Si la saison 1 de la saga Brexit s’était avérée chaotique et sans pitié, la seconde s’annonce tout aussi brutale, voire plus compliquée, car les négociateurs vont entrer dans des discussions très techniques, centrées sur les liens commerciaux entre l’UE et un Royaume-Uni désormais pays tiers. Deux parties bien décidées à défendre bec et ongles leurs intérêts. On en a eu un aperçu furtif, mais sans ambiguïté il y a quelques semaines lorsque la nouvelle présidente de la Commission européenne est venue rencontrer à Londres pour la première fois le Premier ministre britannique.
Accord « Canada Plus »
Malgré les sourires de circonstance dans les salons de Downing street ce 8 janvier et l’évocation de quelques souvenirs sur une école de Bruxelles qu’ils ont tous deux fréquentés à des époques différentes, Ursula von der Leyen et Boris Johnson ont tenu à réitérer fermement leurs priorités et ils ne sont clairement pas sur la même longueur d’onde. Le Premier ministre veut des négociations rapides et a insisté sur le fait qu’un accord commercial ambitieux était possible d’ici décembre 2020. Pas question d’étendre la période de transition. Il envisage un accord semblable à celui qui existe entre le Canada et l’UE, c’est-à-dire n’incluant aucun alignement avec les règles communautaires et dans lequel le Royaume-Uni maintiendrait le contrôle de ses zones de pêche et de son système d’immigration. Ce à quoi la présidente de la Commission européenne a répliqué qu’il serait impossible de conclure un accord de commerce d’ici la date limite de fin 2020. « Nous resterons toujours bons amis, mais les discussions seront dures et il faudra choisir ses priorités », a averti Ursula von der Leyen, ajoutant que le bloc européen était prêt à concevoir un nouveau partenariat avec « zéro droit de douane, zéro quota, zéro dumping au sein d’une relation qui ne sera pourtant plus aussi proche qu’avant ».
Les jalons ont donc été posés, mais les lignes rouges restent inchangées. Il n’empêche, Boris Johnson est un homme pressé. Londres se dit prêt à lancer ses négociations commerciales dès le 1er février. Le Premier ministre britannique doit prononcer un discours ce mois-ci pour présenter ses ambitions d’arriver à un accord de libre-échange, mais de leur côté les membres de l’UE discutent toujours pour déterminer leurs objectifs pour ces discussions. Le mandat européen devrait être approuvé au niveau ministériel d’ici au 25 février, selon des responsables européens, permettant un premier round de pourparlers autour du 1er mars.
Pour Londres, les enjeux sont vitaux puisque l’UE pèse près de la moitié de son commerce extérieur. Des secteurs comme l’alimentaire, l’automobile ou la pharmacie sont très dépendants des échanges avec les 27 voisins européens. Or, pour l’instant le gouvernement britannique envoie des signaux contradictoires : d’un côté, il affirme que le but du Brexit est, en sortant du marché unique et de l’union douanière, de diverger des règles européennes afin de pouvoir conclure des accords de libre-échange avec le reste du monde.
Mais quand ses ministres l’affirment haut et fort, comme le ministre des Finances Sajid Javid, et demandent tout simplement aux entreprises de « s’adapter », ce discours sème la panique dans les milieux économiques. Car faute d'accord commercial, les relations économiques entre Bruxelles et Londres seraient régies par les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avec le retour des droits de douane, très élevés pour certains produits. Résultat, le gouvernement est obligé de tempérer en assurant qu’« il n’est pas question de diverger pour diverger ».
Les experts estiment pour leur part que ce qui risque d’arriver si Boris Johnson persiste à tout conclure d’ici le 31 décembre 2020, c’est que le Royaume-Uni obtienne un accord de libre-échange limité qui garantirait l’absence de droits de douane et de quotas, mais en échange du respect de règles du jeu concurrentielles équitables pour un ensemble de produits ainsi qu’une feuille de route pour de plus amples négociations futures. Il faudra aussi trouver des compromis sur la pêche, la sécurité, le marché de l’énergie – les importations d’électricité et de gaz représentent près de 40 % de la consommation énergétique du pays et peut-être aussi les services financiers.
