Le 15 avril 1989, 96 hommes, femmes et enfants venus encourager l'équipe de football de Liverpool, sont morts dans une bousculade géante au stade d'Hillsborough, à Sheffield. Vingt ans après la faits, la vérité sur ce drame a été rendue publique grâce au travail d'une commission indépendante. Cette dernière a établi que les policiers chargés de l'enquête avaient sciemment tenté de faire porter la responsabilité de l'accident aux supporters de l'équipe de Liverpool en censurant des témoignages et en donnant de fausses informations à la presse.
Il aura fallu toute l'opiniâtreté des familles des victimes, qui n'ont jamais cru à la version officielle des faits et n'ont cessé de demander une nouvelle enquête, pour que cette commission soit nommée par l'ancien premier ministre Gordon Brown. En 2009, vingt ans après le drame, le chef du gouvernement avait annoncé qu'il ferait déclassifier plus de 400.000 documents. Ces derniers ont été examinés par un panel de onze personnalités indépendantes, parmi lesquelles l'évêque de Liverpool.
Sécurité défaillante du stade
Le rapport final, rendu public ce mercredi, est accablant pour les services de police. Le premier ministre David Cameron a tenu à présenter ses excuses auprès «des familles de ces 96 personnes pour tout ce qu'elles ont enduré au cours des 23 dernières années». «Au nom du gouvernement, et du pays tout entier, je veux dire que je suis profondément désolé de cette double injustice, qui est restée en l'état pendant si longtemps», a-t-il déclaré devant le Parlement.
La première de ces injustices réside dans une accumulation d'erreurs ayant conduit à ces décès. Le stade de Sheffield n'était pas adapté pour recevoir plus de 50.000 spectateurs ; un précédent incident l'année précédente avait souligné les risques de bousculades en cas de grande affluence, mais les organisateurs ne l'ont pas pris en compte.
Les supporters de Liverpool ont continué à être massés par les services de sécurité dans une tribune sans sièges, alors que cette dernière était visiblement pleine. Alors que la panique se répandait dans la tribune, où les spectateurs étaient écrasés les uns aux autres, les services de sécurité n'ont réalisé que tardivement ce qu'il se passait. Une mauvaise communication et coordination entre les services ont conduit à une arrivée tardive des secours. Pis, le rapport affirme que près de la moitié des victimes aurait pu survivre si les autorités n'avaient pas estimé qu'il n'y avait plus rien à faire pour elles.
Une volonté d'accabler les victimes
Plutôt que de reconnaître des dysfonctionnements, la police a préféré faire porter le chapeau aux supporters de Liverpool. Ces derniers traînaient derrière eux une mauvaise réputation: en 1985, une bagarre entre des hooligans anglais et des supporters de l'équipe italienne de la Juventus, au stade du Heysel de Bruxelles, avait conduit à la mort de 39 personnes. Très vite, les autorités ont affirmé aux médias que la bousculade était due à l'intrusion dans la tribune de supporters de Liverpool n'ayant pas payé leur billet. Les esprits se seraient alors échauffés.
Les enquêteurs ont également donné de fausses informations au tabloïd The Sun. Ce dernier avait alors, sur la foi de ces sources, publié un article-choc, nommé «La vérité», où les supporters présents dans les tribunes étaient décrits comme ivres et violents. Ils auraient empêché les secours de faire leur travail, auraient uriné sur les policiers, et profité de la panique pour faire les poches des morts et des blessés. Un porte-parole de Margaret Thatcher, alors premier ministre, avait de son côté décrit les supporters de Liverpool comme «une bande de saoûlards».
Le rapport de la commission révèle également que les policiers ont censuré 164 témoignages. Tous les passages où les témoins se montraient critiques envers le travail des forces de sécurité le jour du drame ont été supprimés. Dans une volonté d'accabler les supporters, plusieurs tests d'alcoolémie ont été menés sur toutes les personnes décédées, dont les enfants. Ces tests se sont révélés négatifs. Les policiers ont également recherché dans leurs fichiers tout élément pouvant ternir la réputation des victimes.
«C'est pour ça que les familles et les supporters se sont battus pendant 23 ans. Sans la vérité, on n'a pas pu faire notre deuil. Il y avait tromperie, on voulait la justice», a affirmé une mère d'une des victimes. David Cameron a annoncé que l'Attorney General, le ministre indépendant qui conseille juridiquement le gouvernement, devra «décider s'il veut se tourner vers la justice pour lui demander d'annuler la première enquête [qui avait conclu en 1990 qu'il n'y avait pas assez de preuves pour lancer des poursuites] et en obtenir une nouvelle».
