Ni crime, ni délit. Dominique Strauss-Kahn estime n'avoir rien à se reprocher, il ignorait que ses partenaires de soirées libertines étaient des prostituées. L'ancien directeur général du FMI a confirmé mardi sa ligne de défense au procès du Carlton, où il comparaît pour proxénétisme aggravé.
"Vous n'avez pas changé d'avis?", demande le président du tribunal correctionnel de Lille à l'ancien directeur général du Fonds monétaire international. "Sur la connaissance de l'aspect prostitutionnel? Non", répond DSK.
"Quand on lit l'ORTC (l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, ndlr) on a l'impression d'une activité frénétique", où les dates se mélangent de manière imprécise, regrette l'ancien ministre. "Il n'y a pas eu cette activité débridée", ajoute-t-il.
"Quatre rencontres par an pendant deux ans", comptabilise-t-il. Il reconnaît cependant que cela ne change rien aux faits reprochés.
- Accueilli par trois Femen -
Les traits un peu tirés, en costume sombre, cravate claire, DSK ne se dérobe à aucune question. M. Lemaire lui demande "Etiez-vous l'homme le plus important de ce monde?", il répond en toute simplicité: "Je ne sais pas si c'était le cas, mais on le pensait".
Le président du tribunal lit la lettre envoyée par M. Strauss-Kahn au moment où, durant l'instruction, il a refusé une expertise psychiatrique. "Je n'ai commis ni crime, ni délit", y a-t-il écrit.
Son arrivée mardi matin n'était pas passée inaperçue. Il a été accueilli par trois Femen aux cris de "Macs, clients, déclarés coupables!". L'une des militantes féministes s'est même jetée sur le capot de sa voiture. Devant l'entrée du palais de justice, une longue file d'attente s'est formée.
Trois ans et demi après les premières fuites dans la presse sur son éventuelle implication dans cette affaire, l'ancien directeur du FMI, âgé de 65 ans, a deux jours et demi pour tenter de se disculper à la barre. Il encourt 10 ans de prison et 1,5 million d'euros d'amende.
Le président met les quatre hommes, principaux prévenus du jour, debout devant les juges. Il leur rappelle les conclusions du juge d'instruction: Fabrice Pasezkowski, l'ami de DSK dans le Pas-de-Calais, et David Roquet, ex-directeur d'une filiale d'Eiffage, "organisateurs, recruteurs, payeurs", le policier Jean-Christophe Lagarde "accompagnateur".
Le rôle de DSK a été plus débattu. Le procureur avait d'ailleurs requis un non-lieu sur son renvoi devant le tribunal correctionnel.
Le juge d'instruction a cependant estimé que DSK était au courant de la présence de prostituées, mais aussi qu'il avait commis un "acte positif", en mettant à disposition un appartement à Paris pour des rencontres avec des prostituées.
Ce que reproche la justice à cette équipe, c'est d'avoir amené des prostituées à des soirées organisées à Lille, Paris ou encore Washington, pour faire plaisir à Dominique Strauss-Kahn, "roi de la fête" qui, au minimum, ne pouvait être dupe du petit manège, selon l'accusation.
- Un rapport 'brutal mais consenti' -
Une des ex-prostituées qui s'est portée partie civile, Mounia, déjà sollicitée dans la première partie du procès, s'avance de nouveau à la barre mardi. Elle réaffirme, comme la veille, qu'elle avait été dûment prévenue par son recruteur de l'identité du grand homme, alors favori des sondages pour la présidentielle de 2012.
Elle tente alors de raconter cette sortie dans un hôtel chic de Paris, et sa rencontre avec DSK. Les mots s'étranglent au fond de sa gorge lorsqu'elle évoque un rapport difficile, "brutal mais consenti".
Le président s'intéresse aux circonstances, évite les détails crus comme il l'avait promis au début du procès (du droit, pas de la morale).
"C'est son sourire qui m'a marqué du début à la fin. Il avait l'air content de ce qu'il faisait", souffle Mounia. Pendant son témoignage, DSK reste parfois impassible, à d'autres moments il baisse la tête.
Mounia reconnaît que jamais lors de cette soirée il ne fut question d'argent ou de son statut de prostituée avec l'ancien ministre.
Me Frédérique Beaulieu, seule femme du trio d'avocats de DSK, se charge d'interroger Mounia. Et pose les jalons de la défense.
"Est-ce que vous ne pensez pas, si c'est une réunion de libertins tout simplement, qu'il n'est pas normal que les jeunes femmes soient entreprenantes?", demande-t-elle doucement.
"Pour moi c'était une atmosphère de soirée préparée (...) pour avoir des relations avec Dominique Strauss-Kahn", se contente de répondre Mounia.
A la sortie de l'audience, Me David Lepidi, avocat de l'association "Equipe d'action contre le proxénétisme", partie civile, a défendu un point de vue tranché, devant la presse: "Ce n'est pas l'argent qui qualifie nécessairement la prostitution. Toute la question est de savoir s'il y a eu libertinage ou acte prostitutionnel. Visiblement, il n'y avait aucun consentement réciproque, aucun plaisir partagé, et on ne peut pas en déduire du tout que nous sommes dans du libertinage classique", argumente-t-il.