne soit dominé (astawlâ) par ce magicien. »
Après cette consultation, l’émir alla à la rencontre de Sa’d Bûh en prenant des renseignements en cours de route à son sujet. Les informations recueillies n’étant pas en faveur de Sa’d Bûh, sa détermination fut renforcée. L’émir s’arrêta dans un campement et envoya chercher Muhammad Fâl w. Mutâli (m. 1870) pour lui demander son avis sur Sa’d Bûh. Muhammad Fâl, qui était à l’époque une figure influente de la vie religieuse du Trârza, s’abstint de se prononcer sur cette affaire. Perplexe (hayrân), l’émir eut recours à un autre savant de la tribu Idawalhâjj : Bâba w. Muhammad w. Ahmad. La réponse de ce dernier ne fut pas citée par Sa’d Bûh. Pendant ce voyage, l’émir reçut quatre émissaires de Sa’d Bûh, porteurs d’un message.
L’émir, demanda à l’un de ses compagnons de prendre la lettre à sa place, par crainte de son effet magique, puis il la déchira et menaça les émissaires, ce qui mit Sa’d Bûh en colère. En arrivant chez les Ahl Ahmad b. at-Tâlib, tous les savants consultés qualifièrent Sa’d Bûh de magicien, voire d’infidèle (kâfir) et conseillèrent à l’émir de l’assassiner. L’émir, cependant, questionna l’assemblée des savants sur l’origine de Sa’d Bûh. L’un lui répondit : « il est le descendant du saint unique, le fils du grand savant Shaykh Muhammad Fâdil ». L’émir, surpris, répliqua : « il est donc le fils du grand saint (al-walî al kabîr) et de l’habile savant (al-alim an nahrir) dont les miracles me sont narrés depuis mon enfance (…) Je ne peux tuer le fils de ce saint (walî) (…). Néanmoins, je réunirai autour de lui les grands savants et rassemblerai tous les livres de ce pays. Dans le cas où il aurait raison, il sera le bienvenu, et dans le cas contraire, nous l’éloignerons de notre pays. »
Sa’d Bûh contesta d’abord cette proposition et envoya l’un de ses tlâ- mîdh à l’émir pour lui annoncer que « la terre appartient à DIEU. Selon sa volonté, il l’attribue (yûrithuhâ) à ses créatures. » Mais Sa’d Bûh finit par accepter l’invitation de l’émir au moment où son frère al-Mâmûn vint du Brâkna pour le soutenir face à ses adversaires et pour le convaincre d’assister à ce débat.
Après ce débat -défi, selon Sa’d Bûh, tous les savants rassemblés à la cour de l’émir s’inclinèrent devant lui en reconnaissant son statut de grand savant et de Saint. L’émir présenta immédiatement ses excuses à Sa’ d Bûh en rejetant la responsabilité des désagréments sur son entourage. Il dit ensuite à Sa’d Bûh : « Voici maintenant mon territoire (‘ardî), habite où tu veux. » Ceci n’empêcha pas Sa’d Bûh de lui répondre : « la terre est à DIEU. Il l’attribue comme bon lui semble et, en ce qui vous concerne, vous ne possédez rien. Si dieu veut que je demeure ici, je resterai, et s’il m’en expulse, j’ai déjà quitté mon pays (‘ardi) et les miens (‘ahlî).
Surpris par cette réponse, l’émir sollicita l’intervention d’al-Mâmûn afin que Sa’d Bûh acceptât ses excuses et se réconciliât avec lui. » Après s’être solidement établi dans le Trarza malgré les tentatives d’opposition au début, le Cheikh se dirigea vers le Sénégal.
1-CONTEXTE SOCIO- POLITIQUE DE L’APPARITION DE CHEIKHNA CHEIKH SAADBOU SUR LE TERRITOIRE DU TRARZA ET DU SENEGAL.
Le contexte politico-religieux de l’apparition du Cheikh sur le territoire du Trarza a été décrit au chapitre précèdent, relativement à ses rapports avec l’Emir du Trarza et les oulémas locaux, notamment le Conseil des Notables, organe consultatif de l’Emirat.
La nature de l’environnement physique (zone Sahélienne et désertique), la prédominance de tribus guerrières vivant de razzias et de commerce d’esclaves ont fini de créer une insécurité quasi générale dans le Trarza mais également sur la rive occidentale du fleuve Sénégal (Fouta Toro).
Les attaques répétées des tribus Guerrières contre les populations des deux rives (ex celle contre le village Aly Oury ayant entraîné des pertes humaines et l’enlèvement de troupeaux dans la nuit du 16 juin 1904) et contre des chalands appartenant à la compagnie Devès et Chaumet près du village de Koundel). Jusqu’en 1904, les français ne disposaient que de deux postes avancés en Mauritanie, à Saout El Mâ et à Mederdra qui furent souvent l’objet d’attaque de la part de tribus guerrieres Hassan qui se ravitaillaient en armes (fusils à tir rapide) à partir de la Colonie (enclave) espagnole de la Séguia al Amra (Sahara Occidentale) ou Rio del Oro.
Dans un contexte marqué par l’insécurité grandissante accentuée par la prolifération de réseaux de contrebande d’armes à feu, la présence d’une force organisée et soucieuse de faire respecter la libre circulation des biens et des personnes, fût- elle d’occupation, ne pouvait être que la bienvenue.
C’est pourquoi, les tribus maraboutiques, comme les Awlad Deyman et les Awlad Bieri acceptèrent les tentatives françaises d’annexion de la Mauritanie afin que la paix civile puisse être rétablie.
Il s’agit moins d’un blanc- seing que d’une présence négociée pour le bien des populations. Les français n’hésitèrent pas à armer ces tribus maraboutiques car elles connaissaient le terrain et étaient victimes des razzias afin qu’elles puissent faire face ou mettre fin aux attaques. C’est dans un contexte aussi difficile qu’apparaît le Cheikh qui, notons- le, n’appartient à aucune des tribus de la région du Trarza.
Les Français, connaissant ce fait, voulurent faire de lui, comme de Sidya Baba également, un allié dans leur tentative de pénétration et de pacification de la Mauritanie. Il le lui fit savoir lors de l’entretien qu’il eut avec eux dans le bureau de Gouverneur Valière en 1872, suite à un incident au cours duquel l’autorité coloniale dut mesurer la détermination et les pouvoirs exceptionnels du Cheikh. (Les Zikrs à haute voix des disciples furent considérés comme attentatoire à l’ordre public par la police coloniale de Saint-Louis).
En effet, l’année 1872 constitue une date symbolique et charnière dans l’évolution spatio-temporelle du Cheikh. Après avoir campé sur le site actuel de l’université Gaston Berger (Dakar-Bango) situé à 10 Kms de St-Louis, le Cheikh effectua sa première visite sur l’Ile à cette date.
Durant toute la période où le Cheikh campait à Dakar-Bango, les St-louisiens voyaient chaque nuit une lumière qui pointait au firmament et qui semblait s’approcher de plus en plus de leur cité. Certains crurent qu’il s’agissait d’un incendie gigantesque qui menaçait, d’autres à une apocalypse, l’approche de la fin du monde. C’est l’illustre lettré et homme de sciences, le Cadi Madiakhaté Kala qui trouvera la réponse à leurs interrogations en soulignant que cette lumière qui ressemblait à une pleine lune ne pouvait être que celle du détenteur de la Sainteté unique Cheikhna Cheikh Saadbou (il écrivit quelques vers qui e témoig*). A St-Louis, le Cheikh campa non loin du palais du Gouverneur Colonial avec ses disciples qui psalmodiaient la formule de l’Unicité Divine « LA ILAHA ILLALAH »à mi-voix et de façon répétée. Cette situation déplût à l’autorité qui voulut empêcher à un disciple nommé Mouhamed Lamine Ould Isseu de continuer son Zikr : en effet, dans une extase mystique, ce dernier ne sentit même pas la présence du Colon ; celui-ci le frappa avec son fouet, excédé par son attitude. Il réagit en prononçant le nom « ALLAH » ; subitement, les eaux de l’océan commencèrent à envahir les habitations Saint-louisiennes.