Un accord « magnifique » avec les États-Unis ?
Parallèlement, le Royaume-Uni veut négocier ses propres traités de libre-échange avec d’autres pays, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, mais aussi et surtout avec les États-Unis. Et qu’importe que l’allié privilégié de Londres compte pour moins de 12 % du commerce extérieur britannique, le conservateur Boris Johnson veut profiter de ses bonnes relations avec Donald Trump qui fait miroiter un accord commercial « magnifique » à Londres.
Les discussions ne s’annoncent pourtant pas si simples, car le Royaume-Uni vient de braver les menaces et pressions de Washington pour autoriser une participation limitée du géant chinois des équipements télécoms Huawei à la construction de son futur réseau de 5e génération mobile, la 5G. Certes, Huawei ne sera pas impliqué dans le coeur du réseau, mais dans des infrastructures moins sensibles, avec une part de marché limitée à 35 %. Mais les États-Unis menaient une intense campagne depuis des mois pour l’en dissuader, accusant Huawei d’espionnage pour le compte du gouvernement chinois. Donald Trump avait laissé entendre que si Londres n’excluait pas le groupe chinois, Washington devrait revoir les conditions dans lesquelles il échange des renseignements avec son allié britannique en matière de sécurité.
Outre ce premier couac, le Royaume-Uni a aussi décidé de maintenir sa taxe sur le numérique susceptible de pénaliser les géants américains du secteur Google, Amazon, Facebook, Apple, dits GAFA. Une taxe qu’il entend mettre en place en avril, malgré les menaces de représailles américaines commerciales, notamment par des droits de douane sur l’automobile.
Autre sujet sensible : pour pouvoir conclure un accord avec les États-Unis, Londres pourrait être obligé d’accepter d’importer des produits aux normes alimentaires bien inférieurs à celles de l’UE avec des risques pour la santé et l’environnement. Ceci dit, le gouvernement britannique assure que ce ne sera jamais le cas. La ministre de l’Environnement Theresa Villiers a promis début janvier sous la pression des agriculteurs britanniques que le « poulet au chlore » ou le « bœuf aux hormones » ne ferait pas partie d’un accord avec les États-Unis et que les barrières à l’importation pour ces produits resteraient en place.
Accord « Canada Plus »
Malgré les sourires de circonstance dans les salons de Downing street ce 8 janvier et l’évocation de quelques souvenirs sur une école de Bruxelles qu’ils ont tous deux fréquentés à des époques différentes, Ursula von der Leyen et Boris Johnson ont tenu à réitérer fermement leurs priorités et ils ne sont clairement pas sur la même longueur d’onde. Le Premier ministre veut des négociations rapides et a insisté sur le fait qu’un accord commercial ambitieux était possible d’ici décembre 2020. Pas question d’étendre la période de transition. Il envisage un accord semblable à celui qui existe entre le Canada et l’UE, c’est-à-dire n’incluant aucun alignement avec les règles communautaires et dans lequel le Royaume-Uni maintiendrait le contrôle de ses zones de pêche et de son système d’immigration. Ce à quoi la présidente de la Commission européenne a répliqué qu’il serait impossible de conclure un accord de commerce d’ici la date limite de fin 2020. « Nous resterons toujours bons amis, mais les discussions seront dures et il faudra choisir ses priorités », a averti Ursula von der Leyen, ajoutant que le bloc européen était prêt à concevoir un nouveau partenariat avec « zéro droit de douane, zéro quota, zéro dumping au sein d’une relation qui ne sera pourtant plus aussi proche qu’avant ».
Les jalons ont donc été posés, mais les lignes rouges restent inchangées. Il n’empêche, Boris Johnson est un homme pressé. Londres se dit prêt à lancer ses négociations commerciales dès le 1er février. Le Premier ministre britannique doit prononcer un discours ce mois-ci pour présenter ses ambitions d’arriver à un accord de libre-échange, mais de leur côté les membres de l’UE discutent toujours pour déterminer leurs objectifs pour ces discussions. Le mandat européen devrait être approuvé au niveau ministériel d’ici au 25 février, selon des responsables européens, permettant un premier round de pourparlers autour du 1er mars.
