Lorsque Cheikh Anta Diop vit le jour le 29 décembre 1923 à Caytu, un petit village situé dans la région de Diourbel, l’Afrique toute entière était sous le joug de la colonisation européenne. La domination coloniale ayant pris le relais de la traite négrière atlantique au 16e siècle. Celle-ci avait été précédée par la traite arabo-musulmane. Ainsi, la violence dont l’Afrique fut l’objet n’a pas été et n’est pas exclusivement militaire, politique et économique. Cette violence fut également raciste. En effet, des théoriciens comme Voltaire, Hegel, Gobineau, Lévy-Bruhl etc., avaient cherché à légitimer, au plan moral et philosophique, une supposée infériorité intellectuelle du Nègre. La vision d’une Afrique anhistorique et atemporelle, dont les habitants, les Nègres, n’ont jamais été, par définition, responsables d’un seul fait de civilisation, avait fini de s’imposer dans les écrits et avait été ancrée dans les consciences.
Ainsi, au moment où Cheikh Anta Diop, entreprenait, dans les années 1940 ses premières recherche historiques, l’Afrique noire ne constituait pas « un champ historique intelligible », pour reprendre une expression de l’historien britannique Arnold Toynbee. De même, l’Egypte ancienne était arbitrairement rattachée à l’Orient et au monde méditerranéen géographiquement, anthropologiquement et culturellement.
C’est donc dans un contexte particulièrement hostile et obscurantiste que l’enfant de Caytu a été amené à remettre en cause, par une investigation scientifique méthodique, les fondements mêmes de l’image du monde que l’Occident d’alors véhiculait sur la genèse de l’humanité et de la civilisation. La renaissance de l’Afrique, qui implique la restauration de la conscience historique, apparaissait pour Cheikh Anta Diop comme une tâche incontournable. Il se résolut alors à lui consacrer sa vie.
Combat pour le droit à la parole
En 1946, Cheikh Anta Diop débarque en France avec deux baccalauréats en poche. L’un en mathématique décroché en juillet 1945 et le second en philosophie obtenu en octobre de la même année. Ce double baccalauréat est la marque de la grande curiosité intellectuelle et de la volonté de Cheikh Anta Diop de se doter d’une double formation en sciences exactes et en sciences humaines. Cette option s’avérera décisive plus tard dans son combat. Quand il dira, des années plus tard, s’adressant à des étudiants : « armez-vous de sciences jusqu’aux dents », c’est parce que lui-même en avait donné l’exemple.
Il voulait devenir ingénieur en construction aéronautique
Deux thèses qui seront d’abord rejetées par la Sorbonne...
C’est ainsi que Cheikh Anta Diop s’est lancé dans l’écriture de deux thèses qui seront d’abord rejetées par la Sorbonne avant d’être acceptées en 1960. Mais entre-temps, son livre Nations nègres et cultures publié en 1954 avait fait l’effet d’une bombe. Ce livre est en fait le texte des thèses principales et secondaires destinées à être soutenues à la Sorbonne en vue de l’obtention du Doctorat d’Etat ès Lettres; mais aucun jury ne put être constitué. Aimé Césaire dira à propos de ce livre qu’il est « le plus audacieux qu’un nègre ait jusqu’ici écrit et qui comptera à n’en point douter dans le réveil de l’Afrique ».
Un homme d’une grande probité intellectuelle
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