Voyant une telle scène, le Cheikh qui était sous sa tente, intervient pour calmer le saint disciple et empêcha, ce faisant, l’engloutissement de la ville sous les eaux. A la suite de cet incident, le Gouverneur fit venir le Cheikh dans son bureau avec l’intention de le mettre en prison. Au cours de son audition, cette entreprise fut vouée à l’échec après que le Gouverneur eut sommé le Cheikh d’enlever son bonnet pour marquer son respect et sa soumission à son autorité. Le Cheikh répondit qu’enlever son bonnet entraînerait de graves conséquences; sur l’insistance de ce dernier, le Cheikh en poussant le coin de son bonnet, fit basculer, par la grâce de Dieu, les murs du Palais qui ressemblaient à un bateau déséquilibré par la violence d’une rafale ; aussitôt, le Gouverneur, prit de panique, se ravisa et revint à de meilleurs sentiments.
Il sut que le Cheikh n’était pas un homme à qui on pouvait faire peur ou manipuler à sa guise, que sa sainteté n’était pas affectée. C’est à la suite de cet événement que les relations du Cheikh avec l’autorité coloniale furent marquées par le respect et la considération dus au saint homme.
A partir de ce moment, il fut consulté sur beaucoup de problème au règlement desquels, il était incontournable (exemple le refus de Lat-Dior de laisser passer le chemin de fer; grâce à lui également les maures furent exonérés d’impôts et exemptés de service militaire).
Le Trarza, le Walo et les français :
On peut dire que vers la fin du 19e siècle, le Trarza eut un double intérêt pour les français : lieu de passage et de production de la gomme arabique qui sera supplantée par l’arachide, mais également Corridor à sécuriser pour la liberté du commerce sur le fleuve Sénégal (page 32). Les Français s’intéressèrent donc à la Mauritanie pour cette double raison.
Les guerres survenues entre les français et les Emirs du Trarza à partir des années 1830 et entre 1854 et 1858 avaient principalement pour but d’empêcher la mainmise de ces dernières sur le Waalo. Il faut rappeler que les relations entre le Trarza et le Walo sont très anciennes et très profondes (par ex. la reine Djeubeut Mbodj régna à la fois sur le walo et le Trarza.
Zekeria Ould Ahmed Salem (co-auteur de l’ouvrage collectif sur la Mauritanie cité plus bas) raconte que « Ely Ould Mohamed Salem, fils de la reine du Walo et de l’Emir maure est devenu lui-même chef et a recruté jusqu’à un millier de guerriers du Walo, sa deuxième patrie pour ainsi dire ».
Conscients des liens historiques et souvent politiques entre le Trarza et le Walo, les français sous la conduite de Faidherbe « avaient de plus en plus besoin de contester la souveraineté des maures sur le Walo » pour protéger leurs intérêts liés au commerce de la gomme arabique et à l’expansion coloniale. Grâce à sa victoire de 1858 sur les maures, il réussit à les « contenir » sur la rive droite du fleuve Sénégal.
Il faut rappeler que c’est en 1889 que Coppolani a réussi à « convaincre le ministre des Colonies de créer une entité dénommée « Mauritanie Occidentale » et qui regrouperait tous les « maures depuis la rive droite au fleuve Sénégal, Kayes et Tombouctou au Sud algérien et aux confins marocains », selon Alain Antil.(voir ouvrage collectif cité plus bas).
Donc la conquête de l’espace compris sous le nom de Mauritanie fût tardive ; elle ne fût « achevée » qu’au début des années 1913, avec l’occupation du Hodh par une colonne Méhariste.
En 1898-1899, Coppolani entreprit une mission d’études sur la Mauritanie qui est restée pendant longtemps comme « l’arrière pays sauvage St- Louis. »
Pour mettre fin au désordre, aux razzias et à l’insécurité quasi permanente qui régnaient en Mauritanie, les chefs religieux et de tribu comme cheikh Sidya et les guides religieux comme Cheikhna Cheikh Saadbou ne s’opposèrent pas à la présence française au Trarza.
Il faut saluer la perspicacité de ces guides religieux qui surent défendre au mieux les intérêts des populations musulmanes en favorisant une situation propice à la paix civile, les français prônant la liberté du culte et l’instauration des tribunaux musulmans contrairement aux bandes armées qui écumaient les populations à longueur d’année.
Rapports entre sphères religieuses et sphères politiques :
En 1903, Cheikh Ahmadou Bamba est arrêté et déporté, par les français, au Trarza voisin auprès de Baba Wuld Cheikh Sidiya dont la famille entretenait des liens anciens avec celle du fondateur du Mouridisme. Il ne sera autorisé à revenir au Sénégal qu’en 1907.
Au cours de ce séjour, il s’attira beaucoup de disciples principalement chez les Awlâd Deyman qui, selon Abdel Wedoud Ould Cheikh (voir ouvrage collectif cité plus bas), « étaient géographiquement les plus proches de l’aire d’influence du Cheikh Sénégalais, elles étaient les plus engagées dans le commerce au Sud du Fleuve et elles occupaient le territoire où Ahmadou Bamba a passé quatre années en résidence surveillée… »
« Les disciples maures du chef mouride auraient joué un rôle appréciable, comme enseignements et copistes dans l’établissement confrérique crée par Ahmadou Bamba, qui savait se montrer généreux aussi bien avec ceux qui le servaient directement qu’avec les simples et nombreux sollicitateurs de passage selon Abdel Wedoud Ould Cheikh, professeur à l’Université de Nouakchott et co-auteur du livre " les Trajectoires" d’un Etat- frontière, espaces, évolution politique et transformations sociales en Mauritanie » publié par le Codesria.
En résumé, on peut souligner que Cheikhna Cheikh Saadbou eut à séjourner à plusieurs reprises au Sénégal. Il eut des contacts avec des rois et des chefs de Canton à l’exemple de Lat-Dior, d’Alboury Ndiaye, de Macodou Sall. Il eut également à rencontrer le notable Mourad Ndao de Mekhé à l’endroit duquel il pria le Seigneur et écrivit quelques vers qui en témoignent.
Abdel Wedoud Ould Cheikh note qu’en 1902, l’administration coloniale qui allait bientôt prendre le nom de « Gouvernement Général » « s’appuie sur un réseau de chefs qu’elle a mis en place, souvent fils des chefs qu’elle a éliminés ».
A partir de 1909, le Cheikh s’établit à Nimzatt, au nord de Rosso, près du chef-lieu de Mederdra. Il y fonda une université qui forma de nombreux sénégalais, maliens et guinéens, sans compter ses relations spécifiques avec les musulmans de St-Louis dont, d’après Zékéria Ould Ahmed Salem « la plupart de leurs signatures de pétition étaient en arabe. Ils étaient éduqués dans les écoles coraniques et théologiques du désert mauritanien et du Fouta : les familles Hamat, Anne ou Seck, entre autres, qui dominaient cette communauté avaient envoyé leur progéniture se scolariser dans les écoles maures de Awlad Dayman, notamment, au même moment où des centaines de St-louisiens fréquentaient l’école fondée en 1880 par Cheikh Saadbou au Trarza ».
2-PRESENCE AU SENEGAL ET RAYONNEMENT SPIRITUEL
Les prodiges que Cheikhna Cheikh Saadbou accomplit à St Louis, où il n’hésita pas à mettre en garde l’autorité coloniale contre sa personne et celle de ses talibés, constituent sans aucun doute une page glorieuse de l’histoire de l’islam.
Cheikhna Cheikh Saadbou parcourut le Sénégal du nord au centre, de St Louis en passant par Tivaouane et Diourbel et convertit des milliers de personnes à l’Islam .Il implanta des Cheikh qui furent des flambeaux éclairant le chemin des milliers de disciples.
Il se rendit également chez les Lébous, à Dakar, sur invitation du dignitaire Lébou Cheikh Youssouf Bamar GUEYE qui a eu à le rencontrer lors de son séjour à St- Louis.
En effet, ce dernier fut émerveillé par la dimension spirituelle du Saint homme lors de cette rencontre.
Le Cheikh, lors de son séjour Dakarois, prédit la prospérité de cette bourgade d’alors, et pria pour l’agrandissement de cette contrée, le développement de la pêche, activité et richesse principales des Lébous et une eau abondante pour ses habitants.
Il faut souligner que le Cheikh, même s’il pratiquait le Wird khadriya, diffusait également les autres Wirds (Tidjanites, Shazilites, Nassirites et nakchabandites) en tant que Khalife du prophète Mouhamed sur terre, Maître de tous les Wirds.
