"Ganar, ganar y volver a ganar", répétait sans cesse Luis Aragonés. Gagner, gagner et gagner encore. Jusqu’à présent en Ligue des champions, "son" Atlético a fait l’inverse. Trois finales, aucune victoire. La "Casi" de 1974 a eu deux enfants, en 2014 et 2016. Chaque fois, les Colchoneros ont touché leur rêve du doigt, sans jamais le réaliser. Chaque fois, le retour sur terre a été brutal. Schwarzenbeck avait arraché l’égalisation du Bayern à la 120e minute, cinq minutes après l’ouverture du score de "Zapatones" Aragonés (1-1, défaite 4-0 en match d’appui).
Sergio Ramos avait égalisé à la dernière seconde pour le Real Madrid avant de décrocher la "Décima" en prolongations. La saison dernière, c’est le poteau qui a réduit les espoirs de Juanfran et des Rojiblancos en cendres lors d’une séance de tirs au but étouffante. Il est temps de mettre un terme à cette malédiction. Allez, on se lance ! Cette fois-ci c’est la bonne : l’Atlético soulèvera sa première C1 à Cardiff.
Un seul lièvre à courir
Ironie de l’histoire, ces trois finales ont été acquises grâce à deux techniciens argentins, Juan Carlos Lorenzo (1922-2011) et Diego Simeone. Au début de la saison 1973-74, "El Toto" avait eu ces mots : "Nous voulons la Liga, mais nous voulons surtout la Coupe d’Europe. C’est le titre que le club n’a jamais remporté. C’est notre idéal, le rêve de tous". Ces paroles ont une résonnance particulière à ce moment de l’année. Cette saison, l’Atlético ne joue plus le titre en championnat, simplement la qualification en C1. Certes la Real Sociedad et Villarreal ne sont pas si loin mais les Colchoneros ont largement les capacités d’assurer leur quatrième place. Ils ont l’esprit libre pour se consacrer en priorité à la Ligue des champions.
Antoine Griezmann penalty kick, Real Madrid-Atletico Madrid, Champions League, AFPAFP
Même si depuis mercredi dernier on n’est jamais sûr de rien et que personne n’est à l’abri d’une crise de "thiagosilvite" aiguë, ils seront en quart de finale après leur succès 2-4 en 8e de finale aller sur la pelouse de Leverkusen. Dès lors, "El Cholo" pourrait reprendre à son compte la tirade de son aîné. Son Atlético n’est jamais aussi fort qu’en mission commando, quand il réinvente le football fondé sur la "garra", le sacrifice de chacun au service du collectif. Les Colchoneros peuvent battre n’importe quel cador européen. Cinq matches pour autant de finales, le couteau entre les dents, sans trop gaspiller d’énergie en Liga. Le timing est opportun, impeccable même. Une chance impossible à laisser passer.
Pas la meilleure année du Cholismo... mais peut-être la bonne
Demandez à un supporter de l’OM ce qu’il pense de l’équipe de 1991 et de celle de 1993. Dans la plupart des cas, il vous dira que la finaliste malheureuse de Bari était plus belle que la victorieuse de Munich. La réflexion pourrait être la même pour l’afición colchonera. L’Atlético a déjà mieux joué avec Simeone, c’est indéniable. En février, on a même parlé de début de crise. Cinq ans et demi de "Cholismo", ça use les crampons, même les plus affutés. Pour remobiliser son équipe, l’Argentin a fait évoluer ses entraînements, en introduisant davantage de séances vidéo, notamment pour corriger les erreurs de défense (déjà 22 buts encaissés en Liga contre 18 en 2015-16), subir moins de contre-attaques et améliorer le rendement dans les 30 derniers mètres avec un joueur axial, particulièrement après les récupérations hautes.
Diego SimeoneEurosport
C’est peut-être ça la force de l’Atlético cette année : les rouages ont grincé et il a fallu repenser la méthode afin de relancer l’énergie du groupe. Et gare à la bête blessée dans son orgueil ! Après l’élimination en Coupe du Roi contre le Barça, Simeone a fait comprendre en filigrane, sous couvert de considérations arbitrales, que l’objectif n’était pas domestique mais bien européen. Un cycle de presque six ans, c’est énorme et c’est cette maturité née des succès (une Liga, une Ligue Europa, une SuperCoupe d’Europe et une Copa del Rey) mais aussi de ses deux échecs en finale de C1 qui permettra à l’Atlético d’enfin remporter la Ligue des champions.
Torres, c’est écrit !
Et puis au-delà des considérations tactiques, soyons un peu romantiques, que diable ! Qui ne rêverait pas de voir Fernando Torres remporter le Graal européen avec l’Atlético ? Certes, il a déjà une C1 au palmarès, avec Chelsea. Mais en termes de symbolique, le clin d’œil serait émouvant. A part Gianluigi Buffon avec la Juventus, difficile d’imaginer meilleur scenario. En 2013, Raúl Jimeno Menottinto a exalté le sentiment colchonero dans le livre "Atleti, vivir en rojo y blanco". Pour clôturer son chapitre sur "El Niño ", il écrit : "Il est parti grandir dans un autre club avec le maillot de l’Atleti en-dessous. Il a joué pour Liverpool et désormais à Chelsea et il continue à le porter. Il gagnait avec l’Espagne et se revendiquait colchonero. Nous n’avons pas été justes avec Torres mais ça n’a pas d’importance pour lui. Il est de l’Atleti et il sait que le football offre des revanches". C’est l’année ou jamais pour réaliser la prémonition. Et la meilleure manière de dire adieu au stade Vicente-Calderón.
Torres - Atletico Madrid-Celta Vigo - Liga 2016/2017 - LaPresse/EFEEurosport