Pour Londres, les enjeux sont vitaux puisque l’UE pèse près de la moitié de son commerce extérieur. Des secteurs comme l’alimentaire, l’automobile ou la pharmacie sont très dépendants des échanges avec les 27 voisins européens. Or, pour l’instant le gouvernement britannique envoie des signaux contradictoires : d’un côté, il affirme que le but du Brexit est, en sortant du marché unique et de l’union douanière, de diverger des règles européennes afin de pouvoir conclure des accords de libre-échange avec le reste du monde.
Mais quand ses ministres l’affirment haut et fort, comme le ministre des Finances Sajid Javid, et demandent tout simplement aux entreprises de « s’adapter », ce discours sème la panique dans les milieux économiques. Car faute d'accord commercial, les relations économiques entre Bruxelles et Londres seraient régies par les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avec le retour des droits de douane, très élevés pour certains produits. Résultat, le gouvernement est obligé de tempérer en assurant qu’« il n’est pas question de diverger pour diverger ».
Les experts estiment pour leur part que ce qui risque d’arriver si Boris Johnson persiste à tout conclure d’ici le 31 décembre 2020, c’est que le Royaume-Uni obtienne un accord de libre-échange limité qui garantirait l’absence de droits de douane et de quotas, mais en échange du respect de règles du jeu concurrentielles équitables pour un ensemble de produits ainsi qu’une feuille de route pour de plus amples négociations futures. Il faudra aussi trouver des compromis sur la pêche, la sécurité, le marché de l’énergie – les importations d’électricité et de gaz représentent près de 40 % de la consommation énergétique du pays et peut-être aussi les services financiers.
Un accord « magnifique » avec les États-Unis ?
Parallèlement, le Royaume-Uni veut négocier ses propres traités de libre-échange avec d’autres pays, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, mais aussi et surtout avec les États-Unis. Et qu’importe que l’allié privilégié de Londres compte pour moins de 12 % du commerce extérieur britannique, le conservateur Boris Johnson veut profiter de ses bonnes relations avec Donald Trump qui fait miroiter un accord commercial « magnifique » à Londres.
Les discussions ne s’annoncent pourtant pas si simples, car le Royaume-Uni vient de braver les menaces et pressions de Washington pour autoriser une participation limitée du géant chinois des équipements télécoms Huawei à la construction de son futur réseau de 5e génération mobile, la 5G. Certes, Huawei ne sera pas impliqué dans le coeur du réseau, mais dans des infrastructures moins sensibles, avec une part de marché limitée à 35 %. Mais les États-Unis menaient une intense campagne depuis des mois pour l’en dissuader, accusant Huawei d’espionnage pour le compte du gouvernement chinois. Donald Trump avait laissé entendre que si Londres n’excluait pas le groupe chinois, Washington devrait revoir les conditions dans lesquelles il échange des renseignements avec son allié britannique en matière de sécurité.
Outre ce premier couac, le Royaume-Uni a aussi décidé de maintenir sa taxe sur le numérique susceptible de pénaliser les géants américains du secteur Google, Amazon, Facebook, Apple, dits GAFA. Une taxe qu’il entend mettre en place en avril, malgré les menaces de représailles américaines commerciales, notamment par des droits de douane sur l’automobile.
Autre sujet sensible : pour pouvoir conclure un accord avec les États-Unis, Londres pourrait être obligé d’accepter d’importer des produits aux normes alimentaires bien inférieurs à celles de l’UE avec des risques pour la santé et l’environnement. Ceci dit, le gouvernement britannique assure que ce ne sera jamais le cas. La ministre de l’Environnement Theresa Villiers a promis début janvier sous la pression des agriculteurs britanniques que le « poulet au chlore » ou le « bœuf aux hormones » ne ferait pas partie d’un accord avec les États-Unis et que les barrières à l’importation pour ces produits resteraient en place.