Les talibés élevés au rang de Cheikh furent au nombre de 664. Ils étaient et demeurent des Saints accomplis et sont implantés dans tout le territoire Sénégalais, mais aussi dans la sous-région (Guinée, Gambie, Mauritanie, Mali etc.)
On peut citer parmi eux (sans être exhaustif.) :
Au Sénégal :
Les Chérifs Cheikh Makhfou Aidara et son frère Cheikh Hadramé fils de Cheikhna dont les tombeaux se trouvent à Guéoul la Cité Bénie,Ses neveux Cheikh Al khadrami Ibn Misbâh dont le tombeau se trouve à Ndogondou ( près de Dahra Djolof) et Cheikh Ahmédna Ibn Cheikh Al Khadrami au Ferlo,Cheikh Houyeu ibn Cheikh Talibouya Aboubacar, ses talibés Cheikh Dethie Law SECK à Ngourane ( Louga) , Cheikh Amadou DIOP à Massar (Louga) , Cheikh Souleymane SIDIBE, originaire de Kayes et qui s’établit au Quartier Nord à St- Louis. Dans cette localité, on peut également citer ,Cheikh Mbarick DIOP,Cheikh NDOS,Cheikh Mustapha GUEYE, Abrane GUEYE et Cheikh Ahmadou DIENG.Cheikh Ahmadou NDIAYE à Loboudou (Louga), Cheikh Macodou SALL et Cheikh Mouhamed DJIMBIRI à Kébémer, Cheikh Aldiouma BA né à Ndiâgne et dont le mausolée se trouve à Guet Ardo (Louga) , Cheikh Malick KA à Kayboubdé (Djoloff) Cheikh Alpha Ndiarap à Ndiarap (près de Darou Mousty), Cheikh Mouhamadou Ali SOW et son fils Cheikh Saadbou SOW à Dîgaane ( près de Mbacké), Cheikh Alpha Thiambel à Thionah (près de Mont -rolland) Cheikh Pathé SARR à Sagatta , Cheikh Oumar Foutiyou LY et ses fils Cheikh Ibn Arabi LY et Cheikh Zanoune LY à Thiès, Cheikh Ndiouga DIAGNE du Quartier Dépôt à Thies et dont le tombeau se trouve à Guéoul (Louga) Cheikh Yérim Ndoumbane SECK à Tivaouane , Cheikh Saliou DIENG du village de Keur Salla Deurgane près de Tivaoune, Cheikh Mouhamadou LO ( à Mbour ) Cheikh Ely Manel FALL (Diourbel) Cheikh Youssouf Bamar GUEYE , Cheikh Létyr GUEYE et Cheikh Alpha DIOL à Dakar , Cheikh Ahmadou Mactar DIOP ( originaire de Pire et qui s’établit définitivement à Gab prés de Bambey où se trouve son mausolée ).
Dans le Sine-Saloum ( Régions de Fatick et Kaolack) on peut citer :
Cheikh Moussa SARR et Cheikh Fodé SARR à Niodior (Sine-Saloum) ,Cheikh Malick Sarr à Diouré (Arrt Niodior-Dépt de Foundiougne),Cheikh Abdourahmane THIAM à Soumbel (Arrt Fimela) , Cheikh CISSE Boréba à Samba DIA ; Cheikh Thierno DIALLO et Cheikh Cheikhou SARR Kobongoye( Fimela), Cheikh Boubacar DIOUF à Médina- Fadial (Arrt de Thiadiaye.)
Au Fouta, le Cheikh délivra surtout le Wird tidjane mais également dès fois le Wird Khadre à des hommes de DIEU parmi lesquels on peut citer : Cheikh Mamadou Kane dans le Bakel, Cheikh Slima, Cheikh Hamidou KANE et Cheikh Moussa Kamara à Ganguel dans le Matam ; Cheikh Souleymane et Thierno Yérim Baal dans le Saldé-Diorbivol, EH Hamadou Abdoul Karim dans le Podor et Cheikh Boukhar DATT du Village de Néré.
Le Chérif Cheikh Youba Al Moukhtar ibn Cheikhal Khalifa neveu de Cheikhna dont le tombeau se trouve à Ten-Ten dans le Baol ainsi que son talibé Cheikh Mamadou Kane, le Chérif Cheikh Mouhamed Fadel dit Tourad ibn Cheikh Abass, neveu de Cheikhna dont le tombeau est au cimetière de Soumbédioune à Dakar.
La famille Chérifienne de Dar-Salam et de Binâco dans le Diouloulou et dont le porte étendard est le grand Saint Cheikh Makhfou AIDARA ibn Cheikh ABBA, neveu de Cheikhna Cheikh Saad bouh, celle de Sébikoroto et de Banghère avec chérif Cheikh Sidy et Chérif Younouss Aidara (Tchad 1825 – Banghère –Tanaff 1917).
Il faut également souligner que Cheikhna Bounana Aïdara IBN Cheikh Talibouya ibn Cheikhna Cheikh Saadbou est le fondateur du foyer religieux de Dioffior (dept de Fimela Région de Fatick) où vit une partie de sa famille. Il a contribué à l’islamisation de beaucoup de serères du Sine et certains de ses enfants sont de mères issues de cette éthnie.
En Gambie
Cheikh Ibrahima SANE à Birkama.(Sur ordre du Cheikh, il se mettra au service de Cheikh Makhfou dans sa mission dans le Sud du pays.
En Guinée Conakry :
Cheikh Fantamady,le saint de Kankan, Cheikh Bakary KEÏTA à Siguiri, le malinké Cheikh Boubacar CAMARA à Couralandé, El Hadji Mamadou Kaba DIAKITE.
Au Mali :
Cheikh Faly CISSÉ, Cheikh Bakary DIARRA, Cheikh Salif BA et Cheikh Bacary Maras BA
En Mauritanie :
Ses frères Cheikh Sidyl Khaîri, Cheikh Abdâti et Cheikh Mouftâhi al Khaîri, ses Talibés, Cheikh EL Béchir ould Mbârig, Cheikh Amar Maouloud Ould Cheybateu, Cheikh Guila, Cheikh Mouhamadou Mâ âli, Cheikh Ibn Hanbal, Cheikh Moulay Mbârick, Cheikh Moukhtar dit Ibn Arabi Wadâne, Cheikh Moukhtar Kounta dit Minouwa, Cheikh Abdourahmane ould Jeuweu.
Il faut également rappeler le témoignage unique dans son genre et éloquent du Cheikh à l’endroit de Cheikh Ahmadou BAMBA et les propos élogieux de Cheikh Ahmadou Bamba en guise de réponse. (Voir in fine.)
Témoin de ces liens solides, le fait que le deuxième khalife de Cheikh Ahmadou Bamba (communément appelé Serigne Fallou Mbacké) porte le nom du père de Cheikhna Cheikh Saadbou, Cheikh Mouhammad Fadel.
Il écrit également une lettre d’encouragement à l’endroit d’El Hadj Malick SY dans son entreprise de célébration de la nuit de la naissance du prophète (PSL).
Le Cheikh disparut au 22 émejour du mois béni du Ramadan de l’an 1917 à Nim–Zatt après 69 années consacrées à l’œuvre de revivification de la religion. Il pria son Seigneur pour que son tombeau soit, à l’image de la Kaaba, un lieu de rémission des pêchés et d’exaucement des vœux. Ce qui lui fut accordé sans conteste.
Cheikh Oumar Foutiyou LY, un des disciples du Cheikh et père de Cheikh Ibn Arabi LY, écrivit ces vers merveilleux à l’endroit du Cheikh.
« O tombeau qui renferme ce puits (de science), cette célébrité,
J’ai nommé notre Cheikh Saad Bouh, le rubis des savants
Il y a en toi, grâce au Maître du trône, notre Créateur,
Une mer immense débordante et gonflée de pluies continuelles.
Il y a en toi du savoir, de la piété, une immense
Faveur qui fait oublier les hommes de prodige.
Il y a en toi un descendant de l’Apôtre de DIEU, le
Mondarite, un bonheur des bonheurs, père de nos plus grands maîtres.
Il y a en toi une lumière de la pleine lune, une générosité de la mer ;
Qu’il est considérable ce maître des pieux !