Par Chloé Woitier
Il aura fallu toute l'opiniâtreté des familles des victimes, qui n'ont jamais cru à la version officielle des faits et n'ont cessé de demander une nouvelle enquête, pour que cette commission soit nommée par l'ancien premier ministre Gordon Brown. En 2009, vingt ans après le drame, le chef du gouvernement avait annoncé qu'il ferait déclassifier plus de 400.000 documents. Ces derniers ont été examinés par un panel de onze personnalités indépendantes, parmi lesquelles l'évêque de Liverpool.
Sécurité défaillante du stade
Le rapport final, rendu public ce mercredi, est accablant pour les services de police. Le premier ministre David Cameron a tenu à présenter ses excuses auprès «des familles de ces 96 personnes pour tout ce qu'elles ont enduré au cours des 23 dernières années». «Au nom du gouvernement, et du pays tout entier, je veux dire que je suis profondément désolé de cette double injustice, qui est restée en l'état pendant si longtemps», a-t-il déclaré devant le Parlement.
La première de ces injustices réside dans une accumulation d'erreurs ayant conduit à ces décès. Le stade de Sheffield n'était pas adapté pour recevoir plus de 50.000 spectateurs ; un précédent incident l'année précédente avait souligné les risques de bousculades en cas de grande affluence, mais les organisateurs ne l'ont pas pris en compte.
Les supporters de Liverpool ont continué à être massés par les services de sécurité dans une tribune sans sièges, alors que cette dernière était visiblement pleine. Alors que la panique se répandait dans la tribune, où les spectateurs étaient écrasés les uns aux autres, les services de sécurité n'ont réalisé que tardivement ce qu'il se passait. Une mauvaise communication et coordination entre les services ont conduit à une arrivée tardive des secours. Pis, le rapport affirme que près de la moitié des victimes aurait pu survivre si les autorités n'avaient pas estimé qu'il n'y avait plus rien à faire pour elles.
Une volonté d'accabler les victimes
Plutôt que de reconnaître des dysfonctionnements, la police a préféré faire porter le chapeau aux supporters de Liverpool. Ces derniers traînaient derrière eux une mauvaise réputation: en 1985, une bagarre entre des hooligans anglais et des supporters de l'équipe italienne de la Juventus, au stade du Heysel de Bruxelles, avait conduit à la mort de 39 personnes. Très vite, les autorités ont affirmé aux médias que la bousculade était due à l'intrusion dans la tribune de supporters de Liverpool n'ayant pas payé leur billet. Les esprits se seraient alors échauffés.
Les enquêteurs ont également donné de fausses informations au tabloïd The Sun. Ce dernier avait alors, sur la foi de ces sources, publié un article-choc, nommé «La vérité», où les supporters présents dans les tribunes étaient décrits comme ivres et violents. Ils auraient empêché les secours de faire leur travail, auraient uriné sur les policiers, et profité de la panique pour faire les poches des morts et des blessés. Un porte-parole de Margaret Thatcher, alors premier ministre, avait de son côté décrit les supporters de Liverpool comme «une bande de saoûlards».
Le rapport de la commission révèle également que les policiers ont censuré 164 témoignages. Tous les passages où les témoins se montraient critiques envers le travail des forces de sécurité le jour du drame ont été supprimés. Dans une volonté d'accabler les supporters, plusieurs tests d'alcoolémie ont été menés sur toutes les personnes décédées, dont les enfants. Ces tests se sont révélés négatifs. Les policiers ont également recherché dans leurs fichiers tout élément pouvant ternir la réputation des victimes.
«C'est pour ça que les familles et les supporters se sont battus pendant 23 ans. Sans la vérité, on n'a pas pu faire notre deuil. Il y avait tromperie, on voulait la justice», a affirmé une mère d'une des victimes. David Cameron a annoncé que l'Attorney General, le ministre indépendant qui conseille juridiquement le gouvernement, devra «décider s'il veut se tourner vers la justice pour lui demander d'annuler la première enquête [qui avait conclu en 1990 qu'il n'y avait pas assez de preuves pour lancer des poursuites] et en obtenir une nouvelle».
Par Chloé Woitier