La publication mercredi de caricatures du Prophète parCharlie Hebdo, après une semaine de violences antiaméricaines dans le monde musulman, a conduit le gouvernement français à appliquer promptement le principe de précaution. En jeu, la sécurité des ambassades et celle des ressortissants français. Mais aussi, au-delà des considérations pratiques, la défense d'intérêts politiques et de valeurs démocratiques mises à l'épreuve par les extrémismes à la fois dans le monde arabe et en Occident.
Selon les instructions données mercredi matin par Laurent Fabius, cinq types d'initiatives ont été pris: un message de prudence a été lancé aux Français résidant à l'étranger, une consigne de vigilance aux diplomates en poste, un appel aux autorités des pays concernés pour qu'elles assurent la sécurité des implantations françaises et le renforcement de la sécurité des locaux diplomatiques. En outre, par précaution, les ambassades, consulats, centres culturels et lycées français d'une «vingtaine de pays» seront fermés vendredi, jour de prière.
Le dispositif a été mis en branle en vingt-quatre heures. En visite au Caire, Laurent Fabius prend connaissance mardi en fin de matinée du contenu de Charlie Hebdo. Sur les bords du Nil, le ministre vient de s'entretenir avec le cheikh d'al-Azhar, en pointe pour réclamer une pénalisation du blasphème. La grande autorité religieuse du sunnisme a d'ailleurs officiellement condamné mercredi les caricatures de Charlie Hebdo. Au Quai d'Orsay, on planche sur un dispositif autour du directeur de cabinet, Denis Pietton. Celui-ci assiste, dans l'après-midi, à une réunion interministérielle à Matignon, qui valide les mesures. Entre-temps, Laurent Fabius s'est entretenu avec François Hollande depuis l'Égypte. Les ambassadeurs concernés reçoivent un télégramme diplomatique.
L'exercice est délicat. Le contexte ultrasensible. Les déchaînements de colère contre les ambassades américaines, la semaine dernière, après la mise en ligne d'une vidéo islamophobe, ont démontré qu'une étincelle, propagée par Internet et attisée par une poignée d'activistes radicaux, pouvait enflammer la rue.
30.000 SMS envoyés en Tunisie
Par mesure de prudence - ne pas focaliser, ne pas «antagoniser» -, la liste de la «vingtaine de pays» concernée n'est pas publiée officiellement. «Désigner certains pays reviendrait à fragiliser les autres», souligne un diplomate.
Mais le périmètre est sans surprise: le Maghreb, le Proche-Orient, l'Inde, l'Afghanistan, le Pakistan, l'Indonésie, pays musulman le plus peuplé au monde.
Si le site Internet du ministère des Affaires étrangères est resté mercredi relativement discret, ceux des représentations françaises à l'étranger ont relayé le message d'alerte. Les réseaux d'îlotage, prévus en cas de catastrophe naturelle ou d'instabilité politique, sont réactivés. Chacun est censé être joint par un responsable de quartier, par téléphone, SMS ou fax. En Tunisie, par exemple, quelque 30 000 SMS ont été envoyés aux ressortissants français, souvent des binationaux. Écoles et collèges sont fermés jusqu'à lundi dans la capitale tunisienne, où la polémique fait rage sur le laisser-faire des autorités durant les attaques de la semaine dernière contre les bâtiments américains. À Kaboul, la recommandation aux Français est de limiter strictement leurs déplacements jusqu'à samedi. Même appel à la prudence à Beyrouth. À Bombay, les Français ont reçu mercredi en fin de matinée un e-mail du consulat les informant de la fermeture de l'école et déconseillant de se rendre dans les quartiers musulmans. «La cohabitation entre les communautés est tendue, pourvu que nous ne servions pas de prétexte à de nouveaux affrontements», témoigne un homme d'affaires.
«Toutes ces mesures sont ponctuelles, sauf si…», dit-on au Quai d'Orsay. Prendre les précautions nécessaires, mais sans trop en faire - telle est la difficulté. À Paris, on met en avant la liberté d'expression en appelant à la responsabilité pour éviter les débordements. Avec les mesures de sécurité, le rempart des principes peut-il être efficace? Laurent Fabius exprimait mardi ses interrogations en citant Victor Hugo: «Souvent la foule trahit le peuple».