Il a remis à jour la voie des élus divins lorsque les
traces en étaient effacées, donc il a ressuscité des os déjà réduits en poussière.
Il a dissipé l’esprit de rébellion contre Dieu, banni la sottise quand elle devenait monnaie courante, il a repoussé loin de nous l’injustice et les ténèbres … »
A sa disparition, son œuvre fut perpétuée par ses fils Cheikhal Khalifa, Cheikhna Sidaty el Kabîr, Cheikhna Cheikh Talibouya, Cheikh Sidibouya, Cheikh Hadramé, Cheikh Makhfou, Cheikh Mâ oul Aîni, Cheikh Atkhâna, Cheikh Bounana que le Seigneur accroisse leur lumière et nous gratifie de leurs grâces.
La bibliographie du Cheikh est immense à l’image de son œuvre. Parmi ses écrits, on compte 69 œuvres majeures traitant de la mystique et des différents domaines du savoir parmi lesquelles on peut citer :
-Nourou Sirât fî ilmil Tassâwoufi (lumière sur le chemin menant au Soufisme, œuvre grandiose de 666 vers.)
- Ma ‘ yatou Zâtt ;
- Nafkhoul Khâmim fî barakâti Bismillâhi Rahmâni Rahîmi :
Dans cet ouvrage, le Cheikh parlant des bienfaits de la Basmala raconte un événement qui lui est arrivé lors d’un voyage par bateau à voiles sur le fleuve Sénégal. En effet, au moment où le Cheikh était en train de faire ses ablutions sur le pont du bateau, un vent violent lui fit perdre l’équilibre. Alors qu’il était presque sur l’eau le Cheikh voulut prononcer la Basmala. (c à d BismiLlâhi Rahmâni Rahîmi.)
Il ne prononça que « Bismi » (au nom de) et DIEU tout puissant, par l’effet de sa grâce, transforma l’eau du fleuve en glace et le Cheikh continua ses ablutions sur la glace.
Le Cheikh révèlera plus tard que, s’il avait prononcé la Basmala en entier, l’eau du fleuve aurait tari à jamais.
- Nibrâzul Ma’nâ fil Kâmidi mine Asmâ oul Husnâ ;
-Nuzatoul oubâd (le plaisir des adorateurs etc.)
Ce chiffre correspond aussi à la durée de sa vie.
Les poèmes et panégyriques à l’endroit du Seigneur et de son maître et aeuil, le prophète Mouhamed, ne sauraient être comptés à ma connaissance tant ils sont nombreux et variés. (Leur fréquence est estimée à un khassaîde par mois.)
On peut citer :
- Wassîlatoul Maqâçidi (le Maître Bien-aimé.)
- Al Hamdoulilâhi leuzî lâ you’ tî
- Al Hamdoulilâhi leuzî Tabârakâ
- Al Hamdoulilâhi afouwoul gâfiri
- Al Hamdoulilâhi leuzî a ‘tânî
- Al Hamdoulilâhi wa bismi illâhi
- Aqoûlou bismi illâhi wa rahmâni
- Yâ Rabbanâ Billâhi wa Rahmâni
- Qâla abou Abdoul Azîzi sa ‘ dou
- Qâla abou Abdoul Azîzi al amçali
- Al Hamdoulilâhi leuzî Qad inefarad
- Al Hamdoulilâhi alâ Kamâlihi Jalla alâ
- Yâ Sâhibaya da ‘ânî
- Bizâti Rabbil âlamîne
- Zourtou Rasouloulâhi wa houwa sayyidou.
- Abdâou Bismillâhi khîna atlabou
- Akhlou tassâwoufi Qâlou inna mane raghibâ
- Bi Mîmine wa Hâine wa Mîmine wa Dâl.
- Al Hamdoulilâhil Qadîme.
- Khaîrou nabiyyi mane fâqat noubouwatouhoû
- Yaqoûlou Sa’doul abihi nadjloul fâdili.
- Izâ qadal llâhou aleyka mâ qadâ.
- Yaqoûlou Sa’doul mountamî al fâdili.
- Madahtou bi Chi ’ri sirâdiane adjouze.
« C’est, nous dit Maguette DIAW, ce poème qui a fait pleurer Cheikh Ahmadou Bamba quand Cheikh Sidibouya, envoyé par son père Cheikh na Cheikh Saadbou Chez Khadimou Rassoûl, l’avait récité à son intention. »
Il faut également souligner que la Tarikha Khadriya est la plus répandue dans le Monde ; elle s’étend de la Sierra Léone en passant par le Maroc, l’Iraq, la Syrie (où se trouve le tombeau de Cheikh Ibn Arabi) l’Inde, la Turquie jusqu’en Indonésie, le plus grand Etat musulman, qui est majoritairement khadre
(Source Internet)
Cheikhna Cheikh Saadou Abihi(littéralement le Bonheur ou la fierté de son père), plus connu sous le nom de Cheikhna Cheikh Saadbou naquit en 1848 (Année de l’Abolition de l’esclavage) dans le HODH Mauritanien qui correspond au Sud- Est de la Mauritanie qui faisait partie à l’époque de l’ancien Soudan Français. Il est le fils du Saint et pôle de son époque, notre maître Cheikhna Cheikh Muhammad Fadel (1797-1869) (voir la note succincte sur cet illustre saint) et de la pieuse Mariama fille de Ahmed Abdi. Il est descendant en ligne directe et 37 èmepetit-fils du prophète Mouhamed par son père. Il perdit sa mère avant même le jour de son baptême. Son nom céleste est « al Moukhtar », le Choisi, un des noms du Prophète (Paix et Salut sur Lui).
L’éducation religieuse du Cheikh fut assurée par son père qui fut son maître spirituel. Mais il faut dire que très tôt le Cheikh reçut cette connaissance infuse à l’image de son grand-père, le prophète Mouhamed (PSL), comme il le dit dans l’un de ses nombreux poèmes.
Il connut très jeune (à l’âge de 11 ans) la consécration mystique qui fit de lui un saint accompli et qui précipita son exode vers l’ouest Mauritanien accompagné de quelques uns de ses disciples (à l’âge de 18 ans). Son père fit ce conseil à ses frères : « Votre frère à tout amené avec lui et que celui qui veut assurer son accomplissement spirituel le rejoigne. ».
Le Cheikh parcourut ainsi une distance de plus de mille kilomètres pour, comme l’a prédit son père, être une miséricorde pour les populations blanches et noires et notamment les habitants des deux rives du fleuve Sénégal.
Il commença son œuvre de raffermissement et d’implantation de la Haquiqa Mouhamediya et de la Charia chez les tribus arabo-berbéres.
Il faut dire que le Cheikh s’installa dans une région (le Trarza) où il n’était pas originaire et où les gens ne le connaissaient pas et le considéraient comme un étranger. Mais, vite ils se rendirent compte de sa détermination inébranlable, de sa foi immense, de sa vaste connaissance et de son charisme exceptionnel.
Il leur montra que l’Islam doit être vécu intérieurement, intériorisé par les pratiques cultuelles mais aussi par la pratique du Zikr (la mention de DIEU par la langue et le cœur). Il réussi à effacer cette perception erronée de la religion par les tribus berbères qui consistait à négliger les pratiques, à se vanter d’être le plus savant où à rivaliser d’éloquence et de poésie.
Porteur d’une vérité manifeste et grâce à l’appui divin il parvint à vaincre toute opposition au triomphe de l’islam parmi les populations locales.
Dans son livre intitulé « Saints et société en Islam- La confrérie Ouest africaine Fâdiliyya », CNRS EDTIONS, Rahal BOUBRIK, docteur en Histoire et diplômé en sociologie (il est de nationalité marocaine) écrit en parlant de l’exode du Cheikh : « Sa’d Bûh fut autorisé à quitter le Hawd après avoir reçu la bénédiction de son père. Cette bénédiction lui fut acquise à la suite d’une vision qui attestait de sa sainteté. Selon Sa’d Buh, « mon père me dispensa de l’état de servilité du disciple et du serviteur (fakka annî riqqa at -talammudhi wa al -khidma), et m’orna de son signe (liwâ ahu) le plus sublime aux yeux de la communauté et il me demanda de le placer comme symbole sur ma tête ».
C’est ce que raconte le PR Cheikhna Ould Cheikh Hassena, dans son livre « Guide du Mouride » en ces termes : « à l’âge de quatorze ans, il a emmené la couronne de confrérie dont le grand Cheikh (son père) disait : mets-la sur ta tête, devant tout le monde, au bon ou mauvais gré de quiconque.Je t’ai donné un versant de générosité et de mal. Inflige-les à qui tu voudras et à ta convenance. »
Rahal BOUBRIK poursuit : « après cette cérémonie d’investiture, il resta quelque temps au service de son père : il fit des quêtes de ziyâra (offrande) et forma également des disciples, avant d’être autorisé (Sarraha) à partir, armé d’une solide formation religieuse et juridique ainsi que du statut confrérique de shaykh et d’une solide expérience de terrain.
Il parla vaguement de régions où nul ne connaissait le nom de son père et décrivit son sentiment d’exil. Toutefois, il évoqua les liens forts et permanents qu’il conservait avec son père. Dans l’une des lettres envoyées par Muhammad Fâdil à son fils, le père lui demanda de s’installer avec la tribu des Antâba au Trârza.
Sa’d Bûh s’installa donc dans un espace occupé politiquement, socialement et symboliquement par des groupes tribaux et des personnages très puissants. Cette tâche ne lui fut pas facile. Son arrivée dans la région suscita une forte protestation ; il dut affronter l’opposition de l’élite savante et du pouvoir politique. Ceci amena Sa’d Bûh à entrer en conflit avec ses adversaires, conflit dont il relata les circonstances dans l’un de ses écrits. »
Les multiples charismes du Cheikh (avec une poignée de grains, il donnait à manger à des centaines de personnes ; de même avec une seule bouteille d’eau il donnait à boire à des centaines de gens ; lorsqu’il saisissait un bois mort, il se transformait en arbre vivant avec ses feuilles, un cheval en furie répondait à son appel en se précipitant vers lui etc.) ainsi que le nombre sans cesse croissant de ses disciples lui attirèrent la jalousie des dignitaires religieux de l’Emirat du Trarza et la crainte du pouvoir local. Ces deux entités se liguèrent pour faire échouer sa volonté.
Comme le prophète Muhammad (Paix et Salut sur Lui), il fut accusé de magie et de sorcellerie par les dignitaires locaux. Ce sentiment d’exclusion fut renforcé par le fait qu’il n’appartenait pas aux tribus de la région et par conséquent il ne pouvait bénéficier de leur soutien.
Dans l’un de ses écrits il relate lui- même les circonstances de ce conflit dont Rahal BOUBRIKa fait la narration en ces termes :
« Sa’d Buh fut accusé de sorcellerie. L’entourage de l’émir Sîdî Muhammad w. Lahbîb conseillait à ce dernier de l’expulser avant qu’il ne dominât (yastawlî) le Trârza : « Il (l’émir Sîdî Muhammad Lahbîb) à souvent voulu me tromper (yamkura bî) et Dieu l’empêcha de m’atteindre par le mal…… Il était aidé dans ses intentions par ses tulba et ses sujets (ra’iyyatuhu). Ils étaient convaincus que j’étais sorcier (sâhir) ou fou (majnûn).
Selon Sa’d Bûh, l’émir fut sensible à la pression de son entourage. Un disciple de Sa’d Bûh lui rapporta que lorsque l’émir entendit les rumeurs sur Sa’d Bûh, il affirma : « j’ai rassemblé mes gens et les dignitaires de mon Etat (akâbir dawlatî) et les ai consultés sur cet homme. L’assemblée me conseilla de me rendre sur le terrain avant qu’il ne soit dominé (astawlâ) par ce magicien. »
Après cette consultation, l’émir alla à la rencontre de Sa’d Bûh en prenant des renseignements en cours de route à son sujet. Les informations recueillies n’étant pas en faveur de Sa’d Bûh, sa détermination fut renforcée. L’émir s’arrêta dans un campement et envoya chercher Muhammad Fâl w. Mutâli (m. 1870) pour lui demander son avis sur Sa’d Bûh. Muhammad Fâl, qui était à l’époque une figure influente de la vie religieuse du Trârza, s’abstint de se prononcer sur cette affaire. Perplexe (hayrân), l’émir eut recours à un autre savant de la tribu Idawalhâjj : Bâba w. Muhammad w. Ahmad. La réponse de ce dernier ne fut pas citée par Sa’d Bûh. Pendant ce voyage, l’émir reçut quatre émissaires de Sa’d Bûh, porteurs d’un message.
L’émir, demanda à l’un de ses compagnons de prendre la lettre à sa place, par crainte de son effet magique, puis il la déchira et menaça les émissaires, ce qui mit Sa’d Bûh en colère. En arrivant chez les Ahl Ahmad b. at-Tâlib, tous les savants consultés qualifièrent Sa’d Bûh de magicien, voire d’infidèle (kâfir) et conseillèrent à l’émir de l’assassiner. L’émir, cependant, questionna l’assemblée des savants sur l’origine de Sa’d Bûh. L’un lui répondit : « il est le descendant du saint unique, le fils du grand savant Shaykh Muhammad Fâdil ». L’émir, surpris, répliqua : « il est donc le fils du grand saint (al-walî al kabîr) et de l’habile savant (al-alim an nahrir) dont les miracles me sont narrés depuis mon enfance (…) Je ne peux tuer le fils de ce saint (walî) (…). Néanmoins, je réunirai autour de lui les grands savants et rassemblerai tous les livres de ce pays. Dans le cas où il aurait raison, il sera le bienvenu, et dans le cas contraire, nous l’éloignerons de notre pays. »
Sa’d Bûh contesta d’abord cette proposition et envoya l’un de ses tlâ- mîdh à l’émir pour lui annoncer que « la terre appartient à DIEU. Selon sa volonté, il l’attribue (yûrithuhâ) à ses créatures. » Mais Sa’d Bûh finit par accepter l’invitation de l’émir au moment où son frère al-Mâmûn vint du Brâkna pour le soutenir face à ses adversaires et pour le convaincre d’assister à ce débat.
Après ce débat -défi, selon Sa’d Bûh, tous les savants rassemblés à la cour de l’émir s’inclinèrent devant lui en reconnaissant son statut de grand savant et de Saint. L’émir présenta immédiatement ses excuses à Sa’ d Bûh en rejetant la responsabilité des désagréments sur son entourage. Il dit ensuite à Sa’d Bûh : « Voici maintenant mon territoire (‘ardî), habite où tu veux. » Ceci n’empêcha pas Sa’d Bûh de lui répondre : « la terre est à DIEU. Il l’attribue comme bon lui semble et, en ce qui vous concerne, vous ne possédez rien. Si dieu veut que je demeure ici, je resterai, et s’il m’en expulse, j’ai déjà quitté mon pays (‘ardi) et les miens (‘ahlî).
Surpris par cette réponse, l’émir sollicita l’intervention d’al-Mâmûn afin que Sa’d Bûh acceptât ses excuses et se réconciliât avec lui. » Après s’être solidement établi dans le Trarza malgré les tentatives d’opposition au début, le Cheikh se dirigea vers le Sénégal.
1-CONTEXTE SOCIO- POLITIQUE DE L’APPARITION DE CHEIKHNA CHEIKH SAADBOU SUR LE TERRITOIRE DU TRARZA ET DU SENEGAL.
Le contexte politico-religieux de l’apparition du Cheikh sur le territoire du Trarza a été décrit au chapitre précèdent, relativement à ses rapports avec l’Emir du Trarza et les oulémas locaux, notamment le Conseil des Notables, organe consultatif de l’Emirat.
La nature de l’environnement physique (zone Sahélienne et désertique), la prédominance de tribus guerrières vivant de razzias et de commerce d’esclaves ont fini de créer une insécurité quasi générale dans le Trarza mais également sur la rive occidentale du fleuve Sénégal (Fouta Toro).
Les attaques répétées des tribus Guerrières contre les populations des deux rives (ex celle contre le village Aly Oury ayant entraîné des pertes humaines et l’enlèvement de troupeaux dans la nuit du 16 juin 1904) et contre des chalands appartenant à la compagnie Devès et Chaumet près du village de Koundel). Jusqu’en 1904, les français ne disposaient que de deux postes avancés en Mauritanie, à Saout El Mâ et à Mederdra qui furent souvent l’objet d’attaque de la part de tribus guerrieres Hassan qui se ravitaillaient en armes (fusils à tir rapide) à partir de la Colonie (enclave) espagnole de la Séguia al Amra (Sahara Occidentale) ou Rio del Oro.