Par Alain Barluet
Selon les instructions données mercredi matin par Laurent Fabius, cinq types d'initiatives ont été pris: un message de prudence a été lancé aux Français résidant à l'étranger, une consigne de vigilance aux diplomates en poste, un appel aux autorités des pays concernés pour qu'elles assurent la sécurité des implantations françaises et le renforcement de la sécurité des locaux diplomatiques. En outre, par précaution, les ambassades, consulats, centres culturels et lycées français d'une «vingtaine de pays» seront fermés vendredi, jour de prière.
Le dispositif a été mis en branle en vingt-quatre heures. En visite au Caire, Laurent Fabius prend connaissance mardi en fin de matinée du contenu de Charlie Hebdo. Sur les bords du Nil, le ministre vient de s'entretenir avec le cheikh d'al-Azhar, en pointe pour réclamer une pénalisation du blasphème. La grande autorité religieuse du sunnisme a d'ailleurs officiellement condamné mercredi les caricatures de Charlie Hebdo. Au Quai d'Orsay, on planche sur un dispositif autour du directeur de cabinet, Denis Pietton. Celui-ci assiste, dans l'après-midi, à une réunion interministérielle à Matignon, qui valide les mesures. Entre-temps, Laurent Fabius s'est entretenu avec François Hollande depuis l'Égypte. Les ambassadeurs concernés reçoivent un télégramme diplomatique.
L'exercice est délicat. Le contexte ultrasensible. Les déchaînements de colère contre les ambassades américaines, la semaine dernière, après la mise en ligne d'une vidéo islamophobe, ont démontré qu'une étincelle, propagée par Internet et attisée par une poignée d'activistes radicaux, pouvait enflammer la rue.
30.000 SMS envoyés en Tunisie
Par mesure de prudence - ne pas focaliser, ne pas «antagoniser» -, la liste de la «vingtaine de pays» concernée n'est pas publiée officiellement. «Désigner certains pays reviendrait à fragiliser les autres», souligne un diplomate.
Mais le périmètre est sans surprise: le Maghreb, le Proche-Orient, l'Inde, l'Afghanistan, le Pakistan, l'Indonésie, pays musulman le plus peuplé au monde.
Si le site Internet du ministère des Affaires étrangères est resté mercredi relativement discret, ceux des représentations françaises à l'étranger ont relayé le message d'alerte. Les réseaux d'îlotage, prévus en cas de catastrophe naturelle ou d'instabilité politique, sont réactivés. Chacun est censé être joint par un responsable de quartier, par téléphone, SMS ou fax. En Tunisie, par exemple, quelque 30 000 SMS ont été envoyés aux ressortissants français, souvent des binationaux. Écoles et collèges sont fermés jusqu'à lundi dans la capitale tunisienne, où la polémique fait rage sur le laisser-faire des autorités durant les attaques de la semaine dernière contre les bâtiments américains. À Kaboul, la recommandation aux Français est de limiter strictement leurs déplacements jusqu'à samedi. Même appel à la prudence à Beyrouth. À Bombay, les Français ont reçu mercredi en fin de matinée un e-mail du consulat les informant de la fermeture de l'école et déconseillant de se rendre dans les quartiers musulmans. «La cohabitation entre les communautés est tendue, pourvu que nous ne servions pas de prétexte à de nouveaux affrontements», témoigne un homme d'affaires.
«Toutes ces mesures sont ponctuelles, sauf si…», dit-on au Quai d'Orsay. Prendre les précautions nécessaires, mais sans trop en faire - telle est la difficulté. À Paris, on met en avant la liberté d'expression en appelant à la responsabilité pour éviter les débordements. Avec les mesures de sécurité, le rempart des principes peut-il être efficace? Laurent Fabius exprimait mardi ses interrogations en citant Victor Hugo: «Souvent la foule trahit le peuple».
Par Alain Barluet