Dans un contexte marqué par l’insécurité grandissante accentuée par la prolifération de réseaux de contrebande d’armes à feu, la présence d’une force organisée et soucieuse de faire respecter la libre circulation des biens et des personnes, fût- elle d’occupation, ne pouvait être que la bienvenue.
C’est pourquoi, les tribus maraboutiques, comme les Awlad Deyman et les Awlad Bieri acceptèrent les tentatives françaises d’annexion de la Mauritanie afin que la paix civile puisse être rétablie.
Il s’agit moins d’un blanc- seing que d’une présence négociée pour le bien des populations. Les français n’hésitèrent pas à armer ces tribus maraboutiques car elles connaissaient le terrain et étaient victimes des razzias afin qu’elles puissent faire face ou mettre fin aux attaques. C’est dans un contexte aussi difficile qu’apparaît le Cheikh qui, notons- le, n’appartient à aucune des tribus de la région du Trarza.
Les Français, connaissant ce fait, voulurent faire de lui, comme de Sidya Baba également, un allié dans leur tentative de pénétration et de pacification de la Mauritanie. Il le lui fit savoir lors de l’entretien qu’il eut avec eux dans le bureau de Gouverneur Valière en 1872, suite à un incident au cours duquel l’autorité coloniale dut mesurer la détermination et les pouvoirs exceptionnels du Cheikh. (Les Zikrs à haute voix des disciples furent considérés comme attentatoire à l’ordre public par la police coloniale de Saint-Louis).
En effet, l’année 1872 constitue une date symbolique et charnière dans l’évolution spatio-temporelle du Cheikh. Après avoir campé sur le site actuel de l’université Gaston Berger (Dakar-Bango) situé à 10 Kms de St-Louis, le Cheikh effectua sa première visite sur l’Ile à cette date.
Durant toute la période où le Cheikh campait à Dakar-Bango, les St-louisiens voyaient chaque nuit une lumière qui pointait au firmament et qui semblait s’approcher de plus en plus de leur cité. Certains crurent qu’il s’agissait d’un incendie gigantesque qui menaçait, d’autres à une apocalypse, l’approche de la fin du monde. C’est l’illustre lettré et homme de sciences, le Cadi Madiakhaté Kala qui trouvera la réponse à leurs interrogations en soulignant que cette lumière qui ressemblait à une pleine lune ne pouvait être que celle du détenteur de la Sainteté unique Cheikhna Cheikh Saadbou (il écrivit quelques vers qui e témoig*). A St-Louis, le Cheikh campa non loin du palais du Gouverneur Colonial avec ses disciples qui psalmodiaient la formule de l’Unicité Divine « LA ILAHA ILLALAH »à mi-voix et de façon répétée. Cette situation déplût à l’autorité qui voulut empêcher à un disciple nommé Mouhamed Lamine Ould Isseu de continuer son Zikr : en effet, dans une extase mystique, ce dernier ne sentit même pas la présence du Colon ; celui-ci le frappa avec son fouet, excédé par son attitude. Il réagit en prononçant le nom « ALLAH » ; subitement, les eaux de l’océan commencèrent à envahir les habitations Saint-louisiennes.
Voyant une telle scène, le Cheikh qui était sous sa tente, intervient pour calmer le saint disciple et empêcha, ce faisant, l’engloutissement de la ville sous les eaux. A la suite de cet incident, le Gouverneur fit venir le Cheikh dans son bureau avec l’intention de le mettre en prison. Au cours de son audition, cette entreprise fut vouée à l’échec après que le Gouverneur eut sommé le Cheikh d’enlever son bonnet pour marquer son respect et sa soumission à son autorité. Le Cheikh répondit qu’enlever son bonnet entraînerait de graves conséquences; sur l’insistance de ce dernier, le Cheikh en poussant le coin de son bonnet, fit basculer, par la grâce de Dieu, les murs du Palais qui ressemblaient à un bateau déséquilibré par la violence d’une rafale ; aussitôt, le Gouverneur, prit de panique, se ravisa et revint à de meilleurs sentiments.
Il sut que le Cheikh n’était pas un homme à qui on pouvait faire peur ou manipuler à sa guise, que sa sainteté n’était pas affectée. C’est à la suite de cet événement que les relations du Cheikh avec l’autorité coloniale furent marquées par le respect et la considération dus au saint homme.
A partir de ce moment, il fut consulté sur beaucoup de problème au règlement desquels, il était incontournable (exemple le refus de Lat-Dior de laisser passer le chemin de fer; grâce à lui également les maures furent exonérés d’impôts et exemptés de service militaire).
Le Trarza, le Walo et les français :
On peut dire que vers la fin du 19e siècle, le Trarza eut un double intérêt pour les français : lieu de passage et de production de la gomme arabique qui sera supplantée par l’arachide, mais également Corridor à sécuriser pour la liberté du commerce sur le fleuve Sénégal (page 32). Les Français s’intéressèrent donc à la Mauritanie pour cette double raison.
Les guerres survenues entre les français et les Emirs du Trarza à partir des années 1830 et entre 1854 et 1858 avaient principalement pour but d’empêcher la mainmise de ces dernières sur le Waalo. Il faut rappeler que les relations entre le Trarza et le Walo sont très anciennes et très profondes (par ex. la reine Djeubeut Mbodj régna à la fois sur le walo et le Trarza.
Zekeria Ould Ahmed Salem (co-auteur de l’ouvrage collectif sur la Mauritanie cité plus bas) raconte que « Ely Ould Mohamed Salem, fils de la reine du Walo et de l’Emir maure est devenu lui-même chef et a recruté jusqu’à un millier de guerriers du Walo, sa deuxième patrie pour ainsi dire ».
Conscients des liens historiques et souvent politiques entre le Trarza et le Walo, les français sous la conduite de Faidherbe « avaient de plus en plus besoin de contester la souveraineté des maures sur le Walo » pour protéger leurs intérêts liés au commerce de la gomme arabique et à l’expansion coloniale. Grâce à sa victoire de 1858 sur les maures, il réussit à les « contenir » sur la rive droite du fleuve Sénégal.
Il faut rappeler que c’est en 1889 que Coppolani a réussi à « convaincre le ministre des Colonies de créer une entité dénommée « Mauritanie Occidentale » et qui regrouperait tous les « maures depuis la rive droite au fleuve Sénégal, Kayes et Tombouctou au Sud algérien et aux confins marocains », selon Alain Antil.(voir ouvrage collectif cité plus bas).
Donc la conquête de l’espace compris sous le nom de Mauritanie fût tardive ; elle ne fût « achevée » qu’au début des années 1913, avec l’occupation du Hodh par une colonne Méhariste.
En 1898-1899, Coppolani entreprit une mission d’études sur la Mauritanie qui est restée pendant longtemps comme « l’arrière pays sauvage St- Louis. »
Pour mettre fin au désordre, aux razzias et à l’insécurité quasi permanente qui régnaient en Mauritanie, les chefs religieux et de tribu comme cheikh Sidya et les guides religieux comme Cheikhna Cheikh Saadbou ne s’opposèrent pas à la présence française au Trarza.
Il faut saluer la perspicacité de ces guides religieux qui surent défendre au mieux les intérêts des populations musulmanes en favorisant une situation propice à la paix civile, les français prônant la liberté du culte et l’instauration des tribunaux musulmans contrairement aux bandes armées qui écumaient les populations à longueur d’année.
Rapports entre sphères religieuses et sphères politiques :
En 1903, Cheikh Ahmadou Bamba est arrêté et déporté, par les français, au Trarza voisin auprès de Baba Wuld Cheikh Sidiya dont la famille entretenait des liens anciens avec celle du fondateur du Mouridisme. Il ne sera autorisé à revenir au Sénégal qu’en 1907.
Au cours de ce séjour, il s’attira beaucoup de disciples principalement chez les Awlâd Deyman qui, selon Abdel Wedoud Ould Cheikh (voir ouvrage collectif cité plus bas), « étaient géographiquement les plus proches de l’aire d’influence du Cheikh Sénégalais, elles étaient les plus engagées dans le commerce au Sud du Fleuve et elles occupaient le territoire où Ahmadou Bamba a passé quatre années en résidence surveillée… »
« Les disciples maures du chef mouride auraient joué un rôle appréciable, comme enseignements et copistes dans l’établissement confrérique crée par Ahmadou Bamba, qui savait se montrer généreux aussi bien avec ceux qui le servaient directement qu’avec les simples et nombreux sollicitateurs de passage selon Abdel Wedoud Ould Cheikh, professeur à l’Université de Nouakchott et co-auteur du livre " les Trajectoires" d’un Etat- frontière, espaces, évolution politique et transformations sociales en Mauritanie » publié par le Codesria.
En résumé, on peut souligner que Cheikhna Cheikh Saadbou eut à séjourner à plusieurs reprises au Sénégal. Il eut des contacts avec des rois et des chefs de Canton à l’exemple de Lat-Dior, d’Alboury Ndiaye, de Macodou Sall. Il eut également à rencontrer le notable Mourad Ndao de Mekhé à l’endroit duquel il pria le Seigneur et écrivit quelques vers qui en témoignent.
Abdel Wedoud Ould Cheikh note qu’en 1902, l’administration coloniale qui allait bientôt prendre le nom de « Gouvernement Général » « s’appuie sur un réseau de chefs qu’elle a mis en place, souvent fils des chefs qu’elle a éliminés ».
A partir de 1909, le Cheikh s’établit à Nimzatt, au nord de Rosso, près du chef-lieu de Mederdra. Il y fonda une université qui forma de nombreux sénégalais, maliens et guinéens, sans compter ses relations spécifiques avec les musulmans de St-Louis dont, d’après Zékéria Ould Ahmed Salem « la plupart de leurs signatures de pétition étaient en arabe. Ils étaient éduqués dans les écoles coraniques et théologiques du désert mauritanien et du Fouta : les familles Hamat, Anne ou Seck, entre autres, qui dominaient cette communauté avaient envoyé leur progéniture se scolariser dans les écoles maures de Awlad Dayman, notamment, au même moment où des centaines de St-louisiens fréquentaient l’école fondée en 1880 par Cheikh Saadbou au Trarza ».
2-PRESENCE AU SENEGAL ET RAYONNEMENT SPIRITUEL
Les prodiges que Cheikhna Cheikh Saadbou accomplit à St Louis, où il n’hésita pas à mettre en garde l’autorité coloniale contre sa personne et celle de ses talibés, constituent sans aucun doute une page glorieuse de l’histoire de l’islam.
Cheikhna Cheikh Saadbou parcourut le Sénégal du nord au centre, de St Louis en passant par Tivaouane et Diourbel et convertit des milliers de personnes à l’Islam .Il implanta des Cheikh qui furent des flambeaux éclairant le chemin des milliers de disciples.
Il se rendit également chez les Lébous, à Dakar, sur invitation du dignitaire Lébou Cheikh Youssouf Bamar GUEYE qui a eu à le rencontrer lors de son séjour à St- Louis.
En effet, ce dernier fut émerveillé par la dimension spirituelle du Saint homme lors de cette rencontre.
Le Cheikh, lors de son séjour Dakarois, prédit la prospérité de cette bourgade d’alors, et pria pour l’agrandissement de cette contrée, le développement de la pêche, activité et richesse principales des Lébous et une eau abondante pour ses habitants.
Il faut souligner que le Cheikh, même s’il pratiquait le Wird khadriya, diffusait également les autres Wirds (Tidjanites, Shazilites, Nassirites et nakchabandites) en tant que Khalife du prophète Mouhamed sur terre, Maître de tous les Wirds.
Les talibés élevés au rang de Cheikh furent au nombre de 664. Ils étaient et demeurent des Saints accomplis et sont implantés dans tout le territoire Sénégalais, mais aussi dans la sous-région (Guinée, Gambie, Mauritanie, Mali etc.)
On peut citer parmi eux (sans être exhaustif.) :
Au Sénégal :
Les Chérifs Cheikh Makhfou Aidara et son frère Cheikh Hadramé fils de Cheikhna dont les tombeaux se trouvent à Guéoul la Cité Bénie,Ses neveux Cheikh Al khadrami Ibn Misbâh dont le tombeau se trouve à Ndogondou ( près de Dahra Djolof) et Cheikh Ahmédna Ibn Cheikh Al Khadrami au Ferlo,Cheikh Houyeu ibn Cheikh Talibouya Aboubacar, ses talibés Cheikh Dethie Law SECK à Ngourane ( Louga) , Cheikh Amadou DIOP à Massar (Louga) , Cheikh Souleymane SIDIBE, originaire de Kayes et qui s’établit au Quartier Nord à St- Louis. Dans cette localité, on peut également citer ,Cheikh Mbarick DIOP,Cheikh NDOS,Cheikh Mustapha GUEYE, Abrane GUEYE et Cheikh Ahmadou DIENG.Cheikh Ahmadou NDIAYE à Loboudou (Louga), Cheikh Macodou SALL et Cheikh Mouhamed DJIMBIRI à Kébémer, Cheikh Aldiouma BA né à Ndiâgne et dont le mausolée se trouve à Guet Ardo (Louga) , Cheikh Malick KA à Kayboubdé (Djoloff) Cheikh Alpha Ndiarap à Ndiarap (près de Darou Mousty), Cheikh Mouhamadou Ali SOW et son fils Cheikh Saadbou SOW à Dîgaane ( près de Mbacké), Cheikh Alpha Thiambel à Thionah (près de Mont -rolland) Cheikh Pathé SARR à Sagatta , Cheikh Oumar Foutiyou LY et ses fils Cheikh Ibn Arabi LY et Cheikh Zanoune LY à Thiès, Cheikh Ndiouga DIAGNE du Quartier Dépôt à Thies et dont le tombeau se trouve à Guéoul (Louga) Cheikh Yérim Ndoumbane SECK à Tivaouane , Cheikh Saliou DIENG du village de Keur Salla Deurgane près de Tivaoune, Cheikh Mouhamadou LO ( à Mbour ) Cheikh Ely Manel FALL (Diourbel) Cheikh Youssouf Bamar GUEYE , Cheikh Létyr GUEYE et Cheikh Alpha DIOL à Dakar , Cheikh Ahmadou Mactar DIOP ( originaire de Pire et qui s’établit définitivement à Gab prés de Bambey où se trouve son mausolée ).
Dans le Sine-Saloum ( Régions de Fatick et Kaolack) on peut citer :
Cheikh Moussa SARR et Cheikh Fodé SARR à Niodior (Sine-Saloum) ,Cheikh Malick Sarr à Diouré (Arrt Niodior-Dépt de Foundiougne),Cheikh Abdourahmane THIAM à Soumbel (Arrt Fimela) , Cheikh CISSE Boréba à Samba DIA ; Cheikh Thierno DIALLO et Cheikh Cheikhou SARR Kobongoye( Fimela), Cheikh Boubacar DIOUF à Médina- Fadial (Arrt de Thiadiaye.)
Au Fouta, le Cheikh délivra surtout le Wird tidjane mais également dès fois le Wird Khadre à des hommes de DIEU parmi lesquels on peut citer : Cheikh Mamadou Kane dans le Bakel, Cheikh Slima, Cheikh Hamidou KANE et Cheikh Moussa Kamara à Ganguel dans le Matam ; Cheikh Souleymane et Thierno Yérim Baal dans le Saldé-Diorbivol, EH Hamadou Abdoul Karim dans le Podor et Cheikh Boukhar DATT du Village de Néré.
Le Chérif Cheikh Youba Al Moukhtar ibn Cheikhal Khalifa neveu de Cheikhna dont le tombeau se trouve à Ten-Ten dans le Baol ainsi que son talibé Cheikh Mamadou Kane, le Chérif Cheikh Mouhamed Fadel dit Tourad ibn Cheikh Abass, neveu de Cheikhna dont le tombeau est au cimetière de Soumbédioune à Dakar.
La famille Chérifienne de Dar-Salam et de Binâco dans le Diouloulou et dont le porte étendard est le grand Saint Cheikh Makhfou AIDARA ibn Cheikh ABBA, neveu de Cheikhna Cheikh Saad bouh, celle de Sébikoroto et de Banghère avec chérif Cheikh Sidy et Chérif Younouss Aidara (Tchad 1825 – Banghère –Tanaff 1917).
Il faut également souligner que Cheikhna Bounana Aïdara IBN Cheikh Talibouya ibn Cheikhna Cheikh Saadbou est le fondateur du foyer religieux de Dioffior (dept de Fimela Région de Fatick) où vit une partie de sa famille. Il a contribué à l’islamisation de beaucoup de serères du Sine et certains de ses enfants sont de mères issues de cette éthnie.
En Gambie
Cheikh Ibrahima SANE à Birkama.(Sur ordre du Cheikh, il se mettra au service de Cheikh Makhfou dans sa mission dans le Sud du pays.
En Guinée Conakry :
Cheikh Fantamady,le saint de Kankan, Cheikh Bakary KEÏTA à Siguiri, le malinké Cheikh Boubacar CAMARA à Couralandé, El Hadji Mamadou Kaba DIAKITE.
Au Mali :
Cheikh Faly CISSÉ, Cheikh Bakary DIARRA, Cheikh Salif BA et Cheikh Bacary Maras BA
En Mauritanie :
Ses frères Cheikh Sidyl Khaîri, Cheikh Abdâti et Cheikh Mouftâhi al Khaîri, ses Talibés, Cheikh EL Béchir ould Mbârig, Cheikh Amar Maouloud Ould Cheybateu, Cheikh Guila, Cheikh Mouhamadou Mâ âli, Cheikh Ibn Hanbal, Cheikh Moulay Mbârick, Cheikh Moukhtar dit Ibn Arabi Wadâne, Cheikh Moukhtar Kounta dit Minouwa, Cheikh Abdourahmane ould Jeuweu.
Il faut également rappeler le témoignage unique dans son genre et éloquent du Cheikh à l’endroit de Cheikh Ahmadou BAMBA et les propos élogieux de Cheikh Ahmadou Bamba en guise de réponse. (Voir in fine.)
Témoin de ces liens solides, le fait que le deuxième khalife de Cheikh Ahmadou Bamba (communément appelé Serigne Fallou Mbacké) porte le nom du père de Cheikhna Cheikh Saadbou, Cheikh Mouhammad Fadel.
Il écrit également une lettre d’encouragement à l’endroit d’El Hadj Malick SY dans son entreprise de célébration de la nuit de la naissance du prophète (PSL).
Le Cheikh disparut au 22 émejour du mois béni du Ramadan de l’an 1917 à Nim–Zatt après 69 années consacrées à l’œuvre de revivification de la religion. Il pria son Seigneur pour que son tombeau soit, à l’image de la Kaaba, un lieu de rémission des pêchés et d’exaucement des vœux. Ce qui lui fut accordé sans conteste.
Cheikh Oumar Foutiyou LY, un des disciples du Cheikh et père de Cheikh Ibn Arabi LY, écrivit ces vers merveilleux à l’endroit du Cheikh.
« O tombeau qui renferme ce puits (de science), cette célébrité,
J’ai nommé notre Cheikh Saad Bouh, le rubis des savants
Il y a en toi, grâce au Maître du trône, notre Créateur,
Une mer immense débordante et gonflée de pluies continuelles.
Il y a en toi du savoir, de la piété, une immense
Faveur qui fait oublier les hommes de prodige.
Il y a en toi un descendant de l’Apôtre de DIEU, le
Mondarite, un bonheur des bonheurs, père de nos plus grands maîtres.
Il y a en toi une lumière de la pleine lune, une générosité de la mer ;
Qu’il est considérable ce maître des pieux !
Il a remis à jour la voie des élus divins lorsque les
traces en étaient effacées, donc il a ressuscité des os déjà réduits en poussière.
Il a dissipé l’esprit de rébellion contre Dieu, banni la sottise quand elle devenait monnaie courante, il a repoussé loin de nous l’injustice et les ténèbres … »
A sa disparition, son œuvre fut perpétuée par ses fils Cheikhal Khalifa, Cheikhna Sidaty el Kabîr, Cheikhna Cheikh Talibouya, Cheikh Sidibouya, Cheikh Hadramé, Cheikh Makhfou, Cheikh Mâ oul Aîni, Cheikh Atkhâna, Cheikh Bounana que le Seigneur accroisse leur lumière et nous gratifie de leurs grâces.
La bibliographie du Cheikh est immense à l’image de son œuvre. Parmi ses écrits, on compte 69 œuvres majeures traitant de la mystique et des différents domaines du savoir parmi lesquelles on peut citer :
-Nourou Sirât fî ilmil Tassâwoufi (lumière sur le chemin menant au Soufisme, œuvre grandiose de 666 vers.)
- Ma ‘ yatou Zâtt ;
- Nafkhoul Khâmim fî barakâti Bismillâhi Rahmâni Rahîmi :
Dans cet ouvrage, le Cheikh parlant des bienfaits de la Basmala raconte un événement qui lui est arrivé lors d’un voyage par bateau à voiles sur le fleuve Sénégal. En effet, au moment où le Cheikh était en train de faire ses ablutions sur le pont du bateau, un vent violent lui fit perdre l’équilibre. Alors qu’il était presque sur l’eau le Cheikh voulut prononcer la Basmala. (c à d BismiLlâhi Rahmâni Rahîmi.)
Il ne prononça que « Bismi » (au nom de) et DIEU tout puissant, par l’effet de sa grâce, transforma l’eau du fleuve en glace et le Cheikh continua ses ablutions sur la glace.
Le Cheikh révèlera plus tard que, s’il avait prononcé la Basmala en entier, l’eau du fleuve aurait tari à jamais.
- Nibrâzul Ma’nâ fil Kâmidi mine Asmâ oul Husnâ ;
-Nuzatoul oubâd (le plaisir des adorateurs etc.)
Ce chiffre correspond aussi à la durée de sa vie.
Les poèmes et panégyriques à l’endroit du Seigneur et de son maître et aeuil, le prophète Mouhamed, ne sauraient être comptés à ma connaissance tant ils sont nombreux et variés. (Leur fréquence est estimée à un khassaîde par mois.)
On peut citer :
- Wassîlatoul Maqâçidi (le Maître Bien-aimé.)
- Al Hamdoulilâhi leuzî lâ you’ tî
- Al Hamdoulilâhi leuzî Tabârakâ
- Al Hamdoulilâhi afouwoul gâfiri
- Al Hamdoulilâhi leuzî a ‘tânî
- Al Hamdoulilâhi wa bismi illâhi
- Aqoûlou bismi illâhi wa rahmâni
- Yâ Rabbanâ Billâhi wa Rahmâni
- Qâla abou Abdoul Azîzi sa ‘ dou
- Qâla abou Abdoul Azîzi al amçali
- Al Hamdoulilâhi leuzî Qad inefarad
- Al Hamdoulilâhi alâ Kamâlihi Jalla alâ
- Yâ Sâhibaya da ‘ânî
- Bizâti Rabbil âlamîne
- Zourtou Rasouloulâhi wa houwa sayyidou.
- Abdâou Bismillâhi khîna atlabou
- Akhlou tassâwoufi Qâlou inna mane raghibâ
- Bi Mîmine wa Hâine wa Mîmine wa Dâl.
- Al Hamdoulilâhil Qadîme.
- Khaîrou nabiyyi mane fâqat noubouwatouhoû
- Yaqoûlou Sa’doul abihi nadjloul fâdili.
- Izâ qadal llâhou aleyka mâ qadâ.
- Yaqoûlou Sa’doul mountamî al fâdili.
- Madahtou bi Chi ’ri sirâdiane adjouze.
« C’est, nous dit Maguette DIAW, ce poème qui a fait pleurer Cheikh Ahmadou Bamba quand Cheikh Sidibouya, envoyé par son père Cheikh na Cheikh Saadbou Chez Khadimou Rassoûl, l’avait récité à son intention. »
Il faut également souligner que la Tarikha Khadriya est la plus répandue dans le Monde ; elle s’étend de la Sierra Léone en passant par le Maroc, l’Iraq, la Syrie (où se trouve le tombeau de Cheikh Ibn Arabi) l’Inde, la Turquie jusqu’en Indonésie, le plus grand Etat musulman, qui est majoritairement khadre
(Source Internet)